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Au coeur des ténèbres

Il faut remercier les romanciers qui nous entraînent au coeur des ténèbres : L.-F. Céline, V. Gheorghiu, et bien d'autres ; je cite deux romanciers que j'ai eu la chance de lire alors que j'étais encore adolescent. Les romanciers britanniques ont la capacité de vous entraîner au fond du gouffre, tout en faisant preuve d'humour, ce qui est sans doute shakespearien. En effet le tragédien a fait éclater la bombe de l'humour au beau milieu d'une époque extrêmement violente elle aussi, où des chrétiens faisaient brûler d'autres chrétiens au nom du christianisme.

Contrairement aux films montrant l'horreur de la Shoah, ces oeuvres ne désignent pas d'autre coupable que la bêtise humaine. En diabolisant Hitler, on lui a fait une publicité inutile ; rien n'est plus séduisant que le diable, d'ailleurs, tandis que le catéchisme est ennuyeux.

Les romanciers qui nous entraînent au coeur des ténèbres du XXe siècle ont le mérite de ne pas dissimuler l'ampleur du mal ; on ne s'attaque pas au mal en traitant son voisin de fachiste ou de communiste.

Huxley et Orwell sont les plus dissuasifs de croire que la barbarie occidentale prend fin en 1945, suivant la légende dorée. Hannah Arendt a expliqué pourquoi le crime d'Eichmann était banal (il est étatique, et l'Etat moderne totalitaire abolit l'éthique), et certains propagandistes sionistes ou communistes ont tenté de la censurer par calcul.

Bien sûr on peut préférer l'opium, un opium quelconque permettant d'ignorer le trou vertigineux de la bêtise humaine ; ou on peut le colmater avec Dieu ou le Hasard, Allah, toutes les religions épiméthéennes, dans leurs versions traditionnelles ou chimiques - le trou béant n'en est pas moins là, menaçant pour tout le monde.

Montrer, exhiber la bête humaine est donc salutaire.

J'ai connu un type qui revenait tout droit de l'enfer : il n'en avait pas une connaissance livresque, mais bien réelle ; il y avait été plongé subitement à l'âge de l'innocence, comme un enfant voit soudain ses parents volatilisés par un tir de roquette. Le temps avait fait son effet cicatrisant, mais pas complètement : la joie le mettait très mal à l'aise ; je crois qu'elle lui paraissait un mensonge, de la pacotille en comparaison de l'or noir des ténèbres, dont l'éclat s'était fixé dans sa mémoire.

Ceux qui ont voyagé jusqu'au bout de la nuit, et qui en sont revenus pour nous avertir du danger, sont donc nos frères.

Commentaires

  • Le pire est en effet ce qu'on inflige à des enfants que ce soit la pédophilie ou encore du lavage de cerveau façon MK-Ultra pour en faire des tueurs (ce qui ne paraît pas si délirant que ça quand on pense au dressage que subissent certaines personnes via la TV). Le tout n'est pas juste d'avoir les yeux ouverts (ce serait trop facile hélas !) mais de le pas sombrer dans une illusion, puisque l'illusionné à l'impression d'avoir les yeux ouverts alors qu'ils sont bel et bien fermés et à double-tour.

  • Les médias audio-visuels ont un pouvoir de fascination semblable au chant des sirènes dans l'Odyssée. Francis Bacon a souligné (dans la Sagesse des Anciens) la dimension macabre de cette fable, comme Shakespeare a souligné la dimension macabre de la passion amoureuse dans Roméo & Juliette.
    - La jeune génération (naturellement moins encline à la passivité) doit s'attacher au mât comme Ulysse, c'est-à-dire comprendre le danger que ce mode de gouvernement par les médias audio-visuels représente : elle propulse au sommet de l'Etat des types qui sont des acteurs de cinéma, incitant les foules à la passivité. Le rapport entre les 25 millions de Français qui ont voté et l'offre idéologique est le même que le rapport entre les supporteurs de foot et leurs idoles.
    L'abstention de la jeune génération à 70% est ambiguë ; les 3/4 s'abstiennent parce que les campagnes électorales sont, à leurs yeux, un spectacle bas-de-gamme ou démodé ; ils ne se laissent donc pas abuser par la dimension spectaculaire, en revanche la plupart sont résignés à échanger leur liberté contre une dose de divertissement.

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