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leon bloy

  • Pourquoi Shakespeare ?

    Léon Bloy (1846-1917) est l'auteur de pamphlets virulents contre la bourgeoisie en général et la bourgeoisie catholique en particulier, dont les mondanités le révulsent ; ces mondanités chrétiennes attestent du règne de Satan sur les esprits et les coeurs.

    La presse catholique ("L'Univers" et son directeur Louis Veuillot) est la cible de Bloy, qui lui reproche d'entretenir cet esprit mondain, contraire à la Foi et la Charité. Lui-même journaliste, Bloy rêve d'une presse catholique plus combative, mais son style pugnace heurtait la susceptibilité de ses confrères et du milieu littéraire.

    Le rôle du journaliste chrétien selon Bloy est de confronter l'actualité, du fait divers jusqu'aux événements politiques majeurs, à la révélation chrétienne, autrement dit l'apocalypse, récit prophétique du recul du monde et ses actionnaires face au progrès de la Vérité divine.

    Cette définition du journalisme correspond assez à "l'entreprise Shakespeare" ; Shakespeare a l'audace de raconter le choc d'une violence inouïe entre la volonté humaine et la Vérité divine, et les répercussions tragiques de ce choc, les convulsions qu'il entraîne, aussi bien dans les pièces dites "historiques" et celles qui ont le caractère de fables ou de mythes.

    Quelques critiques littéraires ont reproché à Shakespeare d'introduire la comédie dans la tragédie et l'altérer ainsi. Cela revient à introduire l'homme du peuple dans un cercle aristocratique, mais aussi à résumer "l'homme moderne" à un personnage de comédie, jouant dans une pièce écrite à l'avance.

  • Bilan de Léon Bloy

    Le centenaire de sa mort est l'occasion de se remémorer Léon Bloy (1846-1917). Cet écrivain paradoxal (catholique ET pauvre) a contribué au même titre que Karl Marx à mon éloignement définitif de la doctrine catholique romaine ; je tiens désormais cette doctrine pour une doctrine pharisienne, autrement dit le surgeon mort du figuier mort et maudit par le Messie.

    Le figuier mort signifie la loi juive, amputée de son sens spirituel et eschatologique par le clergé juif. Or Léon Bloy, au même titre que Karl Marx, a travaillé à faire renaître l'eschatologie au sein d'une culture "judéo-chrétienne" dont la vocation profonde est de contrecarrer la Révélation par tous les moyens, y compris en accomplissant l'iniquité au nom de Jésus-Christ si c'est nécessaire pour méduser les nations de la terre.

    Si Karl Marx ne s'avance pas, contrairement à Léon Bloy, sous la bannière de l'eschatologie mais celle de la "ligue des Justes" -rebaptisée "communiste"-, ôter à Marx la dimension eschatologique n'est possible qu'à condition de n'avoir lu ni Marx ni la Bible (ce qui est très fréquent dans ce pays).

    Léon Bloy est demeuré dans le giron de l'institution catholique ; je dis "institution" pour indiquer que l'on méconnaît l'Eglise romaine si l'on méconnaît la cause essentiellement juridique de sa doctrine. Le Sauveur ne parle sans doute pas de "figuier" par hasard ; ni les apôtres ne précisent par hasard que Judas Iscariote alla se pendre à un figuier.

    Léon Bloy a remarqué l'hostilité d'une partie du clergé catholique, l'a même éprouvée parfois durement, mais il n'a pas décelé dans la doctrine catholique romaine la vocation à contredire le sens apocalyptique de l'Histoire.

    La limite du propos de Léon Bloy est, d'une certaine façon, tracée par Léon Bloy lui-même. Celui-ci définit justement la tâche du littérateur ou du journaliste chrétien comme la confrontation des événements qui secouent le monde à la prophétie apocalyptique. Or, pour ce faire, Shakespeare a adopté un point de vue plus élevé que Léon Bloy.

    L'erreur la plus flagrante de Bloy est l'idéalisation du moyen-âge, quand bien même celui-ci se caractérise par la substitution du droit et de la philosophie romaines à l'eschatologie chrétienne, ce que Shakespeare a parfaitement vu et illustré dans plusieurs pièces, au contraire.

    L'erreur commise par Bloy est identique à celle que commettrait celui qui verrait dans la démocratie américaine aujourd'hui une nation chrétienne. En effet les Etats-Unis d'Amérique s'éloignent du message chrétien avec la même ostentation chrétienne que le moyen-âge s'en éloignait. La complexité de la culture américaine est analogue à la complexité du moyen-âge.

    La mentalité américaine est typiquement médiévale : parmi les nombreux signes qui l'indiquent, le goût américain pour le cinéma, c'est-à-dire pour la fiction. Les plus dures critiques du moyen-âge ont été faites au nom de la vertu, pour en fustiger le vice - un bref séjour aux Etats-Unis suffit pour s'apercevoir combien la culture moderne américaine dévalue la vertu, alors même que les Américains -tels des femmes-, ne cessent de causer "éthique" du matin au soir.

    Contrairement à Léon Bloy et son utopie, située dans un passé réconfortant, Shakespeare propose une vision purement apocalyptique, sans ancrage temporel. L'odeur de pourriture du Danemark est l'odeur de l'utopie politique chrétienne sans cesse renouvelée à travers les siècles.

  • Téléphone

    Mieux que "téléphone portable", "téléphone cellulaire" décrit l'enfermement du bourgeois dans son ego.

    - "Le téléphone avilit la parole même." dit Léon Bloy, qui passe pour extravagant à cause de sa lucidité.

  • Dans la Matrice

    "Je pense qu'il n'y a jamais eu d'époque aussi dénuée d'intérêt." Léon Bloy, mendiant ingrat.

    Il est sans doute rassurant pour l'homme de se dire qu'il y a eu ou qu'il y aura une époque intéressante. La seule fonction de l'information et des journaux est de rassurer.

    Pour l'abeille ou le porc, en revanche, chaque instant est passionnant.

     

  • 666

    "Le temps nous sépare de dieu." Léon Bloy

    Plus nous aimons, moins le temps paraît long. L'ennui touche ceux qui ne savent pas aimer, comme un frôlement d'aile de Satan.

