Essayer de "comprendre l'empire", comme Alain Soral, s'explique par la différence entre l'esprit français et l'esprit allemand ou américain, qui ne s'efforce de comprendre que ce qui est utile à son développement personnel.
En prononçant que "l'existentialisme est un onanisme", Karl Marx a ainsi perdu toute chance de rayonner en Allemagne.
- Cela dit la thèse d'A. Soral n'est pas d'une grande originalité. Elle repose sur un mélange de critique marxiste et de réaction nitchéenne à la modernité, en principe incohérent, mais en réalité assez fréquent de la part des élites intellectuelles françaises.
A. Soral répète en quelque sorte Mai 68 à lui tout seul, et il a le don d'effrayer le bourgeois dans un contexte qui n'a jamais été aussi embourgeoisé ; le bourgeois a désormais peur de son ombre, à l'image d'un Daniel Cohn-Bendit réduit à la caricature de lui-même et aux cris hystériques pour toute pensée. Daniel Cohn-Bendit incarne le mensonge du pacte franco-germanique, présenté comme une garantie de paix. Il relève du pur négationnisme de l'histoire. Dans le processus d'industrialisation de l'Europe, les génocides de Juifs, d'Allemands, de Slaves et de Français, ne sont que des dommages collatéraux ; et si Dany "le Rouge" avait une once de pitié pour ce monceau de victimes, il ne mettrait pas les pieds dans un parlement européen pour des industriels et par des industriels, dont l'idéologie pangermaniste n'a rien à envier à l'hitlérisme que le courage d'assumer sa brutalité - un parlement qui est le résultat d'un processus nationaliste industriel. Dany "le Rouge" est le factotum du Capital, et il le sait très bien.
Cela dit, pas plus que le nationalisme "high tech" de Cohn-Bendit, blanchi au kärcher, le nationalisme d'Alain Soral ne mérite le respect. Toute nation, du point de vue chrétien, n'est qu'un complot d'assassins. Et quand cette nation ose se dire chrétienne ou s'appuyer sur la Bible en la profanant, c'est une nation d'assassins qui frappent par derrière.
- Quant aux appels à l'assassinat de Soral par certains milieux d'extrême-gauche, ils rappellent la vieille tactique des élites industrielles et bancaires qui consiste à effrayer le populo à l'aide de groupuscules "anarchistes", à qui la drogue ou l'argent font office de doctrines politiques. D'une certaine manière, Marine Le Pen a aussi cette fonction publique d'incarner le mal.
- L'originalité de Soral est plutôt dans son indépendance que dans son propos, à l'heure où l'esprit français ne diffère plus guère de l'esprit de caserne des élites européennes pangermanistes. Je ne rate pas une occasion, pour ma part, de signaler la chiennerie du parti démocrate-chrétien, qui accomplirait le pronostic de l'antéchrist Nitche selon lequel les Allemands sont les derniers "judéo-chrétiens", s'ils n'étaient en réalité les derniers larbins du capital et de l'Etat omnipotent.
Cependant, bien qu'il se dise parfois "catholique", le propos d'Alain Soral est étranger au catholicisme.
D'ailleurs A. Soral se réclame plutôt d'une "culture catholique" qu'il n'exprime sa fidélité à Jésus-Christ. Or c'est là une double erreur qui suffit à faire suspecter qu'il se trompe lorsqu'il croit "comprendre l'empire". Du point de vue chrétien, seul Satan et les chrétiens peuvent comprendre l'empire.
En effet, première erreur, il n'y a pas de "culture catholique". Le christianisme est insoluble dans la civilisation, bien que cette tentative soit une constante de l'histoire moderne. Le génie du christianisme est la pure invention de Chateaubriand. Or on voit bien que cette invention, qui n'est jamais que le b.a.-ba de la propagande catholique romaine, afin de substituer au message évangélique une direction morale et politique, cette ruse de la raison joue un rôle primordial dans l'histoire occidentale.
Seconde erreur, qui explique le "croisement" entre le chrétien Shakespeare et l'antichrist Nitche, et non le recoupement : la culture catholique est la plus faible de tous les temps ; c'est ce qui explique la nécessité pour les artistes exprimant la culture de vie, dans le monde chrétien, de piller sans cesse des cultures antiques ou primitives. Quel chrétien pourrait raisonnablement assumer l'érection d'une cathédrale gothique en dehors d'un imbécile comme Claudel ?
- Ainsi il ne faut pas faire tout un plat de la doctrine sioniste, aussi anecdotique que la prose de Chateaubriand. Tout à tour, la morale catholique romaine et la morale républicaine ont été discréditées. Les "victimes de la Choa" suppléent le Christ en croix ou les martyrs laïcs, la bestialité des troupe républicaines françaises dans les colonies ayant usé un peu trop vite la prétention humaniste de ce régime. On voit d'ailleurs que cette moraline porte plus l'estampille française ou américaine qu'israélienne. Elle expose d'ailleurs ce pays à la haine des nations, comme l'Eglise romaine et son clergé auparavant.
- L'Empire dont parle Soral, Shakespeare en a déjà parlé comme d'une puissance essentiellement suggestive et magique. L'avenir a le don d'engloutir les forces de l'empire comme la mer rouge les troupes de pharaons.
Commentaires
A quand un entretien avec Soral par Lapinos, voire une rencontre Nabe Soral Lapinos? la charité l'exigerait!
à quand une discute avec soral, voire une rencontre Nabe Soral Lapinos? La charité l'exigerait!
Nabe prépare un pamphlet contre Soral et la "dissidence française" autoproclamée, si je ne m'abuse. Ca va saigner. J'ajouterai que ni Soral ( qui ne veut certainement pas s’embarrasser d'une mauvaise conscience anarchiste dans son combat nationaliste souvent plus politique que mystique ), ni Lapinos ( Qui est incapable d'après mon expérience de se faire clair pour ses lecteurs profanes quand il s'agit de leur répondre, et je ne parle pas que de mon cas, mais de tout un tas de gens pourtant intelligents et qui ne pipent mot à la prose Lapinosienne, malgré leur bonne volonté parfois ), Ni Soral ni Lapinos donc, ne sont capable de débattre l'un avec l'autre à mon avis. Soral est au surplus un très mauvais débatteur, dès qu'on est pas dans l'orthodoxie patriotique, il flaire l'hérésie, et tout non-soralien est un chien.
Cela dit, je dois admettre que je me suis rêvé entremetteur plus d'une fois de ce genre de débat entres ceux qui se revendiquent du Christ, à divers degrés, en France. Mais je n'y crois pas beaucoup pour tout dire.
Soral ( Le Christ politique-Maurrasien-punk ), Nabe ( Le Christ artistique-extatique-diogenien ), Lapinos ( Le Christ scientifique-matérialiste-shakespearien ), ont pourtant des choses à se dire, même s'il ne disent pas du tout la même chose.
Et puis, il y'a le Diable qui divise aussi, c'est son boulot.
Olivier Mukuna sur sa rencontre avec Soral :
"D’emblée, le gourou (Alain Soral) s’est permis d’aboyer plusieurs conneries édifiantes à mon encontre. Ceux qui ont pratiqué Soral hors caméras savent parfaitement qu’il est impossible de discuter avec cet autoritaire maladif qui ne respecte aucune des règles élémentaires fondant l’échange sérieux. A plus forte raison, lorsqu’il vous a identifié comme critique envers son discours et ses positionnements … Excédé par sa stupidité insultante, je me suis levé et lui ai dit fermement : « Viens, on va régler ça dehors à l’ancienne ! « . Il n’a pas bougé et s’est tu … J’ai réitéré mon injonction en hurlant ! A nouveau, Soral n’a esquissé le moindre mouvement."
Juste pour que Fodio comprenne bien, j'illustre là le complexe de supériorité total du bon père Soral. Il a même dit dans une vidéo récemment, pour raccrocher le thème de Lapinos, que si Jésus revenait, il serait aujourd'hui "à la droite de Soral". Gros cerveau, gros ego.
