J'ai un peu craqué, j'avoue. J'ai fui, je me suis retiré quelques jours en Combrailles, auprès d'un monastère bénédictin. Les psaumes en latin, le silence, l'anonymat, tout ça est réconfortant. Et pas un seul bobo à l'horizon ! La détente complète, quoi.
Paris, c’est très joli, il y a tout ce qui faut, la peinture classique du Louvre, de jolies femmes, de bons restaurants, des librairies, mais je finissais par me sentir un peu assiégé, tout de même.
J’ai pu communier à la “nostalgie du Moyen-âge” des moines, c’est-à-dire l’aversion pour les gadgets et une certaine lenteur indispensable pour accomplir de belles choses. Sauf au réfectoire. Ils bouffent trop vite. C’est mauvais pour la digestion quand on est pas habitué. Très nette cette nostalgie chez certains, surtout le frère Guillaume, venu de l’Arizona, habitué à l’inconfort de la campagne mais pas à l’architecture romane. Pétrifié d'admiration, il est.
Avec ça un peu de “lapining” pour me défouler, ce sport dont je suis adepte depuis ma prime enfance, qui consiste à gambader joyeusement dans les fourrés, par-dessus les clôtures et les rochers, à dévaler les pentes - certains préfèrent l'expression plus martiale d'“azimut brutal”.
Commentaires
Une retraite chez les moines d'accord, mais pourquoi des bénédictins? Chez les trappistes encore, on peut apprendre à cultiver le houblon, mais les bénédictins?
Hélas, Pim, y'a beau temps que les trappistes ne cultivent plus le houblon. En France, du moins, car en Belgique il y a Chimay, je crois.
Même pour le vin, qu'ils ont inventé, il ne reste plus que les cisterciens de Lérins, près de Cannes, qui vinifient encore.
Pour ta culture générale, Pim, sache que le "renouveau" monastique en France est bénédictin essentiellement. La plus importante abbaye française, quatre-vingt moines environ, est bénédictine.
Si t'as d'autres questions sur les moines et leurs spécialités culinaires (ou cosmétiques), n'hésite pas, Pim.
Ah Lapin, il était grand temps que quelqu’un se charge de ma culture monastique. Déjà c’est très bête, je n’avais pas pensé que tu avais battu retraite dans un "renouveau" quelconque... Parce que déjà je n’imaginais pas vraiment de renouveau, depuis quand ce renouveau ? Ils recrutent où les moines ? (non, sans blague hein ça m’intrigue, je ne me moque pas du tout).
Ensuite pourquoi les bénédictins plutôt que d’autres ? Qu’est-ce qui attire les jeunes générations vers cette confrérie là ? Autre chose, comment ça des spécialités COMESTIQUES !? (T’as fait bronzette à la graisse à traire les bénédictins pendant tes vacances ?)
Enfin, dernière question, est-ce que le "chaussée au moine" est fait pour de vrai par de vrais moines? Et quid du Saint Nectaire?
COSMETIQUE (of course)
Aaaaah! Lapinos enfin de retour sur le pont, et déjà en train de se friter avec Pimpeleu. Du sport!
Vous n'y êtes pas du tout Emmanuel.
Doucement Pim, doucement, je reviens de la cambrousse et je suis encore un peu engourdi !
T'as raison, le terme de renouveau est impropre, d'où les guillemets. N'empêche qu'alors que plus personne ne veut devenir prêtre en Europe (ce n'est pas le cas en Amérique latine ni de l'Afrique), les moines "résistent" plutôt mieux. Il y a eu au moins quatre ou cinq nouvelles fondations ces dix dernières années en France. Surtout des bénédictins. Il y a l'ordre dit des "petits gris" également - ça n'a rien à voir avec le pinard - que je connais moins bien. Figure-toi que les moines que j'ai pu observer pendant ma retraite avaient presque tous entre vingt et trente ans - des moinillons en quelque sorte.