  • Contre Soral

    Je suis d'autant plus gêné de m'exprimer contre Alain Soral qu'il est de nouveau la cible d'un imbécile en la personne du violoniste Alexis Galpérine, petit-fils de Léon Bloy. La Licra, institution certifiée conforme à la République française néo-colonialiste, a demandé et obtenu (!) en référé la censure d'une partie du "Salut par les Juifs" de Léon Bloy. Et ne voilà-t-il pas que ce violoniste, sous le principal prétexte d'une consanguinité avec l'auteur du "Salut", au lieu de fustiger la Licra ou le juge des référés de Bobigny, préfère accuser Soral dans "Le Figaro" (28 nov.) de déshonorer son aïeul et sa famille en publiant Bloy.

    Il ne semble pas venir à l'esprit de ce Galpérine que le catholique Léon Bloy se distingue nettement du cochon démocrate-chrétien abonné au "Figaro", son veau, ses vaches, et ses couvées, ni que les lois et la justice du jour, en dépit qu'elles paraissent exprimer le respect des noirs, des juifs, et de toutes sortes de gens supposés inaptes à se défendre par eux-mêmes, sont d'abord les lois et la justice d'un Etat ploutocratique. Du riche, l'opprimé peut s'attendre à la même protection que l'agneau peut s'attendre du loup. 

    Malgré le soutien d'Emile Zola au capitaine Dreyfus, Bloy ne vit en Emile Zola qu'un hypocrite parvenu, prompt à tirer de la défense du populo des revenus pour s'acheter une villa cossue. En démocratie, comme partout ailleurs, les pauvres mangent les miettes qui tombent de la table des riches, et parmi ces miettes il y a des mots doux, dont l'antiracisme, qu'aucun esprit juste ne prendra au sérieux tant qu'il n'aura pas été mis fin au détournement des richesses de pays tiers par l'Occident, à quoi l'excédent de puissance des nations occidentales tient principalement - le racket à l'échelle internationale.

    Je me limite à dire pour cette fois que le "Salut par les Juifs" fut écrit dans un contexte d'abandon du judaïsme par de très nombreux juifs parvenus, au profit de l'idéologie dominante, dans un souci d'intégration à la République ; un contexte très différent de celui où nous sommes, de "fierté juive retrouvée", manifestation d'un patriotisme dépourvu de lien avec la religion de Moïse. 

    Les jugements de la Licra et du juge de Bobigny relèvent donc du relativisme absolu, c'est-à-dire de l'arbitraire que l'on peut craindre en général de la part d'un tribunal d'inquisition. Les conventions morales d'aujourd'hui, Bloy ne pouvait s'y plier par avance. Si le geste de Soral permet de mettre en lumière le caractère ubuesque de la justice moderne, c'est tant mieux.

    Si le propos de Bloy est condamnable, il ne peut l'être qu'au regard des évangiles, dont la conformité est impossible avec la justice humaine (c'est précisément la raison du caractère particulièrement inique des tribunaux ecclésiastiques d'inquisition, et de toute justice rendue au nom de prétendues "valeurs judéo-chrétiennes"). Il est une image de la justice des hommes rendue au nom de Dieu dans les évangiles, c'est celle du sanhédrin condamnant le prophète Jésus-Christ à mort. Le jugement du procurateur de Judée Ponce-Pilate eût peut-être été équitable, si les tribunaux religieux ne lui avaient pas forcé la main. De là vient que les chrétiens sont portés à prêter à la collusion de l'ordre moral et du pouvoir politique une sinistre signification.

    Probablement l'étrange répétition de ce phénomène dans l'histoire, à savoir la prétention de l'Eglise catholique romaine, puis de l'Occident en général, à dire le droit au nom de Dieu, et donc à inventer de toutes pièces cet ordre divin, ce phénomène n'est pas sans rapport avec le bouquin de Léon Bloy, ni avec Alain Soral lui-même.

    L'ambiguïté d'Alain Soral est la même que celle de Léon Bloy ; ce sont tous les deux des anticléricaux-cléricaux, des dissidents face à un ordre moral dominant hypocrite, qui en appellent à un ordre plus juste. A cet égard, il ne fait aucun doute que Bloy aurait préféré être cité par Soral plutôt que par les actionnaires démocrates-chrétiens du "Figaro", immonde torchon du point de vue catholique. Bloy était du reste assez bien informé du christianisme, pour savoir que la filiation naturelle invoquée par A. Galpérine, est le dernier argument qu'un chrétien peut invoquer.

    C'est l'invocation de cet ordre plus juste qui, de la part de Bloy ou Soral, est contestable et doit être contestée du point de vue chrétien. Le Messie a dissuadé ses fidèles apôtres d'attendre une quelconque récompense dans l'ordre temporel, sur le plan moral ou politique. La doctrine des derniers évêques de Rome est, à cet égard, parfaitement diabolique au regard de la parole divine, en particulier celle de Karol Wojtyla quand il affirme l'importance du temps dans le salut de l'homme. C'est bien sûr en faveur du monde que joue le temps, ce qui explique que le Messie explique à ses apôtres que l'avènement de l'Eglise est pour bientôt.

    On note d'après son Journal que Léon Bloy s'intéresse de près à l'histoire, mais il ne remarque pas ou peu le rôle actif de l'Eglise catholique afin d'étouffer l'histoire au profit d'une théorie impossible de la culture chrétienne et du droit chrétien, c'est-à-dire de l'idée d'un christianisme civilisateur, la plus éloignée du "salut par les juifs" et des épîtres de saint Paul, qui ne cesse de répéter l'accomplissement par le Messie de la promesse contenue dans la loi de Moïse. L'apôtre Paul est beaucoup moins "romain" que les catholiques romains, et c'est ce qui explique la haine de Nitche vis-à-vis de Paul. Celui qui parle au nom de Satan a conscience du danger que représente le catholicisme véritable pour l'ordre providentiel satanique.

    La culture catholique médiévale idéale de Bloy, Soral ou J. Ratzinger est un mirage, dont les tragédies de Shakespeare dissipent entièrement l'illusion. L'entreprise de démolition par Sheakespeare de la culture occidentale judéo-chrétienne ne fait pas de lui un athée. Ce que vise Shakespeare-Bacon, ce n'est pas le christianisme, mais son dévoiement sous la forme de la "culture" ou de l'art prétendument chrétien, qui contient les germes d'un totalitarisme et d'un mal qui, contrairement au propos de la philosophe nazie Hannah Arendt, n'a rien de "banal". La banalité du mal n'est concevable que du point de vue néo-païen technocratique, c'est-à-dire celui dont est issu la violence moderne et la culture de masse. L'exceptionnelle régression de l'Occident dans la guerre civile n'a rien de banal, si l'on se place du point de vue de l'histoire, et non celui de la morale moderne relativiste d'Hannah Arendt.