C'est pourtant simple :
1/ Le message évangélique chrétien est irrécupérable sur le plan moral ou politique ; qui le nie s'assied sur les évangiles.
2/ Cette récupération juridique est une constante de l'histoire moderne occidentale : il est impossible de comprendre l'histoire moderne sans tenir compte de ce phénomène. Si Shakespeare est l'historien majeur de notre temps, c'est pour la raison que les tragédies de Shakespeare sont axées autour de ce phénomène annoncé par le Messie et certains de ses apôtres, et que les chrétiens comprennent comme la manifestation de l'antéchrist dans l'histoire.
3/ A la fois Soral et Nabe évitent de donner dans le panurgisme, qui est une des clefs du totalitarisme moderne et du pangermanisme des élites occidentales néo-nazies (pacte atlantique) - et sur ce plan ils sont louables -, et en même temps ils ont une conception du catholicisme comme une culture, ce qui non seulement est inacceptable du point de vue apostolique, mais en outre est illusoire. La volonté rationnelle de restaurer la culture émane de Nitche, moderne Judas, "au nom de l'antéchrist". Mais le point de vue de Nitche est celui du "loser" : l'autodestruction de la culture occidentale est un phénomène irréversible.
4/ Si je devais convaincre Soral qu'il se trompe, je lui demanderais : qui a fait barrage complet en France au marxisme, au point que le féminisme peut y passer pour une revendication sérieuse ? La réponse, c'est : non seulement quelques ataviques défenseurs des intérêts de la bourgeoisie française comme Sartre ou Aragon, mais toute la fonction publique républicaine, suivant une détermination fachiste (contre-révolutionnaire) attribuée par Marx lui-même à la France, "en raison de sa pléthore de fonctionnaires". Donc le républicanisme est l'art de faire marcher les esprits au pas.
Avant les guerres mondiales, le républicanisme était dégueulé unanimement par tout ce que la France pouvait compter d'artistes désintéressés et indépendants, de tous bords. Après les deux guerres mondiales, l'opération de lavage de cerveau ultime est menée au nom des valeurs républicaines, alors même que ce sont les plus purs produits de l'éducation républicaine qui ont cédé le plus facilement, non pas à l'occupant allemand, mais ce qui est pire à la culture allemande.
La fraternité et l'égalité républicaines n'ont jamais régné que dans deux endroits : les casernes et les cimetières - partout ailleurs, la propriété et la tartufferie.
Pour ma part je trouve Lapinos limpide mais il est vrai que je ne suis pas complètement profane ni très intelligent (sans être tout à fait un imbécile fini; Cela dit Lapin si tu pouvais développer cette affaire de "croisement mais pas recoupement" entre S. et N.).
Connais pas ce Mukuna (Calédonien ou Burkinabé?) me semble manqué de sang-froid quand même (ça me ferait plutôt rigoler l'ironie provoc de Soral sur la place de Jésus, car comme le souligne Lapin/shakespeare il (Jésus) serait plutôt à la gauche de Soral en tant qu'anarchiste révolutionnaire. Et puis ces histoires de régler ça dehors au nom du Christ, fort comique, c'est quoi? un concours de joue tendue?)
Enfin je crois que ni Soral ni Nabe ne connaissent le propos de Lapinos (faut pas rêver Robot, faut agir) et si je me trompe alors c'est bien le fait de la tartufferie de l'une et l'autre de ces vedettes du paf et de l'édition qui doivent un peu trop tenir à leur propriété intellectuelle, en quoi on peut voir que Lapinos a répondu très clairement à la Machine en colère (désolé mais ce pseudo!? en tout cas la question est posée à Soral, et tout bien renseigné que vous semblez être Robot, qu'est-ce qui vous empêche de la faire parvenir à soral et de nous en donner un écho ici-même?).
- Soral prétend se placer sur le terrain de la politique, et Nabe plutôt sur celui de l'art, en apparence plus égoïste.
Tous deux sont représentatifs de la "contre-culture", dans la mesure où le discours de la modernité est une incitation à la passivité, à effet d'entraînement des masses - la religion dominante. On peut constater que tout ce qui concourt à la modernité est "automatique" : croissance économique, philosophie naturelle évolutionniste, nationalisme, art mécanique (cinéma), négationnisme de l'histoire sous la forme d'une démonstration hégélienne du progrès purement rhétorique, etc.
La culture est un phénomène érotique et sexué, avec d'un côté un discours moderne passif ou féminin, et d'autre part une contre-culture qui constitue l'élément actif ou viril. La culture occidentale est désormais largement efféminée, mais en même temps aucune culture ne peut se passer de l'aspect viril pour perdurer.
- Quant au chrétien, lui, il est étranger à la culture. Il faut être chrétien pour comprendre le message de Shakespeare, incompréhensible du point de vue culturel ou psychologique. - Prends garde, dit Shakespeare, à la "culture chrétienne" : elle est nécessairement un poison mortel versé traîtreusement dans le creux de l'oreille, car la culture est en principe la croix, le droit canonique et le droit pénal, le fer de lance pour tenter de préserver l'ordre du monde de la vérité.
- Soral se place sur le terrain de la politique, mais celui-ci exige la capacité de dissimuler, non de dire la vérité, de trahir ses amis, et non de leur être fidèles. Sur le plan rhétorique, il importe de convaincre et non de dire vrai ; BHL l'a bien mieux compris, qui a inventé le slogan et la mise en scène philosophique adaptés aux moyens de propagande modernes.
- Nabe, lui, se veut artiste, mais l'art est mort. Et le voeu de Nitche de ressusciter l'art restera lettre morte.
Limpidissime! Si Nabe et Soral avaient l'opportunité d'entendre ça, putain de moines! Je veux bien que le gâlfatre BHL à la nuque raide soit intouchable, mais des hommes de bonnes volonté... tu m'enlèveras pas de l'idée que tout virils qu'ils soient culturellement ils en sont quand même à parader devant un parterre de pédérastes efféminés. Volontairement ou pas, c'est pitié! La charité voudrait qu'on leur botte le cul. Mais que fout Porteur, scrogneugneu!
"Limpidissime" ! Haha, votre petite secte regorge de surprises insoupçonnées. Mais ce n'est pas si important.
A l'intention de Fodio maintenant, vraisemblablement excité comme une sauterelle bavarde :
Soral a un profil Facebook, qu'est-ce qui vous empêche vous, qui semblez croire comme un dévot à la bonne volonté du trio de "chrétiens", d'informer Soral des développements du tenancier de ce terrier ?
Moi je pense que Lapinos ne prêche quasiment que les convaincus, que Soral ne s’embarrassera jamais d'un anarchiste, et que Nabe est trop confit dans sa religion de l'art pour s’intéresser franchement à une doctrine qui la contredit si précisément.
Je les lis les trois, comme un cochon qui boufferai à tout les râteliers, mais je n'ai pas assez d'espoir, ni l'esprit suffisamment conciliateur pour tenter de les faire s'entendre, ni pour espérer faire dévier leur orgueil si véloces.
Je tenterais sous peu d'autres ponts, des petits ponts plus modestes que ces grands-écarts-ci, si toutefois le Lapin était intéressé à nous exposer pour de bon sa bonne volonté très-chrétienne. Nous verrons, je vous ferais parvenir les développements de mon petit projet ici même, dans un délai relativement bref.
Mais, la bonne volonté du trio de chrétien... On aura tout lu !
Vous avez raison de ne pas vouloir la conciliation ou le compromis, AngryRobot - il n'y en a pas dans le christianisme, car la diplomatie est un truc de bonnes femmes.
La voilà bien la bonne volonté de Lapinos, Robot, quant à celle des autres lascars, et la votre, je constate qu'elle est pas évidente. C'est pourtant ce qui fait déplacer les montagnes. Sans ça on reste un porc; épique, intelligent, rhéteur, mais du groin, des oreilles et de petits yeux malins au raz du fumier.
Intéressant. Je dirais peut être pas "limpidissime", Lapin, ce n'est pas l'heure de la pipe, mais pour une fois que je n'ai pas trop d'effort de décodage à fournir, je ne vais pas faire le difficile.
