L'étude de la philosophie du XIXe siècle m'a conduit à la même conclusion que Léopardi en ce qui concerne l'athéisme. Léopardi a développé son point de vue dans le "Zibaldone" (notes rédigées entre 1817 et 1832) :
"N'est-il pas paradoxal de voir dans la religion chrétienne la principale source de l'athéisme, ou plus généralement, de l'incroyance en matière de religion ? Je la tiens néanmoins pour telle. L'homme est naturellement croyant, car il raisonne peu, et ne fait pas très grand cas des raisons des choses. (...) L'homme peut naturellement tout au plus imaginer, concevoir une religion et y croire, comme l'expérience nous le montre, tout comme il peut imaginer, concevoir et croire tant d'illusions dont certaines sont communes à tous, alors que les religions imaginées par les hommes naturels étaient toutes différentes.
La métaphysique, qui plonge jusqu'aux raisons cachées des choses, qui examine la nature, nos imaginations, et nos idées, etc., et l'esprit profond, philosophique et raisonneur sont les véritables sources de l'incroyance. Tout ceci fut en grande partie répandu par les religions judaïque et chrétienne, qui enseignèrent aux hommes et les habituèrent à regarder au-delà de leur clocher, à contempler plus bas que le sol, à réfléchir en somme, à rechercher les causes cachées, à examiner et, souvent aussi, à condamner et à abandonner leurs croyances naturelles, leurs imaginations spontanées et sans fondements, etc. (...) Aussi toutes les religions constituent-elles une espèce de métaphysique, et toutes les religions un tant soit peu constituées peuvent être tenues pour des causes d'irréligion, ou inversement (admirable agencement du système de l'homme, qui ne serait pas irréligieux s'il n'avait été religieux) ; toutefois, comme chacun le voit, cette particularité appartient principalement aux religions judaïque et chrétienne."
Quelques lignes de commentaire :
- D'abord on voit dans ce passage combien Léopardi diffère de Nietzsche, en même temps qu'il permet de comprendre la doctrine antichrétienne et antijuive de Nietzsche. En effet ce dernier combat la métaphysique (au nom du bonheur) comme une invention judéo-chrétienne funeste et délirante.
- L'analyse de Léopardi a pour effet de dissoudre la propagande, sans doute plus répandue en France que dans d'autres nations, qui tend à faire croire que le christianisme est une religion dissidente.
L'idéologie démocrate-chrétienne est, au contraire, une idéologie dominante, distincte de la foi dans la parole de dieu. A la foi chrétienne, la rhétorique démocrate-chrétienne substitue un calcul, la probabilité que dieu existe; il s'agit là d'un athéisme qui n'ose pas dire son nom.