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E. Macron face au Clergé

L'histoire des rapports de la monarchie française avec le clergé est sans doute un angle historique passionnant. Un moraliste dont le nom m'échappe, dans le genre Houellebecq en moins lourdingue, a fait cette remarque que le JT (journal télévisé) a remplacé la messe au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Les églises sont vides, mais les canapés sont remplis devant l'officiant.

Un autre moraliste, spécialiste de la pratique religieuse des Français et amateur de statistiques, précise que le "vote catholique" a disparu au cours des années 80 - d'où l'expression de "catholicisme zombie" qu'il a forgée pour rendre compte de ce petit changement auquel la télévision n'est sans doute pas étrangère.

Si vous ne possédez pas la télévision, cela fait de vous une sorte d'hérétique des temps ultramodernes - ou d'étudiant, car pour un étudiant, regarder la télévision est une activité de "darons" séniles.

Le clergé contemporain, ce sont les journalistes, bien sûr. Les journalistes audio-visuels sont le haut du panier, compte tenu de leur influence décuplée. Je n'éprouve pas une grande sympathie pour le général de Gaulle, premier monarque de la Ve République (à cause de ses Mémoires truqués), ni pour F. Mitterrand - mais leur mépris des journalistes indiquait une forme de continuité monarchique. La nécessité de ménager ce clergé est venue après.

Dans un récent ouvrage pieux, Bernard-Henri Lévy qualifie Emmanuel Macron de "jeune monarque". C'est une façon pour lui de s'inscrire dans la tradition des "éminences grises" qui jouent auprès du roi un rôle de conseiller et, ici, de flatteur.

La transition de la monarchie à l'oligarchie s'est produite sous le règne de F. Mitterrand, avec pour signe visible l'audace croissante du clergé, empiétant de plus en plus sur la fonction royale. D'aucuns diront que F. Mitterrand a trahi l'esprit monarchique ; ce serait oublier que la constitution gaulliste a facilité la prise du pouvoir par l'oligarchie et son clergé, transformant par exemple les parlementaires en courtisans veules. Ce serait oublier le contexte de la chute du Mur de Berlin. Ce serait oublier beaucoup de choses...

Notre jeune monarque a l'air de se complaire dans l'exercice du JT ; la crise économique a peut-être rapproché encore un peu plus la génération croulante du poste de télévision, d'où sortent des paroles rassurantes. Je le trouve assez doué pour faire croire qu'il maîtrise les questions économiques, ce qui est caractéristique des escrocs formés dans les grandes écoles de commerce (un fléau national).

En revanche, lors de sa dernière prestation, le chef de l'Etat n'a pas su cacher qu'il est à peu près privé de tout pouvoir exécutif, désormais. Il a dit plusieurs fois qu'il était "le gardien de la Constitution" : quand on sait ce qu'elle est (une pétition de principes), ce n'est pas très rassurant.

Notre monarque s'est fait longuement tancer par deux prélats de seconde zone, Darius Rochebin et Gilles Bouleau, sous prétexte que la France ne fournit pas assez d'obus à l'Ukraine. On comprend pourquoi les oligarques français détestent le tsar V. Poutine. On comprend aussi le prestige de Poutine en France chez les jeunes ados (non "gays").

Comment expliquer un tel bellicisme, de la part d'employés du consortium Bouygues ? La guerre a toujours été l'issue de secours du capitalisme en crise, une véritable aubaine, mais Rochebin et Bouleau le savent-ils seulement ? Est-ce du pur sadisme ?

D'autre part le chef de l'Etat a fait l'aveu public qu'il n'a pas le pouvoir de contraindre les oligarques français à payer leurs impôts comme il se doit. Cela me semble une grosse gaffe dans un pays monarchiste comme la France où le pouvoir du monarque réside -au moins symboliquement- dans son pouvoir de flanquer au cachot les oligarques qui s'avisent de lui faire de l'ombre.

Le premier geste d'un comité de Salut public Gilets jaunes serait bien sûr de brûler l'effigie de l'euro, symbole de la soumission de la France à l'Allemagne - mais le second serait d'expulser les oligarques et leur clergé médiatique qui font la pluie et le beau temps. Que l'on se place du point de vue monarchique ou du point de vue républicain opposé, l'oligarchie est le pire des régimes.

Commentaires

  • Ca n'a rien à voir avec le billet mais j'ai lu la pièce Roméo & Juliette que vous semblez tout particulièrement tenir à coeur (pour en dénoncer le contenu). Pour ma part, je vois surtout que sous couvert "d'amour" Roméo commet deux meurtres, incite à violer la loi (quand l'apothicaire lui donne la potion mortelle) bref sombre dans la barbarie, quand Juliette est comme une sorte de victime/complice consentante de ses méfaits (vu que Roméo tue son cousin et son fiancé).