Je ne suis pas spécialiste de l'animal (Nabe), mais je vous ai quand même tartiné une sorte de mini-thèse sur lui, avec un paquet d'objections, précises je l'espère, pour que vous précisiez vous-même votre propos. Désolé pour la pluie de tirets (et je ne sais pas si le pire est votre esprit de synthèse qui confine à l'ésotérisme et à l'abstraction - quasi hiéroglyphique pour les profanes -, ou bien si le pire est mon esprit qui pénètre dans le détail comme dans une jungle, pour se perdre en labyrinthe de précisions.) Ma "thèse" sonnera peut-être hagiographique, et il est vrai que Nabe m'a pas mal intéressé plus jeune et m'intéresse encore par beaucoup d'angles. Bref, le mal est fait :
- D'abord, si tout effort théologique qui diverge du vôtre peut être qualifié de "culturel", et que seul le vôtre mérite le caractère de "scientifique" car vous êtes dépositaire de l'esprit de l'évangile, la question est résolue d'emblée, et il n'est pas nécessaire de lire la suite. Ce qu'on peut reprocher à Nabe, par ailleurs, c'est un goût du paradoxe très prononcé et un certain flou théologique, ou plutôt que flou, un bordel théologique, un byzantinisme. Mais je ne vois pas là ce qu'il y a de "culturel". Le paradoxe est parfois par ailleurs un très bon laboratoire, pour experimenter les arcanes de la vérité.
- Nabe, donc, ne me semble pas relever de ce christianisme culturel que vous décrivez, ni même contre-culturel. Nul trace chez lui de volonté de fonder une hypothétique "contre-culture", et encore moins une "contre-culture" de masse, plutôt de contrarier le courant de la culture religieuse bourgeoise de son temps, le torrent de la culture balisée et conforme, la tiédeur menteuse de l'académisme même, et de trancher une à une les têtes de cette hydre culturelle à grand coup de vérités sévères, de blasphèmes et de scandales.
- Il tente aussi de trancher la tête de ses gardiens zélés, les journalistes, les intellectuels, les philosophes, les institutions morales, toute la caste des prêtres et des flics de la pensée, par l'art, par la libre cruauté pamphlétaire et l'art du portrait satyrique notamment.
- En somme : une manière de chercher la beauté en anarchiste cruel, pour secouer le cocotier pourrissant de l'idéologie et de la grégarité sociale. Il ne s'agit pas de régénérer par ce biais la culture mais de faire swinguer son cadavre pour qu'elle apparaisse dans tout son mensonge, sa petitesse.
- Il n'y a notamment chez Nabe aucune volonté de fonder quoi que ce soit de l'ordre du politique, ni même du collectif ni encore de légitimer quelque forme de gouvernement que ce soit, contrairement à nombre d'artistes "engagés", ou d'idéologues auto-proclamés artistes, qui servent de caution aux diverses idéologies séculières, qui en produisent l'hagiographie lyrique, la justification poétique. Les éloges du terrorisme ou de la révolution qu'il peut faire sont toujours aiguillés par un certain sens mystique, son eschatologie propre, peut-être mal renseignée, et une obsession de la justice, qu'il oppose avec constance à la morale. C'est peut-être imprécis sur le plan eschatologique, je n'exclus pas que Nabe ait tout faux sur ce plan, mais ça n'a toujours pas grand chose à voir avec quoi que ce soit de "culturel".
- Nabe brouille avec impétuosité les frontières idéologiques, affole les robots bourgeois, secoue les barreaux de la prison sociale par une tentative de justesse lyrique individuelle, par une liberté de tout dire, qui lui vaut d'être caractérisé d'"enfant terrible" par les pense-mou, voir parfois de "sale gosse" par les plus mère-bourgeoises. Ce qui ne l'empèche pas d'être quelque peu récupéré médiatiquement comme une sorte d'amuseur "impertinent", bouffé à la sauce du "ah la la, ce sacré Nabe...".
- Sur la récupération médiatique : C'est le risque auquel personne ne coupe en se frottant au bourgeois universel de plateau télé, d'être transformé en produit commercial, en plus-value médiatique, parce qu'on est un drôle d'oiseau, un drôle d'oiseau scandaleux, qui jure dans le ronron libéral. "Quel bon client ce Nabe !", se dit ordinairement un animateur, un oeil sur les bonds des résultats d'audience, en feignant gravement l'indignation.
- L'oeuvre de Nabe a des aspects de bréviaire par l'exemple, et est tout au plus une sorte de "maison de redressement" pour individus écrasés par les abstractions bourgeoises et le gros animal social. Si l'art est mort, il prétend en effet le ressuciter. Mais sa vision de l'art est celle d'un art de combat spirituel, assez loin des afféteries et de l'art pour l'art, de l'art pour la religion civile, de l'art-opium ou décoratif. C'est un art pour la guerre (au sens chrétien), un art pour la vérité, un art pour la liberté par la vérité, un art pour l'anarchie, un art pour foutre le bordel. J'illustre ici essentiellement le Nabe anarchiste mais il existe aussi des aspects "fascistes" chez lui. "individualitaire". Il y a un aspect libérateur chez Nabe, notamment qui descille les vues paresseuses du panurgisme démocratique, et qui exalte la soif d'une vérité sans concession, qui elle aussi rend libre. Où est la culture ici, dans ce tremplin vers la vérité ?
- Nabe a une vision de l'art comme entreprise de désacralisation généralisée des doctrines sociales, de subversion du confort, du conformisme, et un mysticisme artistique qui utilise beaucoup les figures de l'extase, de la transe, et de l'égoïsme créateur. Il ne prétend pas, que je sache, créer de club de transe, d'où que je ne saisit pas ce qu'il y a de culturel là encore.
- Il est également spécialiste en saccage des tabous religieux et des conventions sociales. Le style chez lui, la ballistique littéraire et la virtuosité "technique", sont des moyens mis au service d'une mystique artistique un peu éparpillée à mon goût, mais assez pure de toute velléité d'organisation ou "d'engagement", assez pure de la politique.
- Il marche en ces matières sur les traces d'Oscar Wilde dans l'exacerbation subjective, proclamant d'abord vouloir faire "de son nombril le maelstrom du monde" (dans la première partie de son oeuvre, guerre contre Dieu, grand dérèglement de la morale et tentative d'égoïsme littéraire ). C'est un individu forcené et une sorte d'éponge à formes, qui fait feu de tous bois esthétiques pour illustrer "sa" vérité, la creuser (en faire en même temps un tombeau où coucher pour de bon sa réputation, par soucis d'indépendance et de radicalité, haine du compromis social et des oeillères militantes). Son style est aussi naturellement une réthorique, pour convaincre, vaincre la tiédeur, éventuellement braquer les coeurs. Il est pénétré de l'évangile de son nombril, vieux reste tenace de sa première période.
- Il use de sa mystique extatique comme d'un moyen que j'ai du mal à voir comme culturel, ni même cultuel ( passage sur la messe, sur la religion, sur la morale) en gardant la Vérité comme finalité dernière, une vérité dont il juge qu'on ne peut que la révéler artistiquement, voire la créer ( D'où son oscilation paradoxale entre une recherche de la vérité et une création orgueilleuse de forme ?)
- Quelques citations de Nabe pour illuster mon propos, et dont vous me direz s'il relève pour vous d'une vision culturelle du catholicisme.
