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Exit la Démocratie

J'ai déjà expliqué ici pourquoi les chrétiens doivent considérer la démocratie avec la plus grande méfiance. En résumé : parce qu'elle est un régime politique mystique, projeté vers l'avenir ; et que cette mystique-là, si elle est parfaitement étrangère à l'esprit évangélique, en prend curieusement souvent l'apparence.

La démocratie-chrétienne n'est d'ailleurs qu'une adaptation aux circonstances économiques de la monarchie chrétienne, consistant dans le même détournement de la vérité évangélique à des fins politiciennes (détournement dont Shakespeare a fait le tableau saisissant dans quelques tragédies mémorables).

On trouve curieux encore que les deux derniers évêques de Rome aient condamné ladite "théologie de la libération" encore à la mode en Amérique du Sud, et non la "démocratie-chrétienne", qui consiste dans la réalité en partis et groupes de pression divers, actifs dans la partie occidentale du monde et aux Etats-Unis. Si les affamés ne peuvent se prévaloir des évangiles pour renverser les riches, ces derniers ne peuvent pas non plus s'appuyer sur les évangiles pour soumettre le peuple, en quoi consiste de manière sournoise ladite "doctrine sociale de l'Eglise catholique", qui refuse de rendre à César ce qui est à César.

Quand on l'examine attentivement, la rhétorique démocrate-chrétienne s'avère d'une extraordinaire duplicité (dévoilée par K. Marx quand il énonce que les "Droits de l'Homme" sont les droits de l'homme égoïste").

Je feuilletais récemment l'ouvrage d'un certain Hubert Bourgin, "Cinquante ans d'expérience démocratique" (1925). Cet homme n'a rien de chrétien, puisque c'est un pur produit de l'école républicaine, passé au cours de sa carrière du socialisme dreyfusard à l'extrême-droite patriotique. La guerre de 14-18 n'est sans doute pas étrangère à son changement de bord politique (bien qu'il y a beaucoup moins de distance entre le socialisme dreyfusard et l'extrême-droite nationaliste qu'on veut bien le dire).

Cet essai pointe notamment les dommages causés par les institutions démocratiques au principe d'autorité, et par conséquent au gouvernement efficace de la France, visant le "bien commun". Depuis cette étude, la part de la démagogie -à savoir la flatterie du peuple-, s'est considérablement accrue, qui ne passe plus seulement par la représentation parlementaire, mais par des tas de procédés dits "culturels" (l'organisation de divertissements à l'échelle nationale, par exemple). Le diagnostic de cet essai ne paraît donc pas périmé.

Il mène son auteur à cette conclusion paradoxale que l'on ne peut contribuer à l'action politique sans contribuer à la démagogie, que la raison politique devrait pourtant conduire à restreindre le plus possible. La raison politique est ainsi écartée du gouvernement effectif.

H. Bourgin, en produit de l'école républicaine élitiste, néglige une forme d'idéologie qui frappe directement les élites politiques, à savoir la soumission aux "données économiques" ; de nombreux signes montrent que l'économie n'est pas une science plus fiable que l'astrologie, néanmoins la plupart des projets politiques conçus par les élites reposent désormais entièrement sur des statistiques peu fiables. On ne peut scinder la formule démocratique de la formule technocratique.

Je cite un passage significatif de cet essayiste : "La formule de Montesquieu, que le ressort du régime démocratique est la vertu, s'applique à ce régime idéal que le philosophe peut se plaire à définir, mais dont l'homme d'Etat patriote s'écarte avec horreur s'il peut supposer qu'on tentera de le réaliser sur son pays.

Le ressort du régime démocratique réel, celui qui, en effet, s'essaye et s'éprouve au risque de tuer les Etats où il s'établit, ne serait-ce pas tout simplement la peur ?"

Quant aux chrétiens, leur rôle n'est pas plus de se mêler de la démocratie que de lutter contre sa décadence supposée ou réelle. Ces deux registres, non seulement sont extérieurs à l'ambition chrétienne, mais en outre ils ont épuisé en vain l'énergie de beaucoup d'hommes, tantôt prêchant en vain une démocratie idéale, équitable, qui n'est jamais advenue, tantôt écopant cette démocratie-Titanic décrite par Hubert Bourgin, sans parvenir à l'empêcher de se noyer littéralement dans l'argent.

D'autant plus grande est l'ambition chrétienne d'un chrétien, d'autant plus réduite sera son ambition terrestre, et l'on peut ainsi déduire que les prélats ou prêtres chrétiens qui se mêlent de questions politiques et sociales se fourvoient ou/et sont de ces imposteurs dont parlent les évangiles, qui parlent au nom du Christ et de son esprit mais le trahissent.

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