"Le Peuple est un monstre qui dévore tous ses bienfaiteurs et ses libérateurs. Il n'y a pas, comme nous l'avions cru, de peuple révolutionnaire ; il n'y a qu'une élite d'hommes qui ont cru pouvoir, en passionnant le peuple, faire passer leurs idées de bien public en application. (...) Tout prouve bien que, désormais, prendre le peuple pour arbitre de son propre salut, c'est faire métier tout à la fois de dupe et de charlatan." P.-J. Proudhon (1851)
Cette amère réflexion de Proudhon indique le retard du XIXe siècle en matière de pensée politique, puisque la philosophie antique situait déjà la politique au niveau insurmontable de l'animalité. Proudhon réagit à l'élection au suffrage universel de la baderne Napoléon III, faux chrétien et authentique bourgeois. Proudhon vient de comprendre la ruse de la bourgeoisie qui consiste à manier le peuple, après force flatteries, comme une arme de destruction massive.
A vrai dire c'est un drôle d'anarchiste que Proudhon, car il faut pour croire dans la démocratie et la révolution bien plus de superstition que pour se prosterner devant Apollon ou la lune.
Le peuple n'est jamais responsable, ni même coupable ; en l'occurrence le seul fautif, c'est Proudhon, victime de sa propre crédulité et non du peuple. Quand le peuple juif condamne Jésus-Christ à mort par un vote à main levée, c'est encore du fait de la manipulation de ses prêtres. Le peuple n'aime pas le cinéma ou le football : il est contraint à ce lavage de cerveau. Le peuple n'est responsable que parce la bourgeoisie l'a déclaré responsable afin d'échapper à sa propre responsabilité. Plus un régime politique, un système juridique est abstrait, plus les coulisses du pouvoir sont profondes afin de dissimuler les ficelles par lesquelles tient ce pouvoir.
Aucun homme d'élite véritable n'accusera le peuple, car ce serait comme pour un cavalier d'accuser son cheval. La fausse connivence avec le peuple trahit forcément le bourgeois.