" Credo quia absurdum. Quelle merveilleuse profession de foi : "Je crois parce que c'est absurde", c'est même pour ça que je crois. Si ce n'était pas absurde, il n'est même pas sûr que je croirais. Je crois d'autant plus que c'est absurde de croire. L'absurdité est mère de toute les foi. "
"Toute religion me paraît une parodie du mysticisme. - Nabe (Régal)"
" La Foi pisse à la raie du doute. - Nabe (Non)"
" Je pense même que certains "athées" serait revenus plus vite au christianisme sans la morale. C'est la morale de l'Eglise que Nietzsche attaqua. Pas l'esprit du Christ. - Nabe (L'âge du Christ)"
" Quand on est incapable d'assister à sa propre vie, alors on peut aller à l'église : on ne mérite que ça. - Nabe ( Régal des vermines)"
" Il ne faut pas confondre religion et morale, il y'a une dimension spirituelle, mystique dans la religion qui n'interesse personne et qui, révélée, ferait un bien fou a des millions de gens, si vraiment on leur parlait de foi, de passion, de transcendance du réel au lieu de parler de morale. - Nabe (Coups d'épée dans l'eau)"
(PS : je flatte ici avec mon épais pensum votre "bonne volonté" chrétienne que je soupçonne d'être bien imparfaite quand il s'agit de se rabaisser à répondre avec clarté - et dans le détail - aux questions des "égarés". Vous avez d'avance une circonstance atténuante car mon long texte est foutraque, mais répondez quand même, si vous le voulez bien, à l'essentiel de mon portrait de Nabe et de mes objections. Bonne continuation.)
- Du point de vue chrétien, c'est le monde qui est irrémédiablement absurde et non dieu. Je ne crois pas dans l'humanité, la sociologie, l'anthropologie, le purgatoire, les doctrines sociales de l'Eglise, parce que toutes ces matières sont absurdes, et traduisent ainsi l'impuissance de l'homme.
Parce que le monde est absurde, une personne mondaine peut être tentée, par analogie, de déduire un dieu absurde. C'est d'ailleurs Satan qui demeure plus ou moins impénétrable pour ses suppôts, suivant leur degré d'initiation. Napoléon accomplit des massacres, il accomplit l'office indispensable de régénération de la culture dans le sang, mais ni lui, ni même Hegel n'ont une conscience du plan satanique global.
Tandis que le dieu des chrétiens, lui, s'il n'est pas "évident", dépourvu d'effets providentiels mirobolants, ne se dérobe pas à l'entendement de ses fidèles. Cet entendement est même nécessaire aux apôtres du Christ Jésus pour frapper la bête de la terre au bon endroit, et ne pas se tromper de cible.
- Nietzsche attaque non seulement la morale de l'Eglise, mais aussi et surtout la parole divine qui est l'esprit de dieu. C'est en quoi Nietzsche se distingue de bien d'autres pourfendeurs de la morale de l'Eglise, chrétiens ou même athées. A moins de s'en tenir au niveau des racontars culturels sur Nietzsche, je vois mal comment Nabe peut ignorer ça. Peu de musiciens ont d'ailleurs eu l'audace, comme Nietzsche, de faire nettement le choix de Satan.
Tandis que l'intention critique de Luther est eschatologique, celle de Nietzsche ne l'est absolument pas. Nietzsche est bel et bien antichrist.
- Effectivement le christianisme est une spiritualité qui intéresse peu de monde (= la force de l'esprit de dieu n'est pas d'ordre moral), et non une morale sur laquelle tout le monde a son mot à dire. Mais cela on peut le dire aussi de l'antichristianisme et du culte satanique : il peut aussi être qualifié de poésie mystique supérieure.
- Vous le connaissez apparemment mieux que moi, mais c'est assez difficile de mon point de vue de dire si Nabe est du côté de la musique, c'est-à-dire de la culture, de Satan comme Nietzsche, ou bien au contraire du côté de l'esprit chrétien qui met le feu à la culture et détruit les idoles, comme Shakespeare.
Voyez, Robot, comment Lapin termine avec Shakespeare parce que tout commence par lui, c'est à dire par Bacon, que vous gagneriez à lire au lieu de faire le cochon et de vous farcir du Nabe et du Soral à vous rendre foutraque, comme vous dites. La bonne volonté n'est pas afin de ménager ses amis ou ses ennemis, elle est pour distinguer le bon grain de l'ivraie. Or plus on va et plus l'ivraie prend figure d'une montagne. Si on file la métaphore, toute réussite disons "mondaine" est le résultat d'une escalade difficile avec au bout l'illusion d'avoir accompli quelque chose, de voir plus loin que les autres et bien sûr l'orgueil d'en tirer gloire, mais l'esprit divin, lui, permet de déplacer la montagne qui devient simple pierre d'achoppement et le vrai travail de labour peut se poursuivre sans tambours ni trompettes sauf celles bien sûr de l'apocalypse qui ne sont pas spécialement agréables à l'oreille. L'image du labour, du sillon, est mal choisie, (Abel contre Caïn) on devrait plutôt parler d'aplanir, de laisser venir l'eau et de lancer des filets, devenir pêcheur d'homme.
Mon idée de départ, une rencontre Soral Nabe Lapinos, vise plutôt les deux premiers, à les attirer dans les filets de ce dernier. Mais entendez-vous comme l'Esprit souffle librement, c'est peut-être vous qui allez être pris et comme vous avez été créé libre c'est de votre seule volonté que tout dépend. La contradiction à vaincre, qui peut sembler une montagne, c'est qu'il faut être libre pour bien vouloir en même temps qu'il faut le vouloir pour être bien libre, mais en vérité c'est une souris, aide-toi et le Ciel t'aidera!
Merci à vous deux. Je prépare une grosse grosse réponse aux aspects qui m'intéresse dans cette discussion. Ce sera encore un fatras et contiendra à la fois des précisions sur Nabe, tentera aussi de préciser l'opposition, que je juge un peu factice, ou disons, trop antagoniste, entre l'anthropologique (culture/musique/art/principe vital) d'un coté et Dieu (science/connaissance/principe spirituel) de l'autre. Si je dis que cette opposition recoupe l'opposition d'un côté du Corps-âme / et de l'autre de l'Esprit. On encore d'un côté de l'organisationnel, l'organique, basé en bonne part sur la peur et mensonger, donc oppresseur, contre de l'autre côté le spirituel, la charité réelle basée sur la vérité et libérateur. Si c'est bien l'esprit de votre critique générale, vous auriez gagné, et vos lecteurs aussi, à la synthétiser dans des formes moins éparses à mes yeux, plus artistiques justement, mais c'est une autre question, et je suis peut être mauvais critique en ces matières...
Si c'est bien là l'esprit général de votre critique, je dirais que cette opposition se résous à mes yeux un peu dans la figure de l'incarnation.
Ma réponse est sans doute une tentative casse-gueule - je met les charrues avant les bœufs, et je prétend penser sur des questions qui me dépassent - mais elle vous intéressera je l'espère, et j'aimerais beaucoup vous voir la contrarier, à titre indicatif et pour les besoins de mon avancement spirituel. J'use de votre terrier comme d'un grand laboratoire d'hypothèses, vous m'excuserez je l'espère.
La précision dans votre éventuelle réponse, sera très appréciée, et la cerise sur le gâteau serait une série de citations et de références, éventuellement Shakespearo-baconienne, biblique, grecques, je ne suis pas sectaire.
En toute bonne volonté.
Merci d'avance.
Merci de votre réponse, donc, qui appelle commentaire. (Je suis par ailleurs un grand paresseux, je ne connais pas si bien Nabe en spécialiste, mais j'ai des "hypothèses de travail" que je juge assez solides sur lui, car elles recoupent d'autres questionnements que j'ai par la lecture d'autres auteurs)
Je vais me lancer ici dans une nouvelle tentative de jouer l'avocat du Nabe, ce qui sonnera dans votre terminologie comme l'avocat du Diable, soyez en sûr. Attention à la pluie de tirets !
- D'abord, une précision sur ce que je crois comprendre de "l'épistémologie" de Nabe, et sur sa démarche proprement littéraire : Nabe en mettant les pieds dans le plat du personnel et du terrestre, dans ce jeu de massacre tragi-comique, par l'art du portrait notamment, à charge et à décharge, en faisant de longs allez-retour entre la cruauté et la justice, ou encore en glosant sur la délectation musicale, semble chercher, par synthèse, une image de Dieu, du mouvement divin, de la dynamique divine, par le chemin de la charité envers tout. Y compris, et peut être surtout dans son cas, la charité envers le profane, le monde (son grouillement, sa musicalité, ses formes impures).