    - Outre l'étrangeté de la doctrine d'Alain Soral, au regard du message évangélique (ésotérisme que l'on peut soupçonner d'être intentionnel, comme celui de Dante Alighieri), tandis qu'elle résulte chez Léon Bloy de l'influence néfaste de la doctrine maçonnique de J. de Maistre, il y a dans son propos touchant la politique internationale une affirmation qui laisse sceptique. Le pacte entre l'Etat d'Israël et la superpuissance technocratique américaine n'est-il pas d'abord un danger pour les juifs ? C'est la peur qui incite essentiellement à se fier aux institutions d'une nation plutôt qu'à Dieu, à désirer la sécurité plutôt que la liberté. Or la peur est mauvaise conseillère. L'enrichissement fut le facteur principal de la banalisation et de l'intégration des juifs aux valeurs prussiennes de la Mitteleuropa - non seulement l'argent ne les a pas protégés, mais la sagesse juive fait au contraire valoir que l'argent peut être une plaie (cf. Ecclésiaste).

    (C'est même une plaisanterie de faire interdire Drumont, alors que les très racistes Kant ou Montesquieu sont au programme des études universitaires. Montesquieu justifie l'esclavage des nègres par la nécessité de pouvoir se procurer du sucre moins cher ! Et il faut s'empresser d'ajouter que cet aveu est beaucoup plus honnête de la part de Montesquieu que les opérations militaires afin de se procurer du pétrole ou de l'uranium au meilleur prix, au nom des droits de l'homme.)




  • Léon Bloy, luciférien ?

    Un certain Raymond Barbeau a émis une thèse en Sorbonne (1957) sur Léon Bloy, "prophète luciférien".

    Il faut dire pour le béotien, le matheux, que Léon Bloy est un personnage apparemment fantasque, énergique et entier, le contraire du clergyman raffiné dont les bourgeoises catholiques s'entichaient au siècle dernier, avant la mode des psychanalystes.

    J'avoue que Bloy a joué un rôle important dans ma vie, si ce n'est décisif, il y a une quinzaine d'années, quand l'Eglise catholique commençait de m'apparaître comme une sorte de sanatorium peuplé de vieillards et de bonnes femmes hystériques, et que je ne voyais pas bien comment me sortir de cette situation. La voix de Léon Bloy m'a semblé tout simplement celle d'un homme vivant. Le rapport entre Léon Bloy et les évangiles n'est peut-être pas évident, mais entre une thèse à la Sorbonne et les évangiles, je crois qu'on ne fait pas de plus grand écart.

    Cela provoque les sarcasmes des profanes, cette bataille entre les chrétiens, chacun prétendant détenir la vérité et accusant autrui d'hérésie. Ils en déduisent que le nouveau testament ne contient pas de vérité positive. La réalité est autre : il vaut mieux voir les choses comme dans ces légendes où une épée est plantée dans un rocher, et nul ne peut l'en extraire, sauf le héros de la fable, bien que tout le monde tente sa chance. La vérité est telle que l'homme ne peut s'en saisir facilement, y compris quand c'est un apôtre impatient de voir les armées de pharaon englouties par les flots de la Mer Rouge pour faire place à la Jérusalem nouvelle, fondée sur la vérité.

    La démonstration de Raymond Barbeau que Léon Bloy est luciférien, s'appuie assez largement sur le fait que son propos n'est pas orthodoxe, par rapport à la théologie catholique romaine. Encore faut-il démontrer au préalable que la théologie catholique romaine n'est pas luciférienne, ce que R. Barbeau ne fait pas ; ni L. Bloy non plus, contrairement à moi. Bloy ne démissionna pas de l'Eglise romaine, mais témoigna largement de l'impression étrange produite sur lui par son clergé. Je pense au contraire que ce n'est pas tel ou tel membre de l'Eglise romaine qui est mauvais, mais que c'est la matrice qui l'est. La notion de personnalité morale est d'ailleurs une notion luciférienne.

    Ce rapprochement ou cette confrontation du paraclet (l'esprit de vérité donné par dieu à l'homme et qui se manifestera de nouveau à la fin des temps, comme il s'est manifesté à travers le Christ Jésus), et de Lucifer, est reprochée à Bloy. S'il peut y avoir quelques hypothèses malencontreuses ou confuses dans son propos, en général elles sont présentées comme des hypothèses ; mais surtout, et c'est le plus important, Léon Bloy s'avance sur le terrain de l'eschatologie comme sur une terre dévastée par le clergé romain. Où est l'orthodoxie de l'Eglise romaine au sujet de l'antéchrist ou du paraclet ? Cette vieille dame n'en parle pour ainsi dire pas. Au contraire, l'Eglise propose la providence, étonnant amalgame de l'esprit saint et de la volonté de puissance satanique, ce qui fait que l'homme, dans les temps modernes, ne sait plus trop à quelle divinité il se voue.


  • La Modernité

    La modernité n'est pas dans la négation de Jésus-Christ, comme l'affirme Léon Bloy. La modernité n'est pas non plus dans la négation de Satan, comme le prétend F. Nitche.

    La modernité consiste dans la double négation de Jésus-Christ ET de Satan. La modernité consacre le point de vue anthropologique. L'homme moderne trouve sa plus grande justification dans la mort. Elle constitue l'événement le plus rationnel d'une vie ubuesque.

  • Bloy ou Nitche

    Avec le même tempérament et la même fougue polémique, Léon Bloy et Frédéric Nitche ont combattu la modernité, l'un au nom de Jésus-Christ, l'autre au nom de Satan. Avec une moue de dédain, l'anthropologue moderne les déclare "impossibles".

    En somme la modernité n'est qu'une question de probabilité.

  • Rome ou la Prostituée

    Un certain nombre d'esprits réactionnaires, au sein de l'Eglise romaine, se sont élevés au cours de l'histoire de cette institution contre son clergé. Pour plus de commodité, je les qualifient "protestants", bien que leurs critiques visent les hommes : clercs, évêques ou papes, et non l'institution elle-même.

