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Viande froide

La preuve que Gracq n'intéresse que les illettrés ou les machabées m'est fournie par un lecteur du "Monde" - on ne choisit pas toujours ses amis. Celui-ci me fait observer que la nécro. de Gracq est signée Poireau-Delpech, raseur de première classe lui aussi, mais surtout cané depuis belle lurette, avant Gracq par conséquent.

Le titre du papier est un calembour : "Profil Gracq", quelque chose comme ça, vu qu'entre les petits escrocs de province abonnés au "Canard enchaîné", la racaille républicaine qui ne jouit que des déboires des puissants, et les grands bourgeois qui ne jurent que par "Le Monde", la différence s'est estompée.

Pourquoi mon pote persiste-t-il à acheter "Le Monde" ? "Par routine", me répond-il, acquiescant toujours lorsque je lui fais remarquer la médiocrité de tel ou tel papelard, un soi-disant critique d'art, Harry Bellet, qui recopie un dossier de presse sur Schongauer pour trente balles de l'heure, un expert ès religions, Tincq, qui ne connaît même pas la sienne dans le détail. La routine tue.

 

Commentaires

  • Ne soyez pas trop injuste avec le "Canard" qui reste - malgré tout - (mais pour pas longtemps, il faudrait en avoir peur) un dernier des "Mohicans" ou des Lapinos. C'est un journal satyrique composés par de gens - des journalistes - comme vous - qui y croient encore - autant que vous.
    Certes, ce ne sont pas souvent des saints ni de grands philosophes (quoi que...) mais la dernière édition relatant notamment la visite de NS chez B16 est toute à leur honneur.
    C'est vrai que le Monde à l'instar du monde est une grosse pouffiasse perdue en son bordel désormais

  • Est-ce qu'on peut aimer Gracq est être ami du lapin?

  • "Est-ce qu'on peut aimer Gracq est être ami du lapin?"

    Ecrit par : Spendius | samedi, 29 décembre 2007

    Oui, parce que je doute que ce gros con de Lapinos ait lu plus d'une page de Gracq. Son avis sur Gracq (comme sur la quasi totalité des sujets dont il cause ici) est exclusivement motivé par la mauvaise foi et le désir de dire "noir" quand la majorité dit "blanc". Vous pouvez donc continuer à être ami avec de parangon de crétinerie auto-satisfaite puisque, n'ayant jamais lu Gracq, il ne peut avoir d'avis sur ce dernier. Sa détestation est, par conséquent, nulle et non avenue.

  • Le "Canard" est un rouage essentiel de la démocratie hypocrite, Lothar, de ce régime de pharisiens.

    D'où croyez-vous que les tuyaux du "Canard" viennent ? De dénonciations téléphoniques, de corbeaux, de vipères anonymes, du ministère de l'Intérieur. Sans balances et sans indics, pas de flics, pas de Gestapo, et pas de "Canard" non plus.
    Ce torchon flatte les sentiments humains les plus bas, et vu qu'on est en démocratie il s'en fait un honneur et un devoir civique. "Voici" est un bouquin pour les pucelles, à côté, c'est un fait.

  • C'est vrai que si je recopiais ici ne serait-ce que trois pages de Gracq (ou de Le Clézio, puisque c'est le même genre de trucage littéraire susceptible d'abuser un esprit de la taille, mettons, de l'esprit de Guillaume Durand), ça serait rendre service à toutes les victimes potentielles de la publicité abusive faite à ce raseur de Gracq qui pourraient être tentés d'acheter un de ses bouquins et de boire cette coupe, que dis-je ce "graal", scolairement, jusqu'à la lie. Mais je ne prétends pas tenir un blogue d'utilité publique. Et l'entêtement des gens à faire leur malheur est presque irrésistible.

    (J'ai une amie qui aime Gracq, mais pas d'ami.)

  • Gracq n'est pas plus bidon que, disons au hasard... Drieu, Lapinos; et sans doute pas moins subversif dans sa partie. Votre avis relève-t-il du jugement ou du goût? En matière de littérature, je ne saurais être aussi expéditif et assuré que vous...