- Son approche est ainsi, artistique, et je ne suis pas définitif sur la puissance théologique de cette méthode, mais elle m'intéresse beaucoup. Il faut ici articuler entre l'humanisme frelaté, l'anthropologie, la justification de l'homme par l'homme d'un côté, qui est en effet une erreur si on la prend pour une méthode spirituelle, et, de l'autre côté, la puissance accordée par Dieu à l'homme, de voir et de dire, artistiquement si ça lui chante, par la force de son esprit, la vérité.
- La subjectivité artistique est dans cette perspective un pont vers l'objectivité pas pire qu'un autre, quand on fait usage précis de ses facultés, et un usage précis des vérités révélés ou profanes.
- Des mystiques ont développé cette articulation mieux que moi, mais je suis un peu imprécis sur la question. Ici, c'est pur dogmatisme à mes yeux de rejeter tout l'art, comme ce l'est d'idôlatrer toutes ses manifestations médusantes de l'ère spectaculaire, ou ses formes les plus porcines et aliénantes sous le grand argument du fourre-tout "culturel".
- Pour préciser maintenant, la démarche de Nabe, il me semble qu'il essaye de remonter la trace de Dieu à travers les créatures, et à travers les créations des créatures (leurs créations musicales notamment, d'où ses milliers de pages sur le jazz, mais aussi sur Mozart, et tout un tas de compositeurs et musiciens de tous les temps). Il remonte le souffle de Dieu comme un skieur pénible ! Des manifestation au créateur. Il est un peu à mes yeux comme un détective aux méthodes douteuses qui chercherait à connaître Dieu, et encore à connaître Satan, à travers leurs manifestations dans les créatures et leurs créations, en cela que les créatures contiennent de la vie, et que la vie est bringuebalée
(((entre Dieu qui la donne, la sauve par l'esprit et l'amour, et le Diable qui la pousse vers la mort ? Vous ajouteriez je crois que le diable pousse à la mort dans son plan morbide, et qu'il possède aussi l'homme dans le règne terrestre, puisque pour vous, l'enfer est "ici et maintenant" il me semble. Satan est donc le Prince de ce Monde ? Ce monde ne contient t-il pas, par l'esprit donné à chaque homme, un peu de la substance de Dieu, qui échappe à Satan ? )))
- Nabe lit le principe vital, le Monde, autrement que comme le grand énnemie, mais plutôt comme une forme partiellement possédée par le Diable, mais qui garde des traces de Dieu, et des ponts vers Dieu. Sa vision de la nature, de la nature humaine y compris, par le truchement de formes mystiques précises (prière, transe, extase, contemplation active de la beauté formelle, de la beauté architecturale, naturelle même, hommage rendu à celle ci par l'art, etc) est une vision d'artiste que je qualifierai d'exorciste.
- Vous ajouteriez peut être que la création et les créatures son possédés par le mal, corrompus par le péché, le péché contre l'esprit notamment. Mais je comprends mal comment vous pouvez juger de si haut ce qui est née de Dieu, et qui contient en lui l'esprit, qui procède de Dieu.
- On pourrait dire qu'à force d'être bringuebalée en des mains si hautes, elle en sait un paquet, la vie, et elle a des choses à dire. Comme une pute qui connaitrait très bien la part obscène de l'homme, la vie, le principe vital, garde des traces de connaissance de Dieu.
- Vous diriez, vous, je crois, que le principe vital bien que procédant de Dieu, ne connaît pas Dieu, que rien de ce qui en procède, de ce principe vital, n'élève l'homme vers son créateur.
- Vous diriez même peut être, si je vous comprends bien, que le principe vital ou naturel sous toutes ses formes éloigne du principe spirituel et de la connaissance de Dieu, en bouche l'accès et le détourne, ainsi de l'organisation sociale, de la religion, de la patrie organique etc.
- En somme la culture/nature/musique est essentiellement anti-spirituelle, et que par ce biais qu'on qualifiera de culturel pour résumer, l'homme reste sourd à la vérité divine (comme Adam ?), voire que par le biais de la culture, on raffine au fil de l'histoire cette surdité de l'homme.
- J'avance maintenant l'hypothèse que les deux visions (tentative de connaitre Dieu à travers le principe vital organique / tentative de connaitre Dieu contre le principe vital organique) ont peut-être toutes deux une certaine validité théologique, et que je ne les vois pas en tout cas en guerre totale.
- Nabe, si là encore je le lis comme il faut, fait l'éloge de toutes les mises en mouvement, qui sont analogues au principe vital du jaillissement, et qui viennent "bordéliser" les "faux ordres".
- Eloge qui va, sur le plan politique, de l'anarchie à la révolution, en passant par le terrorisme, et sur le plan mystique qui inclu la transe, bref, tout ce qui a un effet dissolvant à la fois sur le "moi" menteur, mais aussi sur la cité menteuse, sur la loi menteuse, sur le confort bourgeois menteur.
- Il fait ici une analogie entre le déterminisme et les faux ordres terrestres, et identifie l'élan vital comme libérateur de ce déterminisme, quand bien orienté, (vers DIeu) en cela que l'élan vital viril, implique la transgression, le saccage de la frontière et du sacré, une certaine forme de liberté jaillissant contre le déterminisme (conformité sociale, démocratie hypocrite, académisme et cloisonnement en art, toute forme impliquant le mensonge et la séparation, et qui nourrissant le mensonge, interdisent la libération personnelle par la vérité).
- A t-il raison, a t-il tort, c'est la grande question, et je ne lui donnerai pas tord par le simple soupçons qu'il puisse être paresseusement rangé dans ce concept-valise de "culture/musique".
- Plaçons nous littéralement sur le plan musical, pour confronter Nabe à votre hypothèse qu'il serait peut être "culturel/musical", donc satanique, la musique étant une bonne analogie, bien que partielle, de la culture. J'essayerais au passage de vous énoncer mes réserves sur le satanisme intégral de la musique/culture.
- J'oscillerai ici entre l'analyse concrète de la musique en tant qu'art (j'en connais bien les mécanismes, et les limites, l'aspect de "paradis artificel", étant moi même un grand consomateur de musique) et une analyse plus abstraite du concept-valise de culture/musique
- Ainsi Nabe semble lier par exemple l'attention religieuse (au sens religare : prendre soin de) que la musique requiert et stimule (et souvent trahit, obscurcit, diriez-vous sans doute en voyant le verre complètement vide, alors qu'il est à mon avis à moitié plein).
- Cette attention musicale donc il semble la relier à l'amour divin, amour qui est attention plénière, qui est l'attention d'entre les attentions.
- L'attention musicale du mélomaniaque, pour Nabe, procède à l'échelle humaine de la même impulsion, et imitant l'attention divine, devient une des formes de l'intelligence, par laquelle on se rapproche de Dieu.
- Je crois comprendre que Cette attention qui est requise chez le musicien lui même, confine pour Nabe à la "grâce", qui est proximité avec l'esprit de Dieu. Son obsession générale des formes doit beaucoup à ce motif, je crois.
- Ajoutons que Nabe parle beaucoup de la figure de la grâce, qu'il semble considérer comme une manière de camaraderie avec Dieu, un don, qui peut être le fruit d'un travail, et qui nous met "en compagnie de Dieu", d'être touché par lui, et
nous permet de le connaître mieux.
- Grâce qu'il semble retrouver dans l'extase musicale chez l'auditeur, ou même l'ivresse musicale, et par exemple
l'attention proprement sur-humaine qui est requise d'un musicien de jazz pour improviser tout en considérant avec justesse ses partenaires de jeu (ce qu'on appelle l'interplay).
- L'extase ("hors de soi" étymologiquement) en général étant une manière de négation de l'égo et l'amenuisement de l'égo, dans nombre de mystique, une manière de rejoindre Dieu, par la connaissance.
