Une petite pause dans mes "études marxistes" pour lire une biographie de Gen Paul, peintre montmartrois, par Jacques Lambert ("La Table ronde").
Non que Gen Paul m'intéresse particulièrement, mais vu que Céline a entretenu avec ce rapin pittoresque une correspondance, une amitié qui a fini par se briser, il est au centre réel du bouquin.
Jacques Lambert fait porter à Céline plus souvent qu'à son tour le chapeau, le rend fautif des querelles entre les deux lascars à la langue bien pendue. Il y a là une injustice de la part du biographe. Car, primo, que serait la biographie de Gen Paul sans Céline ? Deuxio, au XXe siècle, l'entente entre un peintre et un poète était-elle possible, dans l'Europe des banquiers et des industriels ? J. Lambert y fait bien une allusion ou deux, mais ne le souligne pas. La verve de Céline, son caractère de pamphlétaire moderne ont fini par être trop "encombrants" pour Gen Paul.
Le cas Houellebecq a montré récemment qu'un écrivain peut l'emporter seul contre la société liguée pour le faire taire. (L'usage que Houellebecq a fait de sa "victoire", c'est un autre problème. Houellebecq n'est pas Céline et il n'y avait pas entre Houellebecq et les puissants, comme entre Céline et les puissants, une opposition radicale mais un simple malentendu - qui a semble-t-il fini par se résorber, Houellebecq s'étant rangé derrière le même sponsor que Sarkozy et ayant décidé d'apporter sa graisse à l'excroissance.
La peinture, au sens noble du terme, est plus solide. Cinq siècles que Dürer dure ! Mais elle est aussi plus fragile. Tant que Gen Paul était plus ou moins dans la dèche il pouvait, bras-dessus, bras-dessous, avec son fangin Céline, ruer dans les brancards. Le succès officiel du peintre a changé la donne. La bourgeoisie se contente pas de dominer, elle exige qu'on lui lèche le cul. Plus question de lâcher des bombes, de tirer des pétards avec Ferdine, dans ces conditions. Même Picasso, pourtant solide sur ses bases, indomptable et madré comme pas deux, on peut douter qu'il a tenu le défi et qu'il s'est pas fait baiser tout compte fait.
Commentaires
Mais Céline s'est rangé finalement derrière Pétain,non pazr conviction, mais par ressentiment. Houellebecq s'est rangé derrière Sarkozy, non par conviction, mais par choix du moins pire.
Il est vrai que l'idéologie moisie de Houellebecq, qui sent le XIXe siècle bourgeois à plein nez (j'en veux à H. d'embarquer Baudelaire dans sa petite entreprise), se rapproche peut-être plus de la droite libérale que de la gauche libérale. Le point commun, c'est qu'ils aiment tous les deux mettre les pieds dans le plat.
Mais avouez que pour distinguer l'idéologie de gauche de l'idéologie de droite, il faut au moins une loupe binoculaire, Pascal. Je distingue plutôt deux tactiques.