Les viols perpétrés par des membres du clergé catholique allemand et irlandais sur des mineurs, récemment rendus publics, remettent en "Une" le problème de l'Eglise et des médiats. Il vaudrait mieux dire LES Eglises, car musulmans, Témoins de Jéhovah et franc-maçons de l'Eglise de Scientologie font aussi régulièrement l'objet d'attaques des journalistes ou des politiciens, qui ne draguent ces milieux qu'en période électorale (cf. le clocher d'église sur l'affiche de Mitterrand) quand ils y sont contraints par le mode d'élection.
Du point de vue marxiste, le problème est assez simple, mais brouillé par des hypocrites professionnels : je pense à feu le pape Pie XII, qu'une opération typique de propagande catholique vise à canoniser précisément en ce moment, et qui porta le christianisme par des déclarations insanes à peu près au niveau du journalisme ou du socialisme.
L'ex-journaliste du "Figaro" Patrice de Plunkett est un tartuffe du même genre, promoteur depuis des lustres du renouveau de la propagande chrétienne, avec le succès qu'on peut observer. L'engagement de mercenaires du patronat français au service de la foi chrétienne est probablement le meilleur argument que des athées peuvent utiliser contre le christianisme.
Pour "régler" le problème, quelques observations historiques simples :
- La propagande est une invention de l'Eglise catholique romaine à l'époque moderne, poursuivie par les différentes grandes Eglises nationales, allemande, anglaise, suisse, etc. Si l'Eglise romaine est aujourd'hui victime de la propagande, ou plus précisément de l'ignorance volontaire des journalistes, ce n'est que par un effet de boomerang assez mérité.
- Le sophisme des "sphères privée et publique", emprunté à la théorie des ensembles, est un sophisme laïc républicain, mais religieux néanmoins. Marine Le Pen l'utilisait récemment contre les musulmans de France à la télévision, leur reprochant d'introduire dans la "sphère publique" (sic) des éléments religieux : superstition d'instituteur laïcard ! Heureusement que Marine Le Pen ne se vante pas d'être chrétienne, car une telle ruse dans la bouche d'un chrétien est tout simplement démoniaque, le point de départ du "chrétien mondain", tropisme fatal.
On voit facilement qu'il est impossible de distinguer dans l'éducation scolaire ce qui relève de la vie publique d'une part, ou de la liberté individuelle de l'autre. Si l'Education nationale ne formait que des citoyens modèles, cela reviendrait pour elle à former seulement des robots-consommateurs, puisqu'un robot se consume pour l'Etat, comme Roméo pour Juliette (Shakespeare dessine une analogie entre la possession du citoyen par l'Etat, la Nation, et le sentiment amoureux, comformément à une spiritualité chrétienne matérialiste.)
- Un des apports historiques essentiels de Marx et Engels, non loin de Shakespeare en l'occurrence, est de souligner la métamorphose de la propagande chrétienne en propagande d'Etat au cours du XIXe siècle, non pas la rupture mais une certaine continuité. Hegel ou le nazisme dont celui-là est le "père spirituel", le grand architecte, sont typiques de cette appropriation de la rhétorique chrétienne par la fonction publique, le fonctionnaire remplaçant dans la philosophie nazie ou libérale le prêtre en tant que modèle, l'Etat occupant la place d'un dieu omnipotent.
La rhétorique religieuse constitue en quelque sorte la "veille carapace" dont le crabe laïc doit se dépouiller, tout en poursuivant son chemin du même pas de danse. La confrontation se joue à ce niveau-là aussi, et seuls les imbéciles des deux camps l'ignorent (beaucoup plus d'imbéciles dans l'Eglise romaine qui n'intéresse plus que quelques bonnes femmes désormais, que dans l'Eglise laïque, secte prospère à son tour).
- Il n'y pas lieu de s'étonner du mépris de la propagande médiatique, les industriels s'étant arrangés pour obtenir le monopole des télévisions et journaux, de son mépris vis-à-vis du christianisme non plus dans la mesure où la propagande chrétienne ne rend plus au patronat les services qu'elle lui a rendu aux siècles précédents. On peut en rappeler un ou deux décisifs comme la contribution de l'Eglise à l'élection de Napoléon III, homme-lige des cartels, à la présidence de la République, en persuadant une partie de la paysannerie française d'élire le dictateur dont la politique s'avèrera rapidement contraire aux intérêts du paysan, chair à puits de mine ou aciéries de premier choix. Boutin et P. de Villiers ont refait le même coup avec Sarkozy, toutes proportions gardées, sachant que le PS procède de la même façon et qu'il a joué à l'égard des masses ouvrières un rôle de sidération identique à celui de l'Eglise corrompue vis-à-vis des paysans. Ainsi des leaders comme Léon Blum ont convaincu les ouvriers qu'il était de leur intérêt de faire la guerre à l'Allemagne une deuxième fois.
Lénine lui-même a vu la corruption socialiste l'emporter en Union soviétique, de la façon dont le gallicanisme l'a emporté en France au XVIIe siècle sur l'humanisme catholique, avec une lucidité et une impuissance qui rappellent presque Bossuet (presque aussi lucide, et non moins impuissant).
- Le dernier rôle que peut jouer l'Eglise vis-à-vis du pouvoir religieux laïc, disons de la "sphère publique" pour reprendre cette terminologie ésotérique (et indiscutablement nazie, dans la mesure où la solution de l'individu à son identité revient exactement au même procès que de le réduire à sa fiche génétique : aucune science là-dedans, mais seulement de la religion/psychologie.) ce rôle c'est de faire paraître le catéchisme laïc moderne au regard des vieilles lunes éculées de la propagande chrétienne. Et de ce rôle on peut dire que l'évêque de Rome s'acquitte parfaitement, notamment lorsqu'il va chercher dans la philosophie boche aussi inepte qu'athée (Adorno, Horkheimer), ou socialiste (Simone Weil a contrario : "La société est irréductiblement le domaine du diable.") l'inspiration pour ses sermons lénifiants.
Socialisme ou Libéralisme tendent à la pédérastie, exactement comme Rome auparavant, dont le libéralisme et le socialisme ne font que pasticher la culture, tendait vers l'orgie.