  • Ca viendra avec le temps ; plus on se rapproche de la mort, moins on a de temps à perdre avec les romans pour boy-scouts, vous ne croyez pas ?
    Drieu, comme Céline, est toujours censuré ou précédé d'un avertissement. Une telle unanimité des cons contre Céline et Drieu, c'est un critère littéraire plus sérieux que le papier Bible de la Pléiade.
    En cherchant bien il y a peut-être plus vain que Gracq : Jean d'Ormesson.

  • Si je vous suis, et en extrapolant un peu caricaturalement, mieux vaudrait mettre tout d'équerre en plaçant un avertissement avant les textes de Drieu, Céline tout comme avant ceux de Gracq ou de Camus, les premiers ayant droit à l'anathème, les seconds au mépris? On repartirait du bon pied, à armes égales, les cons coalisés contre toute la littérature, resterait aux lecteurs (les "oiseaux rares" de Borges) à séparer le bon grain de l'ivraie.

  • Les raseurs pontifiants comme Camus et Gracq, il y en a toujours eu, il y a toujours eu un public pour ça ; les pièces de Molière sont remplies de crétins comme Guillaume Durand ; le problème c'est qu'aujourd'hui il n'y a plus place pour une littérature populaire, celle de Céline par exemple, ni pour une littérature plus érudite de poètes ou d'historiens, Sainte-Beuve, Baudelaire, Marx, etc.

    C'est logique que les pauvres gosses confiés à l'Education nationale se tournent alors vers les feuilletons yankis ou les jeux vidéos, quand même moins chiants ; moi-même si on m'avait obligé à lire Gracq en classe de troisième, je ne sais pas ce que je serais devenu.
    Le problème de la démocratie libérale, de Maistre ou Baudelaire l'ont bien compris, c'est l'écroulement des critères et de la hiérarchie ; plus rien n'est à sa place. On ne se moque plus de Trissotin, des bourgeois gentilhommes ou de Tartuffe, on leur confie les rênes de la politique.

  • Les raseurs pontifiants? Et vous qui censurez tout ce qui va contre vous, qui dégueulez vos mots préférés "libéral" "capitaliste" "démocratie" à tout bout de champs sans piger ce qu'ils veulent dire?

    Vous n'êtes pas crédible, Lapin. D'ici peu de temps, je remettrais tout mes posts - rira bien qui rira le dernier, comme dit le proverbe.

    C'est vous le raseur pontifiant - et arrêtez de dire que vous avez lu Gracq, comme Nietzsche, vous avez lu une ligne, ce n'était pas écrit "libéral" - hop, à la poubelle. Pour Bloy, c'est différent, lui il est catholique, vous essayez de vous calquer sur lui, vous qui ne l'êtes pas.

    C'est quand même con, Gracq n'est pas connu du tout...mais vu que Juan Asensio a fait un article sur lui récemment, il vous faut le démentir, même sans l'avoir lu, hein?

    Ah, et quant au Canard: Au fond, ça vous existe vous aussi, vous devez le lire, vu que finalement, les ragots qu'ils disent, vous aimeriez bien les foutre sur ce blog?

    Mon bon...ah, et Voici n'est pas un bouquin.

  • "Rira bien qui rira le dernier" : si vous me faisiez marrer, aussi stupides soient vos points de vue, soyez certain que je ne vous censurerais pas. Mais vous ne me faites pas rire.

    Il y a un côté ésotérique chez Gracq, comme chez Abellio, la petite Sunsiaré, ou chez Le Clézio, Maurice Dantec.
    Gracq n'est pas un mystique mais un mystificateur. Ce fut longtemps un jeu prisé des bourgeois que de s'amuser à faire tourner les tables. L'ennui pousse aux pires extrémités de la bêtise. Le succès plus démocratique d'Harry Potter aussi vient de là.
    Bloy savait parfaitement que l'ésotérisme est l'apanage des faibles d'esprit.