    Le cas le plus connu est celui de Dante Alighieri, qui retourne la morale catholique elle-même, puisque, pour ainsi dire, il projette les papes dans l'enfer. D'une certaine manière, les derniers évêques de Rome prouvent que Dante s'était lourdement trompé : le pouvoir politique ne peut être scindé du pouvoir moral ; l'économie est capitaliste, par conséquent les moeurs portent son empreinte, donc les démocrates-chrétiens sont des chiens, puisque leur puissance repose sur la sueur et le sang d'autrui et la négation de l'amour. Cette erreur de jugement de Dante -sa foi dans un régime laïc, dont l'Eglise sortirait purifiée-, n'est pas la seule raison pour Shakespeare de rejeter Dante : - que vient faire Virgile dans le christianisme ?

    On peut indiquer aussi parmi les "protestants", plus récemment, Léon Bloy et Georges Bernanos. Bloy n'hésite pas à vitupérer le clergé catholique, qu'il accuse d'être mondain. Bernanos ne ménage pas ses confrères catholiques, et affiche utilement son dédain du métier d'écrivain ou d'intellectuel, sentant sans doute trop le rapport que ce genre de "métier" peut avoir, dans le monde moderne, avec le pharisaïsme.

    Cette réticence à critiquer l'institution, ses fondements, sa mécanique institutionnelle, est le fait de l'ignorance historique, principalement. Bloy invente ainsi un âge d'or chrétien, médiéval, qui n'a pas existé, et qu'il aurait été le premier à détester, étant donné son peu de goût pour la casuistique et la philosophie platonicienne, dont les effets pernicieux se font particulièrement sentir en ce temps-là.

    La lecture de l'apôtre Paul renseigne aussi sur le fait que l'épouse du Christ, à laquelle l'Eglise est comparée, ne peut avoir une forme institutionnelle, puisque "les oeuvres de la loi", dit saint Paul, ne sauvent pas. L'Eglise romaine est donc dans le prolongement de la synagogue.

    Couramment les institutions politiques païennes sont représentées sous les traits d'une femme : ville, état, voire continent ; de médiocres artistes ont d'ailleurs souvent représenté Marie, mère de Jésus-Christ, dotée de symboles païens, oubliant que c'est ce que la soldatesque romaine fit avec Jésus-Christ, confondant sa royauté avec la monarchie divine des païens, qui repose sur le droit naturel et la providence. On observe ainsi que le symbolisme chrétien inverse le symbolisme païen élémentaire ou naturel. Comme le royaume de Jésus-Christ renverse les valeurs babyloniennes ou égyptiennes des royaumes humains dits "de droit divin", l'Epouse du Christ est un symbole historique qui renverse celui de la tentatrice primitive, Eve, dont la grande Prostituée ne fait que prolonger le discours.  Les siècles doivent s'achever avec l'union de l'épouse véritable, c'est-à-dire l'Eglise véritable, et non celle qui passe son temps à se justifier comme une prostituée, avec son époux.

  • Delenda est Roma

    Mon expérience est que les blogueurs d'obédience catholique romaine sont parmi ceux qui pratiquent le plus fréquemment la censure des propos contradictoires tenus sur leurs blogs. Cela va de la censure la plus stricte: Dominique Letourneau de "l'Opus Dei", par exemple, ou le crétin Patrice de Plunkett, plumitif pour secrétaires de direction démocrate-chrétiennes, à une censure plus timide, reconnue comme telle. Plus ces "catholiques" sont proches du pouvoir démocrate-chrétien, dont le caractère babylonien est assez facile à discerner, plus leur censure est stricte.

    Cette censure a une explication facile à comprendre : le catholicisme romain est, en 2013, un point de vue absolument dépourvu de fondement : il n'a ni fondement évangélique, ni fondement historique, ni fondement artistique, ni fondement politique, ni même de fondement moral ou juridique.

    On remarque d'ailleurs que les écrivains catholiques romains depuis le XIXe siècle, qui veulent participer à la restauration de la foi chrétienne, ou simplement un effort de sincérité (inutile de regarder en direction de Mauriac ou Claudel), ont rapidement été entraînés à s'interroger sur l'activité du clergé catholique romain, exactement à l'inverse des bonnes femmes qui lui font systématiquement confiance. Léon Bloy, par exemple, a une manière très française de respecter le clergé, qui consiste à lui botter le cul, du plus petit séminariste jusqu'au pape. Ne manque à Bloy que la démonstration stricte que le prêtre romain joue le rôle du pharisien dans l'histoire. C'est la raison pour laquelle je recommande surtout Shakespeare, à qui on peut se fier entièrement pour reconnaître le diable partout où il se cache, en raison d'une connaissance approfondie de la science physique. Shakespeare n'a pas attendu les feux d'artifice de la science polytechnique et du cinéma pour en dénoncer la bestialité. Puisque l'expérience du dieu de Nitche, c'est-à-dire Satan, est celle de la folie, on peut dire que Shakespeare vient en aide aux aliénés qui veulent devenir des hommes libres, en dépit du monde.

    (Les seuls sites où se manifeste une mentalité aussi étroite que celles des catholiques romains sont les sites à vocation pseudo-scientifique, tenus généralement par des ingénieurs à demi-analphabètes qui croient que l'informatique ou la médecine sont des sciences, et ne supportent pas que les dogmes scientifiques modernes, enseignés et reçus comme tels, soient critiqués.)

    J'en profite pour coller ici ma réponse à la citation d'un cardinal romain hongrois, Peter Erdö, sur le site du magazine "La Vie" : "Beaucoup de mass-médias divulguent une présentation de la foi chrétienne parfois débordante de calomnie, désinformant le public (...)"

    On pourrait en dire autant du judaïsme, mis au service de la propagande de puissants Etats militaires, ce qui constitue une mise en danger des juifs authentiques. Les mensonges des mass-médias sont donc relatifs à l'exercice de la puissance impérialiste par des Etats qui se revendiquent du judéo-christianisme. La curie romaine lutte-t-elle contre ce phénomène ? Absolument pas. Les pamphlets communistes de la fin du XIXe siècle contre la complicité des Eglises protestante et catholique et du système d'exploitation impérialiste sont-ils toujours valables ? Oui. 

    Par ailleurs, la plupart des mensonges sur la foi chrétienne ont été et restent répandus par l'Eglise catholique romaine, véhicule d'un culte manifestement païen sous l'apparence chrétienne. D'un culte plus proche du néo-paganisme que du paganisme antique, en raison de sa propension à l'insanité. Shakespeare accuse à juste titre les ordres monastiques, artisans d'une subversion extrême. La conversion d'une nation arriérée comme l'Allemagne au bouddhisme n'a pas d'autre explication que le monachisme, "gay savoir dionysiaque". Le monachisme médiéval s'est avéré aussi désastreux pour la spiritualité chrétienne qu'il a été efficace sur le plan social. Le chrétien qui n'a pas conscience que la préoccupation de l'organisation ou de l'ordre social est la plus éloignée du Christ, est plus ignorant du christianisme que ne le furent Hitler ou Nitche. Le catholicisme nie absolument que l'éthique puisse être universelle.

