Ce qui me frappe chez le dessinateur Cabu, une des rares “valeurs actuelles” que j’admire, c’est son anachronisme. Son talent, dans le lignage de Daumier, Bofa, Caran d’Ache, Sennep, “par-delà gauche et droite”, est anachronique. Son héritage et ses références : Homère, la Bible, bref la littérature universelle - anachroniques aussi.
Ce travail acharné et patient pendant des lustres, deux ou trois idées par jour dressées sur le papier, "sur le métier chaque jour remettez votre ouvrage", ça non plus n’est pas commun de nos jours où les artistes et les philosophes bricolent des formules comme un magicien sort des lapins de son chapeau à double-fond ; à notre époque où les publicitaires - Andy Warhol, Beigbeder, Séguéla, Sarkozy -, tiennent le haut du pavé (au royaume des démocrates-crétins…)
Il y a donc un principe d’honnêteté chez Cabu. L’anachronisme de ses idées politiques, en revanche, participe de la médiocrité ambiante. Il faut qu’il dessine avec des œillères pour ne pas voir que "les mollahs, les curés et le Front-National" (belle synthèse des frayeurs bobos !), n’ont aucun pouvoir chez nous.
Le ministre de l’Intérieur Sarkozy à la barre des "accusés" de "Charlie-Hebdo", c’est tout un symbole que Cabu a "oublié" de dessiner. Sarkozy était d'ailleurs plus à sa place dans cette parodie de justice en faveur des immondes cochons danois que Cabu et Charlie-Hebdo.
Le meilleur des mondes, c’est fait, on y est, les forces du mal, les mollahs, les curés et le Front-national, ont été réduites à néant, Cabu n’a plus qu’à se taire et à mourir en paix !
Selon Marx, pour que les idées acquièrent de la force, il faut qu’elles sortent des cénacles et des clubs élitistes pour se propager dans toutes les couches de la société. Les bobos peuvent dire merci à Charlie Hebdo pour ce travail de diffusion de leurs idées. Et surtout merci à Cabu, étant donné que ses comparses, le “rasoir” Philippe Val en tête, n’ont pas le dixième de son talent.
Mais après tout Goya lui-même n'était-il pas un "salaud" ?
Commentaires
Avez-vous feuilleté le recueil de dessins de Cabu et Wozniak dont vous reproduisez la couverture ? C'est consternant.
Un peu d'accords avec CC, même s'il y a des choses remarquables dans ce bouquin que j'ai feuilleté.
Ceci étant, publier "l'impubliable" c'est jeter une ombre sur sa noblesse d'esprit ou cirer in fine sa vanité. A trop se moquer des bobos, on le devient un peu.
C'est vrai qu'il est souvent triste de vieillir ; que l'on ait du talent ou pas et les retraites aujourd'hui sont si chères (dans tous les sens du mot...) mon pôvre Môssieur.
Cabu n'a vraiment été génial que sous Mythe Errant. Mai 68 eut quelques qualités ; il ne faut pas le nier...
Ah ! J'oubliais : Bravo pour "Démocrates-crétins"
Le Lapinos fait dans le mauvais calembour (joie) maintenant ?
Les loups et les chats noirs apprécient en tout cas !
"Il resulte de la que le titre de democrate chretien est une insanite, puisque la democratie...est l'irreductible ennemie du christianisme dont elle a poursuivi, en France, l'abolition par le clerge assermente" NON ce n'est pas de Lapinos, mais alors de qui est-ce ?
Je sais pas, disons, Mgr Lefebvre ?
Crétin vient de chrétien… De là à dire que c'est une évolution logique, il y a un pas que je ne franchis pas. Si la poignée de démocrates-chrétiens qui reste était le seul obstacle au progrès, il y aurait motif à retrouver l'espoir ; hélas…
(M'étonne pas qu'il y ait beaucoup de merdes dans ce recueil, Copronyme, vu qu'il est cosigné par Wosniak ; la clé de Cabu est peut-être là ; on a beau être honnête, quand on est entouré de charlatans, on finit par déteindre.)
Mgr Lefebvre ? Hum, pas loin.....c'est de l'excellent Daudet (Leon, pas le papa Alphonse), dont la verve meriterait d'etre plus souvent saluee.
Mgr Lefebvre ? Hum, pas loin.....c'est de l'excellent Daudet (Leon, pas le papa Alphonse), dont la verve meriterait d'etre plus souvent saluee.
Ah oui, Daudet : trente ans (et plus) d'inaction française pour aboutir aux radotages franchouillards de Paul-Marie Coûteaux, certes moins brillants que les causeries de Léon.
Du royalisme maurrassien à la démocratie-chrétienne gaulliste, il n'y avait qu'un pas. Il est vrai que même chez Péguy ou chez Bloy on trouve des traces du nationalisme imbécile et antichrétien de Paul-Marie Coûteaux ou de Finkielkraut. Mais Bloy et Péguy ont quelques excuses que ceux-ci n'ont pas.
Cet art du raccourci historique, qui est votre marque de fabrique, cher Lapinos, nous fera bientôt croire que Louis XIII etait un precurseur de la gay pride et que Saint Francois avait lu les oeuvres de Jacques Duquesne. C'est du reste le grand intérêt de ce blog, son cote "Retour vers le futur"...
Bloy et Péguy ont cédé aux incantations martiales patriotiques à une époque de mobilisation générale des esprits. Nul n'est parfait.
Finkielkraut et Paul-Marie Coûteaux, eux, incarnent la ringardise absolue, ce que Sarkozy veut nous fourguer comme la modernité, même s'il y a un peu de tout dans sa hotte, un mélange de christianisme et de nationalisme païen.
Ce que l'histoire enseigne, c'est le sens de la nuance ; la philosophie, elle, rend con.