- A ce propos. Il cite quelque part cette idée de Powys, qui est centrale dans sa pensée, et centrale également chez beaucoup de mystiques (Je pense rapidement à Simone Weil, ou à Buddha) : " Everybody is a Nobody ; and Nobody is God." Et Nabe de commenter : "La phrase est capitale chez Powys. Non pas : chacun n'est rien et rien est Dieu. Non pas : quelqu'un n'est personne et personne n'est Dieu, mais : Tout le monde est Personne, et Personne est Dieu.".
- Sur la conception nabienne de la musique, ou ce que je crois en comprendre : c'est naturellemet une vision élitiste de la musique, en cela que personne ou presque, mis à part lui et quelques mystiques qu'il révère, ne fait cet usage de la musique,
- Ainsi, ce que vous critiquez en particulier, je crois, en l'accusant d'élitisme notamment, c'est ce qu'on pourrait appeler la "fornication" musicale, une manière de mystique musicale massifiée qui fait écran chezà la stricte vue de la vérité et de la charité. Qui trouble la vue par la stridence musicale séductrice. Je vais essayer de décrire les mécanismes de cette domination musicale du mensonge, de ce détournement spirituel à l'échelle de la civilisation qu'elle implique, ce hold-up généralisé de la pensée par l'abstraction musicale. Dites moi si je m'éloigne de votre vision en déclinant ces quelques exemples :
- La musique fait écran à la vérité et à sa quète, par l'agitation mélodique des consciences, par une hystérisation séduisante du rapport à la connaissance, impliquant un rapport qui devient de facto "anthropologique" à la vérité : qui devient une affaire de goût. C'est le relativisme musical qui vous dérange. Ce qui est une manière de dire, si je vous comprend bien : la musique est une réthorique, qui fait passer des véssies pour des lanternes, qui égalise le tout et le n'importe quoi, avec le vernis séduisant qu'elle met sur tout les discours.
- La musique encore fait écran par la mobilisation harmonique des corps et des esprits, par le marche au pas rythmique qu'elle implique sur les conscience, marche au pas centrée sur l'idéologie du temps. Ce n'est pas marche ou crève, c'est danse ou crève, bois notre catéchisme poétique, ou crève socialement.
- Le diapason de toutes les sociétés et du degré d'intégration à ces société est l'assentiment à cette musique menteuse de l'idéologie, comme en témoigne l'obsession de l'harmonie "organique" qui règne dans ces sociétés, et qui vient nier cette vérité chrétienne : le Christ ne cherche pas la paix conciliatrice, pour le dire autrement, l'harmonie sociale, mais la guerre spirituelle.
- La musique encore institue un crime contre l'esprit généralisé, justifie toute l'écurie d'augias poétiquement, tout le bordel, du coeur de l'homme avec son relativisme et ses "goûts", au nouvel ordre impérial, en passant par la patrie cartélisée jusqu'au trognon.
- Je crois mieux comprendre, en faisant ces précision, que vous parliez de Nabe comme culturel, en somme car interessé par les motifs relevant du principe vital, de l'âme et du
corps, autant que par les motifs spirituels, et les
rehabilitant même "nietzschéenement".
- Le tissu de l'âme, qu'illustre bien la musique, et que la musique excite, soigne, hystérise, charme, et agite si bien en effet par sa magie-noire/blanche vibratoire. Le corps de même, si bien mobilisé par la chaleur musicale, alors que l'héroisme shakespearien est froid, d'après votre analyse, et loin de la determination naturelle. (Comme de la détermination sexuelle si je vous comprends bien, ce qui revient sans doute au même.)
- Ici, je m'incruste : c'est dogmatisme à mes yeux, dogmatisme aveugle, de retirer toute vertu spirituelle à la musique parce qu'elle aurait effet sur l'âme et le corps essentiellement, ce qui est le cas.
- De la même manière qu'on ne pense pas la panse vide, on est difficilement humain, au sens haut de créature contenant en elle le principe spirituel qui la sauve, sans la carnation musicale, une certaine part de principe vital, sans ces biens mêlés qui réchauffent l'âme et alimente la machine humaine.
- On est peut-être surhumain sans la musique, et c'est tant mieux, mais je ne crois pas que la théologie interdise d'être juste, même avec ces nouritures non entièrrement spirituelle, comme vous l'êtes avec la musique en l'intégrant entièrement
dans le plan macabre de la culture.
- Je ne crois pas non plus que la théologie soit simplement une illustration de la sainteté possible, qui ne comprendrait rien aux formes mélées, aux métaxus comme dit Simone Weil après les Grecs (j'insiste encore), métaxus qui mènent parfois l'homme commun à la vérité, ou l'aident à s'en approcher.
- L'exaltation du corps et de l'âme sont aussi trompeurs que nourriciers, peuvent être aussi bien menteurs que moteurs, et ainsi des sortes d'outils possible sur le plan spirituel. La charité n'est certe pas une méthode, comme vous me le disiez tantôt, mais l'intelligence se nourrit elle de tout, et on peut voir là une sorte de méthode d'omnivore.
- Vous parleriez peut-être vous de "dynamique" truquée, ou de "mécanique" déguisée en "dynamique", mais je comprends Nabe quand il range plutôt la musique du côté de la grâce, de l'extase, de l'attention, d'un élan qui peut être tout à fait mis au service de la recherche du spirituel, de la vérité,la nourrir.
- Tout ce qui nourrit une "disposition d'esprit" proprement fertile pour l'intelligence de certains doit être à mes yeux
conservé et loué, avec justice et précision, comme
partiellement bon, pour le règne humain, qui est parfois si
faible loin de ces forces-là, si condamné au désert.
- Cela ne m'empêche pas de comprendre et d'admettre votre critique de la musique en général, et de ce qu'elle a de néfaste dans le particulier, mais la justice implique à mes yeux une vision plus équilibrée, ce qui ne veux pas dire
tiède, ni paradoxale, mais simplement juste. De ne pas,
encore une fois, jeter le bébé avec l'eau du bain.
- Je pourrais rentrer dans le détail de ce qui, même dans une pratique basse et aliénante de la musique, a des effets bénéfiques sur la formation de l'intelligence, formation parfois avortée par l'idolatrie musicale elle-même d'ailleurs. D'où que la musique soit une question de juste mesure, et donc une affaire périlleuse.
- La question des "dispositions d'esprit", de l'intelligence des formes (comme outil au service de l'intelligence tout court), la question de l'attention, dont Simone Weil parle beaucoup, la question de l'imagination et en quoi la musique la stimule. L'imagination perfectionnée par la diversité des formes nourrie la liberté de la conscience, et est une manière de se familiariser avec la dialectique et la logique, car il y'a une dynamique musicale, basée sur les nombres et sur la manière de liberer leur pouvoir évocatoire, par l'accord
par l'harmonie,
En quoi enfin le délassement par la musique de l'intelligence affine l'intelligence elle même. Aristote : "[...]En contribuant au délassement de l'intelligence, (la musique)ne contribue-t-elle pas aussi à la perfectionner ?"
- Il y a ainsi à mes yeux deux élitisme réducteur, que je ne prétend pas réconcilier, mais questionner :
- L'élitisme qui ne voit pas que la musique est bien souvent un opium du peuple, une saturation de l'intelligence par les jeux de signe et le mobile émotionnel, par le lyrisme mobilisateur que contient la musique, par cette excès d'abstraction évocatoire éloigné du logos, par la transe
imbécile des morts-nés électroniques, une manière de bêtise
abstraite et rêveuse, qui détourne par mille biais
de la saine approche de la connaissance, et qui renforce les solidarités factices, citoyennes notamment et plus généralement politiques.
- Il y a ensuite l'élitisme qui ne voit pas que la musique peut aussi être libératrice au moins maginalement, formatrice de l'intelligence et, à minima, être ce qui sauve parfois le désespéré, qui console et rend le goût du travail, sans
conforter, qui nourrit sans gâter, qui vitalise et redresse.
Et mort, l'on ne pense pas bien, vous l'admetrez.
- En somme, deux élitisme dont un qui voit le verre complètement vide et qui omet les finesses de rapport à la musique, en quoi elle peut être formatrice de l'intelligence sans être conformatrice, et plus bassement : nourricière de la joie motrice, de l'enthousiasme (grec : enthousiasmós : « possession ou transport divin ») et en quoi elle peut être aussi l'enfer des hommes de bonne volonté, une prison menteuse qui enferme dans les rapports sociaux et l'harmonie sociale, loin de l'esprit.