    C'est donc le plus parfait cynisme ou la plus parfaite imbécillité d'accuser les médias lorsqu'on est catholique romain. Pour ce qui est de la propagande, si elle est dépassée aujourd'hui par des institutions plus modernes, on peut dire que l'Eglise romaine en a pratiquement inventé la formule occidentale, la plus meurtrière et catastrophique.

  • Usage de Bernanos

    Je n'ai pas été élevé par Bernanos. Pour la bonne raison que je me suis élevé par Léon Bloy, auquel Bernanos n'ajoute pas. La culture est comme les rayons des bibliothèques, où les idéologies les plus contradictoires peuvent voisiner dans la poussière. Qui ne sait que la culture est faite pour habituer et mener progressivement au cimetière, comme un lent corbillard, est métèque en France.

    Le type français est beaucoup trop pragmatique pour accorder de l'importance à la culture ou l'art abstrait, où se complaisent les plus pusillanimes dévotes toute leur vie, quand elles n'y mettent pas un terme brusque avant. - Eh, l'argent ne suffit-il pas en matière d'art abstrait, Sganarelle ? L'argent conditionne la musique, et non l'inverse.

    A rebours de la culture, la spiritualité pousse à se chercher un maître d'armes. Le type cultivé, lui, tourne délibérément le dos au champ de bataille. Très largement, la barbarie de l'Occident moderne tient à ce qu'il est incapable de regarder ses propres crimes en face, contrairement à ce larron que la soldatesque romaine avait crucifié à côté de Jésus. L'Occident moderne évoque la figure de Ponce Pilate. Le crime, d'accord, pourvu qu'on ait l'hygiène.

    Préférant la maîtrise d'arme de Shakespeare, j'ai dû négliger Bernanos, et même Bloy. Tous les stylistes qui passent à sa portée, Shakespeare leur tranche la gorge sans pitié. Nitche n'est pas né et mort dans l'Empire, qu'il crache déjà le poison de Claudius, destiné à Hamlet, par les narines. Shakespeare n'a de pitié que pour le simple lecteur. Les étourdis prennent les révolutionnaires français pour des iconoclastes ou des briseurs d'idoles - des talibans. Tout le travail avait déjà été fait par Shakespeare auparavant, pour le compte du cavalier à la tunique ensanglantée, monté sur un cheval blanc, symbolique pour les chrétiens du triomphe de l'Esprit dans l'histoire, sur la grâce et la providence des nations païennes. La seule façon de renverser les idoles, est de le faire spirituellement.

    Shakespeare ne se retourne jamais sur la civilisation, rêverie qui trahit la faiblesse de Bernanos ou Bloy, leur relâchement spirituel. Il ne s'agit pas de juger le besoin de sommeil ou de repos de tel ou tel guerrier. L'apôtre Pierre lui-même s'est trompé plusieurs fois d'épée et de combat. Il s'agit de ne pas se retourner sur la chimère sentimentale de la civilisation, presque aussi niaise que le futurisme démocratique, car ce relâchement est par où Satan et ses hordes regagnent du terrain.

    Il s'agit de suivre Shakespeare dans sa percée fantastique des lignes des robots humains, leurs prothèses mécaniques. S'il y a bien un trait d'esprit français de la part de Bernanos, c'est de stigmatiser la détermination biologique imbécile de la technocratie et des technocrates, suppôts qui ont tous la formule sanguine tatouée quelque part sur le corps.


  • L'imposteur Plunkett

    Ma constance à dénoncer l'imposture du journaliste Patrice de Plunkett et son antichristianisme, est aussi forte que celui-là est déterminé à fermer la porte de son blogue à quiconque n'est pas un client potentiel de sa littérature.

    Léon Bloy, "catholique romain" comme Plunkett, souligna néanmoins l'infâmie qu'il y a à exercer le métier de journaliste : hélas, le pauvre Bloy ne se doutait pas que la publicité commerciale, moins présente de son vivant, ferait qu'on vendrait un jour des polices d'assurance, des voitures ou des avions de chasse au nom de Jésus-Christ, tout en mettant un terme à la liberté d'expression de cette façon.

    On n'est pas obligé d'acheter "Le Figaro" quand on tient la valeur éditoriale de ce journal pour nulle, ou la pornographie élégante de son supplément pour secrétaires de direction pour une injure à l'esprit français humaniste. Mais, s'agissant d'internet, il en va pour moi autrement : je considère ce terrain, non pas comme le prolongement naturel du discours publicitaire en provenance des hautes sphères de la société civile, mais comme le lieu de la reconquête par les milieux populaires français de l'intelligence, d'excavation des lupanars séduisants où l'élite française a maintenu ces milieux, afin de mettre au service de la mastication sociale de l'homme par l'homme ceux qui précédemment servirent aux machines et aux canons des mêmes maîtres.

    C'est encore un "catholique romain", Georges Bernanos, qui prétend que la "Libération" fut un mensonge plus grand encore que la collaboration. Or la propagande de Patrice de Plunkett peut se résumer au double effet qu'elle a de censurer le propos de Bloy : La presse subventionnée par la société civile française est une puissance occulte ; et celui de Bernanos : Les partis politiques qui se sont emparé du pouvoir à la Libération en France n'ont rien fait pour réduire l'iniquité des régimes précédents, abaissant l'esprit critique des Français à un niveau inédit de bêtise.

    Ici j'en profite pour compléter l'avis de Bernanos : il est hautement probable que la plus grande peur des "bien-pensants", dont P. de Plunkett ne fait que grossir la meute, est que la société dont ils passent leur temps à justifier le point de départ, l'évolution ou la solution finale, cette société n'a aucun sens en dehors de celui qui pousse les particules élémentaires à s'agglomérer entre elles ; et, par conséquent, que l'absurdité grandissante des moeurs occidentales n'entraîne de la part des "bien-pensants" un délire de justification consécutif, pléthore de théories de réforme qui, comme les mondes multiples ou le purgatoire, ont pour but de rassurer les "bien-pensants", de les disculper bien plus qu'autre chose.

    Ophélie, sainte patronne des bien-pensants catholiques, ayant vu qu'aucun de ses mobiles ne pouvait convaincre Hamlet, met aussitôt fin à ses jours, vu que l'absence de mobile équivaut pour le bien-pensant à une condamnation à mort.

