Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

picasso

  • Ecologie

    J'ai visité le musée Picasso. Je ne connais pas de meilleur écolo - il recycle tout. Picasso sait ainsi qu'on ne peut tordre que la forme - tordre une chose déjà tordue serait de nul effet.

    Pour continuer Picasso, avoir l'air neuf ou faire "de l'art durable", il faudrait ramener ce qui chez Picasso paraît "tordu" à la forme antérieure, faire de la chirurgie esthétique comme Ingres avec ses clientes.

  • Art et labyrinthe

    Nul hasard si Picasso s'identifie au minotaure, car l'art moderne ainsi que l'art antique a pour fonction d'égarer les jeunes gens, c'est-à-dire de les retenir dans les filets d'un culte anthropologique.

    Bien sûr, ainsi que Nitche en fait la remarque, l'art moderne est particulièrement féminin et macabre, contrairement à l'art antique plus érotique (au sens plein du terme). Le rejet juif ou chrétien de l'art, comme de toute forme d'anthropologie, au bénéfice de la science, permet aussi bien à un chrétien de discerner que le petit miroir magique de l'art moderne n'est qu'un gadget futile et dangereux.

    La démonstration du progrès de l'art, si elle peut revêtir l'apparence d'une démonstration chrétienne, est en réalité une démonstration platonicienne. La pesante et débile démonstration du progrès de l'art selon Hegel, adoptée par les régimes totalitaires, n'a de chrétien que le nom, pour la simple et bonne raison qu'il n'y a pas d'art ni de culture chrétienne possible - il n'y en a jamais eu et il n'y en aura jamais. L'exigence scientifique des chrétiens est trop forte pour s'attarder excessivement à l'art, qui dans l'antiquité comblait le besoin de vertu (non pas Homère, dont l'art reflète le rejet juif de l'anthropologie oedipienne ou égyptienne), tandis qu'il joue dans les temps modernes le rôle d'une religion inférieure, disciplinaire.

    Répétons-le pour les suppôts de Satan de bonne foi, qui attribuent au christianisme la décomposition de l'art et son effondrement au niveau de la culture de masse totalitaire et du cinéma : la rhétorique des élites occidentales, Eglise romaine en tête, est en rupture complète avec l'esprit et la lettre des évangiles. La subversion du clergé romain est particulièrement nette, puisqu'elle consiste à rétablir les droits de l'anthropologie au sein d'une religion qui les abolit, afin d'apocalypse.

    La rhétorique de la décadence de l'art ne rend donc pas compte de l'histoire de l'Occident moderne, bien qu'elle repose sur des preuves plus solides que la rhétorique technocratique du progrès de l'art et de la science occidentaux, qui débouche sur le néant ou la connerie "surréaliste", transposition du goût puéril pour les gadgets dans l'art, et par conséquent sommet de barbarie. La sagesse que procure la science historique est donc supérieure et d'une autre espèce que la vertu procurée par l'art.

     

  • Du Progrès

    L'homme de progrès détestera les musées, qui indiquent la difficulté de l'homme à franchir le cap de la culture ou de l'imitation de la nature pour son profit. Tout au plus les musées nous renseignent sur l'évolution de l'art et du goût au cours des derniers siècles, puisque l'intérêt pour l'homme s'est peu à peu substitué à l'intérêt pour la nature.

    L'homme moderne, en revanche, ne peut pas se passer des musées ; il n'existe que par eux. Qu'est-ce que Picasso serait sans les musées ? Sans doute son oeil avisé lui permet de faire le tri entre les bonnes imitations et les mauvaises, ce que le grand public ne sait pas faire ; ça fait de lui une sorte de prêtre, d'"officiant d'art". Michel-Ange fait preuve d'une capacité d'abstraction supérieure, car elle est moins rhétorique. Quoi qu'il en soit, Picasso est plus moderne et plus dépendant des musées.

    L'homme de progrès diverge donc nettement de l'homme moderne. Les efforts pour faire passer la modernité pour un progrès sont accomplis afin de dissimuler que les sociétés modernes sont indifférentes au progrès. Il est fort possible de bâtir une société sous le signe et le symbole de dieu, en réalité indifférente à dieu. Les sociétés sont comme les femmes qui, en général, se soucient d'abord d'elles-mêmes. De même on peut concevoir une société sous le signe de la science, dont la science soit le but affirmé, mais qui en réalité se complaise plutôt dans la culture.

