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Martingale

Un gros livre noir sous la direction du professeur Mikkel Borch-Jacobsen pour nous dire que la psychanalyse repose sur l'imagination de Freud et d'un aréopage de patientes et de confrères plus coincés du cul les uns que les autres, bref, que la psychanalyse n'est que littérature. Ce que Borch-Jacobsen oublie de démontrer, c'est qu'en plus c'est de la mauvaise littérature. Lisez plutôt A. Huxley :

« La pseudoscience qu'est la psychanalyse est l'un des plus beaux spécimens du genre jamais conçu par l'esprit humain. Sa prodigieuse popularité, touchant toutes les classes, sauf celle des scientifiques, en atteste suffisamment. Et quand on vient à l'approfondir, on découvre qu'en effet elle possède toutes les qualités qu'une pseudoscience se doit idéalement d'avoir.

(…) Quiconque est capable d'accepter des déclarations infondées comme des faits, quiconque se sent une affinité particulière avec la symbolique et une attirance pour le coup de force logique que représente la déduction analogique peut étudier la psychanalyse.

Mais cette science a bien d'autres attraits et de plus positifs encore. Aux dépressifs elle propose des cures. À ceux qui veulent connaître les affriolants mystères du sexe - et qui, après tout, ne le veut pas : elle offre tout un lot d'anecdotes et de théories fascinantes. Si elle pouvait seulement s'incorporer une méthode pour prédire l'avenir ou encore une recette miraculeuse pour gagner des millions sans travailler, la psychanalyse deviendrait une pseudoscience aussi complète que le furent l'astrologie, la magie ou l'alchimie.

Mais peut-être qu'en temps voulu ces améliorations de la théorie de base pourront être faites ; les psychanalystes étant des types débrouillards et très inventifs. Pour l'instant, même en la prenant telle quelle, elle reste incomparablement supérieure au magnétisme, à la phrénologie et aux rayons N (…). »

Commentaires

  • D'où vient cette citation? C'est le Huxley rationaliste d'avant 38 ou celui d'après? C'est quand même piquant comme tirade de la part de quelqu'un qui a failli tomber dans le panneau hubbardien... Mais ceci dit j'aime beaucoup Huxley et ce passage conforte mes préjugés sur la psychanalyse.

    Il faut lire, paraît-il, la très circonspecte biographie de Freud par Zweig, qui n'est pas aussi catégorique qu'Huxley, tout en déplorant l'absence d'une théorie de la psychosynthèse...

  • On sait qu'Huxley fut un scientifique contrarié (vue défaillante) que ses essais furent meilleurs que ses romans (mais ce n'est qu'un point de vue relativement partagé, ses romans ont plus de succès) . Ca en fait un littérateur assez proche de Houellebecq non? plutôt un moraliste qu'un romancier. Et la psychanlyse dont il parle se rapproche plus de ce qu'elle est devenu après le traitement behavioriste à l'américaine, à savoir un instrument moderne et pragmatique de lobotomisation. La psychanalyse serait au cognitivisme ce que la peinture est à la photo. L'une, une interprétation délicieusement ambigue de la réalité, l'autre une preuve scientifique de la même? réalité. L'une pourrait être belle si on savait l'habiller, l'autre est triste dans n'importe quel habit. La psychanalyse attend son écrivain et reste en attendant un art de la parole.

  • Houellebecq a dit d'ailleurs aussi l'autre jour à Laure Adler tout son dédain pour la pseudoscience pyschanalytique : affolement de la journaliste, comme si Houellebecq venait de violer une mineure sous ses yeux !

  • La photo ment beaucoup plus que la peinture, Louise. Et comme dirait Houellebecq, la psychanalyse n'a pas inventé la parole.

  • à ce compte, la littérature n'a pas inventé l'écriture non plus!

  • Mais bien l'inverse, et donc pourquoi la psychanalyse ne pourrait-elle pas inventer un art de la parole?

  • c'est tout de même pas la faute de Freud si le refoulement existe !

  • Mais lapin, mon "flair rationaliste" s'est noyé dans son Nietzsche il y a belle lurette, et j'ajoute que je ne suis pas insensible au Huxley mystique non plus. Je n'ai pas trouvé la suite de la citation, j'ai juste cru comprendre qu'elle date de 1925, je suppose dans un article intitulé "Our contemporary hocus-pocus".

    La comparaison Hubbard-Freud est intéressante: ce sont deux types de thérapies qui puisent leur légitimité dans leur efficacité - toute relative.

    Et qu'est-ce qu'elle dit la suite de la citation?

    Sinon, Louise, le parallèle avec Houellebecq, moyen. Sur la supériorité de l'essayiste sur le romancier, je suis d'accord pour Houellebecq, mais par pour Huxley. Point Counterpoint, Eyeless in Gaza sont très réussis (enfin il faudrait peut-être que je relise). En plus Huxley était un jouisseur, mais pas un pervers comme Houellebecq. Et ça se sent. Chez les deux.

  • Houellebecq, lui, compare plutôt Freud à Raël, comparaison qui tourne à l'avantage de ce dernier.
    Je ne vois pas en quoi c'est pervers, Médor. Mais peut-être faites-vous allusion à Phuket et ses filles dévouées ? Dans ce cas vous êtes en retard d'un scoop, car Houellebecq a avoué qu'il avait passé plus de temps à écouter les confidences des clients dans les bars qu'à consommer lui-même (encore une preuve de sa sincérité, quand BHL s'acharne contre l'évidence à faire croire qu'il est un baroudeur).

    Ce n'est pas très joli le refoulement, Louise, je préfère le reflux.

  • Ben moi je trouve que Houellebecq est un frustré pervers, oui. Mais ça provient sans doute pour une large part de son positivisme athée. Au bout du compte, il pense que l'homme n'est que matière, ou plus exactement que la matière préexiste à l'esprit.

  • Oui, mais c'est ça qui m'amuse, moi, Médor, cette touche XIXe, ce costume démodé, ça nous change un peu de tous ces nietzschéens assommants et de tous ces jospinistes revanchards, non ?

    Frustré, Houellebecq ? Nous le sommes tous un peu, non ?

  • Tiens, il y avait longtemps que je n'avais pas lu le couplet...
    Vous restez dans l'animal, lapinos (et l'enfantillage); ("à cheval sur mon dada...")

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