  • Le problème est que vous savez bien que vous avez tort, et comme tout bon lâche, vous censurez. Ne pas connaitre l'économie et prétendre comprendre les plans secrets du Capital, voyez, cela me fait rire, et cela fait rire beaucoup des lecteurs qui passent par là, étant donné (je pense que vous avez remarqué cela) le nombre de personnes qui se foutent de votre gueule. Vous ne dérangez par ce que vous êtes fin, vous dérangez parce que vous êtes idiot et inculte.

    Allez, une petite de notre lapin:

    "Le succès de Harry Potter vient du mysticisme de la bourgeoisie"

    On applaudit!

    Vous ne voyez pas que vous discréditez vous même?

  • Merde, l'autre plus bas est pas mal aussi:

    "Bloy savait parfaitement que l'ésotérisme est l'apanage des faibles d'esprit."

    Ah non, vous êtes fort.

  • "C'est logique que les pauvres gosses confiés à l'Education nationale se tournent alors vers les feuilletons yankis ou les jeux vidéos, quand même moins chiants ; moi-même si on m'avait obligé à lire Gracq en classe de troisième, je ne sais pas ce que je serais devenu."

    Pauvre con. Gracq n'a presque jamais été étudié au lycée (et encore moins au collège, pas le niveau), vu le prix des bouquins (édition Corti). Aucun de mes enseignants n'aurait osé nous faire débourser 100 balles pour un livre : pas mal de familles n'auraient pas eu les moyens de payer. Allez, dites-nous : Quel est le livre de Gracq dont vous avez lu plus de dix pages, si vous êtes jamais allé jusque-là ?

    Par ailleurs, Spendius a raison : Gracq est très peu connu. Il est souvent cité, mais rares sont ceux qui l'ont croisé ailleurs que dans le Lagardémich' - où l'on doit trouver deux extraits, grand max., de l'auteur.

  • Une gonzesse qui m'avait mal compris m'a offert tout Gracq dans la Pléiade ; j'ai jamais eu beaucoup de chances avec les femmes.

  • "Bloy savait parfaitement que l'ésotérisme est l'apanage des faibles d'esprit."

    C'est pas de bol, par ce que de Newton à Baudelaire, beaucoup de grands esprits ont été passionnés par l'ésotérisme.
    Et faites pas l'inquisiteur, car c'est quand même une très partie de leur "oeuvre". On a le droit de s'amuser, merde...

  • Baudelaire est un des rares au XIXe s. à se moquer de la religion socialo-occultiste de ses contemporains (cf Le XIXe s. à travers les âges). Contrairement à Hugo, Nerval ou Sand, pour ne prendre que quelques exemples. Il serait plutôt un partisan de l’alliance du trône et de l’autel, comme Balzac, Barbey d’Aurevilly, Bloy. Le seul reproche qu’on peut lui faire, c’est son satanisme de bazar. Curieusement, cet "adorateur" de Satan aimait cultiver sa ressemblance avec l’uniforme sacerdotal et le style jésuite. C’est le parfait antimoderne.

    En revanche, pour Newton, d’accord avec vous. Kepler également s’adonnait à l’astrologie. C’était une époque où celle-ci n’était pas complètement séparée de l’astronomie.

  • Muray, quelle référence! ...

    "Le seul reproche qu’on peut lui faire, c’est son satanisme de bazar. " C'est justement de ça que je parlais. C'est le même bordel qu'avec "Hugo, Nerval ou Sand", et quant au socialisme, Baudelaire avait de la sympathie pour Leroux.

    C'est un moderne. Comme Bloy, Balzac ou Barbey d'Aurevilly par ailleurs. Ils ont beau dire le contraire: la "théologie bloyenne" est en plusieurs points à des années-lumières de la théologie catholique traditionnelle.

    Chez Baudelaire, je pense que tout le monde remarque ses "hérésies", il est tellement peu catholique qu'on arrive même à le foutre au programme scolaire laïc!