  • République et Béotie

    Admiratifs devant des cratères et autres récipients grecs, mon pote et moi convenons que Picasso a tiré le meilleur de son oeuvre de la puissance de synthèse de ces artisans de l'Antiquité dont l'art exprime le mépris des effets spéciaux. De même, si on compare la statuaire de Rodin avec celle d'un bon sculpteur grec, Rodin paraît immédiatement académique et sentimental.

    Nous convenons aussi que la mythologie grecque pourrait fort bien être enseignée au collège où elle serait beaucoup plus attirante et utile que n'importe quelle autre matière, permettant de transcender plusieurs disciplines... MAIS, car il y a un mais, c'est impossible car le cadre institutionnel républicain s'en trouverait rapidement ébranlé. Et même, à mes yeux, bien plus vite que n'importe quel dogme chrétien ; c'est une évidence à laquelle mon pote est trop "hégélien" pour pouvoir souscrire. Pourtant les ennemis scolastiques puis jansénistes de la mythologie grecque, qui s'accommodent beaucoup mieux du culte des ancêtres romain ne sont autres que les ancêtres de la République laïque athée à qui le judéo-christianisme a fourni (la philosophie naïve de Feuerbach le prouve) toutes les pièces du raisonnement anthropologique. La forgerie du "droit naturel" ou de la "morale naturelle" est typiquement le genre de spéculation débile léguée par le christianisme à la religion laïque.

  • La Docte ignorance

    La 'docte ignorance' prônée par le déplorable cardinal Nicolas de Cues définit on ne peut mieux le registre de ce qu'on appelle aujourd'hui pompeusement 'un intellectuel'.

    - Le cinéaste Jean-Michel Ribes fait la promotion d'un film où la connerie du public qui fréquente les musées est tournée en dérision. Etant donné que le mépris général à l'égard de la peinture est précisément le résultat de l'effort de doctes ignorants laïcs comme Jean-Michel Ribes, il faut pour produire ce genre de merde cinématographique une sacrée dose d'hypocrisie. Mention spéciale au mélancolique crétin Jean Clair, ex-directeur du musée Picasso et imposteur de première classe, qui bat des records d'orthographie.

    - Publication d'un bouquin reproduisant deux cent dessins commentés par Jean-Louis Chalumeau. Encore un docte ignorant. Mystérieuse est selon lui l'absence de dessins de Vermeer. Mystérieux est selon moi qu'on puisse classer Vermeer parmi les peintres. Si Proust ne l'avait pas fait, il n'est pas certain que quelqu'un d'autre y aurait songé tant Vermeer pue la photographie et le procédé industriel. On remplacera avantageusement les coûteuses niaiseries de ce Chalumeau, qui n'hésite pas non plus à qualifier Albert Dürer d''autodidacte' (sic) par la consultation de la base de dessins du Louvre qui contient des milliers, si ce n'est des dizaines de milliers de dessins heureusement non commentés.

    - L'exposition Picasso qui se tient en ce moment permet de constater le caractère didactique de la peinture de Picasso. L'amertume de Picasso est la même que celle de tous les communistes de cette époque-là, car Picasso est un professeur sans élèves ou presque. Elle permet de vérifier aussi que Picasso était plutôt un communiste 'tendance Staline' que Lénine ou Marx. Le goût de Picasso pour Vélasquez, notamment, l'atteste. Faites cette expérience au Louvre de parcourir la galerie 'Renaissance' puis celle des peintres du XVIIe siècle. Vous verrez ainsi quelle différence il y a entre l'aristocratie et la bourgeoisie et pourquoi Saint-Simon (l'aîné) a tout lieu de se lamenter.

    En ce qui me concerne je préfère Lautrec à Picasso étant donné que les portraits de putains et de danseuses de Lautrec donnent moins de prise à la récupération par les bataillons de doctes ignorants rôdés par l'université pour semer à tous vents la superstition cartésienne et le cinéma.

