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Football et laïcité

On entend souvent des sociologues, des plus ou moins chercheurs au CNRS ou à l’EHESS, affirmer que le football est “révélateur de notre société”. Est-ce que ce genre de tautologie mérite vraiment d’être financée par une bourse d’étude ?
Si l’on dit que la peinture de la Renaissance est révélatrice de la société de la Renaissance, ou que le théâtre grec en dit long sur la société grecque, on a tout dit et rien dit.
Le plus stupide des supporteurs du PSG est capable de voir que le football n’est pas du sport, mais que c’est une activité régie par d’autres règles.

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La question du football est liée indirectement à celle du mythe. Le mythe a pour but de compléter et de nourrir la logique. On ne peut pas dissocier la mythologie grecque de la philosophie grecque. Elles se complètent. Le mythe grec excède même la pensée rationnelle grecque d’Aristote. On peut dire en quelque sorte que la raison grecque vient du mythe et qu’elle y retourne. Aristote traduit en raisonnement l’<I>Iliade</I> et l’<I>Odyssée</I>, mais sans en résoudre complètement le mystère.
Ce qui peut apparaître aujourd’hui comme un récit fantaisiste et incohérent, les “aventures d’Ulysse”, et des penseurs ineptes comme Nitche ou Freud ont contribué à répandre ce préjugé, est en fait la base d’une des civilisations les plus fécondes.

De même la logique juive, le Talmud, vient du récit biblique et y renvoit. Le Nouveau Testament fonde aussi un imaginaire et une logique complètement différente.

Dans ce qu’il faut bien, objectivement, considérer comme une religion, la laïcité, même si la foi de chaque laïc, subjectivement, est plus ou moins profonde, les “Droits de l’homme” occupent la place du mythe. Ils sont à la fois la source des règles juridiques morales et politiques laïques, et en même temps son horizon indépassable. Autrement dit les “Droits de l’homme” et le droit public international fixé par l’ONU sortent du droit commun.

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La spécificité du mythe laïc par rapport au mythe grec, juif, musulman ou chrétien apparaît clairement, même s’il est sans doute possible d’établir des analogies entre la logique juive, musulmane ou chrétienne et la logique laïque (La religion laïque n’est pas une religion “vétéro-testamentaire” pour rien.) : le mythe laïc n’est pas imagé ; il n’est pas, ou très peu, narratif. De là la difficulté du clergé laïc à inventer des cérémonies religieuses originales. Le régime national-socialiste s’y est bien employé avec une conviction particulière, mais les grand-messes nazies et le bric-à-brac de la symbolique mi-viking mi-hindoue ont laissé une impression de pacotille, tout comme la ferveur militaire de l’Empire napoléonien dont les défilés du 14 Juillet, avec leur pompe ostentatoire, sont le reliquat.
Même Hegel, bien que théoricien de l’Etat et du progrès laïc, goûtait assez peu l’art de son époque.

Il n’est donc surprenant que la religion laïque, bridée dans son imagination, s’invente des modes de pensée ou des cérémonies plus concrètes, ne serait-ce que pour satisfaire le goût populaire qui ne jouit guère de l’art laïc du musée Pompidou, même si le populo singe parfois le bobo.
L’emprunt par Darwin à Lamarck de sa théorie imaginative, renforcée d’extrapolations algébriques, remplit à peu près le même office : permettre aux fidèles laïcs de se projeter au-delà de leurs principes théoriques. Si cette projection a pu séduire aussi bien le IIIe Reich nazi que les Yankis ou l’Europe laïque contemporaine, malgré la découverte récente d’indices infirmant la science téléologique de Darwin, l’hostilité de l’imaginaire juif, musulman ou chrétien, à cette transcendance-là, est tout ce qu’il y a de plus logique.
Il n’est pas d’exemple dans l’histoire d’une superposition de plusieurs mythes qui n’ait abouti à la soumission de l’un à l’autre, non à la somme ou à la division géométrique de ces mythes.

Profitons-en pour signaler la déficience profonde de la pensée laïque de Maurras, derrière le style "cicéronien", puisqu’un énergumène tel que Régis Debray, cahin-caha vient de ressusciter Maurras. Cette thèse laïque ignore absolument cette réalité que la religion laïque est d’ores et déjà issue d’un amalgame d’exégèses bibliques marquées par l’autosuggestion. Maurras et Debray veulent rajouter du christianisme à un pastis déjà coupé au christianisme. Ce n’est pas le “retour vers le futur” mais le “grand bond en avant vers le passé”. Il est étonnant que Debray n'ait pas songé, plutôt qu'à la démocratie-chrétienne, à une religion plus jeune comme l'islam pour son Etat laïc. Quitte à faire une cure, autant qu'elle soit de rajeunissement.
Il convient donc pour faire la lumière de classer Maurras et Régis Debray, avec Freud, Nitche et Darwin, dans la catégorie des “penseurs métèques”.

