Le rapprochement s’impose entre Benoît XVI et Karl Marx. Peu ou prou ils sont nés dans le même berceau politique. Ils ont décidé tous les deux de sacrifier leur existence à un dessein supérieur, renoncé à une vie facile. Intérêt commun pour la philosophie, religieuse, politique. Deux hommes libres isolés au milieu les esclaves.
Comme Benoît XVI, Marx prône la raison, c’est-à-dire l’Occident. Or, raison et foi sont indissociables. C’est une évidence pour Benoît XVI, ça l'est également pour Marx : celui-ci était trop bien éduqué pour ignorer le rapport étroit qu’il y a entre la foi et la raison. J’ose dire qu’il le sait même mieux que Benoît XVI, car il y a moins d’angélisme chez Marx, qui eût de meilleurs maîtres que Joseph Ratzinger !
Le matérialisme politique que Marx apporte à la pensée de Hegel et qui lui confère toute sa force n’exclut pas la spiritualité authentique, à ne pas confondre avec l'idéalisme de pacotille que les libéraux introduisent dans le moindre discours, de l'inauguration de la piscine municipale au énième meeting de gynécologie bio, il n'est jusqu'aux pornocrates aujourd'hui qui ne justifient leur maquereautage par le combat en faveur de la liberté, des droits de l'homme et de la femme !
Dialectiquement, Marx a été forcé de mettre l’accent sur le matérialisme afin de combattre les "néo-hégéliens", comme un général est contraint de dégarnir son aile gauche lorsqu’il est attaqué par la droite.
Mais, de la pensée de Hegel, infectée d’angélisme kantien, ou de celle de Marx, durcie dans les forges d’Ephaïstos, c’est la pensée de Marx qui est la plus spirituelle. L’histoire l’a prouvé.
Aristote est le penseur grec le plus universel ; Marx le penseur européen le plus universel. Le catholicisme ne peut ignorer ces deux outils et continuer de se vautrer plus longtemps dans l’existentialisme, le maurrassisme ou le rousseauisme.
Bien que Benoît XVI s'exprime de façon ambiguë, certains indices laissent penser qu’il n’ignore pas complètement cet enjeu.
La pensée catholique authentique, incarnée en dernier ressort par Léon Bloy, dernier chef du vieux “parti des pauvres”, est renouvelée par le communisme de Marx, chef du jeune “parti des pauvres”. Il y a là comme un passage de témoin. Marx reconstruit sur les ruines d'une Eglise exsangue, qu'il méprise de s'être laissée envahir par la médiocrité bourgeoises.
Les recoupements entre Marx et Bloy sont très nombreux. Il n’y a pas d’adversaires plus farouches de la pensée bourgeoise triomphante. Tous les dogmes, toutes les “valeurs actuelles”, Bloy comme Marx les ont mises à nu et en ont percé le cynisme têtu, sous la surface hypocrite.
L’argument de la pensée bourgeoise pour tenter d’étouffer Marx est le même que pour Bloy : il consiste à retourner l’insulte à l’envoyeur, à traiter Marx et Bloy de bourgeois, c’est-à-dire de pourceaux, d’hypocrites. Bardèche, un des rares bourgeois à peu près honnête, reste assez imperméable au catholicisme de Bloy, mais admet : “Oui, Bloy était vraiment pauvre, il avait l’angoisse du paiement de son terme.”
La “Renaissance” de Benoît XVI et la “Révolution” de Marx ne sont qu’un seul et même dessein. La seule différence, c’est que la révolution marxiste est plus claire que la renaissance romaine, à peine audible sous les ratiocinages démocrates-chrétiens.
Est-ce dû aux circonstances ? Est-ce que Benoît XVI est plus isolé encore que ne l’était Marx ? C’est possible. Car l'étau s'est resserré depuis Marx. Les actions de la bêtise ont grimpé en flèche ; c'est la valeur la plus sûre actuellement.
Les concessions faites par Benoît XVI aux valeurs bourgeoises sont ici en question. Ainsi, les exhortations de Benoît XVI sont traduites en France par des démocrates-chrétiens bourgeois. Et que nous servent ces collabos ? Des sermons jansénistes-existentialistes ! « Mes bien chers frères, gardez-vous d’agir, comme de bons bourgeois que vous êtes ! À la rigueur priez, priez la Grâce pour qu'elle travaille à votre place… »
La Grâce cotée en Bourse, la Grâce esclave de l’humanité, le jansénisme est parvenu à terme.
Ce n’est pas raisonnable de la part de Benoît XVI de ménager ainsi les valeurs actuelles et la bourgeoisie. Ces valeurs, cette bourgeoisie, à plus ou moins longue échéance, c’est la banqueroute qui l'attend. Ça serait de la folie que d’entraîner Rome dans cette faillite.
Commentaires
C'est vrai que Benoît est allemand - ou romain, c'est pareil et plus théologien (Paul) que politique ou diplomate (Pierre) dans un monde de plus en plus obscur qui aurait tant besoin d'un Jean voire d'un Thomas...
Ceci étant, il n'y a bien que les Allemands qui ont réussi à foutre un tant soit peu de plomb dans les cervelles françaises - au propre, comme au figuré.
Dixit l'Ecole de Francfort?
Remarquez Habermas et Benoit XVI s'estiment mutuellement et sont presque à en partager les mêmes constatations sur la désillusion post-moderne, il suffit de lire "De la Science comme Idéologie"
Le problème justement c'est que le libéralisme est tout sauf scientifique, contrairement au marxisme ou au christianisme.
Il n'est qu'à voir le dogme de l'évolutionnisme ringard mis en avant par les démocrates-crétins !
Marx n'apprécie Malthus et Darwin qu'en tant que pamphlétaires hostiles aux valeurs bourgeoises ; il a parfaitement saisi que Malthus et Darwin sont des plagiaires malhonnêtes. Marx n'est pas dupe sur le fondement scientifique du malthusianisme. Il ne se doutait pas que la démocratie libérale s'approprierait l'évolutionnisme... jusqu'à Rome ! Il espérait une "libération" plus proche.
La pensée allemande n'a aucun recul historique, Lothar, et c'est ce qui vicie probablement la pensée de Benoît XVI, c'est ce que je veux dire quand je dis qu'il a eu de moins bons maîtres que Marx. Il y a Hegel, mais Hegel est grec, et Marx, mais Marx est européen, franco-anglais.
Les Anglais et les Français auraient dû s'allier pour coloniser l'Allemagne, dont les penseurs les plus caractéristiques sont Kant, Nitche, Heidegger, ultimes crétins aux frontières du byzantinisme le plus dépassé.