Nous sommes désormais submergés par les gadgets bruyants, nauséabonds, laids et encombrants. Le mode de vie radicalement simple des moines doit attirer des gens particulièrement sensibles au poids de cet amoncellement de vanités, tu ne crois pas ? Dans leurs cellules ils éprouvent sans doute un sentiment de liberté plus grand que le type qui se rend au travail tous les jours, pour vendre des postes de télé ou des téléphones portables standards.
Pourquoi des bénédictins ? Il y a des raisons historiques à ça, la figure de Dom Guéranger, qui a restauré l'ordre. Son abbaye, Solesmes, a eu un rayonnement important. Et puis la règle bénédictine, qui mêle le travail manuel et la prière, colle sans doute assez bien avec le désir de retourner à une vie non seulement plus spirituelle mais plus simple, plus concrète. Il faut pour être prêtre être capable de faire un minimum d'études, les monastères accueillent des talents plus variés.
Ah, pour les cosmétiques, c'est une des spécialités de l'artisanat monastique, shampoing à la verveine, moi je n'utilise jamais de shampoing, ça me fait friser, eau de Cologne des bénédictines de Chantelle, bof, j'aime pas sentir la cocotte, etc.
Malgré les nouvelles normes sanitaires qui ont failli dissuader les moines de continuer à fabriquer du fromage, ils continuent à produire des fromages de moine, pas très raffinés la plupart du temps, genre Port-salut ou St-Nectaire. Tu trouveras les meilleurs à l'abbaye de Belloc (brebis) ou à Chambaran.
Satisfaite ?
Très. Et merci pour tes recommandations fromagères, connais pas celui de Belloc, ni Chambaran.
Quand à ta théorie des jeunes gens qui embrassent la voie monacale pour fuir la société moderne, elle se tient, sauf que pour filer par ce chemin là, encore faut-il avoir la foi non ? Et c’est bien cette dernière qui me semblait en perdition depuis pas mal de temps déjà en France. Au cas où, j’ajoute aussi qu’il n’est nul besoin d’être croyant pour être sensible "au poids de l’amoncellement de vanités", et qu’il est encore possible de se délester des nouvelles pressions sociales dont tu parles, superficielles comme elles le sont, de vivre à côté. Surtout que la satiété est telle qu’on finit par s’écoeurer, alors c’est plutôt l’envie qui manque au final. La différence avec le non-croyant, c’est surtout que lui n’aura aucun scrupule à faire le tri entre ce qu’il accepte de la modernité, ce qu’il utilise, ce qu’il balarde, ce qu’il conchie, ce qu’il apprécie.
Bref, croyant ou pas, c’est une affaire personnelle finalement. J’avoue que j’ai du mal à comprendre pourquoi le nombre de moine s’accroît sans que l’ensemble des croyants n’augmente. Les croyants se sentant plus seuls se "radicaliseraient" par réflexe de résistance justement ?
(Le "petit gris" est aussi un délicieux champignon de la famille des bolets.)
Ah le confort de la communauté et de l'Eglise : pas trop de stress ni de réelles contraintes !
Heureuse de te voir de retour Lapin, j'ai failli mourrir d'ennui.
Je me suis plongée dans la lecture de la biographie d'Ingres (collection Flammarion) en espérant y découvrir le secret de la peinture. Encore un livre que je ne terminerai pas ! (j'ai fait de même avec Alexandre le Grand, dans la même collection).
Quelques recommandations de lecture ?
Bof, la foi, c'est comme l'appétit, elle vient souvent en mangeant, Pim. C'est un faux problème, qui préoccupe surtout les gens un peu "immédiats". Faut une bonne dose de superstition pour ne pas croire, au XXIe siècle, je trouve, une sacrée peur.
