On ne peut comprendre le catholicisme romain et son chef, l'évêque de Rome, sans comprendre qu'ils sont à cheval sur des principes politiques romains et le message évangélique.
Entre le XVIe et la fin du XVIIIe siècle, Rome a perdu la plupart de ses prérogatives politiques, de son pouvoir politique réel en Europe. L'érosion de l'influence morale de Rome (dont la généralisation du divorce est un signe) est la conséquence de l'érosion de son influence politique. Le rapt du pape Pie VII par l'empereur Napoléon est le symbole de la déchéance politique de Rome.
On traduit bien mal ce phénomène de relégation politique par la "protestantisation" de l'Eglise romaine, car il s'agit avant tout d'un phénomène politique. L'émergence de l'Etat-nation au XVIIe siècle a causé bien plus directement la dissolution du pouvoir politique de l'évêque de Rome, en dehors de considérations théologiques.
Rome n'a pas dit son dernier mot et cherché à satisfaire son atavisme politique autrement, la colonisation de l'Amérique, de l'Afrique et du continent asiatique offrant un nouveau terrain de jeu politique, quoi que ces territoires soient largement sous la domination de l'Occident capitaliste.
On accuse étrangement le pape Pie XII de ne pas s'être interposé pour sauver les Juifs. C'est prêter à Rome un pouvoir d'influence qu'elle a perdu dès le XIXe siècle en Europe. Rome est comme une coquille vide qui attend de servir à quelque chose.
Le pape Jean-Paul II a servi la propagande des Etats-Unis, sans que Rome n'en tire un grand bénéfice, car les Etats-Unis ne sont pas une nation catholique. Benoît XVI a servi la propagande de l'oligarchie capitaliste et son projet d'Union européenne, dont le bénéfice est encore moins évident et le fiasco concrétisé par la reprise de la Guerre froide en terre ukrainienne. Peu politique, J. Ratzinger avait presque été élu contre son gré.
Avec l'élection d'un pape jésuite, l'Argentin G. Bergoglio, on pouvait s'attendre à un pape plus habile sur le plan politique. De fait il n'a cessé au cours de son mandat de prendre ses distances avec la politique de l'empire américain et son vassal européen. Le pape François était assis sur un paradoxe éclatant ; si le siège de l'Eglise romaine est toujours à Rome, elle n'est plus qu'une petite secte vieillissante en Europe. Les combats extrêmement violents en Ukraine et les représailles sanglantes d'Israël en Palestine ne pouvaient qu'orienter le discours politico-religieux du pape vers la défense des peuples opprimés. La fréquentation des chefs d'Etats européens est presque devenue compromettante pour le pape François.
On voit d'ailleurs que le courant "sioniste" ou "trumpiste" a pris de l'importance en France ou en Italie, c'est-à-dire une forme de catholicisme dont le chef religieux est à Washington. Le pacte judéo-chrétien ressemble à une sorte de Fort-Alamo ou de crac des chevaliers teutoniques.
En élisant pape Robert Prévost, un évêque né sur le sol des Etats-Unis, dont le président est devenu, au cours du XXe siècle, une sorte de chef religieux par défaut, unifiant les différentes sectes protestantes désunies, le conclave a pratiquement élu un pape... protestant. En effet le plus puissant chef religieux au monde, actuellement, n'est autre que Donald Trump.
Le nouveau pape Léon XIV n'a pas tardé à faire savoir son attachement à sa paroisse péruvienne. Il n'est pas douteux que l'anti-trumpisme ou l'antisionisme garantirait la popularité à ce nouveau pape en Amérique du Sud, mais aussi dans une bonne partie de l'Afrique ou V. Poutine est déjà idolâtré, ainsi qu'en Asie, dans un monde où la politique se réduit au choc des propagandes rivales.