Je ne parle pas ici de Lénine mais de Marx - précision utile, car la propagande communiste a présenté Marx comme le père de la révolution soviétique - ce qu'il n'est pas.
Il est plus juste de définir Marx comme l'ennemi de la philosophie occidentale moderne ; comme cette définition convient aussi à Nietzsche, encore faut-il préciser une différence majeure.
Du "veau d'or", l'antisémite Nietzsche ne parle quasi pas. Il compte même sur les riches bourgeois pour éradiquer le christianisme et le judaïsme dans les milieux populaires. Selon Marx, au contraire, le veau d'or est au centre de la tragédie moderne, dont l'Etat n'est que l'avatar juridique.
L'incitation de Marx n'est pas à dérober leurs biens aux riches, ni même à les contraindre à un mirifique partage, mais à échapper à l'aliénation que la richesse entraîne. Du point de vue de Marx, la corruption des élites modernes est plus grande que celle du peuple (qu'il ne flatte pas pour autant, ainsi que les démagogues, mais encourage à s'affranchir).
K. Marx défait le lien entre les élites et le peuple, que l'Eglise romaine avait conçu, soumettant celui-ci à celui-là pour des raisons divines. Le Christ fit pire encore contre la société : il délia les Juifs de l'obéissance qu'ils devaient à leurs prêtres, ayant mis à jour les manquements de ceux-ci, et leur ignorance de la prescription divine essentielle - l'amour.
Commentaires
Cela me rappelle un peu du francis cousin : lui aussi parle de marx en disant notamment qu'il avait déjà à son époque anticipé qu'allait être le capitalisme d'état bolchévique puis soviétique et que si on le comprenait dans sa totalité, qu'on ne se contentait pas de lire uniquement des extraits, marx est l'anti-lénine/staline. Marx a d'ailleurs dit lui-même à la fin de sa vie qu'il n'était pas marxiste !
Marx a indiqué en effet qu'il n'était pas "marxiste", mais cela aussi pour dire que ses écrits ne constituent pas une doctrine mais une critique. Contrairement à Nietzsche, qui propose une doctrine et un remède à la décadence de l'Occident (l'éradication du judaïsme et de la foi chrétienne), Marx ne propose pas de solution ou de remède au cyclone capitaliste.
"Marx ne propose pas de solution ou de remède au cyclone capitaliste"
Et la dictature du prolétariat, le dépérissement de l'état, l'abolition du salariat, c'est pour les chiens ?
Il y a deux révisionismes autour de Marx, la réquisition strictement politique de Marx, et la réquisition strictement critique de Marx.
Le théoricien de la dictature du prolétariat, c'est plutôt Lénine ; mais vous avez raison, Robot, il y a une part de militantisme politique chez Marx, tandis que les évangiles sont purs de tout idéalisme de cette sorte.
Disons-le autrement : ce qui est chrétien chez Marx, c'est sa façon de souligner l'iniquité irrémédiable du droit (y compris des droits de l'Homme), et particulièrement du droit des nations qui se prétendent chrétiennes ou catholiques.
"Le théoricien de la dictature du prolétariat, c'est plutôt Lénine".