    - L'accusation à l'encontre de P. de Plunkett, exactement comme le pape, est de graisser les rouages d'une mécanique sociale qui tourne à vide. Si Plunkett était mécanicien ou publicitaire, il ferait son métier sans que j'y trouve à redire, mais c'est l'usage de l'argument chrétien qui est scandaleux de sa part, au service d'une cause qui n'a pas plus de fondement chrétien réel que le stalinisme, le régime de Louis XIV ou la constitution des Etats-Unis.

    Plunkett veut qu'on prenne les argousins de la pensée démocrate-chrétienne retranchés à Bruxelles dans leurs exercices comptables scabreux - leur défi au Ciel -, pour d'authentiques défenseurs de la vérité. Et ça ne devrait plus être possible. La tactique est d'ailleurs grossière et doit être concertée dans quelque "Rotary-club chrétien", puisqu'elle est imitée par d'autres représentants de commerce chrétiens, sur le mode : "Tant que l'économie libérale, à laquelle nous n'avions rien trouvé à redire quand elle garantissait un rapport suffisant, tant que ce système d'enrichissement sans cause et de vassalité à l'échelle mondiale connaît des ratés, feignons de partager la déception de l'opinion publique, déçue par le modèle économique libéral, tout en continuant de faire croire qu'il est une économie libérale qui, dans l'absolu, peut se passer du rapport de force et de l'exploitation, contrairement à la démonstration de Marx que ça n'est pas possible ; deuxièmement, faisons croire que le mobile économique est compatible avec le christianisme, alors même que les apôtres, mettant leurs biens en commun, ont privé la monnaie de son infernale nécessité."

    Cette tactique est cousue de fil blanc, et le fait de tous les partis libéraux en ce moment. De François Hollande déclarant qu'il n'aime pas l'argent, de Barack Obama lâchant des services sociaux pour acheter la paix sociale dans son pays, de BHL propageant la démocratie et les droits de l'homme dans tous les pays qui ne sont pas des clients privilégiés des industriels de l'armement français, de N. Sarkozy pointant du doigt la responsabilité des "traders" et des excès du "néo-libéralisme".

    Elle signifie, sur le plan politique étranger au message évangélique, selon tous les théologiens appuyés sur un minimum de logique, que la démagogie et le populisme viennent bien de l'élite et non du peuple, qui à force d'iniquité ne peut plus réagir que comme une bête coincée dans une impasse, parce que les élites se sont efforcées d'empêcher dans le peuple tout effort individuel de libération, et d'abord en censurant dans le christianisme tout ce qui permet de comprendre qu'il échappe à toute forme de récupération éthique ou politique.

  • Le Tartuffe Benoît XVI

    En préambule de cette note, je dissuade d'accorder un quelconque crédit au groupuscule de Jacques de Guillebon et Olivier François, baptisé "anarchriste", qui se réunira bientôt dans un quartier chic de la capitale, sans doute pour signifier le périmètre de sécurité duquel la brigade mondaine de Benoît XVI ne sortira jamais (maman ne le permettrait pas).

    L'anarchisme de Jésus-Christ heurte d'abord le clergé juif et le pouvoir judiciaire romain. Je ne vois pas quelle sorte de police ces lascars "anarchristes" pourraient heurter, pas même leur police d'assurance. Comptent-ils flanquer en l'air les tréteaux du bazar de la charité chrétienne, ou le "tour operator" lucratif des paroisses parisiennes ? Saccager "La Procure" ou molester tous les curés de France et de Navarre qui n'attendent qu'une invitation de Canal+ ou de France 2 pour se maquiller ?

    Il semble que les "anarchristes" se donnent plutôt pour but de repeindre l'enseigne défraîchie de la boutique catholique. Olivier François ne se cache même pas de collaborer au "Spectacle du Monde", gazette-danseuse de l'armurier Dassault, des fameuses familles qui ont refait la France (aux petits oignons). Et Fillon c'est Jeanne d'Arc tant qu'on y est.

    Grâce à Shakespeare, authentique chrétien anarchiste, on ne peut plus méconnaître l'origine incestueuse de la connerie. L'inceste explique pourquoi les petits mickeys J. de Guillebon et O. François ne parlent des choses les plus triviales qu'avec style, comme si elles étaient des vases sacrés. Shakespeare piétine méticuleusement toutes ces idoles païennes, hâtivement blanchies à la chaux chrétienne, rend à Satan les instruments de la musique chrétienne. 

    + Redisons-le : de tous les pores de la démocratie-chrétienne transpire l'idolâtrie ; regardez KTO pendant une heure, puis fermez la télé, puis ouvrez le Nouveau-Testament et vous verrez la différence. Les USA dissimulent sous ce masque indécent le régime pharaonique le plus sournois et macabre, dont les arcanes juridiques et monétaires sont un occultisme si puissant qu'il échappe à ses manipulateurs.

    Or, que font le pape, ses caniches ? Au lieu de saisir-là une occasion de se racheter des relations diplomatiques entretenues avec l'Allemagne nazie ; au lieu de se repentir en bêlant de crimes qu'ils n'ont pas commis eux-mêmes, mais une vague mère putative ? Ils multiplient les courbettes diplomatiques en direction des Etats-Unis. Pire encore, ils confortent l'idéologie totalitaire de la "démocratie chrétienne", forgerie la plus démoniaque de tous les temps, unique raison du satanisme affiché aujourd'hui par le folklore yankee bas-de-gamme mais sincère ; plus sincère que les fonds de pension baptisés "Vierge Marie, mère de dieu", fais-nous des petits.

    Ce stratagème de la démocratie-chrétienne, Karl Marx a démontré que son pouvoir de suggestion surpasse le truc grossier qui consiste à faire passer le monarque pour un élu de dieu aux yeux des cul-terreux. On ne voit pas pourquoi le Christ serait démocrate, puisqu'il est anarchiste, et que la démocratie n'est qu'une invention de démagogue indécent. Merci aux démagogues de ne pas prendre l'étiquette chrétienne et cracher ainsi au visage du Christ.

    +

    Plutôt que d'énumérer les cinquante preuves de malice du clergé catholique romain, dont la bêtise a pour effet commode de servir de repoussoir à la propagande républicaine, j'aime mieux causer positivement de Léon Bloy, calomniateur anarchiste du clergé au siècle dernier, au nom du Christ.

