Au préalable, je dois dire que la repentance de l'Eglise catholique pour sa complicité dans les massacres perpétrés au cours de la Seconde guerre mondiale compte parmi les motifs qui m'ont conduit à quitter l'Eglise romaine, la tartuferie de cette démarche de la curie romaine me paraissant impossible à assumer. Il ne s'agit nullement de nier la culpabilité de l'Eglise, puisque cela reviendrait à nier l'implication de l'Eglise romaine dans la société civile. Il s'agit de nier que le Christ et ses apôtres entretiennent un quelconque rapport de complicité avec une quelconque société civile. Il faut de tout pour faire un monde, dira-t-on, y compris des Italiens ou des diplomates, puisque l'acte de repentance est une ruse diplomatique. Mais, au monde, l'évangile n'apporte rien, et le point de vue social, en soi, est négateur de la révélation. Le point de vue social est illustré dans l'évangile par la décision de la foule des Juifs de mettre à mort le Christ Jésus plutôt qu'un criminel de droit commun.
L'invitation à distinguer le "Céline écrivain", que la censure bourgeoise n'a pas réussi à censurer, du "Céline antisémite", relève de la même tartuferie "post-moderne". Comme l'Eglise peut continuer de fourguer ses indulgences, l'éditeur de Céline peut continuer de fourguer des rééditions de Céline en toute bonne conscience. Au pays de Molière, on devrait relever plus souvent que la casuistique a un rapport direct avec l'hypocrisie, et donc les mathématiques modernes, science casuistique s'il en est.
L'antisémitisme de Céline est donc une construction juridique a posteriori, destinée à fonder les décrets moraux en vigueur aujourd'hui.
En tant que chrétien, je suis enclin à penser que l'écrivain athée Céline est antisémite et antichrétien, puisque celui qui n'est pas avec le Christ est forcément contre Lui, c'est-à-dire un homme ou une femme en perdition. Mais, à vrai dire, l'antisémitisme de Céline est compensé par le sentiment d'horreur et de dégoût que la guerre lui inspire, et sa volonté d'expier sa complicité dans le génocide de 14-18. En somme Céline conçoit les Juifs comme des fauteurs de guerre, plus encore que les Allemands, à une époque où l'acte d'inculpation de l'Allemagne n'a pas encore été rédigé.
Pour bien faire, il faudrait que les chrétiens comme les Juifs abjurent leur foi officiellement, et ne l'abandonnent pas seulement de facto, dès lors qu'ils acceptent des charges publiques, afin de n'être pas soupçonnés par les païens ou les athées de machiavélisme, c'est-à-dire de prôner une religion de paix tout en tirant les bénéfices de la politique et de la guerre. Bien sûr ce n'est pas possible, car pour cela il faudrait que Satan n'agisse pas dans le monde.
L'antisémitisme de Céline est beaucoup moins fort et satanique que celui de Nietzsche. La différence est aussi que la doctrine de Nietzsche est aristocratique, tandis que Céline réagit aux "grandes idéologies modernes", à commencer par le stalinisme, en étant conscient qu'elles ont conservé un arrière-plan de morale "judéo-chrétienne" et que le peuple sera forcément la première victime de ces idéologies.
Le triomphe de la morale judéo-chrétienne moderne représente pour Nietzsche le triomphe du mal absolu, de sorte que la vertu satanique est le modèle du bien et du beau.
Commentaires
Se demander sans cesse, comme le fait le monde actuel, si tel auteur était antisémite, raciste, etc, est absurde. Le Caravage a tué trois personnes, doit on pour cela jeter ses tableaux au feu ? Doit-on jeter au feu tous les écrivains antisémites ? On a pas fini, autant le dire tout de suite (on se demande d'ailleurs par quel miracle une opinion aussi hum...délirante... a pu être partagée par quasiment tous les intellectuels depuis l'antiquité).
Heureusement que la culture littéraire et historique de nos misérable classe politico-médiatique se limite au 20ème siècle, sans quoi nous serions bons pour censurer Tacite, L'empereur Julien, Voltaire, Nietzsche et on ne sait qui encore. Risible époque.
Le cas de Caravage est inverse : peintre médiocre, amateur d'effets spéciaux destinés à épater le badaud, il a été exalté par les romantiques pour des raisons qui n'ont rien à voir avec son talent.
- Quant à Céline, c'est sans doute son extraction ou son ton populaire qui lui vaut une telle mise au ban, car Nitche est beaucoup plus antisémite et Heidegger a été membre du parti nazi. Sans compter la baderne Ernest Jünger, qui a défilé dans Paris dans les rangs de la wehrmacht. Céline a blasphémé contre le dieu des bourgeois : le verbe.