Bien sûr, Jésus demande de croire, "Heureux ceux qui croient sans avoir vu", mais bon, les disciples, avant que le Saint-Esprit ne vienne souffler sur leurs têtes, ils ont du mal à croire ce que Jésus leur raconte. Avant tout il leur demande de le suivre. Ce type les épate au plus haut point, ils lui font confiance, ils emboîtent le pas, l'impression sans doute qu'ils rateraient sans quoi une occasion unique, et puis ils n'ont pas grand-chose à perdre d'ailleurs.
C'est un peu comme si je te proposais une promenade nocturne. On n'y voit rien, on ne sait pas sur quoi on marche, ça fait peur. Et toi tu me dis : "On y voit que d'chique dans ton four, pas question, tant que j'y vois pas comme en plein jour, compte pas sur moi !" Ca n'a pas de sens (je sais pas faire les c cédille majuscule sur PC), il faut marcher d'abord un peu à l'aveuglette dans la nuit avant de commencer à pouvoir discerner les formes, de mieux en mieux, après ne serait-ce qu'une heure on se déplace aussi facilement qu'en plein jour, même si on perçoit les choses un peu différemment. Ca sert à rien de crier au mystère ou au fantôme d'emblée.
Je te jure que je t'ai pas recopié un sermon, Pim, il n'y en a pas dans les messes de moines, encore un atout supplémentaire.
Tu as raison, la règle implique une vie radicalement différente, c'est ce qui la rend particulièrement attirante aujourd'hui, je pense. Et puis il y a ce confort dont parle Suzette, pas l'hiver lorsqu'il fait moins dix degrés dans les Combrailles, bien sûr, mais la solidarité, c'est une force, le rythme aussi. Il y a toujours eu pas mal de paumés à échouer dans les monastères, et aujourd'hui, même si tout le monde peut manger à sa faim dans ce pays, les paumés, c'est pas ça qui manque, n'est-ce pas ?
Content que tu sois toujours là pour moi, Suzette. Il faudrait que je te connaisse un peu mieux pour pouvoir te donner un conseil de lecture. Tu devrais faire comme ces femmes qui n'hésitent pas à demander des conseils aux vendeurs de la Fnac, ça donne parfois des conversations poilantes, je regrette parfois de pas pouvoir les enregistrer. Il y en a qui sont parfois méprisants pour les goûts de leur cliente, et ma foi, je suis mal placé pour leur jeter la pierre, mais il y en a aussi qui sont assez doués pour faire des petits résumés assez justes. Souvent ils se gardent de dire la fin. C'est une manie idiote, si c'est un bon bouquin, connaître la chute n'empêchera pas de l'apprécier. C'est bon pour les gamins ou le cinoche, ces petits secrets ridicules.
A bientôt, les filles !
Ecoute Lapin, franchement, je ne demande que ça moi, de suivre un mec qui m'épate sans batailler des heures à me demander si c'est de l'ange ou du cochon... Mais on dirait qu'il est parti sans se reproduire, Jésus. Quelle idée, s'il l'avait fait, à l'heure qu'il est tu serais moine si ça se trouve.
Bon, blague à part, si un jour on me pose cette question crétine "quel est le comble du nihilisme ?" , je file l’adresse de ton terrier ! Lapinos, une incarnation cybernétique, celui qui te nie jusqu'à la possibilité de nier. Et tu me fais encore le coup de la dialectique: non-croyant=zéro préoccupation spirituelle. Et l’histoire sur la solidarité aussi, comme si seuls les gens d'église en étaient capables. D'accord, l'athéisme est la plaie de tout les maux pour toi, ça je pense que je pourrai toujours essayer de te suivre dans le noir sans chercher immédiatement l’interrupteur, si au final je n’y vois toujours rien, ça n'y changera rien, c'est juste que je veux pas voir en fait hein.