    - D'abord pour dire que la sincérité de Bloy, à défaut d'une vision parfaitement logique, tient à ce que Bloy est autodidacte, de l'espèce bien française, persuadée au moins depuis Rabelais que l'université est le dernier lieu après le sanhédrin où on peut s'attendre à voir souffler l'esprit, le vrai, non les formules géométriques ou partisanes (plutôt que d'accuser la franc-maçonnerie, ou de voir des complots maçonniques partout, il vaut mieux comprendre que c'est parce qu'elle est une formule méthodique efficace que le nombre d'or maçonnerique s'impose dans tous les systèmes, sans plan secret, à commencer par l'université, dont la fonction est organisatrice. Il n'y a rien de plus naturel que d'être franc-maçon.

    Bien qu'elle a pu être dirigée contre l'Eglise romaine, la franc-maçonnerie a préalablement été imposée aux populations occidentales par l'Eglise romaine. En définitive, rien n'est moins maçonnique que le secret des loges, qui attire inutilement l'attention sur l'ombre solaire, et rappelle que la morale est toujours, essentiellement, un complot, petit couple ou gigantesque organisation infernale de la démocratie-chrétienne, qui n'a pas besoin de se cacher.)

    - Disons maintenant ce qui limite la vision de Bloy, et qui l'empêche d'être de plain-pied dans l'apocalypse. Très proche de Dante, que le dégoût des malversations romaines incite à se figurer l'Eglise comme une jeune femme pure, Béatrice, inspirée de l'apocalypse où elle est représentée ainsi, avant d'être une prostituée, Bloy, aussi déterminé contre une institution dont la laideur lui paraît aussi intense, fait le rêve d'une Eglise médiévale sainte. A l'Eve future de l'Alighieri, dans un temps où la réforme de l'Eglise paraît illusoire, Bloy substitue la légende dorée.

    Bloy a la vision juste que l'histoire est la science qui peut le mieux servir à relever les jupes de la civilisation, pour montrer le cancer qui la ronge ; mais il tombe dans les filets de Joseph de Maistre, il ne le reconnaîtra que trop tard. De Maistre qui se moque de l'histoire, puisque son propos est au contraire de lustrer le sceptre du pouvoir à la peau de chamois, peu importe dans quel bois le bâton est taillé. De Maistre, qui serait en quelque sorte l'ancêtre des démocrates-chrétiens lécheurs de cul, si la démocratie-chrétienne n'était pas une grosse baleine en voie de disparition, et ses cornacs des lutins dans le genre de Bayrou ou Sarkozy, vu que De Maistre en pince plutôt pour les grands dictateurs sanglants.

  • Canards plumés

    Laurent Joffrin de "Libération", canard enchaîné à la pub., dit son mépris d'internet qui engrange moins de bénéfices encore que la presse écrite fonctionnarisée.

    Ce pantin n'a pas pigé que si les lecteurs se torchent de son journal-papier, c'est qu'ils voient un tract subventionné par les marchands de lessive ou les fourgueurs de mort à crédit. Cette gueule de métastase flasque de Joffrin fait paraître Sarkozy ou même Juppé sympathique à côté. Je la vois la lectrice-type de "Libé" dans le métro. : c'est la moule bobo altermondialiste, existentialiste et écologiste, qui s'imagine que Joffrin est dans l'opposition.

    Les Français ne sont pas assez désinformés par leur PQ pour avoir oublié le système mis en place par Elkabbach sur le service public, les prêches de Colombani en faveur des tirs de missile sur Bagdad, Philippe Val chialant pour gratter un peu de pognon à Jospin, avant d'échouer sur "France-Inter" la radio qui rend le populo moins con que ses maîtres ; Onfray et Philippe Geluck soi-disant anarchistes (en défendant Nitche et la famille !), Besancenot obligé de passer chez Drucker pour fourguer son syndicalisme réac., l'acharnement post-mortem de BHL sur Edern-Hallier, Edwy Plenel glanant ses scoops au ministère de l'Intérieur...

    Devoir d'information et déontologie journalistique, mon cul : quel besoin le Brestois a-t-il d'être informé en temps réel par "Radio Sarko n°1" qu'un bus vide vient de flamber à Grigny ? L'extrême solidarité virtuelle de la planète, cette harmonie du monde réversible en quelques instants en chaos imbécile n'a absolument rien à voir avec le prétendu professionalisme de crétins de l'encâblure d'un Joffrin ; on ne peut l'expliquer que par ce mot de Delacroix (1854) : "panhypocrisiade", pour désigner la religion des agioteurs et des photographes ; ou par Karl Marx, qui parle d'attentat général contre la réalité ; Marx passe par la sagesse grecque, qui voit dans l'information ou la culture, qui n'est qu'une somme d'indices, la séduction de la charogne.

    Si les journalistes avaient le moindre souci de renseigner les gens, ils leur diraient où mène la grande fabrique de rêves érotiques capitaliste pour ménagères-putains de 7 à 77 ans, et comment les médiats jouent le rôle de mitigeur entre sadisme et masochisme, purgatif tiédasse typiquement clérical, une dose de porno-chic mélangée à une dose de cadavres de la Choa, assorti de moyens autrement efficaces pour bourrer le mou des gonzesses que n'importe quel pape auparavant.

    (Comme je trouve parfaitement normal qu'on me prenne pour un fou, il suffit de passer au niveau d'intelligence supérieure à celle du journaliste ou du cinéaste pour trouver bon nombre d'écrivains de confessions diverses qui dénoncent sans philosophie le journalisme comme un bourbier merdeux : de Balzac à E. Waugh ("Scoop") en passant par Léon Bloy, Baudelaire.)

  • Synagogue de Satan

    Léon Bloy, facteur évangéliste en butte aux sacristains de plus grosses sectes, oppose le chrétien virtuel libéral au chrétien réel du moyen âge. Il s'est gouré d'un siècle ou deux. La Renaissance exprime une spiritualité bien plus haute, beaucoup mieux délestée du monde. Dante Alighieri qu'on peut prendre comme l'antichambre, ne s'occupe plus de faire la police comme Thomas d'Aquin avec sa loi morale naturelle, venue d'on ne sait trop quel prêtre païen, thèse qui fera florès dans les travées de la Synagogue de Satan (on peut être sûr que les cinquante versions de la loi morale naturelle ont toutes une origine égyptienne ou persane).