Commentaires

  • Vous pensez mal. Le mot mythe que vous employez pour parler de la philosophie grecque ne veut en fait rien dire.
    La logique grecque se passe parfaitement des mythes de l'Odyssee. Et les mysteres surnaturels constamment sous tendus ne relevent pas forcement du mythe.

    D'ailleurs on voit bien vos confusions dans la phrase suivante :
    'De même la logique juive, le Talmud, vient du récit biblique et y renvoit. Le Nouveau Testament fonde aussi un imaginaire et une logique complètement différente.'
    En fait, le Talmud interprete a sa facon l'Ancien Testament, et le Nouveau ne fonde rien d'imaginaire, et meme ne fonde rien du tout. Il n'abolit pas la loi il la parfait.

    Merci aussi,pour le mythe chretien dont il est fait mention un peu plus loin.

  • Avant que vous ne sautiez sur une formule maladroite, je prefere preciser que ces mots :
    'Le Nouveau Testament ne fonde rien du tout' s'entendent dans ce sens : que le catholicisme ne surgit pas de nulle part historiquement et dogmatiquement parlant, rien de plus.

  • L'imaginaire, l'iconographie de la Renaissance puise bien sûr sa source d'inspiration dans le Nouveau Testament.

    "Pour Irénée, il ne fait aucun doute que le contenu de la foi transmise par l'Eglise est celui reçu par les Apôtres et par Jésus, par le Fils de Dieu. Il n'existe pas d'autre enseignement que celui-ci. C'est pourquoi, celui qui veut connaître la véritable doctrine doit uniquement connaître "la Tradition qui vient des Apôtres et la foi annoncée aux hommes": tradition et foi qui "sont parvenues jusqu'à nous à travers la succession des évêques" (Adv. Haer. 3, 3, 3-4). Ainsi, succession des Evêques, principe personnel et Tradition apostolique, de même que principe doctrinal coïncident."

    Catéchèse de Benoît XVI.

    "Ex Judaeis" me semble comme Léon Bloy l'a noté rendre parfaitement l'idée de racine juive en même temps que de sortie du judaïsme. La preuve c'est que l'idée même de perfectionnement du judaïsme par le christianisme est une idée odieuse pour une grande majorité de juifs. Si les discours amphigouriques de Mgr Lustiger ont pu bénéficier d'une large publicité médiatique, c'est parce que c'est plutôt la thèse du perfectionnement du christianisme par le judaïsme qui a cours aujourd'hui.

  • On va faire simple. Il s'agit seulement de savoir si oui ou non, Jesus est le Messie, c'est a dire le fruit de la promesse divine faite aux juifs seuls de la redemption du genre humain. Vious voyez que ce n'est pas une question raciale, c'est essentiellement dogmatique. (C'est Simone Weil qui constatant que le judaisme a prostitue la religion mosaique ce meme avant Jesus, en deduit que la religion et le gros animal sont la meme chose chez les juifs.)
    Si l'on repond oui a cette question, et l'on ne peut que repondre oui si l'on est catholique, alors le catholicsme est ce qui debouche historiquement et dogmatiquement du mosaisme.

    Si les discours de Lusiger ont retenu l'attention populaire, c'est parce que l'epoque est a l'oeucumenisme a tout crin, rien de plus. Mais c'est abusivement que vous essayer de rattacher mon discours avec celui de Lustiger. Car ce dernier considere, comme vous d'ailleurs amusant non?, que le judaisme post christique est le meme que celui que Dieu imposa jadis a Moise. Il oublie le Christ qui devient une seul prophete, comme pour les musulmans.
    Les juifs raisonnent comme Lustigersur ce point, qu'ils ne considerent pas le Christ comme le Messie dont parlent les prophetes. C'est pourquoi ils ne recevront pas la parole de l'Eglise.

    Naturellement, le cathoicisme s'extrait d'une certaine facon du judaisme, par ce que la Theologie appelle la Nouvelle Alliance. Nous mangeons du porc et ne nous circonsisons pas. Courage, Lapinos, bientot vous comprendrez peut etre ce que je veux dire.

  • Simone Weil souligne l'aspect révolutionnaire de la Révélation. Ça n'a rien à voir en effet avec un problème racial, même si l'élection du peuple juif est remise en cause par saint Paul, par le christianisme. D'où les pamphlets juifs contre Jésus, ou l'accusation récente contre saint Paul d'avoir "volé" la religion des juifs, formulée par le médiocre Yann Moix pour lécher le cul de je ne sais trop quel juif influent (Le luthérien Nitche déteste saint Paul lui aussi.)

    Là où je rejoins Simone Weil, c'est qu'en effet depuis la révolution bourgeoise de 1789 l'aspect révolutionnaire de la Révélation est comme occulté, y compris et surtout par le clergé.

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