La musique est un art allemand. Je parviendrai beaucoup plus facilement à démontrer à un Français que la musique, étant un art intellectuel, est un art mineur. Au contraire des Allemands et de leurs cousins américains, les Français ont beaucoup moins d'admiration pour les choses intellectuelles. En un mot, ils sont plus prudents ; de fait les grandes catastrophes modernes ont une dimension intellectuelle : la démocratie, pour ne citer qu'elle, est un concept entièrement forgé par des intellectuels au service de régimes totalitaires rouges, bleus ou noirs.
Bien qu'il lutte contre sa décadence, Nitche n'en est pas moins attaché à la musique. C'est ici la limite du discours de Nitche sur l'Antiquité, qui est assez largement théorique. La tragédie se situe en effet aux antipodes de la musique. De l'aptitude de l'Antiquité à écrire des tragédies découle son relatif mépris pour la musique, art beaucoup trop social, beaucoup trop religieux, beaucoup trop féminin, en un mot beaucoup trop allemand. A l'inverse il faudra à l'amateur de musique un effort pour se tourner vers l'art de la tragédie, dépourvu de la rassurante perfection de la musique.
On ne peut donc faire de la culture grecque ainsi que Nitche une culture païenne en harmonie la plus parfaite possible avec la nature. On observe que la limite d'Orphée, aussi héroïque soit-il, est montrée. Orphée ne parvient pas à relever le défi de ramener Eurydice du royaume des morts. Et Orphée est un musicien "positif", le contraire de notre cinéma moderne "négatif", qui exploite les émotions les plus basses, part du principe de la mort et non du principe de la vie comme Orphée ou Nietzsche. Nietzsche fait donc comme Freud : il accommode la mythologie antique à sa doctrine, tous les deux selon un axe "antisémite", c'est-à-dire qui consiste à occulter l'influence du judaïsme sur certains mythes grecs.
Nitche reproche au judaïsme et au christianisme d'être excessivement "anthropocentriques", souhaitant restaurer une anthropologie plus rationnelle - en réalité le judaïsme et le christianisme sont moins anthropocentriques que la culture de vie satanique ou païenne prônée par Nitche. Il n'y a pas d'anthropologie juive ou chrétienne possible - il y a seulement des pharisiens pour tenter de faire croire le contraire. Cette anthropologie judéo-chrétienne visée par Nitche comme un nihilisme ou un mouvement suicidaire de la culture occidentale, n'est en réalité qu'un platonisme déguisé en culte chrétien.
La synthèse impossible du christianisme et du bouddhisme n'est nullement le fait de Schopenhauer -cet amateur de musique-, mais de l'Eglise romaine bien avant lui, et peut-être même de l'islam encore auparavant.
Commentaires
Bonjour
d'avance je m'excuse si ma remarque vous froisse car tel n'est pas mon intention, mais pourquoi ne pas écrire une synthèse de tous vos thèmes de prédilections plutôt que de les ressasser à longueur de posts ?
pas que je dénie la légitimité de votre travail - dont, par esprit d'analogie, et à mon niveau, je saisit la justesse, notamment eu égard à vos ancrages et présuposés - Mais j'ai le sentiment en vous lisant de temps à autre au fil des années, que vous ne dialoguez plus qu'avec vous même et ne bataillez plus qu'avec vos propres démons. c'est le lot de tout ce qui à trait au prophêtisme, mais l'écueil et le lien avec l'alienation c'est l'incommunicabilité qui résulte d'un enfermement que nulle trancendance viendrait éclairer.
et c'est l'impression que produit sur moi vos écrit
donc je repose ma question, envisagez-vous un jour d'écrire une synthèse de vos intuitions, un genre de bible lapinienne ? (que je me plait à imaginer sous la forme d'un faisceau de ligne de fuites)
Ne vous excusez pas, vous n'êtes pas le premier à me faire cette remarque. Ce blog est une sorte d'exercice quotidien, et il a les défauts d'un brouillon.
J'ai bien un projet de synthèse, mais je ne suis pas certain d'en être capable. J'avance petit à petit, en pensant sans cesse au conseil de La Bruyère de ne rien écrire avant de l'avoir tourné et retourné pendant une vingtaine d'années au minimum.
- J'ai la certitude en ce qui me concerne d'une transcendance, c'est-à-dire que mon esprit plutôt lent et obtus a été éclairé à ma demande par une étincelle qui ne vient pas de moi. Je ne suis pas sûr en revanche d'être capable de témoigner comme il faut de la vérité. Ce qui nuit à la transcendance, c'est avant tout la société, qui justifie la fainéantise ainsi que la musique.