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aristote

  • Bacon contre Aristote

                Cette note a pour but d’éclairer un épisode majeur de l’histoire moderne des sciences, parfois mal compris. Sur l’importance de cet épisode, je reviendrai dans ma conclusion, en précisant pourquoi le propos de F. Bacon reste novateur, bien que plusieurs siècles se sont écoulés depuis.

    On relève dans les écrits du chancelier Bacon de nombreuses critiques de la philosophie d’Aristote, en particulier dans son « Novum Organum », dont le titre indique un changement de cap par rapport au philosophe et savant grec. Pour filer la métaphore nautique, F. Bacon estime qu’il est temps pour l’homme de se donner les moyens de « franchir les colonnes d’Hercule » du Savoir.

                A travers Aristote, c’est surtout la scolastique qui est visée par F. Bacon, c’est-à-dire la
    francis bacon,science,aristote,novum organum,voltaire,shakespearepensée scientifique dominante de son temps, à laquelle B. reproche de s’épuiser en vaines exégèses de la doctrine philosophique et scientifique d’Aristote.

                En inculpant Aristote plutôt que la scolastique, F. Bacon atténue les coups qu’il porte au savoir académique et ses représentants, afin de ne pas tomber dans un des travers qu’il impute à Aristote, à savoir le goût et l’usage excessifs de la polémique. « La vérité n’est pas, explique F. Bacon, du côté de celui dont les arguments sont les plus convaincants ou qui plaide le mieux. » Telle qu’elle se présente du temps de Bacon, la scolastique est surtout un art rhétorique, dont le contenu scientifique est pauvre et qui entrave le progrès de la science (Bacon explique de façon détaillée comment la dialectique conduit à des erreurs de jugement).

                Un autre péché de la scolastique aux yeux de Bacon est le culte excessif de l’Antiquité gréco-romaine, dont Bacon s’est astreint au long de sa vie à faire un bilan juste, en tirant le meilleur parti de chaque auteur, pour peu qu’il soit digne d’intérêt.

                Pour donner une image, Bacon se comporte exactement comme un affamé qui aurait trouvé une orange dans la rue et s’appliquerait à en détacher les parties pourries pour se réserver les seules encore mangeables ; tel est l’usage que Bacon fait des doctrines antiques ; cette image a l’inconvénient de dissimuler l’effort surhumain accompli par Bacon pour trier le bon grain de l’ivraie en passant au crible les auteurs antiques.

                En comparaison les érudits qui se réclament d’une antique tradition multimillénaire enfouie, dont ils auraient retrouvé la trace dans quelque vieux grimoire, tel un Pic de la Mirandole, un Henry More (ou l’un de leurs successeurs), font penser aux alchimistes qui seraient, à les entendre, sur le point de découvrir la transmutation des corps vils en or, mais se gardent bien d'en donner la recette.

                Le reproche adressé à Aristote vise donc d’abord la méthode scientifique ; la science ne peut donner de véritables fruits sans une bonne méthode selon F. Bacon ; ce principe est admis depuis le XVIIe siècle sans pour autant que la méthode prônée par Bacon, qu'il nomme "induction vraie", ait pour autant fait florès. Sur le plan de la méthode ou du raisonnement scientifique, Aristote était de l’école de Platon.

                Quant aux éléments effectifs ou concrets de la science d’Aristote, bien que B. fasse grief au philosophe et savant grec d’être trop approximatif ou lacunaire, et de ne pas percer ainsi les mystères de la Nature en profondeur, on doit remarquer que B. s’accorde avec le géocentrisme (position centrale de la terre dans l’univers) d'Aristote et Ptolémée, géocentrisme plus conforme à l’expérience que le système héliocentrique (mouvement de la terre) de Copernic, qui constitue le préambule de la théorie de la relativité, c’est-à-dire d’une représentation de l'univers fondée sur le calcul des distances interplanétaires (comme une planisphère terrestre est une représentation algébrique de la terre).

                Pour résumer (à l'extrême) le bilan détaillé du chancelier F. Bacon, disons qu’il estime la science de Démocrite, posant les bases de l’atomisme, meilleure que celle du précepteur d’Alexandre. B. accorde peu à Platon dans le domaine de la science physique ; et à Pythagore il accole toujours le qualificatif de « superstitieux », refusant de le ranger parmi les savants à part entière.

                De l’Egypte il est difficile de parler, dit Bacon ; quant aux Romains, ils ne sont pas doués pour la science, la politique étant l’essentiel de leur part. Sur les Grecs on peut donc prendre un appui, à condition de ne pas considérer le savoir des Grecs comme un sommet.

    *

               Disons maintenant pourquoi ce qui paraît une opposition ancienne à la science scolastique, remontant au début du XVIIe siècle, demeure d’actualité.

                Pour simplifier mon propos, je passerai par le truchement de la philosophie des Lumières, qui un peu moins de deux siècles plus tard introduit Bacon en France (une grande partie du génie de Voltaire consiste à s’être incliné devant Bacon ; sa plus grande erreur est de ne pas s’être penché assez).

                Donc Voltaire, d’Alembert et Diderot ne se rangèrent pas seulement derrière Bacon et son oeuvre de rénovation, mais aussi un peu hâtivement derrière Isaac Newton, qui passe pour le grand savant de leur temps. Or la théorie de la gravitation d’Isaac Newton, largement déduite des travaux de W. Gilbert sur le magnétisme et les aimants, est peu compatible avec le "Novum organum" de Bacon et le processus d'expérimentation qu'il recommande ; le système de Newton est en effet beaucoup trop hypothétique ou lacunaire pour être admis entièrement selon les critères de Bacon. Qu’on me pardonne de m’en tenir à cette remarque pour compléter ma démonstration que, dès le début –tout du moins en France- Bacon n’a eu que des "demi-disciples", si on peut dire ; F. Bacon a ensuite été relégué de plus en plus, pour ne plus servir que de vague référence ensuite.

                Il serait donc abusif de croire ou prétendre que la réforme scientifique de Francis Bacon a produit tous ses effets. Un lecteur attentif du «Novum Organum» se rendra compte que l’état actuel de la science, à l’aube du XXIe siècle, aurait déçu le chancelier, ne serait-ce qu'en raison de l'éparpillement de la science en une multitude de disciplines, et d'une accointance quasiment "médiévale" avec certaines hypothèses farfelues de science-fiction.

    Dans un autre ouvrage, "La Nouvelle Atlandide", F. Bacon énumère tous les fruits à venir de la science empirique : l'avion, la communication à distance, le réfrigérateur..., comme pour dire : - Ce n'est qu'une question de temps avant que ces inventions, dont on peut déjà décrire le principe, ne soient effectives. On ne doit pas confondre la science avec les inventions qui résultent secondairement de l'investigation des phénomènes naturels. Et Bacon a même prévu que, de cette confusion, pouvait résulter une idolâtrie nouvelle, reposant sur les miracles de la science empirique.

                De nombreux développements ou «excroissances» scientifiques contemporaines contredisent même nettement le projet baconien. On pourrait citer de grands noms (par la réputation) de l’épistémologie au cours des deux derniers siècles qui ignorent le projet de rénovation de Bacon ou s’assoient carrément dessus. Autant dire que presque tous le font, car Bacon ne conçoit pas l’épistémologie comme une discipline autonome.

                On peut résumer les caractéristiques «baconiennes» de la science contemporaine aux différents progrès accomplis empiriquement au cours des quatre derniers siècles dans des domaines aussi variés que la médecine, la physique moléculaire ou atomique, la radiophonie, certains modes de transport révolutionnaires, notamment à travers les airs et l’atmosphère de la terre… à condition de faire un bilan de ces inventions, et de remarquer, par exemple, que la médecine paraît régresser depuis une cinquantaine d’années dans de nombreux pays occidentaux.

                D’autre part, et c’est ici le plus important, les inventions technologiques issues de la recherche scientifique ne sont, du point de vue de Bacon, qu’un bénéfice secondaire ; elles ne sauraient en aucun cas constituer le but principal de la science. En effet, suivant la comparaison de la science physique avec un arbre poussant vers le ciel, qui figure le savoir ultime en ce domaine, les diverses branches ou spécialités de la science ne doivent pas trop s’écarter du tronc à peine de ployer excessivement, voire de céder sous leur propre poids, devenant stériles comme sont les arts qui procèdent exclusivement de l’imitation.

                Or la science contemporaine a l’aspect du réseau de branches enchevêtrées qui forme la canopé, non de l’arbre montant au ciel voulu par F. Bacon ; à l'opposé, la scolastique combattue par Bacon en son temps était une ligne droite tirée en partant du sol jusqu'au ciel, mais entièrement théorique et dépourvue de branches et de fruits. Démontrer l'existence de Dieu est de même absolument inutile puisque la distance qui sépare l'homme de Dieu est infranchissable par le moyen de l'intellect.

                D’une grande prudence et loin de croire le progrès scientifique une chose facile, pouvant reposer sur les forces d’un seul, F. Bacon envisage qu’il y aura, au cours du voyage pour franchir la limite des colonnes d’Hercule, accidents et naufrages, déceptions, comme lors du voyage de Christophe Colomb afin de découvrir le Nouveau Monde et permettre la cartographie complète de la terre.

  • Dialogue avec l'Antéchrist

    Je donne ici un extrait de mon étude en cours dédiée à l'Antéchrist de F. Nitche, extrait tiré du chapitre sur la philosophie naturelle de cet antichrist, qu'il résumait dans la formule de "l'éternel retour".

    "(...) La physique de Nietzsche et moins proche d’Aristote qu'elle n'est d'Héraclite (VIe siècle avant J.-C.), promoteur du feu comme « élément primordial ». Cette philosophie naturelle évoque le mythe de Prométhée, offrant vie à l’homme, sa créature, sous la forme du feu. La cohérence satanique de la doctrine de Nietzsche se trouve renforcée par ce rapprochement. En effet le mythe de Prométhée est, avec la Genèse attribuée à Moïse, l’une des plus anciennes explications de Satan et de son rapport avec les lois de la physique, dont volonté et vertu humaines découlent.

