La philosophie combattue par Marx n'est pas l'amour de la sagesse ou de la science, mais l'amour de la vie, à quoi peut se résumer la philosophie morale ou l'éthique. C'est notamment sur ce point que le marxisme rejoint le christianisme. Car la vie n'est pas aimable, c'est seulement le confort intellectuel qui permet de le penser, ou la religion que Marx qualifie d'opium. En réalité ceux qui déclarent aimer la vie s'y sont adaptés, ou souhaitent y parvenir, voeux égoïstes ou pieux, étrangers au marxisme comme au christianisme.
Dans la philosophie nazie de Hegel, la critique historique de Marx décèle un millénarisme de nature thérapeutique, une sorte de pari sur l'avenir et non le sens de l'histoire que Hegel s'était fait un devoir d'élucider. Dans la civilisation moderne, le pari sur l'avenir remplace la morale antique qui visait au plaisir et prônait par conséquent la modération. De même l'art moderne ne peut plus viser la seule satisfaction des sens, comme l'art antique, mais il est astreint à faire miroiter cet avenir improbable au plus grand nombre. L'esthétique nazie de Hegel s'avère indépassable. Si les prêcheurs républicains continuent de la prêcher, ce n'est pas tant par goût du nazisme que parce qu'ils s'avèrent incapables d'en imaginer une autre, qui inculque aussi bien le masochisme et le goût du sacrifice, dans le seul espoir d'un avenir meilleur. Nitche, qui voulait ramener la religion du plaisir, raisonnait comme si le monde ne comptait pas surtout des esclaves ou des nécessiteux.
Ainsi Hegel perpétue la trahison de l'esprit par le clergé romain, pour le compte d'une société dont la charge repose sur les épaules du prolétariat, et non plus des paysans. La perspective de l'avenir s'est substituée à celle de dieu, exactement dans le même plan. Le national-socialisme de Hegel est le plus rationnel et le plus mesuré, en même temps qu'il est parfaitement atroce. Il n'y a pas d'autres solutions que de vivre à l'ombre de ce dragon ou de le combattre avec l'aide de l'esprit de dieu.