Encore un mot cependant, comme tu donnes l'impression de n'avoir jamais essayé de tâtonner dans NOTRE nuit noire à nous, non-croyants, sache que ce n'est pas du tout confortable, un vrai cloaque, sans fond et plein de vide. Et là faut quand même un peu de trempe pour décider du chemin que tu vas suivre quand t'as accepté l'idée que tout sera toujours tout noir, qu'aucune lumière ne te guidera, qu’un jour le vide t’aspira comme le reste et que s'il existe un pourquoi tu ne le connaîtra jamais. Maintenant je n'ai pas dit que croire n'était pas courageux. Je dois t'avouer que la foi en général, suivre une voie qu'on a choisi sans chercher à comprendre je trouve ça assez beau (mon côté romantique ça). Si ce n'était ce mépris de certains croyants pour les athées, je reconnais que le peu de jeunes croyants que j'ai rencontrés dans ma vie sont des gens admirables. De là à considérer que les paumés le sont parce que Dieu n'existe plus, faut pas exagérer. Y'a que les lapins (et Dostoïevski) pour considérer que c’est l'athéisme qui a tué la responsabilité morale. Sans même se pencher sur la question du mobile du crime. (Je ne prétends pas détenir la réponse à mes questions, si c’était le cas je serais peut-être pas en train de faire le pitre sur le web)
Je vais finir par prendre comme un défi à mon intelligence cette incapacité que j'ai à me faire comprendre de toi, Pim !
Encore une fois, je ne te classe pas dans la catégorie des athées de mauvaise foi, la tête enfouie, volontairement ou pas, dans les contingences matérielles, qui évitent les préoccupations spirituelles.
Je te prends pour une athée de bonne foi, espèce plus limitée, et là je suis persuadé, je peux me tromper, que certains athées de bonne foi se posent des tas de questions spirituelles. Sans doute trop, même, et pas les bonnes, qu'ils sont étreints par l'angoisse du vide. Mais encore une fois ça ne lasse pas de me surprendre. Ce n'est pas du mépris mais plutôt de l'incrédulité. Que le matérialisme ambiant étouffe la spiritualité et "produise" des athées, ça je le comprends très bien, Pim, mais lorsqu'on parvient à tenir à distance le superflu devenu indispensable pour beaucoup, qu'on ne soit pas amené à croire en Jésus ressuscité, à plus ou moins long terme, c'est ça qui m'échappe. Il y a aussi une dimension historique à prendre en compte, nous ne sommes pas contemporains de Socrate et de ses spéculations ! Il y a de l'eau qui a coulé sous les ponts depuis ! "Ce n'est quand même pas ma faute si Dieu existe !", se défend Claudel, et je suis dans le même état d'esprit.
Je cause, je cause, et je me rends compte seulement maintenant que tu as fait un pas en avant. Même si je n'ai pas encore lu Dostoïevski, je suis sans doute trop Français pour ça, je suis sûr qu'il aborde la question du mobile du crime.
Prends l'exemple de la charité athée, celle des Restau du coeur, par exemple. C'est leur slogan qui le dit, on donne parce qu'on pense qu'on pourrait avoir besoin de recevoir un jour. C'est une sorte de troc, assez absurde au demeurant. Je ne méconnais pas l'aspect psychologique qu'il y a derrière ce slogan, il s'agit de se placer sur un pied d'égalité avec le nécessiteux en lui déclarant qu'on est soi-même un nécessiteux en puissance, qu'on ne le prend pas de haut. Ce faisant on s'éloigne du geste gratuit, d'individu à individu, on généralise, on théorise la charité. Derrière ces mots il y a des tas de gens qui aux Restaus du coeur font dons gratuitement de leur temps, bien sûr, n'empêche, les mots comptent aussi, paroles d'enfoirés de bobos, en l'occurrence, qu'on retrouve rarement dans cette distribution des surplus de la société de consommation. J'ai distribué comme ça des stocks de sirop de pêche-grenadine iinvendus. Comment ceux à qui on les offrait pouvent ne pas penser qu'on se débarrasse avant tout de ces stocks qui auraient été détruits. Où est la responsabilité là-dedans ?