    Le feu, énergie d’origine solaire, dont nul ne peut se passer pour vivre, illustre parfaitement le thème de l’éternel retour puisque la nature est ainsi résumée à une source d’énergie intarissable, faisant et défaisant l’homme, qui ne peut faire mieux que trouver le meilleur moyen de jouir de la vie, c’est-à-dire l’art le plus propice à ce dessein, par-delà bien et mal.

    Matérialiste, la doctrine de Nietzsche se rapproche bien de la science physique grecque (présocratique) qui refuse en général de concevoir le cosmos comme étant, conformément à l’homme, le résultat d’un processus créatif. Cependant « l’élément feu » est celui qui symbolise le plus le processus de création.

    Aristote pour fonder sa métaphysique par-delà les différentes philosophies naturelles de son temps, ne manque pas de critiquer Héraclite en avançant l’absurdité d’une préséance de l’élément feu sur les autres éléments naturels, quand l’observation scientifique conduit au constat de la coexistence des éléments. La critique d’Aristote signifie que toute philosophie naturelle, qu’elle soit matérialiste ou idéale, trouve son unité dans l’homme, qui est dépourvu de cette qualité propre à l’univers ou au cosmos.

     

    A y regarder de plus près, la philosophie naturelle de Nietzsche est aussi peu représentative de l’antiquité grecque que la philosophie d’Héraclite fut. Cet aspect primordial du feu, et donc du soleil, incite à relier plutôt la doctrine de l’éternel retour à la culture de l’Egypte antique. Il est plutôt étonnant que Nietzsche n’ait pas lui-même invoqué cette culture, parfaitement antagoniste du judaïsme honni."

  • Science et christianisme

    Si la philosophie de Thomas d'Aquin est aujourd'hui caduque, et la formule de l'Eglise catholique romaine qui consiste à honorer ce philosophe chrétien-platonicien vide de sens, la raison en est que l'Eglise romaine a perdu à peu près tout crédit scientifique au fil des siècles ; on est plus habitué aujourd'hui à entendre le clergé se prononcer sur les questions sexuelles les plus triviales, de "bonnes femmes", que sur les questions de science. Parfois le clergé catholique romain se plaint de l'obsession des médias pour des matières aussi peu spirituelles, mais à vrai dire l'Eglise romaine est une institution féminisée à l'extrême où l'on se passionne vraiment pour les problèmes de moeurs et les questions juridiques.

    Or l'effort de Thomas d'Aquin porte justement surtout sur les moyens d'accorder la vérité chrétienne à la vérité scientifique "commune", accord à vrai dire impossible en ce qui concerne Platon, qui n'est pas un véritable savant, mais qu'il faut regarder plutôt comme un prêtre païen.

    Un autre exemple illustre à quel point Thomas d'Aquin est caduc : la théorie de l'évolution ; de très nombreux catholiques romains s'en font aujourd'hui les avocats, certains même comme s'il s'agissait d'un article de foi, par crainte de ne pas être à la mode, handicap fort gênant du point de vue de la propagande. Or il est fort peu probable, compte tenu de sa formation intellectuelle aristotélo-platonicienne, que Thomas d'Aquin eût cautionné l'hypothèse du transformisme. La science naturelle païenne est en effet incompatible avec la thèse du transformisme, qui sent l'anthropologie moderne à plein nez. Les savants païens sont très loin de croire les singes capables d'apprendre la lecture ou l'écriture, voire la présentation d'un JT, contrairement aux savants modernes. Ce sont d'ailleurs généralement les mêmes catholiques romains qui ont foi dans le darwinisme ET la démocratie, pure superstition juridique.

    Thomas d'Aquin est caduc au sens où je viens de l'indiquer que la communauté scientifique catholique est dissoute depuis longtemps et l'Eglise romaine soumise aux diktats technocratiques désormais. En un sens moins visible, il n'est pas complètement "out", car les clercs du moyen-âge sont tout de même à l'origine de cette grande broderie qu'est l'anthropologie moderne, continuée par d'autres philosophes après eux jusqu'à aujourd'hui, plus ou moins déistes ou athées - anthropologues d'abord. Contrairement à l'affirmation gratuite du pape-philosophe Ratzinger, issu de l'école des crétins philosophes de Francfort, le christianisme ne peut fonder un discours anthropologique, puisque l'amour vient exclusivement de dieu et que la chair, elle, est faible. "Pas de salut chrétien par les oeuvres", dit en outre Paul de Tarse, ce qui exclut la philosophie naturelle. Cette prétendue "anthropologie chrétienne" n'est en réalité qu'un résidu de la philosophie païenne de Platon.

     

     

     

  • Théorie du complot

    "L'homme est un animal qui complote" (d'après Aristote)

  • L'Anthropologie chrétienne

    L'anthropologie chrétienne est l'argument derrière lequel le paganisme des soi-disant "élites chrétiennes" s'avance masqué, c'est-à-dire la formule la plus efficace de l'antichristianisme. Cette rhétorique anthropologique subversive évoque la prophétie des apôtres concernant l'avènement de l'Antéchrist, c'est-à-dire une puissance apparemment sympathisante du Christ Jésus, et non pas hostile.

    Les Evangiles sont la parole de dieu, du point de vue chrétien, et par conséquent intangibles : nul ne peut y ajouter ou y retrancher, à moins de commettre le péché de fornication, c'est-à-dire non pas une faute du point de vue anthropologique, mais un péché contre l'esprit de dieu. L'inaltérabilité de la parole divine est indiquée par la mention qu'elle durera plus longtemps que la terre elle-même, c'est-à-dire que l'humanité.

    La difficulté de l'homme à comprendre la parole divine tient d'abord à la nature pécheresse de l'homme. L'anthropologie chrétienne semble hésiter entre la source divine de la vérité et la raison humaine commune. Or, comme on ne peut se satisfaire d'une demi-science, qui ménagerait une place au mensonge, on ne peut se satisfaire d'un demi-christianisme, trempé dans l'eau tiède du désir et des ambitions humains. Tandis que le Messie nous dit que le christianisme est à prendre ou à laisser, d'une certaine manière l'anthropologue chrétien nous dit le contraire.

    Où l'on discerne encore que l'anthropologie chrétienne est satanique, c'est sur le plan social ou mondain, puisque le Messie, poursuivant le but du salut de l'homme, méprise absolument le plan social ou mondain, tandis que le but sournois de l'anthropologie chrétienne est de le revaloriser.

    Le clergé chrétien, romain en particulier, prétend donc avoir inventé une méthode complémentaire de l'enseignement de la parole divine. Or cette méthode n'est ni plus efficace, ni complémentaire : elle contredit et occulte l'amour et l'esprit de vérité chrétiens, exactement pour la même raison qui incita le clergé juif à trahir l'esprit de la loi de la Moïse en se l'appropriant. Or cette opération de blanchiment du monde à l'aide de l'anthropologie chrétienne est à l'arrière-plan de tous les génocides de l'Occident moderne : elle a servi à battre le rappel des foules ivres de bonheur et de sang. Arrachez le masque de l'anthropologue athée ou moderne, et vous découvrirez au-dessous celui de l'anthropologie chrétienne, acharnée à traduire le message évangélique en propositions sociales impossibles.

    L'anthropologie chrétienne est également indissociable de l'élitisme ou de l'esprit de caste, car bien entendu les élites sont actionnaires du monde, bien plus que ne le sont les personnes du peuple, asservies aux chimères et aux utopies sociales. Si cela semble assez évident en ce qui concerne l'ancien régime et sa consolidation à l'aide de lois chrétiennes, ça n'est pas moins vrai en ce qui concerne la démocratie, régime plus sournois mis en place par les élites bourgeoises afin de tenir les peuples en haleine.

    - La médiocre encyclopédie Wikipédia traite dans un article de la notion confuse d'anthropologie chrétienne ; en préambule, l'article indique que l'anthropologie chrétienne doit surtout à trois noms (sic) : Aristote, Thomas d'Aquin et Jean-Paul II. Suivant le propos de cet article, destiné à justifier grossièrement la "cause sociale chrétienne", Aristote serait un précurseur du concile Vatican II. Il s'agit ici de l'interprétation d'Aristote par Thomas d'Aquin, représentatif de l'effort du clergé du moyen âge pour rendre la société civile compatible avec les exigences évangéliques - effort sournois et impossible, puisque la spiritualité chrétienne s'efforce de souligner l'assise sociale dans le mensonge, le péché et l'absence de spiritualité. Thomas d'Aquin fait en outre dire à Aristote le contraire de ce qu'affirme le savant naturaliste grec, à savoir qu'il est improbable physiquement que l'âme persiste au-delà de la mort, et que certainement l'âme n'est autre qu'un principe physique, et non divin ou métaphysique. Or la croyance dans la persistance de l'âme n'est pas plus requise du point de vue chrétien qu'elle est requise du point de vue d'Aristote : cette croyance répond à un besoin anthropologique ou social, éthique.

    - L'ancien évêque de Rome Jean-Paul II, quant à lui, ignore délibérément que les symboles chrétiens - les paraboles et l'apocalypse chrétiennes s'appuient largement sur des expressions symboliques - ces symboles et métaphores ont une signification opposée à celle des symboles et métaphores païens, qui ont, eux, bel et bien une valeur anthropologique, tandis que les symboles et les métaphores chrétiens ne peuvent produire d'effet sur le terrain anthropologique ou social, c'est-à-dire des choses temporelles. Les évangiles, notamment, démystifient l'érotisme, qui au contraire sur le plan anthropologique est systématiquement une denrée mystique.

    Même le vitriol déversé par Nitche au nom de Satan sur les évangiles et l'anthropologie chrétienne moderne qu'il accuse d'avoir inversé les valeurs bien plus réelles de l'anthropologie païenne, ce vitriol est moins néfaste, car il met à jour certaines parties authentiques du christianisme, notamment l'inaptitude de celui-ci à servir un quelconque art ou à justifier une quelconque société.

  • Métaphysiques

    Pierre Pellegrin est l'auteur d'une préface assez intelligible et honnête à la théologie matérialiste d'Aristote, exprimée notamment à travers le recueil de leçons intitulé "Physique" (éd. Flammarion, 2002).