    Quant à Barbey d'Aurevilly, le père spirituel de ces deux derniers, il y a une critique de Zola qu'on peut trouver sur le net, conne mais avec un fond juste, je vous cite le passage le plus pertinent:

    "Mais le côté le plus stupéfiant, chez M. Barbey d'Aurevilly, est le côté catholique. S'il croit à Dieu, ce n'est guère que pour avoir le droit de croire au diable. Le diable l'attire, parce que le diable est excentrique. Pour sûr, le diable sacrifie au dandisme (sic) et cache son pied fourchu dans une bottine de chevreau. On chagrinerait beaucoup M. Barbey d'Aurevilly, si l'on paraissait croire qu'il ira droit en paradis. Il tient certainement à faire quelques années de purgatoire, et je n'affirmerais même pas que l'enfer ne le fasse point rêver. Quand il écrase un écrivain démocratique, quelque suppôt de Satan, on sent une sourde envie dans sa colère. En voilà donc un qui sera foudroyé ! Être foudroyé, quel rêve! Tomber comme l'archange rebelle, pâle encore de la splendeur divine, gardant dans la défaite un front d'une fierté insoumise! Voilà qui serait agréable! M. Barbey d'Aurevilly ambitionne certainement cela, par amour de la plastique. Il se voit dégringolant du ciel, étalé sur le dos, mais dans une pose sculpturale, et regardant encore Dieu en face."

    [http://agora.qc.ca/reftext.nsf/Documents/Jules_Barbey_dAurevilly--Barbey_dAurevilly_critique_litteraire_par_Emile_Zola]

    Tout ce beau monde est inspiré par De Maistre, qui lui même n'est pas un catholique des plus traditionnels (a contrario de Louis de Bonald, par exemple), mais un autre hérétique qui aurait certainement été brûlé vif - à l'époque du zénith du catholicisme tel qu'imaginé par le bobo, Moyen-Âge, Inquisition, tortures et toute la panoplie.

    Ces écrivains là sont beaucoup plus fascinés par Gilles de Rais que par Thérèse d'Avila. C'est une forme d'ésotérisme.

  • Vous tenez à réaffirmer que vous êtes complètement sous l'influence des niaiseries d'Antoine Compagnon, Sébastien. C'est sa thèse qui est complètement ésotérique et gnostique.

    Si Baudelaire n'est peut-être pas un moderne parfait, il n'est pas difficile de voir que son art est imprégné de classicisme, comme celui de son maître Sainte-Beuve (c'est dans le domaine de la critique d'art que Baudelaire est le moins "classique", mais je doute qu'un béotien officiel comme Antoine Compagnon soit capable de s'en rendre compte.)
    Entre Hegel et Baudelaire, même si ce dernier n'a pas la religion de l'Etat (c'est probablement son catholicisme qui l'en empêche), il y a de nombreux points communs. Comme entre Villiers de l'Isle-Adam et Hegel, d'ailleurs. Un esprit superficiel jugera aussi que Villiers est ésotérique et antimoderne.

    Bien sûr il fallait Marx pour extraire la part d'idéalisme de la philosophie de Hegel et produire une pensée véritablement moderne…

    Le véritable antimoderne c'est Proust, exemple-type du bourgeois nostalgique qui se complaît dans les syllogismes archaïques. Pour Baudelaire contrairement à Proust, l'art n'est pas fait pour remplir les musées ou pour être mis en boîte. Bien sûr Baudelaire conserve quelques illusions sur le régime bourgeois mais sa tendance iconoclaste ne lui a pas échappé. Comme Ingres et Delacroix, il fustige la photographie par exemple, en tant que gadget démocratique antimoderne.
    Sainte-Beuve aime Balzac mais il le critique, comme un être vivant. Proust en fait un fétiche, un auteur de la collection Pléiade, à ensevelir dans du papier "Bible".
    Une attitude perpétuée par Sollers, vieux chanoine janséniste déguisé en conquistador qui se comporte de la même façon avec Rimbaud.

    (En outre le satanisme de Baudelaire est beaucoup plus catholique que l'angélisme démocrate-chrétien. Au moins avec Baudelaire on sait à qui on a affaire.)