  • Petite pause

    Une petite pause dans mes "études marxistes" pour lire une biographie de Gen Paul, peintre montmartrois, par Jacques Lambert ("La Table ronde").

    Non que Gen Paul m'intéresse particulièrement, mais vu que Céline a entretenu avec ce rapin pittoresque une correspondance, une amitié qui a fini par se briser, il est au centre réel du bouquin.

    Jacques Lambert fait porter à Céline plus souvent qu'à son tour le chapeau, le rend fautif des querelles entre les deux lascars à la langue bien pendue. Il y a là une injustice de la part du biographe. Car, primo, que serait la biographie de Gen Paul sans Céline ? Deuxio, au XXe siècle, l'entente entre un peintre et un poète était-elle possible, dans l'Europe des banquiers et des industriels ? J. Lambert y fait bien une allusion ou deux, mais ne le souligne pas. La verve de Céline, son caractère de pamphlétaire moderne ont fini par être trop "encombrants" pour Gen Paul.

    Le cas Houellebecq a montré récemment qu'un écrivain peut l'emporter seul contre la société liguée pour le faire taire. (L'usage que Houellebecq a fait de sa "victoire", c'est un autre problème. Houellebecq n'est pas Céline et il n'y avait pas entre Houellebecq et les puissants, comme entre Céline et les puissants, une opposition radicale mais un simple malentendu - qui a semble-t-il fini par se résorber, Houellebecq s'étant rangé derrière le même sponsor que Sarkozy et ayant décidé d'apporter sa graisse à l'excroissance.

    La peinture, au sens noble du terme, est plus solide. Cinq siècles que Dürer dure ! Mais elle est aussi plus fragile. Tant que Gen Paul était plus ou moins dans la dèche il pouvait, bras-dessus, bras-dessous, avec son fangin Céline, ruer dans les brancards. Le succès officiel du peintre a changé la donne. La bourgeoisie se contente pas de dominer, elle exige qu'on lui lèche le cul. Plus question de lâcher des bombes, de tirer des pétards avec Ferdine, dans ces conditions. Même Picasso, pourtant solide sur ses bases, indomptable et madré comme pas deux, on peut douter qu'il a tenu le défi et qu'il s'est pas fait baiser tout compte fait.

     

     

  • Petit traité d'art contemporain (3)

    medium_nudedos.gif

    On peut être tenté parfois de recueillir l'absurdité à laquelle on est désormais quasi-quotidiennement confonté pour esquisser un portrait de notre époque au ras des pâquerettes.
    Ce ne sont pas les exemples qui manquent, de phrases, de gestes, de politiques, d'objets, d'ouvrages, de personnages ou de situations, comme ces gens qui éteignirent tous la lumière hier soir au même moment pendant cinq minutes en pensant ainsi accomplir un acte moral, une B.-A. démocratique, avant de s'en retourner à leur petite "existence" bourgeoise bien éclairée et bien chauffée, sans oublier de se brosser les dents avant de se coucher.
    Un pour cent seulement de nos concitoyens, me direz-vous, mais le problème c'est qu'ils sont censés incarner l'élite, la crème du pays !

    On peut être tenté, oui, mais qui un telle collection de petits bobards civiques ou philosophiques intéressera-t-elle dans cinquante, cent, ou cent-cinquante ans ? Personne. Les historiens du futur se pencheront sur quelques exemples saillants, la littérature de Robbe-Grillet, le musée Pompidou, la philosophie de Derrida, le cinéma français, et puis basta, ils passeront à une époque plus intéressante. Ah, j'allais oublier, un petit détour par les écrivains ayant prophétisé et tourné cette absurdité en dérision, Allais, Jarry, etc., ne leur fera pas de mal ; il soulagera le malaise qu'ils ne manqueront pas d'éprouver en remuant toute cette poussière. Mais les détails qui font l'air du temps ? On ne peut pas tout conserver, d'autant plus que notre civilisation produit énormément de déchets.