    Relevons d'abord une erreur d'appréciation : le matérialisme d'Aristote ne heurte pas le point de vue chrétien, contrairement à ce que P. Pellegrin suggère. Le matérialisme d'Aristote est gênant du point de vue éthique ou moral, dans la mesure où il empêche de dire une quelconque morale "universelle". Pour prendre un contre-exemple : les syllogismes maladroits d'Einstein, eux, le permettent. Donc c'est du point de vue clérical, de l'enseignement moral, que le matérialisme d'Aristote pose problème - non pas du point de vue chrétien. La théologie d'Aristote empêche, ce qui est fréquent dans les régimes totalitaires depuis l'Egypte antique afin de légitimer les institutions politiques et morales, d'opérer la jonction entre science et éthique.

    Un savant théologien matérialiste plus récent - et chrétien cette fois -, Francis Bacon Verulam (alias Shakespeare), a exposé le danger que représente le rapprochement artificiel de la science et du droit, qui s'effectue au niveau du langage mathématique.

    Ainsi P. Pellegrin ne peut avancer qu'il est logique de s'opposer au matérialisme d'Aristote lorsqu'on est chrétien, à moins de poser l'équivalence du point de vue chrétien et du point de vue clérical élitiste.

    Ce "détail" n'en est pas un, car il permet de replacer Aristote et l'aristotélisme dans le contexte historique, ce que P. Pellegrin a en revanche du mal à faire. En effet, c'est un aspect décisif dans l'histoire moderne que le heurt violent entre le point de vue clérical élitiste et son contraire, fondé sur la théologie. L'élite cléricale prônera toujours la philosophie supérieure à la théologie, car elle détient les clefs de la philosophie. L'anti-élitisme le plus efficace, au contraire, place la théologie au-dessus de la philosophie.

    A cet égard, "Hamlet" est LA tragédie historique majeure, dans la mesure où elle illustre ce heurt violent entre la théologie, incarnée par Hamlet, et la philosophie incarnée par Polonius.

    On voit par exemple que Nitche, au nom de Satan et de l'élite, dans son effort pour restaurer l'ordre naturel antique qui justifiait la domination de sa caste, ne veut pas seulement éradiquer le christianisme avec l'aide du capital et de la race juive : il se débrouille dans sa description de l'antiquité grecque pour en éradiquer tout l'aspect théologique et métaphysique. Fait remarquable : Nitche est moins matérialiste qu'Aristote.

    Comme P. Pellegrin affirme qu'on ne peut comprendre la science d'Aristote indépendamment de sa vision théologique, il devrait être dit que l'optique scientifique élitiste ne peut être comprise indépendamment du besoin pour l'élite de se débarrasser de la notion d'universalité ou de catholicisme, dans la mesure où celle-ci entraîne la remise en cause de l'élitisme et du providentialisme.

    Si le christianisme et la métaphysique matérialiste se montrent hostiles à la musique, comme le Français a tendance à prendre l'Allemand pour le type de l'homme le plus aisément manipulable, c'est parce que la musique propage l'idée d'universalisme la plus truquée. La musique n'est pas plus "universelle" que l'argent.

    Prudemment, trop prudemment, P. Pellegrin fait observer que, si son caractère de science théologique a pour effet de reléguer l'aristotélisme dans le cabinet de curiosités, le même sort devrait être réservé à R. Descartes. En effet, il faut dire plus nettement que l'histoire moderne des sciences est peu ou prou la légende dorée de Descartes, Leibnitz, Newton, Galilée, Copernic, tous physiciens ET théologiens. Qu'est-ce que cette science "laïque" signifie, fondée sur des lois déduites par des physiciens qui se disent chrétiens, et où la géométrie algébrique importée en Occident par des savants mahométans est élevée au rang de science majeure ? Est-ce que l'idée de neutralité scientifique ou de science laïque n'est pas une des plus grosses escroqueries intellectuelles de tous les temps ? Une pensée matérialiste conduira à le penser, car il n'y a rien de "neutre" dans la nature.

    La différence majeure entre Aristote et Bacon d'une part, et les savants mathématiciens chrétiens des XVIe et XVIIe siècle d'autre part, n'est pas une question de foi contrairement à ce qu'on peut lire parfois dans des ouvrages scientifiques médiocres. La différence, c'est que tandis qu'Aristote et F. Bacon sont capables d'articuler les différents domaines de la science entre eux, y compris la science théologique, et de proposer une hiérarchisation des sciences, les savants mathématiciens des XVIe et XVIIe siècle se montrent à peu près incapables de proposer une telle articulation.

    P. Pellegrin conclut ainsi son préambule à la "Physique" d'Aristote : "Mais c'est, évidemment, comme oeuvre philosophique que la Physique a tenu une place de premier plan et continue à donner à penser aux gens de notre époque. Le temps de la philosophie n'est, en effet, pas le même que celui des sciences, et la Physique baigne, plus que bien d'autres ouvrages fameux, dans cette intemporalité qui nimbe les grandes oeuvres de la pensée humaine."

    Par ce galimatia poli, notre préfacier dépose les armes de la pensée aux pieds de la science technocratique et du journalisme, c'est-à-dire de la forme de pensée la plus temporelle. Il fait passer l'intemporel pour le moins utile, alors que ce sont les systèmes d'exploitation technocratiques qui sont les plus superflus. On aurait d'ailleurs aimé que ledit Pellegrin dise de quels "ouvrages fameux" il juge peu utile d'encombrer les bibliothèques, en raison de leur relativisme absolu.



  • De natura rerum

    Où la science naturelle de Nitche est défaillante, et son "Retour éternel" néo-païen :

    - ce qui "dénature la nature" dans la philosophie naturelle de Nitche, provient de ce qu'il l'envisage sous l'angle exclusif du rapport personnel qu'il veut s'efforcer d'entretenir avec elle, c'est-à-dire comme un "potentiel". C'est sans doute un angle à la fois plus limité et plus réaliste que celui de l'exploitation capitaliste des ressources naturelles à l'infini, principal ressort de l'anthropologie moderne fustigée par Nitche.

    Cela revient à considérer le système solaire ou le zodiaque (chiffré 666 dans le christianisme) comme un organisme gigantesque en perpétuel renouvellement. Sans tenir compte de la part qui n'est pas organique, ou seulement comme une base neutre, un point de départ, auquel vient se heurter l'idée de cycle.

    La conscience, pour Nitche, est liée à la vie. Celle qu'il prête à la nature divine, est aussi liée à la vie et aux cycles. Il s'accorde ainsi avec les prêtres romains antiques, et sa morale aristocratique est similaire. Lucrèce, peut-être encore mieux que Nitche, discernait que cette philosophie naturelle est sans solution pratique sur le plan religieux et populaire. Un peu trop dissuasive des travaux des champs pour le compte d'un maître. Les idoles sont nécessaires, leur culte sans doute un peu plus esthétique que le rituel du triage des déchets.

    Cette conception ferme la porte à la métaphysique. C'est-à-dire, selon Aristote, à ce qui dans la nature n'obéit pas aux lois cycliques de la biologie, mais paraît au contraire immuable. Nitche n'a d'intérêt que pour la puissance, la réunion du corps et de l'âme permise par le culte païen, tandis que l'éthique moderne entraîne un effet de division et d'affaiblissement de l'homme sur le modèle de la femme.

    Malgré l'occultation de la métaphysique (mêlée à l'éthique, elle fonde toutes les variétés de pataphysiques), la conception biologique ou vitale des païens Romains, leur "culture de vie", paraît plus sérieuse que les modèles mathématiques anthropologiques, prônés par les technocrates : ces derniers impliquent une conscience plus mécanique, non pas liée à la vie, mais qui serait plus conforme au mobile du robot, le plus éthique, et qui permettrait si l'homme l'imitait, d'accomplir enfin la démocratie.

  • Exit Darwin

    Quelques commentaires sur un ouvrage de Cédric Grimoult, appuyé par le CNRS et destiné à combattre l'hydre créationniste : "Créationnisme - Mirages et contrevérité" (2013).

    Par-delà mes critiques lapidaires des développements à prétention historico-scientifique dudit Grimoult, je souhaite attirer l'attention des pouvoirs publics compétents sur le peu d'utilité du CNRS et l'agravation du déficit public que ses dépenses somptuaires entraînent. Je suis disposé à rédiger un rapport gratuitement pour le compte du ministère compétent, intitulé : "De l'utilité (ou pas) de la recherche dite "fondamentale" dans le cadre technocratique assigné à la science laïque."

    En préambule, deux ou trois problèmes techniques évoqués dans ce bouquin, mais auxquels l'auteur n'apporte pas d'éclaircissement véritable :

    - Le "créationnisme" ne se réfère pas à la Bible ou à la Genèse. En tant qu'elle est soumise au processus de maturation et de pourrissement, la création de la matière vivante n'est pas "le fait de dieu". Autrement dit plus simplement pour le public profane, agnostique ou croyant plus dans l'avenir qu'en dieu, la mort n'a, ni dans le judaïsme, ni dans le christianisme, une cause divine. Elle n'est pas, comme dans certaines religions païennes antiques, une étape nécessaire. Tout au plus le "créationnisme" a pu servir à qualifier la science physique ou naturelle d'Aristote, incompatible avec la théorie moderne de l'évolution, dans la mesure où elle conçoit l'homme comme un "microcosme". Le rapprochement ou l'analogie avec les autres espèces animales ou végétales, animées par le souffle vital, ne permet pas d'expliquer entièrement la complexité de l'espèce humaine selon Aristote. Il n'y a pas de "solution de continuité" entre l'espèce humaine et les autres espèces vivantes au regard des observations expérimentales d'Aristote. Sur un plan physique plus large, étendu à l'univers visible et invisible, celui-ci a réfuté l'idée que l'univers puisse avoir une cause unique, et ainsi évoluer ou se développer selon une loi mathématique uniforme.

    On ne peut se contenter de prouver la véracité scientifique du darwinisme, en établissant que les groupes de pression américains qui invoquent la Bible l'ont lue "la tête à l'envers". Rien n'est plus facile que démontrer le caractère totalement baroque de la justification religieuse des institutions des Etats-Unis au plus haut niveau.