  • Le satanisme baudelairien (comme celui de Bloy ou de Barbey d'Aurevilly) est peut-être plus catholique que l'angélisme démocrate-chrétien, mais il n'en est pas catholique pour autant. Il y est facile de trovuer des critiques catholiques et pas démocrate-chrétiens pour un sou, qui démolissent Baudelaire, Bloy ou Barbey en invoquant les scolastiques et démontrent à quel point ils sont loin de la tradition catholique.

    Lisez l'article de Zola (le lien ne fonctionne pas on dirait, démerdez-vous), un grand bourgeois. Il a bien analysé Barbey d'Aurevilly, et a très bien compris que si Barbey se proclame catholique, c'est simplement faire chier le bourgeois, et non pour autre chose.

    Zola dit même en substance à la fin de son article que si Barbey d'Aurevilly veut vraiment devenir un anti-bourgeois complet et cohérent, il doit aller beaucoup plus loin:

    "il n'a encore assassiné personne, et il n'a pas même violé une marquise."

    en quelque sorte, il le conseille de se faire marxiste :D

    Et pour revenir à Baudelaire:

    "Sur l’oreiller du mal c’est Satan Trismégiste
    Qui berce longuement notre esprit enchanté,
    Et le riche métal de notre volonté
    Est tout vaporisé par ce savant chimiste."

    "Trismégiste", en général on le colle à "Hermès", une des figures de l'ésotérisme. Si Baudelaire est sataniste, il est ésotérique. Un catholique n'est pas ésotérique - mais justement Baudelaire n'est pas catholique.

  • Je vous signale que Louis Veuillot, catholique antilibéral, adversaire d'Ozanam ou de Montalembert, d'autant plus virulent après que Napoléon III a tombé le masque, a tenu à être présent à l'enterrement de Baudelaire.

    Veuillot était dépeint par ses adversaires comme l'exemple-type de la brute catholique intransigeante. Ils ne lui pardonnaient probablement pas de n'être pas issu d'un milieu bourgeois.
    Pour des catholiques comme Baudelaire ou Veuillot, mais aussi Léon Bloy, Evelyn Waugh, Villiers de l'Isle-Adam, Barbey, Shakespeare, Balzac… c'est de ne pas croire au diable qui est ésotérique et peu orthodoxe.

    Chesterton dit par exemple : "Ôtez le surnaturel et il ne reste plus que ce qui n'est pas naturel."

    Il a été beaucoup reproché à Bloy également par les bourgeois de parler du diable. A l'opposé ce n'est pas un hasard si le conseiller démocrate-chrétien dominicain de Sarkozy, le sinistre Philippe Verdin, méprise ces catholiques-là, Bloy, Veuillot, etc., qui virent dans la religion de l'Etat une forme de satanisme, s'il les balaie du revers de sa soutane, comme s'ils n'avaient jamais existé.
    Un des mérites de Baudelaire c'est qu'il ne confond pas comme les démocrates-chrétiens Jésus-Christ avec Ponce-Pilate ou Créon.

  • "quant au socialisme, Baudelaire avait de la sympathie pour Leroux"

    C’était sa période socialiste, au moment de la révolution de 1848. Il s’en est bien repenti ensuite, comme Barbey d’Aurevilly qui a partagé les mêmes illusions (il a été brièvement président d’un club d’ouvriers). Lisez Fusées et Mon cœur mis à nu, il passe son temps à se reprocher d’avoir été socialiste par haine de la bourgeoisie. Ne confondez pas ces deux moments dans la vie de Baudelaire, au risque de ne rien comprendre à ses idées. Un seul fil conducteur chez lui : la haine de ce qui est bourgeois, moderne — ce qui est une forme de la haine de soi dans la mesure où il est lui-même bourgeois et moderne, par bien des aspects. Mais il n’est pas le seul à tomber dans ce paradoxe.

    Pour le reste, d’accord avec vous, tout cela n’est pas très catholique au sens strict. Maistre ignore la scolastique, il admire Descartes pour la clarté de ses idées. Un théologien qui ferait l’impasse sur la philosophie au Moyen-Âge n’est pas très orthodoxe. Quant à dire qu’il aurait été brûlé vif comme hérétique, c’est aller un peu vite, je trouve.