- La musique : une chose mêlée, un bien dans un mal, et un mal dans un bien, en somme, ce qui nous rapproche encore de ce que Simone Weil appelle les metaxus.
- Revenons un instant à la méthode de Nabe, pour préciser quelques petites choses. Cette méthode que je qualifierai de paradoxale par précaution, mais qui est peut être simplement folle, et j'attend que vous me le prouviez en quelques sorte, s'appuie en effet sur une analogie entre le vital et le divin, notamment par une mystique centrée sur la musique, la pulsation (cardiaque) ou encore la rythmique (jazzistique) (et il est lui même musicien), ou encore le bordel, le désordre, le grouillement, le pullulement. Se mettre au diapason du tohu-bohu : une des figures centrale de son oeuvre. Le dictionnaire dit : De l’hébreu ancien tohu wabhohu [1], noms que les livres hébraïques donnent au chaos primitif, à l’état confus des éléments qui précéda la création du monde. Nabe semble vouloir se rapprocher au plus près du souffle divin, a ce qui le précéda même, et semble vouloir tout conformer à ce chaos primitif.
- La forme artistique, celle de Nabe notamment, qui ne boxe pas dans votre catégorie ( sois dit sans mépris pour l'une ou l'autre des catégories,disont, artistique et scientifique), la forme artistique donc articule beaucoup mieux le particulier et le général.
- Ajoutons que Nabe parle beaucoup de la figure de la grâce, qu'il semble considérer comme une manière de camaraderie avec Dieu, un don, qui peut être le fruit d'un travail, et qui nous met "en compagnie de Dieu",
nous permet de le connaître mieux, grâce qu'il semble deceller chez l'auditeur dans l'extase musicale , ou même l'ivresse musicale, et par exemple
l'attention proprement sur-humaine, qui est requise d'un musicien de jazz pour improviser tout en considérant ses partenaires de jeu.
- L'extase ("hors de soi" étymologiquement) en général étant une manière de négation de l'égo et l'amenuisement de l'égo, dans nombre de mystique, une manière de rejoindre Dieu dans la mystique.
- A ce propos. Nabe cite quelque part cette idée de Powys, qui est centrale dans sa pensée, et centrale également chez beaucoup de mystiques (Je pense rapidement à Simone Weil, ou à Buddha) : " Everybody is a Nobody ; and Nobody is God." Et Nabe de commenter : "La phrase est capitale chez Powys. Non pas : chacun n'est rien et rien est Dieu. Non pas : quelqu'un n'est personne et personne n'est Dieu, mais : Tout le monde est Personne, et Personne est Dieu.".
- Nabe, encore (je fais quelques coupe franche sans abimer l'esprit j'espère) : "Jésus = Je Suis. Jésus est un "Je Suis" supérieur, un "Je Suis" sans moi, le "Je Suis" parfait. L'Idéal alter ego apte à remplacer l'ego par soi. [...] Afin de vivre cette "vie sans moi[...]. C'est ça : il fait se retirer de sa propre vie, lui ôter son moi, tout en la conservant sienne[...]"
- C'est au demeurant une figure très courante dans la mystique, et très contraire à une "anthropologie" auto-justificatrice, c'est une forme de négation des œillères du "moi", des œillères psychologique, des œillères du prêt-à-penser des intellectuels pleins d'eux-même, des œillères de l'idéologie et de la société, des œillères de la correction politique et sociale. Dissolution de tout ce qui fait entrave en soi à la claire-vue, par la fréquentation méthodique du tohu-bohu. N'y a t-il pas là une forme de vérité, qui rend libre ? Est-ce encore une idée "culturelle", étant entendu que vous posséderiez vous les moyens "purs de toute culture" de vous approcher de Dieu par la connaissance ? Si oui, faites tourner ! Comme disent les jeunes.
- Nabe donc, pour presque-conclure (quel pavé!) me semble vouloir faire du point de départ humain, de moyens terrestres ou plutôt : impurs, non totalement spirituels, des pont vers le divin, ponts qui ne semble valide que dans la perspective d'une dissolution de l'ego. Cette dissolution chez Nabe est assez précise, et assez bellement illustrée par son oeuvre. (notamment le geste artistique qui lui fit brûler, avec toute les implication qu'un tel geste implique sur le plan symbolique, un tome entier de son journal intime à Patmos, l'île où Saint-Jean écrit l'Apocalypse) ( Cette dissolution est partiellement ratée à mon avis, car Nabe, à force de se gonfler, à un TRES gros "moi", dont il lui est probablement très dur de se séparer). Cela ne m'étonnerai pas, même si ce n'est pas très important, qu'il soit humainement une ordure, un monstre d'iniquité sur le plan personnel, un infidèle radical. (d'où qu'on le dit souvent, sa femme elle même je crois, incapable d'amitié.)
- Sa tentative était basée sur un double mouvement de gonflement de l’égoïsme (faire de son "nombril le maelstrom du monde"), un aspect "humain, trop humain" revendiqué, comme pour le faire dans un deuxième temps saturer et déborder en un geste de libération de l'égo, pour dégager l'horizon et mieux voir Dieu.
(c'est là où je pense que Nabe partait de trop loin et que sa méthode de libération a foiré quelques part, même si, collatéralement, ce qui prouve peut être que la démarche avait une certaine validité, cela ne l'a pas empêche à mes yeux de dire en chemin des vérités profondes sur son temps, sur le monde et l'histoire, sur l'homme et sur les sociétés, mélé à mes yeux de trop de paradoxe "humains" et de "coups-de-sangs" littéraires éloigné de la justice et de la vérité, un affaiblissement partiel de sa littérature. Je reste en haleine néanmoins, et je lirais probablement avec attention sa production à venir, il est plein de surprise ce vieux-jeune homme. )
- "Tandis que le dieu des chrétiens, lui, s'il n'est pas "évident", dépourvu d'effets providentiels mirobolants, ne se dérobe pas à l'entendement de ses fidèles.", dites vous.
- Cela reste à prouver. Jésus lui même semble avoir cru à l'abandon de son père. C'est au demeurant le lot commun, l'humanité doute, c'est sa croix et la nôtre, et peut être par certains côté son salut. L'évidence est motrice comme l'aveuglement l'est : on fonce facilement dans le premier mur venu. Le doute a aussi ses défaut, le doute paresseux notamment, mais il fait parfois travailler l'intelligence humaine, Simone Weil parlait de l'athéisme purificateur, et il dépouille l'homme de son trop plein d'espoir et de certitudes. Il désespère aussi parfois, d'où qu'une cure de foi puisse servir de temps à autre.
- Pour conclure, brièvement. Je ne sais pas si la théologie de Nabe est véridique, mais je la trouve assez convaincante par certains aspects, sa conception de la liberté comme une sorte de valse en prise avec les formes du monde, comme une incorporation extatique dans le tohu-bohu, une dissolution de l'ego trompeur par les extases pour mieux s'approcher de Dieu, m’intéresse.
- Je juge vôtre théologie et votre vision de la liberté assez convaincante par bien des aspects elle aussi : la vue froide, l'élan scientifique, qui marche sur un fil ténue entre vérité et "vue de l'esprit", cherche la connaissance par et l'identification précise du mal qui l'entrave, m’intéresse.
- Trancher est périlleux, trancher déjà dans l'épaisse grégarité de ses habitudes ou de ses goûts, pour, peut être, commencer d'accéder à la connaissance et à l'universel, non entachée par le moi ou les solidarités factices avec le mensonge ambiant. Mais trancher entre deux visions dont on entrevoit la validité est encore plus périlleux. En ce matières : Un peu de science éloigne de Dieu, beaucoup de science y ramène. Vous direz probablement qu'on ne réconcilie pas Dieu et Satan comme ça. Sans doute ! Mais il faudra d'abord me prouver que Nabe est un anti-christ lui aussi, un Nietzsche guitariste et peintre, un petit ange sale qui défie Dieu en croyant le servir. Un plouc. Vous avez sans doute mieux à faire au demeurant. Bonne nuit, écrire ce texte m'a épuisé.