    - L'argument de "l'intelligent design", pas plus que le précédent, ne peut être mis en relation avec le judaïsme ou le christianisme, mais tout au plus avec le panthéisme de certains philosophes modernes. On voit par exemple qu'il s'accorde avec l'idée de "grand architecte de l'univers" à laquelle Voltaire accorde foi. Ou encore F. Nitche plus récemment. Le plus probable est pour ces philosophes que la nature a été pensée de façon intelligente. Il en va de même au demeurant pour Descartes, Newton, Leibnitz, bref la plupart des pères fondateurs de la science moderne. Cette parenthèse permet de faire ressortir le véritable mobile religieux des groupes de pression nord-américains, et qu'ils sont essentiellement fondés sur la culture nord-américaine.

    - L'évolutionnisme : le problème n'est pas au regard de la science chrétienne celui de la métamorphose des espèces vivantes, suivant un principe évolutif ou régressif, ni de la subdivision des espèces en sous-espèces. Le problème est bien celui du transformisme, c'est-à-dire de l'aspiration métaphysique de l'homme, qui ne peut pas être du point de vue chrétien le produit de la compétition entre des individus au sein d'une même espèce. Pratiquement on pourrait dire que ce qui est essentiel chez l'homme, du point de vue chrétien, et qui dénote d'une détermination que l'on ne retrouve dans aucune autre espèce, c'est sa capacité à s'extraire, pour penser, d'une logique sociale. Comment s'est effectuée la transition d'une détermination biologique grégaire à la capacité humaine de s'en extraire. Voici le point où le chrétien ne peut pas se contenter de quelques fossiles.

    Si le raisonnement évolutionniste rejoint le raisonnement totalitaire, du point de vue chrétien, c'est pour cette raison.

    - Entrons maintenant dans le corps de l'ouvrage de Cédric Grimoult. Autant dire que le premier chapitre est un tissu de raccourcis et de spéculations historiques infondées. Dans l'ensemble, cet ouvrage de défense du darwinisme offre la possibilité à la critique scientifique de se contenter d'en pointer les très nombreuses contradictions internes pour l'infirmer.

    "Les créationnistes se présentent aujourd'hui comme les victimes des évolutionnistes qui étoufferaient leur liberté de parole. Mais il s'agit là d'une contrevérité manifeste pour deux raisons. D'abord, aucune institution scientifique mondiale ne dispose d'un monopole permettant de délivrer une vérité toute faite.

    La victoire de l'esprit des Lumières s'est traduite, dans les sociétés occidentales, par un confort issu de ses conséquences technologiques et économiques, qui ont fait reculer la misère et la mort.

    Le rejet du créationnisme par la communauté scientifique constitue donc un mouvement de libération, par rapport à des idées archaïques inadaptées au monde moderne."

    Comment peut-on, dans la même page, nier l'existence d'un consensus scientifique, et s'en prévaloir quelques lignes plus bas ? Pour s'en tenir au cas français, il est sans doute l'exemple d'un des monopoles les plus stricts de par le monde ; l'exemple d'un quasi-monopole de l'enseignement scientifique par des enseignants sélectionnés au terme d'un processus compétitif. Ce monopole est d'ailleurs le plus souvent assumé par les représentants de l'élite laïque républicaine, et non nié comme ici.

    Le deuxième paragraphe serait risible s'il n'était signé par un agrégé d'histoire & "docteur habilité en Histoire des Sciences", excusez du peu. Entamer un livre destiné à combattre la propagande créationniste par la plus grossière image d'Epinal n'est sans doute pas le meilleur moyen de faire valoir sa science.

    - l'idée que l'esprit des Lumières a eu un impact sur le développement technologique et économique relève de la plus pure fantaisie. Si Voltaire est actionnaire de la Compagnie des Indes, il n'a pas inventé le principe de l'exploitation coloniale, et aurait même plutôt tendance à cacher cet aspect de sa philosophie.

    - le lien de cause à effet entre la philosophie des Lumières et la révolution bourgeoise de 1789 n'est pas démontré. Il a même été démontré le contraire, à savoir que c'est une explication idéologique a posteriori. La restriction des libertés et l'esclavage industriel au long du XIXe siècle ne correspondent pas aux voeux ou aux idéaux exprimés par les philosophes des Lumières. Or la restriction des libertés et l'asservissement aux outils industriels n'ont pas freiné le progrès technologique. Il y a donc là un argumentaire au niveau de la propagande libérale la plus grossière, et non une remarque historique. Voltaire, Diderot, Rousseau, n'ont aucune responsabilité dans le confort moderne dont s'enorgueillit Cédric Grimoult. Cette confusion entre la science, la technique et les idées philosophiques ne fait que renforcer le soupçon que le discours évolutionniste est une perche tendue aux débordements mystiques totalitaires de toutes sortes.

    Dans un chapitre consacré plus loin au distingo entre la foi et la science, l'auteur écrit : "Les philosophes avaient déjà montré que la science véritable est amorale, c'est-à-dire étrangère à toute prescription morale - au "devoir être", car elle se concentre simplement sur ce qui est."

    Paragraphe qu'il suffit de confronter à un suivant afin d'en démontrer la mauvaise foi : "Le combat pour l'évolutionnisme et la laïcité exige un travail de fond et d'implication de nombreux acteurs en faveur d'une éducation plus complète, d'une information critique et d'un engagement plus fort en faveur de la raison et, plus généralement, des idéaux issus des Lumières et qui constituent les fondements d'une démocratie véritable."

    L'éducation, l'idéalisme, la démocratie véritable sont des notions qui se rattachent directement à la morale. Des savants plus sceptiques lanceraient des avertissements contre cet "idéalisme" le plus vague, et ce millénarisme démocratique improbable.

    De surcroît, les nombreux "comités d'éthique scientifique" cautionnés par les pouvoirs publics en France s'avèrent, selon la définition de Cédric Grimoult lui-même... comparables à des tribunaux d'inquisition.

    L'argumentaire laïc se présente donc comme le discours d'une élite, refusant de s'appliquer à elle-même les conseils qu'elle donne aux autres religions et courants de pensée. Cette élite laïque n'a même pas conscience que l'idée de "neutralité scientifique", développée par l'un des savants évolutionnistes les plus confus, feu l'Américain Stephen Gould, est une idée sans la moindre consistance historique et scientifique. La meilleure preuve en est que C. Grimoult, sous couvert de répondre à la "propagande créationniste", se situe exactement à son niveau en diffamant le judaïsme, le christianisme ou l'islam au passage.

    C. Grimoult reproche aux détracteurs de l'évolutionnisme de s'appuyer sur des arguments extérieurs à la biologie. Mais lui-même veut apporter à la biologie moderne le soutien de la science historique, domaine où il est défaillant.

    Dans le domaine de la biologie, C. Grimoult n'est pas plus probant, se contentant d'énumérer un certain nombre d'arguments à opposer aux détracteurs d'une théorie qu'il rattache d'une façon très maladroite de la part d'un soi-disant scientifique à la laïcité, pure détermination idéaliste et éthique, dont rien ne dit qu'elle ne sera pas très bientôt socialement inadaptée, y compris en France.

    "Les preuves apportées par Darwin sont indirectes : le naturaliste ne peut montrer l'évolution en action, parce qu'il faut généralement des centaines de générations pour façonner de nouvelles espèces."

    Ce régime de la preuve indirecte ou de la semi-preuve, du tas d'indices ou de fossiles concordants, est bien la raison pour laquelle la prudence scientifique s'impose. Quand il n'y a que des preuves "indirectes", il y a une expression réservée qui s'impose, c'est celle "d'hypothèse scientifique". En quoi le régime de l'hypothèse dérange-t-il les savants évolutionnistes ? En quoi perturbe-t-il leurs recherches scientifiques, eux-mêmes étant persuadés que leurs preuves seront bientôt complétées ? C'est la question que posent les détracteurs de l'évolutionnisme. Et, encore une fois, la mutation de certains êtres vivants n'implique pas le transformisme et que l'homme puisse être regardé, aussi flatteuse soit cette position, comme le produit le plus raffiné de l'évolution biologique.

    D'autant plus que si le naturaliste ne peut prouver "in vivo" l'évolution, ce n'est pas tant la preuve directe des mutations qu'on lui demande, que celle du transformisme.

    "Parmi les arguments apportés plus récemment en faveur de la théorie de l'évolution, il faut signaler la découverte de l'universalité des codes génétiques."

    L'idée que toutes les espèces vivantes ont quelque chose en commun est une idée qui a plusieurs millénaires d'ancienneté. Elle est plus prudente et plus scientifique que le terme d'universalité des codes utilisées ici, qui suggère que le cosmos tout entier serait susceptible de muter, sans en rapporter la moindre preuve. Quels régimes prétendent fonder la notion d'universalité sur le code génétique, si ce n'est les régimes totalitaires modernes ?

    "Dans la nature, il n'existe pas de sélectionneur, le processus est automatique. Pour l'expliquer, Darwin s'inspire de la théorie économique que Thomas Malthus (1766-1834) expose en 1798 dans son "Essai sur la population", d'après laquelle toute population biologique croît plus vite que les ressources disponibles, ce qui crée une compétition implacable entre les individus."

    C'est ici une des raisons les plus anciennes qui a fait penser que la théorie du transformisme de Darwin était une hypothèse erronée ; l'analogie avec le schéma économique malthusien inapte à rendre compte de nombreuses évolutions démographiques, et comme tous les traitements économiques de données, partant du principe que l'homme a un comportement exclusivement bestial, toutes ses actions ne visant qu'à satisfaire des besoins primaires.

    Pratiquement l'économie envisage l'homme comme un animal essentiellement religieux. D'où l'on peut penser que la thèse évolutionniste est largement biaisée par le raisonnement anthropologique, similaire à celui de l'économiste, et qui est le raisonnement le moins scientifique possible.

    Enfin dans un paragraphe intitulé "Hasard et Nécessité", C. Grimoult tente de dissiper le soupçon qui naît de toutes les affirmations de "sélection automatique" ou de "mutations aléatoires", soupçon que l'évolutionisme a recourt à la sémantique pour dissimuler les lacunes de la science évolutionniste :

    "Au plan philosophique, hasard pur et nécessité absolue se situent tous deux dans le domaine de l'idéologie. Seule une démarche probabiliste, reconnaissant à la fois un rôle important au hasard (à chaque niveau d'intégration du vivant) et à sa canalisation par les lois physiques et les modalités sélectives multipolaires (c'est-à-dire à chaque palier d'intégration également) s'avère adéquate."