    Libre à vous de ranger tous ces écrivains dans la catégorie "ésotérisme" mais ne les confondez pas avec ceux du camp d’en face. Eux au moins croient à l’existence du diable, ce qui d’un point de vue catholique est plus orthodoxe que toutes les naïvetés progressistes sur la bonté naturelle de l’homme.

    Lapin : si Baudelaire fustige la photographie, c’est parce qu’elle est un gadget moderne, et non pas pour la raison que vous invoquez. Vous mélangez tout. En revanche, d’accord avec vous sur le satanisme de Baudelaire, qui tient plus de la pose que d’un quelconque goût pour l’ésotérisme. Mais je suis peut-être partial.

  • Veuillot a été à l'enterrement de Baudelaire car il reconnaissait en lui un anti-bourgeois, mais non pas un catholique. Barbey d'Aurevilly ne reconnaissait pas en Baudelaire un catholique, lisez sa critique des Fleurs du Mal. Et Zola ne reconnaissait pas en Barbey d'Aurevilly un catholique.

    Tout ce beau monde n'est PAS catholique. Ils sont catholiques avant tout par ce qu'ils sont antilibéraux, et non par foi catholique. Et le fait qu'il soient fascinés par le Mal (comme l'est Asensio, mais lui, il ne fait que parodier), qui est un point mineur dans la théologie scolastique (et donc dans la théologie catholique traditionnelle)fait d'eux des ésotériques. C'est un ésotérisme cristallisé si vous voulez, monté en religion et imbriqué dans le christianisme, mais ça n'en reste pas moins un ésotérisme.

    Vous dites bien "pour des catholiques COMME Baudelaire, etc" - car pour des catholiques traditionnels, comme Louis de Bonald par exemple, être fasciné par le diable, c'est de l'ésotérisme.

    Le phénomène est tout à fait explicable: Le catholicisme est mort avant Barbey d'Aurevilly ou Baudelaire, les rares qui avaient encore une fibre catholique ont en quelque sorte monté une autre religion, un remix (désolé de la vulgarité) du catholicisme. Le catholicisme existait pendant qu'existait la société catholique, la société catholique démembrée par la révolution bourgeoise, le catholicisme disparait.

    J'irais même plus loin en inversant l'idée: la décadence ne s'est jamais abattu sur la société civile, mais plutôt sur le catholicisme. Pour être plus précis et matérialiste: Sur le clergé catholique. La théologie catholique a toujours été très fragile, à tel point que quelques aspérités peuvent la trahir, et je pense que ce fut le cas. La "théologie" de Kant ou Hume est beaucoup plus cohérente et sûre, et il faut bien avouer qu'un esprit scolastique se maintient scolastique par une forte dose d'autosuggestion, car un seul argument rationnel, innocent, peut renverser tout l'édifice.

    (Barbey d'Aurevilly évite dans ses articles de parler de philosophes, il les dénigre car il sait, inconsciemment peut-être, qu'ils sont plus puissants que la théologie catholique qu'il tente de ressusciter en y mêlant son ésotérisme. Vous dites vous-même Lapin, que Feuerbach est un théologien - ou athéologien - plus cohérent que les théologiens catholiques.)

    La fragilité de la théologie catholique se retrouve aussi chez ces chez nouveaux "docteurs modernes" comme vous les appelez (à savoir, Bloy, Claudel, etc), ce qui explique leur oubli [car on ne parle même pas d'insuccès: quand on parle d'insuccès, on considère qu'il y aurait pu avoir du succès - l'Oubli est beaucoup plus terrible pour un écrivain...Céline a de l'insuccès (on le connait mais on le lit pas), Barbey d'Aurevilly est dans l'oubli (on le connait pas et donc, on le lit pas)].
    Ils tentent de ressusciter le catholicisme, mais rien n'y fait tant qu'il a encore sa fragilité théologique. Ces écrivains que vous admirez sont beaucoup plus marquants quand ils sont critiques que quand ils sont théologiens.