(PS : si je crée un blog avec des considérations de ce genre, seriez vous intéressé pour y venir donner des coups de glaives de temps en temps ? )
Vous y êtes un peu allé de la branlette intello, Robot, et ça vous a vidé. C'est ça l'esprit allemand que cause Lapin. Vous avez pigé bien des choses mais vous tartinez parce que vous donnez aux mots une importance qu'ils n'ont pas, et c'est encore trop de votre importance qu'ils parlent. Regarder la vérité en face revient à mettre son intelligence en danger, ça demande un certain courage, quand ce ne serait que celui de se retenir de sonder les cœurs de ses amis ou ennemis. C'est pas une question de morale, mais une question de perte de temps, donc une erreur, car le temps est du côté du diable, ce qui nous amène à la musique. Essentiellement c'est un jeu avec des sons et du temps découpé. Là je vous renvois à la fable d'Orphée expliquée par Bacon, les vertus pédagogiques de la musique, mais voyez comme Orphée finit par déprimer avant d'être déchiré par les furies. Ce que vous attrapez par la musique vous le perdrez tôt ou tard, comme pour la photographie: illusion mécanique, voir la fable de Dédale.
Oh, oui, j'admet volontiers cette objection, mais pas entière. J'ai tartiné généreusement du détail, des raffinements peut être peu nécessaire, et c'est en effet de moi que je parle ainsi. De moi, pour le dire plus précisément, de ma peur, ma peur permanente que, sans précision, la langue n'est pas seulement "sans importance" comme vous le dites, mais qu'elle est même bien pire que ça : un marécage de significations boueuses, ou chacun comprend ce qu'il lit à sa sauce, ou les équivoques sont autant de détours, et ou le diable règne en maître, et sépare les hommes de bonne volonté par l'incompréhension réciproque, ou pis, la certitude d'avoir compris chez l'autre des choses qui n'y était pas.
Là encore, quelle perte de temps, que d'égarement pour avoir traité si légèrement la question de la langue... C'est le règne satanique de la séparation par la confusion qu'on ouvre sous prétexte de ne pas sacraliser les mots.
D'où qu'il faut, qu'elle que soit votre mépris personnel , ou je suppose shakespearien (des sources ! des citations !) pour les mots, s'entendre sur eux, sans quoi, on ne s'entend plus entre nous, et l'on babille sans réel dialogue, dans l'épais monologue.
Ou alors il faudra qu'on m'explique clairement l'ininportance des mots, en ce sens précis, en quoi on peut les traiter avec une telle légèreté et se dire toujours "de bonne volonté" et dans "l'amour du prochain". L'égard pour les mots est la seule forme de "politesse que j'admet, car la seule nécessaire à l'aide du prochain. Vive la clarté (française?) !
Et, puisque vous comprenez si bien le maître de ce terrier, et que vous êtes si imprégné de ses catégories, définissez moi un peu la germanité de mon propos. Ne péchez pas par paresse en radotant "la musique=l'allemagne=satan", s'il vous plaît, je connais l'antienne. On veut des preuves !
Je vous réponds de façon aussi concise que possible, pour plus de clarté - le but de ce blog est de déjouer le piège de la modernité, pour éviter aux simples et aux purs d'y tomber.
- La musique moderne est une représentation idéale/abstraite de la réalité, analogue aux modélisations ou aux lois mathématiques physiques ou cosmiques. Nitche dit avec raison que la tendance à prendre pour un progrès l'idéalisme ou l'abstraction est typique de la mentalité boche. Pour un tocard comme Einstein, l'univers n'existe que dans le prisme humain - le cosmos est une formule !
Libres aux cocus de gober l'idéal démocratique, mais ce n'est pas dans la mentalité française de se laisser bercer par des mots, bien qu'il y a aussi en France des dévots et des cocus.
- Ce que Nitche "oublie" de dire, c'est que l'idéalisme n'est pas seulement le raisonnement propre à la brute germanique (si l'on avait fendu le crâne de Hitler, il en serait sorti de la musique ou un nuage d'équations), l'idéalisme est aussi le propre de l'élitisme. Hitler est une sorte de chef d'orchestre qui sait comment s'y prendre pour faire vibrer la foule.
- Dans sa démonstration, Nitche tente de faire coïncider la subversion du christianisme par les élites occidentales (thème majeur de Shakespeare) pour le christianisme authentique. La meilleure façon de s'approprier une chose, c'est de l'idéaliser : les élites occidentales ont procédé ainsi avec le christianisme.
- Il y a donc deux grands points de vue "antimodernes" ; celui de Nitche, qui est le point de vue du culte de Zarathoustra/Satan/Prométhée, et qui accuse le Messie et ses apôtres d'être responsables de la culture de mort moderne et ses conséquences catastrophiques pour l'humanité (le génocide inter-ethnique occidental, par exemple). Et le point de vue chrétien d'autre part, qui voit dans la modernité une ruse de Satan, c'est-à-dire l'apparence chrétienne de la subversion du christianisme (toutes les doctrines sociales "idéalistes", inventées par les élites capitalistes judéo-chrétiennes pour le plus grand malheur des peuples).
- D'après ce que vous en dites, la position de Nabe n'est pas claire, et notamment son mysticisme, qui semble aussi abstrait que celui de la musique.
- Le Christ Jésus n'a pas douté de son père ; le trouble du Messie est face à la souffrance.
"Je suis un partisan du fascisme : notre unique chance de nous sortir de ce libéralisme répugnant, c'est l'extrême droite, tyrannique et dictatoriale. Les rock-stars sont fascistes aussi et Hitler était l'une des premières. Ce n'était pas un politicien mais un grand artiste moderne. Il a utilisé la politique et le théâtre pour créer cette chose qui allait gouverner et contrôler le spectacle pendant ces douze années-là : il a mis en scène un pays." - David Bowie à Playboy en 1976.
Un artiste, musicien au surplus, qui voit clair, ça vous en bouche un coin Lapin, hein ? La transparence de son hitlerisme/satanisme a le mérite de la clarté même si je soupçonne qu'il y'avait une part de stratégie publicitaire (couillue, dans son genre) chez Bowie, un vieux truc du genre "Bad Publicity is publicity".
Aucun musicien n'à le courage de cette franchise aujourd'hui, ni cette lucidité sur ces aspects de son art. Notons au passage qu'il juge le libéralisme répugnant, ce qui est le réflexe viril minimum. On est loin des "artistes" qui prennent leurs cartes au PS.
Bowie lui même, s'est depuis dédit de son hitlerisme, par stratégie ou conviction, je ne sais.
Ajoutons que Bowie a travaillé avec Iggy Pop, et qu'ils sont amis, Iggy Pop que vous citiez sur les femmes il y'a quelques années de ça je crois, en louant sa bonne vue. La lucidité fait une bonne camaraderie parfois.
Une anecdote qui vous amuseras peut être enfin, même si je sais, je sais, les évangiles ne rient pas : Martin Scorsese dans La Dernière Tentation du Christ a fait jouer à Bowie le rôle de Ponce Pilate ! Voilà une "coïncidence" savoureuse je trouve, dans le genre symbolique anti-chrétienne.
Le degré d'initiation de Bowie et Hitler est nettement inférieur à celui de Nitche ; Bowie n'est qu'un sergent-recruteur parmi d'autres.
Or Nitche aurait pu aussi bien se dispenser de faire l'éloge de la musique, puisqu'il fait l'éloge de la France, où elle est considérée comme un art germanique. Il paraît que le régime de Vichy a ressorti Mozart des oubliettes : c'est dire si les Français, quand on ne les force pas à lécher le cul des Allemands, se soucient peu de la musique. Ils s'en soucient moins que du vin.
Ce sont les Italiens, qui comme ils ne peuvent se passer de leur mère, ne peuvent se passer de musique.