    Dans un jargon digne de la casuistique médiévale, l'auteur explique benoîtement à ses lecteurs, que si l'on passe par la "démarche probabiliste", ce sera beaucoup mieux que de faire comme les idéologues qui invoquent le destin ou la providence trop ouvertement, puisque la part de l'idéologie et de ce qu'on ignore encore sera mieux cachée.

    Non, la démarche probabiliste n'a rien de philosophique ou de scientifique : elle est typique de tous ceux qui essaient de faire passer pour le savoir acquis ce qu'ils ignorent encore. Dans le domaine économique, cette démarche a récemment contribué à des catastrophes, exactement pour cette raison qu'elle postule un savoir plein et entier là où il n'y a qu'une demi-vérité.

  • Demain la guerre

    C'est une assertion étrange de la part de Léopardi lorsqu'il postule que les poèmes d'Homère ont perduré pendant des millénaires par hasard. Léopardi est en effet plus sage d'habitude, et tranche heureusement avec la culture de vie incestueuse de ses compatriotes.

    La résistance de Homère au temps et au hasard est encore plus logique que celle d'Aristote.

    - Très tôt dans l'histoire, Homère renseigne sur la cause de toutes les guerres et les charniers ; il dit pourquoi aucune éthique ne peut les empêcher et comment, ne pouvant les empêcher, elle les prépare insidieusement. Tout professeur d'éthique moderne est nécessairement de l'espèce des logocrates égyptiens, dont le rôle plus ou moins conscient est d'entraîner les peuples vers l'abîme (en créant un inconscient collectif qui libère l'instinct criminel de l'homme). Le masque de la démocratie-chrétienne est transparent.

    - L'erreur de jugement de Léopardi est scientifique, voisine de celle de Lucrèce. Il croit dans la matière et sa vérité, non pas réfugié comme toutes les femelles et gens de robe dans l'abstraction, mais il hésite à croire que l'homme peut dépasser le stade de l'hypothèse, c'est-à-dire qu'il peut triompher de la providence ou du destin. De là son explication providentielle, à l'incroyable longévité d'Homère, le poète qui méprisait la gloire. Le défi à la mort de Homère heurte le sentiment religieux qui, au contraire, se nourrit de celle-ci.

    - La femme est l'objet du désir, et il y a une femme pour deux hommes imbéciles. Cela suffit à Homère pour illustrer la compétition entre les hommes. Cette vérité homérique n'a pas vacillé depuis des millénaires : derrière une bête à concours, on retrouve toujours une femme. Ceux qui parlent de "guerres de religion", occultent que le dieu poursuivi dans ces cas-là n'est qu'une puissance équivalente de l'Etat ou de l'avenir des publicitaires : le produit d'un fantasme ou cette figuration de dieu interdite dans le judaïsme pour parer au piège de la femme. L'hommage des publicitaires modernes rendu aux femmes n'est autre qu'un discret encouragement à la compétition. La compatibilité de cet hommage avec la prostitution est d'ailleurs parfaite. Et le petit chiffon rouge du terroriste musulman, qui va s'écraser contre les panneaux publicitaires, de quoi est-il encore fait ? Un cheptel de vierges.

    Loué sois-tu, Homère, à travers les millénaires, de nous préserver de l'éternel retour de la connerie cléricale !

     

     

  • Science et surnaturel

    Lors d'un reportage tv sur l'exorcisme et les exorcistes, un médecin-psychiatre est interrogé en tant qu'expert ; il décrète l'opposition de la science et du "surnaturel". C'est là un spécimen de dévôt républicain, dont la science procède du matraquage, amplifié par des moyens de propagande sans commune mesure.newton.jpg

    - Tout d'abord, il n'est pas démontré sur le plan scientifique que la télé peut contribuer à l'enseignement scientifique plutôt qu'à l'idiotie générale. Cette sorte de scientifique qui cautionne des reportages télévisés est particulièrement suspecte, au moins, d'une grande naïveté.

    - La médecine psychiatrique n'est pas à proprement parler une "science", mais une technique ; les plus illustres savants ont montré par le passé que la médecine a un pouvoir de suggestion sur les foules, analogue à celui de la religion. Le sorcier du village n'était pas par hasard aussi thaumaturge. Pour une raison simple : la culture de vie païenne est, depuis la nuit des temps, le discours religieux le plus banal, sur lequel les grandes théocraties se sont appuyées et s'appuient encore. Au contraire de la méfiance française, on peut remarquer la grande confiance, naguère, du régime nazi dans la médecine, au point de l'ériger en véritable science.

    En principe, sur le plan technique, la fin justifie les moyens. Qui reprochera à un médecin d'employer des moyens ésotériques s'il parvient à soigner efficacement ? Ainsi, l'homéopathie est une science largement "occulte", mais cela n'empêche pas que son usage soit répandu dans les cabinets de médecine et les hôpitaux publics.

    - Galilée, Copernic, Bacon, Descartes, Newton, Leibnitz : il n'y a aucun de ces grands savants ou reconnus tels aujourd'hui qui ne fasse large part au "surnaturel", ainsi que toute la science pendant des milliers d'années avant eux. Et cette liste est très loin d'être exhaustive.

    Galilée, par exemple, qui bénéficie aujourd'hui d'une gloire démesurée, croyait encore au purgatoire plus de trois siècles après Dante (!), et il appartenait au lobby catholique romain le plus archaïque, mélangeant le surnaturel païen avec le surnaturel chrétien de la manière la moins rigoureuse.

    Il y a donc une double inconstance de la part de la science technocratique moderne, dont ce médecin-psychiatre partage l'épistémologie nébuleuse.

    Primo, elle devrait se désolidariser de savants, dont l'imagination fait largement place à des croyances surnaturelles d'origines diverses. D'ailleurs cette science technocratique se livre à une propagande mensongère, à l'aide de moyens dont même l'Eglise romaine n'a jamais disposé, quand elle affirme que la science de ces grands savants qu'elle continue d'honorer, était sans lien logique avec leurs croyances surnaturelles. C'est aussi mensonger que de dire la science technocratique moderne en général, et la médecine psychiatrique en particulier, coupées de la FOI dans le progrès social. Je cite deux menteurs de cette espèce, de stature internationale : le Français Claude Allègre et, plus encore, le Britannique Richard Dawkins, auteurs dans le domaine de l'histoire de la science d'ouvrages sans fondement historique - voire à la limite de la bouffonnerie dans le cas de Dawkins.

    - De surcroît, il existe plusieurs sortes de "surnaturel", et la psychiatrie est fondée sur l'un d'entre eux, quoi que cet expert semble l'ignorer. C'est en outre le plus religieux et le moins expérimental. La méthode spéculative ou psychologique implique en effet de croire dans des états abstraits tel que l'infini, sans consistance naturelle ou expérimentale. Cette sorte de surnaturel, qu'on peut dire "théorique" ou "hypothétique", ou encore "transcendental" a été critiqué plusieurs siècles avant notre ère par Aristote, savant matérialiste et astrologue, qui la fustige comme le courant religieux le plus superstitieux.

    L'opposition moderne d'un technocrate tel que C. Allègre entre une science expérimentale, et une autre qui ne le serait pas, est inepte. Les technocrates placent d'ailleurs dans leur panthéon les savants les moins basés sur l'expérience, comme Newton, Descartes ou Galilée. La démonstration de Galilée du mouvement de la terre autour du soleil est en effet hypothétique/mathématique et contraire à l'expérience de sa stabilité.

    L'opposition entre différentes sortes de surnaturel par Aristote est beaucoup plus scientifique. F. Bacon a renouvelé cette critique à la fin du XVIe siècle ("Novum Organum"), afin notamment de souligner chez certains de ses confrères (Gilbert, Copernic, Galilée) le télescopage de ces différentes sortes de surnaturel, et la confusion absurde que ce télescopage engendre.

    - Pour finir, signalons que la caution fournie en outre à ce reportage de TF1 par un "sociologue des religions", Frédéric Lenoir (!), frise le ridicule, puisque la sociologie n'est autre qu'un discours religieux déterminé par le préjugé juridique républicain. De sorte qu'il n'y a pas de chef de parti politique en France qui ne soit aussi un "sociologue", comme son projet l'y oblige, et même si l'on ne doit pas exclure dans le domaine politique le plus radical cynisme, derrière le projet de société.

    (Ill. de W. Blake représentant I. Newton, le front penché sur la terre. Blake suggère que Newton est trop terre-à-terre et manque de spiritualité. Il n'empêche que Newton a écrit des traités de théologie, qui pour manquer de rigueur n'étaient pas insincères pour autant.)

  • Identité belge

     

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    Le cirque belge qu'on a sous les yeux est plein d'enseignements. Ce qui retient Wallons et Flamands ensemble, leur trait d'union, c'est le pognon, élément premier de l'identité nationale. Trésor incarné ici par Bruxelles, la "capitale", qui risquerait dans une partition, tête sans corps, de perdre son statut "monégasque".

    On observe aussi grâce aux bourgeois belges que la haine raciale se passe très bien de couleurs de peau différentes et de critère scientifique solide; la haine est un pur produit politique, comme le darwinisme.

    Seuls les antiracistes prennent vraiment le racisme au sérieux, attitude qui a pour but de disculper la société, exactement comme le racisme, dans un contexte capitaliste à peine différent. La mort du patriote-zélote est le résultat d'une somme d'abstractions ou de rêves.

    Plutôt que de parler d'"identité nationale", se remémorant sans doute l'algèbre nazie, les médiats belges ont choisi plutôt de fourguer le machin sous le vocable d'"union nationale", assez pompier mais qui fait tout de même moins "skin-head" du Heysel que l'identité.

    En fait d'union, celle-ci lorsqu'elle est politique est toujours sur le mode de l'essaim, soumise à un principe extérieur, pouvant se désagréger en un instant. Ou bien on pense au coït, qui n'est pas sacralisé pour rien dans les religions tribales, et qui contient aussi le lien animal superficiel. Parfois après le coït les femmes disent : "Si on construisait quelque chose ?" (elle veut parler d'un nid). La franc-maçonnerie est une idée si féminine qu'il n'est pas étonnant qu'elle ait fait florès aux Etats-Unis.

