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rentrée littéraire

  • Rentrée littéraire

    La puérilité des lettres françaises se concentre dans le phénomène de la "rentrée littéraire". La phénoménologie de l'esprit chère aux philosophes en costard-cravate n'est pas très éloignée, en fait, de la foire commerciale.

    Il s'agit d'être placé en tête de gondole. Valérie Trierweiler dame cette année le pion à la concurrence et berne ainsi le milieu littéraire avec une histoire de chair crue. Les plus "fair-play" ont reconnu qu'en matière de bovarysme, à quoi la littérature bourgeoise se résout, il fallait bien accorder la palme à l'Autrichienne de service.

    L'oisiveté est mère de tous les vices, et le problème c'est que le vice est aussi ennuyeux que la vertu, il suffit de lire Sade ou de fréquenter les salles de cinéma pour s'en rendre compte. Seul le christianisme remet vraiment en cause la vertu, puisque le vice, lui, ne peut pas se passer d'elle pour exister.

    Depuis quelques années, certains plumitifs ont eu l'idée de rehausser leur prose d'allusions chrétiennes, comme on verse un peu de vin dans son eau de rose pour renforcer la couleur. Il faut dire que le catholicisme a presque le parfum du vice en ces temps de moraline laïque ou hygiéniste. Ou bien est-ce parce que les bonnes femmes achètent 80% de la production de nouveaux romans et qu'elles aiment un doigt de foi pour allonger le stupre ?

    Il y a un an ou deux, ce fut un "Sermon sur la Chute de Rome" qui fut ainsi primé, empruntant à saint Augustin son titre. Dans ce sermon, le théologien explique la raison sacrée de l'indifférence des chrétiens à l'égard de la civilisation, en l'occurrence de l'Empire romain à l'agonie [qui de toutes façons n'avait jamais été grand que par la taille, comme la Russie ou les Etats-Unis]. On voit que l'Eglise romaine a, depuis, entièrement adapté sa théologie aux circonstances, puisque après le Boche de l'école de Francfort, radié pour ses médiocres résultats en termes de propagande, le nouveau pape François est sur le point d'aller se faire baiser l'anneau par les représentants de la ploutocratie européenne réunis à Bruxelles. L'anthropologie chrétienne vise à neutraliser l'Esprit de l'apocalypse, si fort que Satan ne peut l'affronter selon les règles de la guerre conventionnelle, mais doit passer par le maquillage moderne.

    Cette année, Emmanuel Carrère dans le "Royaume" évoque sa lecture de l'évangile de Luc, son athéisme primitif, puis sa conversion, puis son retour à l'athéisme. Comme certains théologiens chrétiens le notent, y compris de médiocres, la foi n'est pas un thème chrétien, puisque la question du salut chrétien éclipse celle de la foi en dieu. Le problème de la foi en dit beaucoup plus long sur la bourgeoisie. La question de la foi concerne beaucoup plus Satan et ses sectateurs, épris par exemple de culture latine. Par exemple : Nitezsche a-t-il vraiment foi dans Satan ? La réponse est : relativement, oui. La doctrine satanique de Nietzsche est en grande partie le fruit d'une illumination ou d'une exaltation religieuse démoniaque.

    E. Carrère : "La comparaison entre le christianisme et le marxisme-léninisme (...) vient d'autant plus facilement à l'esprit qu'il s'agit dans les deux cas d'une forme de religion, avec une visée millénariste, se présentant comme l'avant-garde d'une mutation de l'humanité (...) Les lettres de Paul sont des textes mystiques, bien sûr, mais aussi politiques."

    Notations superficielles pour quelqu'un qui prétend avoir lu attentivement pendant trois ans d'affilé les évangiles une ou deux heures par jour. Lénine fit déjà le parallèle lui-même, non pas entre le marxisme-léninisme et le christianisme, mais plus exactement entre le socialisme soviétique et la religion d'Etat catholique au XVIIe siècle. On voit qu'E. Carrère est obsédé par la politique, et que la religion qui pointe le plus le néant spirituel de l'activité politique ne l'a en rien débarrassé de son obsession. Entre la forme civile du christianisme et les évangiles, il y a un gouffre, dans lequel Paul de Tarse ne tombe pas, dissuasif au contraire de croire dans le "salut par les oeuvres".

    E. Carrère : "(...) Sans parler du concept d'un dieu crucifié, à l'opposé des dieux grecs auxquels il est tellement plus facile de s'identifier, avec leurs passions et leurs comportements qui ressemblent tant à ceux des hommes."

    Ici l'écrivain feint d'ignorer que c'est le Christ ressuscité que les chrétiens s'efforcent d'imiter, reprenant le poncif néo-païen d'un christianisme masochiste. Son point de vue sur la religion grecque est d'ailleurs tout aussi débile, puisqu'il en fait presque une religion romantique.

    Il va de soi que si dieu n'existe pas, la foi dans l'homme et ses oeuvres devient primordiale, la moindre brève de comptoir mérite d'être recueillie.