Plus généralement la charité athée est déléguée à des organismes spécialisés. Théoriquement pour plus d'efficacité, en réalité ça revient à isoler encore plus les nécessiteux. On fait d'ailleurs semblant d'ignorer que la détresse est morale avant d'être matérielle, la plupart du temps en Occident. Des vieillards crèvent par milliers à cause de la canicule, mais surtout d'isolement, et c'est l'Etat qu'on accuse ! Et tu ne vois pas en quoi l'athéisme démocratique mène à la déresponsabilisation ? (De mon côté je regrette que Benoît XVI n'ait pas osé dénoncer cette charité moderne dans sa dernière encyclique, reprenant même l'antienne béatement positiviste sur les bienfaits du progrès.)
Le paradoxe, c'est que la modernité politique, technique, qui vise en principe l'efficacité, s'avère terriblement décevante, y compris sur le plan de l'efficacité. Après l'esclavage industriel au XIXe siècle, la barbarie sanglante des guerres du XXe siècle, désormais la morale du supermarché sous la protection du bouclier nucléaire. A défaut de pouvoir tirer des théorèmes de l'Histoire, on peut quand même en tirer quelques leçons. Le penchant irrésistible d'un moine yanki pour le XIe siècle n'est guère étonnant.
Diantre ! Mais je sais que tu ne parles pas de moi, d’ailleurs je ne parle pas de toi non plus, "athées et croyants" ne se résume pas à "Pimpeleu contre Lapinos" (même si ça ferait un très bon titre de bédé). Pour une fois que j’avais pigé que la question ne tourne pas autour de mon nombril, je trouve ça un peu fort là. Enfin, c’est rassurant, apparemment je suis la seule à te mal comprendre.
Alors, si je comprends bien, la plupart des athées mentent, surtout à eux-même à priori, et la petite part de ceux qui ne mentent pas, qui sont de bonne foi comme tu dis, sont de pauvres malheureux qui s’étiolent loin de la lumière divine.
"Ce n'est pas du mépris mais plutôt de l'incrédulité" Oui, Lapinos, c’est bien de ton incrédulité que je parle quand je dis que je filerai l’adresse de ton terrier pour illustrer le comble du nihilisme. Le prend pas mal, je ne te le reproche pas du tout. Mais essaie juste d’imaginer, de concevoir, qu’une telle incrédulité peut s’appliquer à Dieu, et pas seulement parce qu’on a les pieds vissés à terre ou que ça nous arrange d’une façon ou d’une autre, mais simplement parce qu’on y croit pas. Enfin bref, j’ai du mal à t’expliquer le comment du pourquoi, comme toi-même tu auras du mal à m’expliquer ta foi peut-être, les questions spirituelles sont difficiles à argumenter, t’as pas remarqué ? On peut pas s’appuyer sur du ferme. Et si j’arrive à accepter que d’autres ont la foi sans pour autant avoir fait l’objet d’un endoctrinement, je ne vois pas pourquoi tu ne pourrais pas accepter que d’autres ne l’ont pas sans avoir fait l’objet eux non plus d’un endoctrinement.
Et attention, je ne suis pas en train de nier que le catholicisme, ou la religion en général, n’a pas fait et ne continue pas à faire l’objet d’une sorte de traque anti-cléricale de la part d’athées "militants", surtout que sous les questions spirituelles se cachent des enjeux politiques et économiques, je ne t’apprends rien tu connais bien mieux que moi le Vatican et l’histoire en général. Et l’histoire mon cher Lapinos, je ne prétends pas y échapper, mais toi non plus tu n’y échappe pas.
