Le problème de l'identité française est beaucoup trop futile pour ne pas laisser à Jacques Attali le soin de le résoudre. Fort de son diplôme de l'x, il s'y attache d'ailleurs dans "L'Express" (5 nov.), gazette dont les chroniqueurs sont proches de ceux du "Point" pour ce qui est de la sagacité. Outre Attali, Jean-Didier Vincent, spécialiste de la psychologie des félins domestiques, me rappelle le Savant Cosinus de mon enfance.
Passons sur le raisonnement d'Attali, aussi oiseux qu'une encyclique pontificale, pour aller immédiatement à la conclusion. Jacques Attali cite une liste d'écrivains qu'il considère comme typiquement français : Blaise Pascal, Montaigne, Senghor, Proust, Chrétien de Troyes.
C'est intéressant parce qu'il paraît qu'il y a une certaine mesure dans cette liste. Et amusant vu que je ne suis pas moins français qu'Attali, voire beaucoup compte tenu de critères cartésiens ; et néanmoins je tiens cette liste pour non moins persane que française (sauf Senghor, que j'avoue ne pas connaître assez) :
- Pour Proust, c'est facile de comprendre pourquoi, car il se compare fort justement lui-même aux "Mille et une nuits" ; je ne veux pas dire par là que pédérastie et nostalgie sont des valeurs typiquement irakiennes, mais le fait est que les religions qui s'appuient sur la famille sont obligées de réguler d'une façon ou d'une autre la pédérastie qui en résulte, et que le ghetto gay ou les confessions intimes de Frédéric Mitterrand ne sont pas forcément la solution la plus humaniste ;
- quant à Pascal, si on le compare à Tariq Ramadan, ce dernier apparaîtra comme furieusement moderne ;
- dans le cas de Montaigne, qui accouche d'une souris au terme d'une longue gestation, il est plus exact de dire qu'il est "latin" jusqu'à la moelle ; mais Rome et Babylone ont de nombreuses valeurs en commun ;
- Chrétien de Troyes enfin, le plus original de la liste (Senghor n'est là que pour rappeler qu'Attali à inventé le RMI remboursable pour les crève-la-faim du tiers-monde), C. de Troyes est le symbole du méli-mélo païen-chrétien que de nombreux penseurs français, Voltaire compris, imputent aux mahométans et dénigrent dans l'islam.
Bref, ma liste n'est pas du tout la même. J'aurais cité comme écrivains typiques de l'esprit français François Rabelais, Marguerite de Navarre pour faire honneur aux dames (du temps jadis), Molière et Voltaire, ça va de soi ; enfin Auguste Comte, qui eut le mérite de signaler avant Simone Weil l'imbécillité particulière des élèves et professeurs de l'école polytechnique (et l'archaïsme dissimulé derrière le masque du progrès, pose perpétuée par le mammouth Allègre et sa morgue de sultan de la science laïque prêt à se vautrer dans la fable du Boson de Higgs si ce n'est du gluon de la fraise à la première occase).
La tradition française du mépris des mathématiques ne saurait être "oubliée" dans le calcul de l'identité, car si elle n'est pas une exclusivité française, elle est assez rare aujourd'hui pour mérité d'être sauvegardée au même titre que le cheptel de Français en voie d'extinction.
En somme le Français véritable est beaucoup trop pragmatique pour ignorer que toute équation peut être réduite à zéro, même si des tas de fonctionnaires germanophiles opérant pour le compte du grand Capital ont intérêt à faire croire le contraire. Au problème de l'identité française s'applique la théorie de la relativité d'Einstein ou de Poincaré (ne soyons pas trop franchouillard) : c'est un absolu totalement subjectif. Le gadget parfait pour fomenter une querelle de voisinage, chacun derrière son petit blason et sa petite devise gothique luttant pour une conception particulière de l'identité française.
Commentaires
Je serais quand même plus réservé concernant Marguerite de Navarre. D'ailleurs, on ne devrait peut-être pas laisser les femmes lire n'importe quoi. Fascinée par l'ahurissant Nicolas de Cues et par Ficin, La Marguerite des Marguerite a une lourde responsabilité dans la diffusion des "auteurs ethniques" en France. Sa duplicité (elle se dira toujours catholique) a beaucoup contribué au développement du platonisme.