    L'idée d'Aristote de comparaisons animalières pour comprendre les principes politiques, reprise par Shakespeare, est particulièrement féconde. Elle explique aussi pourquoi Aristote comme Shakespeare sont difficilement compréhensibles d'abeilles-citoyens à l'intelligence engluée dans le miel de la mémoire.

    Si le XXIe siècle est aussi religieux que les précédents, il pourrait bien s'achever dans un hénaurme bain de sang ubuesque.

  • Pédérastie catholique (2)

    Continuons d'essayer de comprendre comment les valeurs pédérastiques se sont introduites à l'intérieur de l'Eglise catholique, après avoir signalé le lien entre :

    1. Le puritanisme et la pornographie, sur lesquelles il n'est aucun régime libéral qui ne soit fondé. De même qu'aucune pensée politique ne peut se passer d'incorporer dans le pouvoir politique celui de l'économie et de l'argent (le rêve politique de Judas Iscariote lui-même répète la trahison de Moïse par le peuple juif), de même la morale sexuelle puritaine ne peut être isolée de la prostitution qui lui a toujours servi de soupape, au moyen âge comme dans la religion yankee aujourd'hui, sorte de "socinianisme" évoquant le paganisme romain, qui ne fut pas loin d'être vaincu en Occident à la Renaissance.

    2. Lien entre pédérastie et pédagogie. Le cas du hoplite grec (spartiate), dont l'homosexualité était cultivée à des fins militaires, est bien connu. Il n'est pas interdit de penser que l'éducation civique tend vers l'homosexualité, dans le mesure où le premier "parti Gay" a été créé aux Etats-Unis où le culte primordial est celui de la nation.

    Un chrétien français voyageant aux Etats-Unis pourra être ainsi extrêmement choqué de voir l'usage des armes à feu encouragé dans des familles... chrétiennes (!). Si la propriété privée a été incorporée aux valeurs chrétiennes dans cette nation qui transpire le satanisme de tous ses pores, c'est bien évidemment pour cause de politisation extrême, non moins inquiétant que le national-socialisme allemand.

    La société yankee est extrêmement nitchéenne en effet, et il n'est pas besoin de gratter beaucoup pour déceler la pédérastie de Nitche, non seulement en raison de sa dévotion pour Dionysos, dieu du transport religieux hystérique (Qu'est-ce qui peut expliquer l'engouement pour un aussi médiocre penseur -on peut citer au moins quatre ou cinq penseurs fachistes français s'exprimant beaucoup mieux-, dans des milieux apparemment aussi opposés que les milieux anarchistes, les curés chrétiens libéraux, à la suite du national-socialisme ? On pense bien sûr à une pédérastie latente dans ces milieux. J'ai fréquenté moi-même plusieurs militaires ayant démissionné de l'armée où ils se sentaient mal à l'aise ; je n'ai pas eu beaucoup de mal à les convaincre que cela venait de l'homosexualité ou de la pédérastie latente et nécessaire dans l'armée. De manière typique, Nitche assimile la violence à la force, alors que la violence sera plutôt interprétée comme une preuve de faiblesse et d'animalité par la sagesse philosophique grecque dont Nitche se croit l'héritier ; Nitche est à peu près aussi sérieux dans le domaine de l'étude des civilisations païennes que Darwin l'est dans le domaine de la biologie.)

    3. On a tort d'associer la Grèce antique à l'homosexualité, en invoquant l'exemple de Platon. La religion romaine est beaucoup plus dionysiaque et pédérastique que la religion grecque. La religion libérale ou socialiste actuelle dite "existentialiste" est à peu près sans lien avec la Grèce antique en dehors du pythagorisme et de l'épicurisme, guère représentatifs de la Grèce. Les philosophes nazis Arendt et Heidegger ont traduit Aristote encore plus mal que les scolastiques péripatéticiens du moyen âge ou E. Kant.

    Heidegger transforme le propos d'Aristote en une sorte d'épicurisme dont l'existentialisme est beaucoup plus proche. "Politique d'abord", voilà un slogan étranger à Aristote, naturaliste pour qui la politique est au niveau de l'animalité. "Politique d'abord" est un slogan romain ou libéral, socialiste, qui conduit inéluctablement à la pédérastie.

    (A suivre)

  • L'Apocalypse ou la mort !

    La cri de ralliement trouvée par Fodio n'est pas mal puisque l'apocalypse chrétienne peut être regardée comme le remède à la mort. Le Christ a vaincu la mort et montré la voie à ses saints. Clairement, l'armure que Hamlet endosse est celle du combat contre le destin (= 666). Si le profane peut trouver étonnant qu'un chrétien en affronte d'autres, c'est qu'il ignore précisément tout de l'apocalypse chrétienne, en particulier de la synagogue de Satan et de son clergé, après plusieurs siècles de compromis libéral avec les puissances séculières. D'ailleurs où est-il écrit dans le Nouveau Testament que le Christ a le goût de la diplomatie ?

    Seule la vérité permet d'échapper au destin, inséparable de la mort, tel est donc bien le message apocalyptique.

    *

    La science d'Aristote déjà consiste à tourner et retourner la mort dans tous les sens, tant son caractère d'"absolu relatif" paraît étrange à ce grand naturaliste qui embrasse tout. La mort est comme un sophisme d'Einstein ! Comme la statique mouvante du cinéma.

    A quoi tient tout le paradoxe du moyen âge, incarné par Thomas d'Aquin ? A une science en chemin vers l'apocalypse, mais qui se heurte encore à la religion ; au passage on remarque que Dante est plus avancé que Thomas d'Aquin, comme s'il ne pouvait y avoir de véritable théologie qu'en dehors des murs des institutions ecclésiastiques. Il faut en effet mesurer l'effet, volontaire ou pas de la part de Dante, de son intrusion dans le purgatoire, auparavant de l'ordre de la science-fiction juridique. De même que les fictions hollywoodiennes à base de "voyage dans le temps", sur la base du prédicat stupide d'Einstein : ce cinéma ébaubira sans doute le beauf yankee, mais aux yeux d'un public plus humaniste, il fera ressortir la stupidité du prédicat d'Einstein.

    Du côté de la mort, il y a eu, il y a et il y aura toujours la religion, Tartuffe hier, Freud aujourd'hui. C'est précisément la raison pour laquelle l'Eglise catholique, contre son enseignement classique le plus élémentaire, lentement au cours des siècles écoulés a "avalé le diable". Si la religion tend à se recentrer sur la mort et à bannir consécutivement l'apocalypse, c'est en raison de l'enjeu stratégique que représente la mort, sur laquelle les religions "fidéistes" sont centrées. Ainsi, dans la religion laïque ou capitaliste, qui reprend la formule du jansénisme, la foi dans l'homme et ses systèmes implique obligatoirement une forme de lieu temporel abstrait du type du purgatoire, de l'enfer et du paradis jansénistes, où l'homme trouve le réconfort en songe.

    Avant toute chose, la religion existentialiste est la religion du fantasme. Si elle fait autant penser à Pascal, c'est qu'elle ne repose sur rien de sérieux et de concrêt.

    Les chrétiens libéraux, qui de façon satanique font l'apologie de Freud et du freudisme sont trop stupide pour s'apercevoir qu'il fait double emploi avec le purgatoire. Le chrétien libéral porte une veste chrétienne, doublée d'une étoffe païenne, afin de mieux assurer ses actions.

    "L'Apocalypse ou la mort" n'est pas mal ; tiré du livre de Joël par François Bacon, j'aime beaucoup aussi :

    "Vos jeunes verront des visions et vos vieillards rêveront des rêves.", évocation perspicace du grand divertissement capitaliste béni entre autre par le super-crétin en chef Pie XII.

  • Stendhal = Berlusconi

    Passant devant l'opéra Garnier, j'ai toujours eu un haut le coeur de cette verrue cyclopéenne en plein Paris. Quitte à subir un attentat terroriste, j'aimerais autant qu'il ait lieu dans le hall de cette caverne.

    Toujours à propos de l'amateur d'opéra Stendhal et de ses coups de baguette en faveur du "romanticisme", j'ai noté ceci de plus avisé venant de son confrère Bérenger-Labaume (comme quoi la gloire littéraire frappe indistinctement abrutis musiciens et peintres naturalistes) :

    "Les beautés musicales sont relatives aux temps, aux localités, à la mode si l'on veut, et ne sont point d'un ordre aussi positif que celles de la peinture, de la poésie et des autres beaux-arts."

    Aristote a plus vite et mieux dit que les musiciens sont des imbéciles, des "experts". Le peintre Chenavard aussi avait compris que le vent du crétinisme sort d'un instrument de musique. Mais le mérite particulier de Bérenger-Labaume est qu'il est lui-même, comme Stendhal, amateur de ce divertissement pour femelles italo-boches en rut. Or d'habitude l'amateur d'opéra a horreur de la vérité.

  • Fin du monde 2012

    L'ex-premier secrétaire du parti socialiste François Hollande écarte la prophétie apocalyptique de l'air méprisant du médecin de campagne qui a vu d'autres plaies beaucoup plus effrayantes que les plaies d'Egypte.

    Un journaliste en est venu à lui poser la question à cause d'un film à gros budget et force cascades sur le thème d'une prophétie maya annonçant pour 2012 la fin du monde. L'art apocalyptique (Céline, Géricault) ne fait pas partie de l'identité française, mais les navets hollywoodiens sont devenus incontournables pour la bricoler sous l'impulsion de ministres et de parlementaires payés à ne rien foutre que pondre des sujets de dissertation pour les journalistes et leurs canards-laquais.

    Compte tenu des aventures aussi nombreuses que superflues du couple Hollande-Royal, avec amants dans le placard et bikinis mouillés, dont les Français ont été abreuvés par voie de presse, Hollande qui se moque de l'Apocalypse c'est un peu comme Feydeau qui se fout de Shakespeare. Tout à fait moderne, Hollande, à qui il ne manque que la spirale d'Ubu sur le bedon. Par ailleurs :

    - Il serait mal venu de reprocher à Hollywood ce qu'on peut reprocher à la politique en général, c'est-à-dire de tirer bénéfice de la peur.

    - Sur la prophétie maya en elle-même, ce que je peux en dire (en m'étant gardé d'aller voir le film en question, vu qu'un communiste qui irait au cinéma serait plus nazi que communiste), c'est que des astronomes et climatologues russes depuis quelques années, indépendamment des prophètes maya ont prévu un pic d'activité solaire autour de cette date, activité à laquelle ils attribuent d'ailleurs principalement le réchauffement climatique de quelques degrés observé au cours des dernières années.