Maintenant, le mobile du crime... D’accord Lapin, c’était un peu malhonnête d’écrire qu’il n’y a que les lapins et Dosto pour dire que l’athéisme a tué la morale. D’une part parce que je n’ai pas lu grand-chose sur le sujet dans ma vie, d’autre part parce que Dosto n’accusait pas spécialement l’athéïsme (auquel il n’arrivait pas à croire lui non plus j’ai l’impression) mais plutôt le nihilisme en tant que mouvement son époque, aux prémisses de l’Internationale. Il en fait une critique cinglante, et pour cause, là c’était un véritable affrontement, un relent de révolution qui lui a fort bien survécu du reste. Donc en effet, en le lisant on lit un mobile, les nihilistes voulaient mettre à bas le pouvoir, c’était ça leur mobile, le pouvoir était rattaché à la religion à l’époque, se libérer tout court c’était se libérer des carcans religieux. Le processus a été le même en France comme ailleurs, c’est vrai. Qu’ils aient eu raison ou tort d’envoyer bouler Dieu pour se libérer, qu’ils se soient effectivement libéré de quelque chose, c’est un tout autre débat je n’ai pas envie de m’y lancer. Toujours est-il qu’en cas d’affrontement, quel qu’il soit, je ne sais pas si tu l’as remarqué, la morale s’efface tout aussi bien devant le non-croyant que le croyant; la fin justifie les moyens comme on dit.
Mais à ce jour, là présentement, même si nous avons nos propres carcans, nous sommes encore des êtres humains avec notre libre arbitre, alors je ne vois pas pourquoi le fait d’être athée aujourd’hui rend coupable des coups portés par le passé à la religion, ni non plus des coups portés à la responsabilité morale. D’ailleurs, comme d’autres athées, je suis responsable moralement de mes actes.
Comme nous en avons déjà discuté, pour moi ce qui a tué la responsabilité morale c’est l’infantilisation des populations, pas le déclin de la foi en dieu. On fait de nous des consommateurs/marchandises plutôt que des êtres humains, parce qu’un enfant est plus malléable, on l’absout de tout en lui donnant de la carotte et du bâton, ça n’est pas compliqué. Et je suis d’accord que ce carcan là est très pernicieux parce qu’invisible.
Maintenant concernant les fondements de la morale de chacun, ton exemple là, sur les restos du cœurs, c’est un petit peu un coup bas, puisque c’est typiquement de la poudre aux yeux ce genre de truc, tout l’altruisme hypocrite de nos contemporains ne le sert qu’à leur donner bonne conscience, ça d’accord. L’égalité est impossible, nous ne sommes pas égaux, on peut souhaiter une justice égale pour tous, certes, mais nous ne sommes pas égaux, c’est injuste et dégueulasse, mais c’est ainsi. Si j’ai bien compris tu pars du principe que quelqu’un d’athée rêve éveillé puisqu’il considère que l’on doit être égaux quoi qu’il arrive, alors que du coup, tout élan de charité n’est impulsé que par la peur du lendemain, j’ajoute pour ma part qu’il s’agit surtout de remédier à un sentiment de culpabilité (celui d’avoir eu plus de chance). Bref, si je comprends bien, tu confonds athée et poète gauchiste à la sensiblerie de pacotille, ou une personne faible et de mauvaise foi.
Alors, pour en terminer, j’avoue que je ne sais pas si beaucoup d’athées raisonnent comme moi, mais le fait est que je ne raisonne pas. Dieu n’existe pas, et lorsque j’ai de l’empathie pour quelqu’un, ou que je donne, d’individu à individu, ou que je choisis de ne pas donner, que j’aime l’autre ou que je ne l’aime pas, je sais que e reproduis très exactement le comportement d’un animal social. Sachant cela je pourrais me dire "à quoi bon ?", et bien non, les êtres humains ont réalisé beaucoup de choses, de belles choses et de grandes choses, que ce soit en partie grâce à la foi, tant mieux mais ça ne change rien, et la morale n’est pour moi ni plus ni moins une règle de société qui n’est régie que par mon libre arbitre, à savoir ce qui me diffère d’un animal. Donc je fais mes choix, personne ne les fait à ma place, et je n’ai pas besoin d’espérer en un paradis quelconque, ou une récompense quelconque parce qu’il n’y en aura pas.
Voilà, j'ai essayé de faire clair, mais ça reste très verbeux mon couplet, mais j’ai du mal à m’expliquer alors synthétiser...