    En attendant, il me revient une anecdote, lorsque j'apprenais le dessin, une réflexion d'un professeur respectable. Il observait dans mon dos ma méthode, tout à fait capable de distinguer la syntaxe de chacun des élèves de son atelier, quand il me dit, l'air mi-inquiet mi-amusé : « Si vous continuez comme ça vous allez finir par peindre comme Fragonard ! ». L'incongruité de son propos me choqua au point que je ne pus ensuite faire autre chose pendant tout le restant de la séance que du barbouillage. Ce prof avait mis dans ma tête à la fois l'idée que j'avais effleuré le bas du manteau de Fragonard de mon pinceau, et l'idée que le manteau de Fragonard n'avait plus désormais que la valeur d'une vieille défroque. La vanité et la colère s'entrechoquaient dans mon esprit et me déconcentraient.

    Si je me permets de vous ennuyer avec cette petite histoire banale, c'est parce que je la crois significative. Certes, ce professeur n'était qu'un professeur et pas un maître, mais c'était loin d'être un imbécile. Il avait étudié aux Beaux-Arts de Paris mais en avait retenu des choses concrètes, précises, aussi surprenant que ça puisse paraître. Il était même possible avec lui de causer de peinture et d'art. Il comprenait ça de l'intérieur, ce qui est forcément plus intéressant que le point de vue de celui qui cherche à expliquer les choses de l'extérieur, aussi "sérieux" soit-il.
    Hélas la philosophie qu'on lui avait inculquée aux Beaux-Arts lui avait fait perdre le sens de la peinture. Disons le sens "grec", pour synthétiser. Il était incapable de penser les choses en termes de destin commun et ne voyait qu'une addition de petites justifications, de petits projets, de petites existences individuelles comme désolidarisées les unes des autres.

    On comprend ainsi l'importance de Picasso, philosophe-peintre. L'importance, non pas dans le sens où Picasso est décisif, je ne le pense pas, mais dans le sens où Picasso est la clef de voûte. L'existentialisme repose sur lui, il est le maillon le plus solide, parce qu'il est le plus complexe, plus complexe que la peinture de Cézanne par exemple, dont l'architecture est trop voyante, pas très maligne à côté.
    Picasso n'a aucune descendance artistique ou presque - qui s'intéresse encore à Lhote ou Friesz ? Mais il a une descendance philosophique. Dans le domaine de l'existentialisme, Heidegger ou même Sartre sont des avortons à côté de Picasso ! Parce qu'un petit schéma vaut mieux qu'un long discours…

  • Victimes non consentantes

    « Regarder la télé rend parano ! » dit Polac. Sur ce point je suis d’accord avec lui. De voir Jean-Philippe Domecq apparaître dans des émissions de propagande grand public, je trouvais ça louche, je pensais que d’une manière ou d’une autre, il n’était pas libre de s'exprimer. Le système ne va pas se saborder en offrant une tribune à un trouble-fête, logique…

    Mais comme j’avais tout pour m’intéresser à Domecq, étant donné que je fais partie comme lui des victimes non consentantes de l’art contemporain, la curiosité a fini par l’emporter et j’ai acheté son essai (Artistes sans art). Pour faire court, c’est un essai honnête, un discours sincère dans lequel je me retrouve.

    Je vois Domecq comme une sorte de samouraï désabusé qui pourfend la bêtise de l'art contemporain. Désabusé car il sent bien la résistance de cette bêtise, son épaisseur, la masse des intérêts à renverser.
    Sur sa stratégie, je m'interroge. Domecq vise-t-il vraiment un organe vital ? Au plan rhétorique, je dirais que le tort de Domecq est de s'abaisser à débattre avec des minables. Il ne faut pas croiser le sabre avec des estropiés, des bancals, des borgnes. Pour que le combat soit beau et que le vainqueur triomphe avec éclat, il faut affronter des sophistes qui ont un minimum d'envergure : André Lhote, Malraux, Apollinaire, Picasso. En ce qui concerne Catherine Millet, Jean Clair, Marc Jimenez, Soulages, Yves Michaud, et toute la bande des contemporains, ce ne sont que des pions.
    Les passages du bouquins de Domecq qui sont comme des "haïkus" vengeurs sont les meilleurs.

    Maintenant je sais pourquoi Domecq, à la télé, on ne le laisse jamais finir ses phrases.