Il y a quelques jours le Dalaï Lama tweetait ceci : "Toutes les religions ont le potentiel de créer de meilleures personnes - mais aucune religion ne peut clamer sa suprématie au-dessus d'une autre."
Le dogmatisme en creux de ce chef bouddhiste ("aucune religion ne peut") permet de comprendre pourquoi le bouddhisme est aussi en vogue dans le monde moderne. Par ailleurs j'ai expliqué sur ce blog comment le monachisme catholique a produit une religion très proche du bouddhisme, où la règle de vie l'emporte sur le message évangélique, qui finit par disparaître au profit de vagues doctrines sociales allemandes ou de recettes de boy-scouts.
C'est en effet une sorte de relativisme qui est exprimée ici sous le couvert de la sagesse bouddhiste, un relativisme en adéquation avec la mentalité du quidam moderne. Il évoque l'adage, aussi répandu qu'il est stupide et démenti par la réalité : "La liberté d'Untel s'arrête où commence celle d'autrui."
A quoi cette phrase correspond-elle, dans un monde où les rapports de force violents sont palpables à chaque instant, dans chaque endroit ou presque ?
Mettons entre parenthèses le message chrétien que la sentence du Dalaï Lama ignore ou condamne implicitement : il est parfaitement faux de dire que toutes les religions païennes se valent. Il y a, dans la manière de concevoir et d'organiser les rapports entre l'homme et la Nature, des religions païennes plus intelligentes et supérieures aux autres. Il y a des religions qui permettent une meilleure jouissance et un plus grand bonheur que d'autres.
De plus, suivant la caste à laquelle on appartient, sa situation sociale, la religion ne s'applique pas de la même manière. Pour simplifier, on ne jouit pas des mêmes droits, et on n'a pas les mêmes devoirs suivant sa condition. Il est étonnant que le Dalaï Lama ignore complètement le fait du partage inégal des biens et des pouvoirs, auquel toutes les religions et tous les clergés participent pourtant.
Mais revenons maintenant au message évangélique : il échappe à l'admonestation du Dalaï Lama, car le message évangélique n'a absolument pas pour but de "créer de meilleures personnes" - le christianisme n'est pas une éthique, le christianisme n'est pas une philosophie, bien que certains insinuent le contraire "au nom du Christ", afin de se mettre au diapason du monde.
Le message évangélique ne répond pas au besoin de la plupart des hommes de vertu et de raison, mais plutôt à l'aspiration de quelques-uns à l'amour, chose qui, du point de vue de la vertu peut sembler une folie, et qu'il l'est dans la mesure où elle fait perdre à l'ordre établi sa valeur mystique.
Quand le Messie proclame qu'il n'est pas venu pour faire la paix, mais la guerre, comment peut-il mieux stupéfier les bouddhistes et signifier nettement que son message n'est pas fait pour tout le monde, mais seulement pour ceux qui veulent vraiment le salut ?
A contrario, qui fait vraiment le choix du vice ou de la vertu ? N'est-on pas, dans ce domaine, presque entièrement déterminé par les lois de la physique ?
La déclaration de guerre du Messie des chrétiens ne fait que traduire la conscience qu'il n'y a pas de paix possible dans ce monde, contrairement à l'affirmation des prêtres qui agitent sous le nez du peuple cet opium pour le faire patienter.
La déclaration de guerre du Messie pousse à faire un choix, non pas au rayon des religions anthropologiques, destinées à améliorer le séjour forcé de l'homme sur cette terre, mais POUR lui et AVEC lui, ou au contraire CONTRE lui.
Commentaires
Ce dalai lama (qui d'après ce que j'ai lu en commentaires sur ses livres parlant de spiritualité est d'un affligeant vide, il ne fait que de parler de surface et ne va jamais au bout des choses) me rappelle sous certains aspects notre (anti)pape actuel qui parle de tout et n'importe quoi (écologie, capitalisme, etc.) pour mieux noyer le message du Christ qu'il est censé nous apporter.
Au final aujourd'hui son message est encore actuel, même si nous l'avons oublié pour celui de l'argent roi (et ça vaut aussi pour le Vatican, vivement qu'il disparaisse d'ailleurs).
La quête du bonheur exige de rester à la surface des choses, dit Nietzsche, qui place pour cette raison l'art (superficiel) au-dessus de la science (susceptible d'améliorer la conscience).
Le totalitarisme consiste à faire du bonheur un but essentiel, la seule quête qui vaille (d'où la transformation du message évangélique en message philosophique par l'Eglise romaine).
Le totalitarisme implique de maintenir l'humanité en-deçà d'un certain seuil de jouissance ou de frustration, tel qu'on peut le rencontrer dans les nations super-riches qui peinent à jouir, en dépit du détournement à leur profit des 3/4 de la richesse mondiale.
Cette superficialité est entretenue par ailleurs du fait que la science des régimes totalitaires, autrement dit "technocratiques" est "sans objet" ; elle fait une boucle : elle part de l'homme et y retourne.
Le cas des "sciences humaines" est susceptible d'alerter un esprit scientifique sur le vide scientifique des régimes technocratiques ; dès lors qu'on s'intéresse à la science, il va de soi que celle-ci, pour progresser, doit combattre le biais humain, l'infirmité des sens humains - y trouver un remède. L'écriture en est un, un progrès vers la science en comparaison de la culture orale. La science doit être "inhumaine" ; le principe de la "science humaine" laisse apercevoir que la science technocratique est sans objet ; ses miraculeux moyens (au sens des miracles évoqués dans l'apocalypse) occultent que cette science est un monstre aveugle, perdu dans le dédale des spéculations humaines.
Cela explique aussi pourquoi malgré les faramineuses dépenses en recherche, au final on ne fait plus de grandes découvertes. On piétine même.
Et pour ma part, pour avoir une compréhension (plus ou moins) globale de ce qui se passe, je trouve qu'il faut sans doute s'y perdre ne serais ce qu'un peu dans cette science complétement morcelée et segmentée. Histoire de faire la part entre le vrai et le faux pour commencer son chemin de vérité.
On invente chaque jour de nouveaux gadgets, si possible commercialisables, qui cachent que la science dite "fondamentale" se situe elle aussi au niveau du gadget.
- La terre tourne-t-elle autour du soleil, ou bien cette hypothèse permet-elle de calculer plus facilement la distance entre certaines planètes du système solaire ? En réalité la méthode de calcul prime sur la représentation de l'univers. De la même façon, on pourrait dire que la terre est plate du point de vue cartographique (= technique), car il est plus facile ainsi d'imprimer des cartes.
Autrement dit, le point de vue technique et le point de vue scientifique ne se recoupent pas complètement - ce sont les historiens bourgeois qui les superposent complètement. Invoquer dieu à tout propos ne fait pas le chrétien ; de même invoquer la science à chaque occasion ne fait pas le savant non plus.