    Mais le pire est sans doute Frère Laurent, et son double discours absolument incendiaire : d'un côté il dénonce les méfaits de Roméo (notamment son requisitoire dans l'acte 3 scène 3 qui est très juste au fond... mais sans effet !) mais de l'autre il poursuit mordicus son projet d'unir les deux amants au lieu de les calmer (ou même les séparer). C'est à peu près aussi cohérent que de faire un discours anti-suicide et de donner un pistolet en même temps à un suicidaire et ensuite de déplorer que la personne que l'on veut "aider" soit passée à l'acte ! Je me demande même si la peste qui à empéché que le message de frère Laurent soit donné à Roméo n'est pas une sorte de châtiment divin.

  • Voici ce que je dis : Shakespeare n'exalte pas la passion, contrairement à la fameuse thèse des romantiques français, V. Hugo en tête ; il ne l'exalte pas plus que Homère ne l'exaltait, il ne l'exalte pas plus dans "Roméo & Juliette" que dans une autre pièce.
    - Sh. reprend le thème de la condamnation de la passion amoureuse, déjà maintes fois traité dans la littérature antique (Roméo et Juliette sont littéralement des anarchistes qui défient toutes les lois humaines et sèment la mort autour d'eux), auquel il ajoute un ingrédient essentiel : le frère Laurence.

    Alors même qu'il sait parfaitement que la passion de Roméo & Juliette est la plus répréhensible, le frère Laurence va la bénir au nom d'un motif noble (la paix entre les familles Capulet et Montaigu). Le frère Laurence manipule Roméo et Juliette, alors qu'il est leur conseiller spirituel. Il sacrifie son rôle spirituel au profit d'un rôle politique.
    La théorie romantique est débile, mais la théorie d'un Shakespeare papiste est très mal enracinée dans "Roméo & Juliette".

    - Je dis qu'il y a beaucoup plus de vérité et d'éclaircissement historiques dans "Roméo & Juliette" que dans l'épais et confus essai de Denis de Rougemont, "L'Amour et l'Occident" (1939). Ainsi la rivalité entre l'autorité ecclésiastique (Fr. Laurence) et l'autorité civile (les parents de Roméo & Juliette) dans le domaine des moeurs, est un des aspects de la lutte des classes au Moyen-âge, Le discours du clergé a eu un effet émancipateur sur la paysannerie, comme le discours du Fr. Laurence "émancipe" Roméo et Juliette. Martin Luther n'a pas, à lui seul, allumé la contestation paysanne : il a seulement jeté de l'huile sur le feu qui couvait.
    Un autre exemple : le délire érotico-religieux de Juliette, mais aussi d'Ophélie (dont Sh. montre qu'il est un pur satanisme, un défi aux paroles du Christ sur la chair), ce délire Sh. montre d'où il vient - de la culture aristocratique narcissique.

  • En dernière analyse, on retombe toujours sur le même problème : derrière le Pape se cache le César, bref la prostitution du religieux au politique. D'ou probablement aussi la grande prostituée décrite dans l'Apocalypse.

  • Il est certain que le problème de la laïcité, qui commence à se poser en Occident dès que l'alphabétisation à commencé de se répandre au-delà du cercle du clergé et des aristocrates (bien avant Luther) est :
    1. un problème central dans l'oeuvre de Shakespeare ;
    2. un problème qui n'est pas réglé en 2025 : un shakespearien (Marx) ne peut manquer de voir que l'ancienne théocratie (aristocratique) s'est reconstituée autour de l'argent, qui est désormais investi d'un pouvoir mystique similaire (occulté par la théorie libérale).
    Autrement dit, le dollar, ou l'euro, est l'équivalent du droit divin ; il a pratiquement la même force de sidération. Sh. montre qu'elle ne s'exerce pas seulement sur la foule, mais aussi sur le souverain. C'est ici la grande erreur de Tocqueville et des Lumières : vouloir remplacer le droit divin par le hasard : ça revient à le remplacer par un arbitraire plus grand encore. Il n'a même pas fallu vingt ans pour que les pires pressentiments de Tocqueville s'accomplissent et que l'oligarchie détourne l'idéal démocratique à son profit.
    - Un autre exemple de l'actualité du problème de la confusion des pouvoirs spirituel et temporel : le "Léviathan" de Th. Hobbes a été conçu pour y apporter une solution (aussi collectiviste que celle de Rousseau et Tocqueville est individualiste). Or la solution de Hobbes n'a pas moins fait long feu que celle de Tocqueville ou Rousseau.
    Big Brother, tel qu'il est décrit par G. Orwell, est un Léviathan qui a dérapé, un Léviathan qui ne joue plus le rôle que Hobbes lui avait assigné.

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