    Secundo, les cités dotées d'outils tels que les pyramides, maya, égyptienne, soudanaise, etc. (la pyramide du Louvre n'est qu'une manifestation d'orgueil mercantile), bénéficiaient d'une science astrologique de pointe, dont Aristote ou Ptolémée ont hérité. Dans la science astrologique d'Aristote, anti-algébrique (opposée aux méthodes statistiques en vigueur aujourd'hui) et fondée sur l'observation des météores (Aristote savait contrairement à Planck ou Helmholtz que l'eau tiède gèle plus rapidement que l'eau froide, ce qui empêche de fonder la thermodynamique comme Planck sur un modèle algèbrique continu.), l'exhalaison sèche (due à une forte chaleur) est la cause et le prélude nécessaire de catastrophes naturelles liées au climat.

    D'ailleurs Hollande a raison. Les politiciens français n'ont même pas été capable d'éviter à leur pays de Cocagne la banqueroute ; on voit mal comment ils pourraient lui éviter l'apocalypse.

     

  • Viande froide

     

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    Claude Lévi-Strauss s'en est allé,

    Cahin-caha et comme prédestiné

    Par son prénom à déraper,

    Sur la banquise des idées

    Nazies.

    (Morgue insidieuse du savant biscornu qui feint de s'attendrir sur des fétiches pygmées avant d'enfiler son costard de sorcier à queue de pie du Quai Conti. Souvenez-vous de Tartuffe et devinez pourquoi Molière, LUI, n'a pas pris une ride.)

    *

    L'Alighieri au Paradis

    Rejoint sa dame qui est au Ciel.

    Mânes d'Hitler se sont changées en glands

    De la Forêt Noire

    Dont les sangliers se régalent.

    Mais où va l'âme du mythomane

    Taillée dans du drap bleu denim ?

    (Toute âme a la forme d'un vêtement, raison pourquoi l'art grec est nu.)

    *

    Par-delà tous les cercles privés de la raison,

    Aristote va se fondre dans la sphère

    De la matière.

    Mais où s'en vont les bourgeois mythomanes,

    Là-dessus j'ai mon idée :

    Il n'est pas exclu qu'ils se métamorphosent en gaz

    D'échappement.

  • Blancs manteaux

    Ces trois grands penseurs matérialistes que sont Paul Véronèse, le Tintoret et le Titien sont à Paris, et mon coeur bat plus fort. Voilà les artistes maudits, bafoués, trahis, exploités, baroquisés, dont l'art défie le temps. Il ne faut pas perdre de vue que toute pensée païenne se résout à une morale ou une politique, sous le joug d'Apollyon ; toute pensée matérialiste authentique en revanche -Aristote, Shakespeare ou Karl Marx-, est synonyme de doctrine artistique.

    Difficile pour une femelle ou un capitaliste pédéraste de regarder Paul Véronèse en face. Héraut indifférent à la vertu comme aux sirènes du sexe, Véronèse renvoie Ophélie à ses calculs et à son néant. Elle s'en ira crever dans la mare, d'y avoir vu sa photographie et s'être penchée dessus.

  • Totalitarisme et jansénisme

    Trait caractéristique d'un régime totalitaire et par quoi on peut le cerner : le refus de ses clercs de justifier la morale en vigueur. L. Wittgenstein, sinistre fonctionnaire, emploie ainsi une formule du genre : "Il est impossible de trouver un fondement à la morale" - signifiant par là une volonté non pas de creuser, mais d'enterrer.

    L'occultisme dans le domaine moral, c'est aussi l'existentialisme en général, proche de la philologie, qu'on peut définir comme une idolâtrie du langage, caractéristique du régime totalitaire. Le total ne s'opère jamais qu'avec des signes et la peinture stalinienne de Kandinsky forme bien un total, un "nombre d'or" comme dit l'architecte.

    L'occultisme de Wittgenstein est à rapprocher de l'hostilité qu'il manifesta vis-à-vis du Prix Nobel Bertrand Russell lorsque celui-ci prétendit sur le tard revenir en arrière sur le néo-pythagorisme qui avait été le sien. L'attitude de Wittgenstein en cette occasion prouve qu'il savait ou devinait le rôle des mathématiques de la secte pythagoricienne dans le nivellement moral (non pas actif, mais un rôle de "couverture"). A contrario l'attitude de "maître" Albert Einstein paraît celle du pur béotien qui énonce une théorie morale (théorie de la relativité) en croyant qu'elle a une signification physique, faisant ainsi imploser la doctrine de la loi naturelle par l'absurde... sans même s'en rendre compte ! Zénon d'Elée, lui, au contraire d'Einstein, maîtrise parfaitement le mode opératoire algébrique et le "schuss" sémantique. Tous les philologues boches d'aujourd'hui auraient été recalés au concours d'entrée de l'école de Parménide.

    *

    On note que, bien que trop pusillanime, Voltaire s'attaque dès le XVIIIe siècle à la thèse "judéo-chrétienne" de Leibnitz, dont la théodicée revêt déjà toutes les caractéristiques du totalitarisme, en particulier le fait d'être guidé par un ténébreux destin. La critique de Voltaire anticipe bien sûr celle, beaucoup plus radicale, de Marx à l'encontre du national-socialisme de Hegel au siècle suivant. L'erreur de tous les mathématiciens du XIXe siècle, leur infériorité par rapport aux Grecs tient à ce qu'ils croient que le cercle est engendré par la droite, et la droite par un point ; les Grecs savent eux que le signe primitif n'est pas le point mais le cercle, qui contient tout l'attirail anthropologique/mathématique.

    Grâce à la formule de Pangloss-Leibnitz que le capitalisme a recyclée : "Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles", on comprend aisément l'intérêt qu'un régime totalitaire peut trouver dans l'occultation des origines de la morale derrière des théories dérivées du principe de la "loi naturelle". C'est le meilleur moyen de protéger la politique de la critique et de la sacraliser, de noyer le poisson - politique encore une fois conçue dans le totalitarisme comme une sphère (Il faut reconnaître que la scène du "Dictateur" de Chaplin, dictateur qui joue avec une mappemonde, est bien "vue".)

    Sondons la morale "ad infinitum" pour mieux protéger le tabernacle de la politique. L'existentialisme de Sartre, qui a pu paraître "voltairien" à certains, découle bien plutôt en réalité de la morale nullibiste janséniste et du cartésianisme. Le moins qu'on puisse dire c'est que l'existentialisme n'a pas inventé le néant ni le hasard - ni même le culte des mots.

    *

    Il importe aussi de comprendre, non seulement que le totalitarisme est une version plus sournoise de la théocratie, mais qu'il n'est ni d'inspiration juive, ni d'inspiration chrétienne, mais un produit typiquement "judéo-chrétien". Sous couvert d'honorer l'Ancien Testament et le Nouveau, le "judéo-christianisme" quel qu'il soit : musulman, chrétien ou laïc, bafoue le judaïsme comme le christianisme. Le judéo-christianisme n'a certes pas inventé la théocratie "apollinienne", mais on ne peut concevoir sans lui la formule totalitaire "dionysiaque" qui de "l'attentat contre le réel" (Marx) - cinématique, juridique, musical, religieux - a fait litière.

    - Le peuple hébreu tient en effet sa loi directement de Dieu, via Moïse. Dieu et ses lévites en sont garants. Même s'il existe sans doute un "naturalisme juif", une sorte d'assimilation de Moïse au dieu Pan (cf. "La Sagesse des Anciens" de F. Bacon), et que l'on peut trouver la légitimation juive de la loi archaïque ou limitée, du moins les Juifs n'éprouvent-ils pas le besoin de passer par le trucage de la "loi naturelle" pour fonder leur morale ;

    - Le christianisme, quant à lui, est en quelque sorte "par-delà bien et mal" (rien à voir avec Nitche "au-dessous de la ceinture", cherchant l'entrée du con de sa mère comme Proust, victime de l'inceste) : par-delà bien et mal en tant qu'antithèse du judaïsme et de par son potentiel trinitaire. Même le plus moralisateur des théologiens, saint Augustin, est obligé de l'admettre : "La Loi ne justifie pas" ; et le figuier qui ne donne plus de fruits, il faut le couper, comme le Messie lui-même l'indique (figuier qui est le symbole de la science naturelle aussi bien que de la morale qui en découle, comme le lait du tronc du figuier incisé).

    La dynamique trinitaire chrétienne, quant à elle, est historique, apocalyptique, et donc étrangère à un processus de justification marqué par le raisonnement anthropologique païen ("Ce qui est bon pour Dieu est bon pour la Cité, et réciproquement." Un paganisme romain plutôt que grec.), et par l'avertissement solennel du Messie contre la tentation d'établir un Royaume de Dieu sur la terre.

    Quand j'entends l'expression d'"anthropologie chrétienne", je sors mon épée, et chaque chrétien devrait en faire autant car ce terme évoque immédiatement la putain de l'Apocalypse. Il n'y a jamais de mariage heureux entre le christianisme et la science païenne que dans la mesure où celle-ci n'a pas l'anthropologie pour gouvernail ; non seulement la théorie de la partition freudienne de l'âme n'est pas très sérieuse sur le plan scientifique, mais elle est antichrétienne.

    Si les docteurs catholiques du moyen âge, précédant Marx ou Bacon, ont pris appui sur Aristote jusqu'à la Contre-Réforme, c'est indubitablement parce qu'ils ont rencontré pour les meilleurs chez le Stagirite cette opposition à la "loi naturelle", en dehors même de la question de savoir jusqu'à quel point la religion grecque et ses mythes incorporent des éléments de l'Ancien Testament. Impossible en effet pour Aristote de faire coïncider des lois morales discontinues, relatives, biologiques, avec la physique continue et dépourvue de "juste milieu" (A noter que l'analyse d'Aristote des mathématiques, la notion d'incommensurabilité de la diagonale au côté entre autres, contient plus de deux mille ans avant A. Einstein ou H. Poincaré une théorie "éclairée" de la relativité.)