    Chesterton est très surestimé, Lapin. Et ses fameux "paradoxes"...ils sont subtils et drôles, d'accord, mais il faut rappeler ce qu'ils sont avant tout: Des paradoxes.

    "C’était sa période socialiste.."

    Si il dénigra le socialisme par la suite, Sébastien, dénigra-t-il Pierre Leroux? (C'est une question hein, vous devez en savoir plus que moi)

    Je pense avoir tout dit :D

  • ...Plus ou moins en tout cas. Au fait, je suis désolé de ne pas parler spécifiquement à Sébastien ou spécifiquement au Lapin, au début vous vous engueuliez mais dès que j'ai ramené ma tronche, vous vous êtes unis contre moi :D

  • "dénigra-t-il Pierre Leroux?"

    Non, semble-t-il :

    "Le paisible Pierre Leroux, dont les nombreux ouvrages sont comme un dictionnaire des croyances humaines, a écrit des pages sublimes et touchantes que l'auteur de Jérôme Paturot n'a peut-être pas lues." (Les Drames et les romans honnêtes, in La Semaine théâtrale, novembre 1857)

    Mais ça ne fait pas de lui un socialiste.

  • Mouais...rien qu'avec cet extrait, je pourrais vous faire une analyse psychanalytique avec pour conclusion que Baudelaire est un socialiste refoulé.

    (Pas drôle, je sais)

  • Vous divaguez comme un thésard, Sébastien. Bien sûr c'est le jeu des démocrates et des libéraux de tous poils de se dire "modernes" (Même les nazis avec leur philosophie païenne archaïque se disaient "modernes").

    Mais Baudelaire partageait avec Veuillot le mépris du libéralisme et de la démocratie bourgeoise. En aucun cas il ne confond les gadgets philosophiques, et encore moins les gadgets industriels de la bourgeoisie, avec la modernité.

    Baudelaire est assez catholique pour savoir que les progrès de l'art et de la science sont indissociablement liés à l'Eglise catholique qui fut longtemps leur protectrice.
    C'est d'autant plus ridicule de faire de Baudelaire un "antimoderne" qu'il est le prophète autoproclamé de la modernité contre la société civile bourgeoise, telle que Balzac l'a décrite dans sa mesquinerie pathétique à laquelle Marx ne trouve rien à redire.

    La sympathie de Baudelaire pour le communisme n'a rien d'étonnant. Léon Bloy ultérieurement éprouva lui aussi une vive sympathie pour des militants anarchistes ou proches du communisme.
    En Allemagne à la même époque, sous le régime laïc totalitaire de Bismarck, députés catholiques et communistes se sont retrouvés dans l'opposition.

    Encore un exemple ? Villiers de l'Isle-Adam, très moderne en même temps qu'il combat la superstition et les gadgets bourgeois.

    Encore une fois c'est la tactique des bourgeois de présenter la littérature la plus archaïque, Chateaubriand, Proust, Nitche, ou les thèses les plus ringardes, Heidegger, Kant, Popper, Horkheimer, comme la modernité. Il n'y a qu'un fol esprit comme vous pour gober de telles salades.

  • Qui lit Chateaubriand ou Kant actuellement, je vous le demande...

  • Chateaubriant est quand même moins illisible que Proust. S'il y a un écrivain dont la gloire est inversement proportionnelle au nombre de ses lecteurs, c'est bien Proust. Les bourgeois, à commencer par Proust, ont le fétichisme de la littérature, c'est la raison pour laquelle ils haïssent la critique de Sainte-Beuve, qui traite la littérature comme une matière vivante.

    Vous êtes sans doute trop jeune pour avoir vu Edern-Hallier jeter des livres morts par-dessus son épaule au grand dam des bourgeois qui préfèrent, eux, assassiner la littérature elle-même sous le fatras de Proust ou de Sollers.

  • Vous savez, avec internet, on peut tout voir et même revivre l'époque disco...j'aime bien Edern-Hallier.

  • Je ne sais pas, non, je ne suis pas équipé de la vidéo sur ma bécane.

  • C'est une manière de résister à la propagande libérale ça, rester avec la bécane la plus foireuse possible? :D

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