Lénine est bien plutôt le praticien de la dictature du prolétariat qui fut le plus déterminé, le plus sanglant, et même si cette mise en pratique fut d'après certains critiques contemporains ou postérieurs chargée d'équivoques, de contre-sens ou de contre-pied à la théorie de Marx, elle n'en prend pas moins racines dans la très consistante théorie de Marx concernant la dictature du prolétariat, dont voici quelques exemples saillants :
"Toute organisation temporaire de l'État, après une révolution, exige dictature et une dictature énergique. Dès le début, nous avons reproché à Kamphausen (président du conseil, après le 18 mars 1848) de n'avoir pas agi de façon dictatoriale de n'avoir pas brisé immédiatement les anciennes institutions et balayé leurs débris. Et voici que pendant que Monsieur Kamphausen se berçait d'illusions constitutionnelles, le parti battu (c'est‑à‑dire le parti de la réaction) renforçait ses positions dans la bureaucratie et l'armée, s'enhardissait même par‑ci par‑là à reprendre la lutte ouverte"
K. Marx, La Nouvelle Gazette Rhénane, 1848-49
« [par opposition au socialisme petit-bourgeois] le prolétariat se groupe de plus en plus autour du socialisme révolutionnaire, autour du communisme pour lequel la bourgeoisie elle-même a inventé le nom de Blanqui. Ce socialisme est la déclaration permanente de la révolution, la dictature de classe du prolétariat, comme point de transition nécessaire pour arriver à la suppression des différences de classes en général »
K. Marx, Les luttes de classes en France, 1850
(Il y en aurait pléthore d'autres qui confirment en effet que la vie et également la pensée de Marx sont en effet bien moins pure du politique que certains le prétendent)
C'est vous qui dites que la théorie de Marx est "très consistante" ; en réalité elle est battue en brèche par certaines observations anti-idéalistes de Marx lui-même sur l'évolution de l'économie capitaliste ; si le prolétariat s'empare du pouvoir, quel modèle économique appliquera-t-il ? Que faire de l'industrie ? Marx ne fournit pas de réponses à ces questions.
Donc, oui, il y a une part de militantisme politique chez Marx, assez inconsistant selon moi, mais le développement ultérieur de la révolution marxiste-léniniste a montré qu'il était une impasse. Bon nombre d'observations historiques, en revanche, restent toujours valables et éclairantes. Ce qui n'est pas caduc chez Marx est du domaine de l'histoire et de la critique.
Si je dis "très consistant", c'est au sens ou un plat de bœuf le serait. Il y a de la matière. Je voulais simplement dire que certaines idées d'organisation politique ou de projections politiques des théories de Marx sont chez Marx, dans son œuvre et dans sa vie, et ne sont pas du tout une vue de l'esprit léniniste.
Les projections politiques chez Marx sont assez floues et ne présentent pas un grand intérêt. L'intérêt de Marx est ailleurs que dans ses réflexions politiques.
Quant à Lénine, la dictature du prolétariat n'est dans sa bouche qu'un slogan ; prise du pouvoir il y a bien eu, mais quelques prolétaires ne constituent pas "le prolétariat".
Je vais tâcher de répondre pèle-même a tous ses commentaires :
- Marx ne fait pas l'histoire du capital, il en fait sa nécrologie. Il a d'ailleurs déjà tout dit, son dernier tome du capital se référant à notre situation actuelle où dans sa course démente de conquête de nouveaux marchés, le Capital en est venu à rendre tout marchandise, y compris même le sperme et les ovules (il n'y a qu'a voir la GPA !).
- Marx à avant tout parlé de l'abolition du prolétariat par lui même ! Son auto-dissolution ayant pour résultat de détruire aussi bien l'argent, le capital, et l'état, instruments d'oppression de l'hyper-classe capitaliste. Et cela est déjà arrivé ! Il n'y a qu'a voir ce qu'était la catalogne en 1936 ou l’insurrection de budapest en 1956, à chaque fois il y a eux des conseils ouvriers suite à un vide du pouvoir, tout le monde avait voix au chapitre et il n'y avait pas de véritable chef. Même en France, au cours de mai 68 pendant un certain moment ni l'état gaulliste, ni le PCF n'arrivaient à contrôler la grève générale qui s'était provoquée, là aussi il n'y a qu'a voir Georges Séguy hué par les ouvriers de Renault à boulogne-Billancourt, les salariés ne voulaient plus de chef ou de parti ! C'est pour Marx, le vrai communisme, dans le sens de commune, communauté et non l'état bolchévique de lénine qui n'est qu'une social-démocratie durcie.
- Pour terminer, il y a aussi l'incroyable capacité qu'à le capital à retourner tout ce qui lui est subversif pour en faire son instrument, pour en faire une opposition de façade, marx en est l'exemple à travers lénine et le "marxisme" ou pour en prendre un autre les zombies (les premiers zombies sont apparus au cinéma dans les années 70 et attaquaient un supermarché, critique plus ou moins voilée de la société de consommation).
Si vous voulez en savoir plus vous pouvez visionner une conférence de francis cousin (j'y revient dessus car là je ne fais que réciter sa pensée du mieux que je peux) sur youtube.