  • Bacon et la scolastique

    François Bacon (1561-1626), savant qu'on ne peut dire "anglais" tant le système impérialiste britannique qui s'est développé au XVIIe siècle s'en éloigne, est victime aujourd'hui de ce qu'il détestait le plus : le commentaire scolastique. Il s'applique désormais à ses propres ouvrages, dans lesquels il est permis de voir la quintessence de l'esprit européen, n'en déplaise à ceux (Hobbes, Descartes, Leibnitz, Hegel) qui ont pu voir dans la barbarie romaine un modèle de civilisation.

    Etudier Bacon permet d'ailleurs de constater à quel point la science laïque contemporaine est une mauvaise parodie de celle du moyen âge, le XVIIe siècle obscurantiste ayant largement contribué à ce mouvement rétrograde (Ainsi B. Pascal a près de deux mille ans de retard sur le plan scientifique et traite de problèmes de robinets ou de pipes déjà résolus par Euclide dans l'Antiquité ; Descartes, lui, invente les "trous noirs" en tentant de résoudre des problèmes posés par Aristote, dont le sens et le but lui échappent.)

    *

    On pourrait faire tout un florilège des opinions prêtées sans fondement par l'Université laïque à Bacon, sous prétexte d'attirer Bacon à sa cause. De toute évidence, la science laïque est encore plus compartimentée, segmentée, que ne l'était la science au moyen âge, et ses tabous plus nombreux. Or Bacon ne divise pas, il hiérarchise.

    On va même jusqu'à attribuer à Bacon (pas plus "anglican" que "catholique romain") sur le plan chrétien d'être "continuiste" - entendez continuité de l'Ancien Testament et du Nouveau -, ce qui est aussi grotesque que d'en faire le père ou le parrain de la franc-maçonnerie, puisque cette doctrine étrange du "continuisme" n'a jamais existé dans les Eglises chrétiennes, en dehors de Mgr Barbarin, plus soucieux de flatter que d'autre chose. Même saint Augustin, adversaire de Marcion, ne peut être accusé de "continuisme" et disserte même assez longuement sur l'ineptie qu'une telle doctrine continuiste constituerait.

    *

    Une erreur plus "sérieuse" et plus intéressante est celle qui consiste à opposer la science matérialiste d'Aristote à celle de Bacon. D'abord il convient de dire que la science d'Aristote est beaucoup plus "expérimentale" que celle des laborantins d'aujourd'hui, l'oeil collé au microscope et qui manient l'extrapolation à tout bout de champ. Un savant contemporain - Claude Allègre, par exemple - qui reprend à son compte cette fantaisie de la "théorie du battement de l'aile d'un papillon", n'a rien d'expérimental ; l'idée que les calculs statistiques participent de l'expérience scientifique est complètement étrangère à Bacon, pour ne pas dire à la science quand on constate le nombre de prétendus savants englués dans les statistiques. A quoi il faut ajouter les spéculations fumeuses issues de la physique quantique, dont les frères Bogdanoff signalent le caractère entièrement médiatique. Et ce n'est pas un hasard si la thèse de l'univers plat des Bogdanoff rappelle la théorie de la terre plate de quelque moine débile du moyen âge. Les récentes "avancées" de la physique quantique dans le domaine de la cryptographie auraient sûrement suscité le plus grand mépris de la part de Bacon qui utilisait les chiffres pour coder ses... missives.

    Ce que Bacon déteste, ce n'est pas tant Aristote, bien sûr, que ses commentateurs médiévaux qui en ont fait une sorte d'idole. Ceux-ci se concentrent d'ailleurs non pas tant sur la science physique ou naturelle d'Aristote que sur sa métaphysique et ses méthodes d'analyse. Comme Aristote, Bacon condamne le raisonnement rationnel, quantitatif, et relègue les mathématiques au rang inférieur de simple outil. S'il a pu être "méthodiste" sous l'influence de Platon, l'intérêt du Stagirite s'est tourné ensuite vers la forme physique et une doctrine artistique comme celle de Bacon.

    *

    Trois aphorismes tirés du "Novum Organum" de Bacon permettent de voir que le matérialisme de Bacon n'est pas ou peu divergent de celui d'Aristote :

    - (n°5) : "Mécaniciens, mathématiciens, médecins, alchimistes et magiciens se mêlent de pénétrer la nature (au niveau des oeuvres) ; mais tous (en l'état actuel) sans grand effort et pour un succès médiocre." : Bacon ne rejette pas complètement les mathématiques ni l'alchimie, mais il sait leur impuissance à pénétrer les formes de la Nature ; Aristote pour sa part méprise justement Pythagore et Thalès, leur secte de "scientologie" fondée sur les rapports algébriques. Un moine contemporain de Descartes emploie le mot juste pour qualifier Pythagore : c'est un législateur et non un savant naturaliste. S'il y a une "loi naturelle", ce qu'un chrétien ne peut pas croire (et Bacon est chrétien), cette loi est "pythagoricienne", fondée sur les "oeuvres", c'est-à-dire la génération et la corruption dont Aristote soupçonne le caractère d'artifice. Bacon, comme nul matérialiste avant ou après lui ne croit que la jurisprudence ou les mathématiques possèdent un caractère divin ou surnaturel.

    - (n°13) : "Le syllogisme n'est d'aucun emploi pour les principes des sciences et en vain l'applique-t-on aux axiomes moyens, puisqu'il est loin d'égaler la subtilité de la nature. C'est pourquoi il enchaîne l'assentiment, mais non les choses." : le combat de François Bacon contre le syllogisme rappelle non seulement celui de Roger Bacon d'Oxford (1220-1292), mais il est aussi proche de la volonté d'écarter les mathématiques du Stagirite (en dehors de la géométrie qui traite de l'aspect qualitatif et de la forme - Aristote connaît la différence contrairement à Descartes ou Fermat entre la perspective et la science des formes). Aristote souligne précisément dans sa physique la nature "syllogistique", si on peut dire, de l'algèbre, et qu'elle appartient au domaine de la démonstration/rhétorique (en décortiquant les fameuses démonstrations mathématiques de Zénon d'Elée). C'est à cet aspect de la science d'Aristote que Descartes s'est heurté sans le comprendre. Descartes a donc "aboli" une différence qu'Aristote et Bacon se sont évertués à souligner.

    - (n°14) : "Le syllogisme est composé de propositions, les propositions sont composées de mots ; les mots sont les tessères des notions. C'est pourquoi, si les notions elles-mêmes (qui sont la base de l'édifice) sont confuses et sont abstraites des choses de manière hasardeuse, on ne trouve rien de ferme dans ce qui est construit sur elles. C'est pourquoi il n'y a d'espoir que dans l'induction vraie." : cet aphorisme permet de comprendre la distance entre Bacon et le fameux "c.q.f.d" utilisé par les savants laïcs. L'induction de Bacon n'a rien d'ésotérique. Elle n'est ésotérique que pour un savant laïc qui ne conçoit que l'approche légale ou mathématique de la physique ; exemple fameux : la théorie d'Einstein, sophisme emberlificoté si on le compare à celui de Zénon d'Elée (et qui vise à démontrer le contraire). La leçon d'Aristote de l'inertie des mathématiques se trouve confirmée (involontairement) par Einstein, puisque avec le même outil réthorique, en jonglant avec des vecteurs, Zénon et Einstein aboutissent à deux "solutions" diamétralement (c'est le cas de le dire) opposées (le théorème de Zénon conservant quand même la supériorité dans le domaine de l'élégance, cher aux troudiseurs d'étronimes sottises en forme de noeud papillon).

    Difficile de ne relever au passage la parenté de cet aphorisme avec la dialectique de Karl Marx, qui constitue une véritable remise en cause de la grammaire. Marx a d'ailleurs mis en exergue que la pyramide du droit national-socialiste de G.W.F. Hegel est fondée sur le syllogisme (le fameux "sein-dasein", sorte de retour de la fonction courbe sur elle-même), de sorte qu'on peut quasiment dire que le progrès selon Hegel est trigonométrique/mécanique.

    On peut aussi ajouter qu'il n'y a pas de savant matérialiste sérieux qui ne récuse l'emploi du syllogisme, jusqu'à effondrer de pieuses cathédrales fondées sur l'anthropologie s'il le faut. De fait l'architecture -réelle ou spirituelle- doit beaucoup au syllogisme.

    Impossible par ailleurs de comprendre et expliquer Bacon sans tenir compte du fait que c'est un savant chrétien, vu que sa hiérarchie scientifique (antipolitique, quasiment) repose sur la foi de Bacon dans le Saint Esprit (que la théodicée celtique ou germanique a pour effet de réduire à la grâce, c'est-à-dire au néant). Si Bacon rejette la philosophie païenne en effet, pour se concentrer sur la science et les fables des Anciens, contrairement au moyen âge (Thomas d'Aquin), c'est qu'à ses yeux la philosophie païenne est une menace beaucoup plus grande pour la théologie que l'étude de la nature créée par Dieu. Le rejet ultérieur de Marx de la philosophie, s'il n'a pas un mobile chrétien comme le rejet de Bacon, a la même conséquence : purger la science de ses raisonnements anthropologiques.

    (La seule critique sérieuse de Bacon dirigée contre Aristote l'est contre la théorie du mouvement d'Aristote, mais il n'est pas certain que Bacon ait eu accès à une bonne traduction de la "Physique" en son siècle crucial.)

  • Marx pour les Nuls

    Karl Marx donne exactement la même définition de l'idéologie que celle fournie par Aristote dans ses petits "Traités d'histoire naturelle" ; il s'agit pour le Stagirite à propos de la perception sensorielle des bruits et des odeurs de réfuter l'opinion selon laquelle, comme chacun perçoit l'odeur ou le bruit différemment, le bruit ou l'odeur en question n'est pas unique.

    C'est ce qui fait la force de Karl Marx : il est fondé comme Aristote sur une science physique précise.

    D'une certaine façon, à une moindre échelle l'antagonisme entre Hegel et Marx ressuscite la querelle entre Thomas d'Aquin et les artistes parisiens (Siger de Brabant) ou les Averroïstes.

    Ce qui fait l'isolement de Marx au XIXe siècle c'est qu'il est le seul à défendre une philosophie naturelle vraiment aristotélicienne (sachant qu'Averroès lui-même n'est guère "oriental" malgré les apparences).