    Comment Dieu peut-il préférer un pilier de bistrot la plupart du temps furibond, en faire son ange plutôt qu'un de ces curés bien peignés, aussi homosexuels que possible pour se conformer aux voeux des dames patronnesses ? Mystère vicieux. Par les temps qui courent, Karl Lagerfeld ferait-il pas un excellent pape au cas où l'actuel viendrait à se suicider à la tâche ? Karl a un très long col et communique avec l'excellence et l'onction d'un tartuffe planétaire.

    Est-ce à l'alcool qu'il faut attribuer la confiance de Bloy dans la plume empoisonnée de Joseph de Maistre ? Même passion que Baudelaire. La rhétorique germanique, vomie d'un bloc par Bloy, a ceci de préférable pour un chrétien qu'elle est évidemment satanique : l'ennui de cette musique de chambre suffit à traduire d'où vient cette gnose ésotérique. Pas besoin d'avoir vu la carte du parti nazi d'Heidegger ni l'uniforme d'Ernest Jünger pour se douter en l'entendant que c'est une de ces brutasses sorties de la forêt noire qui prennent les Grecs pour des Romains, Aristote pour Epicure, Jésus pour Dionysos, la violence animale de la femelle pour le courage viril : "Grossartig! Wunderbar!!" Nitche a ceci de confortable pour l'industriel rhénan reconverti dans la chimie pure et 100% démocratique qu'il n'exprime RIEN hors de la métaphysique du tube digestif.

    De Maistre a ceci de séduisant pour un esprit français qu'il ne se contredit pas d'un chapitre à l'autre et ne tente pas de faire passer l'ésotérisme pour le langage de Dieu. Son truc c'est plutôt le style. Bloy s'est tard rendu compte de sa méprise (1906) : "Je suis bien revenu de Joseph de Maistre (...)." Erreur compensée immédiatement par : "Nous pourrions nous trouver demain en présence d'un cas de possession universelle." Vision que Marx a exprimée plus tôt et de façon plus grecque en parlant d'attentat universel contre la réalité.

    *

    On peut trouver ultérieurement dans la longue confession de Bloy l'explication de son erreur, si on ne se satisfait pas de celle de son dilettantisme.
    "Non seulement je ne suis pas historien, mais j'ignore l'histoire. Il faut voir en moi une sorte de rêveur, de visionnaire, si vous voulez, mais rien d'autre. Que pourrais-je dire des Jansénistes dont le nom seul me donne des convulsions ?" (1913)

    Tout Bloy est dans cette phrase qui le situe au niveau de Dante. C'est le défaut de science qui l'a empêché de comprendre que de Maistre est beaucoup plus noir que Baudelaire, d'une part, et très proche de l'égotisme janséniste qu'il abhorre d'autre part, cette sorte de judaïsme chrétien qui n'exclut même pas l'antisémitisme.
    Fréquemment de Maistre s'exprime au nom de Dieu pour dire n'importe quoi : seul le diable peut permettre de jurer de Dieu comme ça. Ensuite la plus grande spiritualité de la Renaissance se traduit par la destruction du rêve et du hasard, idoles du fainéant ou de la femelle érotomaniaque. Le rêve tisse l'étoffe du néant, tandis que la vision la déchire.

  • Correspondances

    Le service de presse d'un pote me permet de feuilleter la correspondance de Céline parue en "Pléiade" récemment. Je déconseille de l'acheter. C'est assez comme ça que le contribuable subventionne les maisons d'éditions françaises par l'intermédiaire des achats des bibliothèques municipales, s'il faut en plus donner des thunes personnels à Gallimard !

    Dans la grande chienlit française, sociale-démocrate et gaulliste, les maisons d'éditions qui auraient pu jouer un rôle de résistance sont gravement impliquées. Autrement dit, si j'ai plus de mal à trouver telle ou telle pièce de Shakespeare dans ma bibliothèque que la dernière merde signée Dominique de Villepin en hommage aux nains de la poésie française ou aux boucheries de Napoléon, c'est la faute aux éditeurs.

    D'ailleurs quand d'aventure je me promène au Quartier latin, avec ses petites bourgeoises féministes déguisées en putes, j'ai l'impression de me promener dans Berlin. Céline lui-même était sans doute plus près de vouloir foutre le feu au Quartier latin, de botter le cul à tous les vieillards décatis du Quai Conti qui donnent l'impression de n'avoir jamais ouvert un vrai livre. Dans un sabir extrêmement compliqué à piger -plus slave que français-, la Carrère-d'Encausse met bien un peu d'ordre dans les causes et effets de la révolution bolchevique, pour mieux dire ensuite à la télé le contraire de ce qu'elle dit dans ses bouquins et lécher le cul du tsar Nicolas, personnage aussi inutile que Pie XII, et beaucoup plus dangereux.

    *

    Retour à la correspondance de Céline : la correspondance est un genre de littérature plutôt barbant qui plaît surtout aux collectionneurs (il faut que je redise à mon pote que les collectionneurs vont en enfer directement, ils retournent à la poussière sans passer par la case du purgatoire qui n'existe pas). Bonnes ou mauvaises, les intentions sont nulles pour un artiste comme pour un chrétien, et c'est surtout de ça dont une correspondance est faite, de chatteries et de voeux. Le chrétien qui croit que ses prières vont le sauver croit que Dieu qui a envoyé son fils pour sauver l'humanité attend un hommage ou un coup de chapeau. D'ici que les démocrates-chrétiens décident de canoniser Dieu pour le remercier, il n'y a pas loin. Et encore faudrait-il justifier pourquoi le Dieu des chrétiens n'a RIEN fait pour sauver les Juifs des camps nazis.

    *

    Tiens, profitons-en pour soupeser l'antisémitisme de Céline... Curieusement, d'une certaine façon on peut dire que l'antisémitisme de Céline est plus chrétien que celui de Bloy. L'idée de Bloy que les Juifs incarneront l'archaïsme jusqu'à l'éclatement du Temps n'est pas très cohérente ; disons plus nettement qu'elle épargne trop la calotte chrétienne, bien que ce ne soit pas le travers principal de Bloy d'épargner les cochons, y compris les cochons portant soutane. "Synagogue de Satan" écrit l'apôtre, et synagogue se traduit par "Eglise" au sens large.

    Céline est plus proche de l'anticléricalisme de Voltaire, pour qui le personnel politique comme le personnel religieux font obstacle au progrès. Voltaire est tellement en décalage avec l'époque que nous vivons que c'est aux "Témoins de Jéhovah" que le christianisme de Voltaire fait le plus penser, c'est-à-dire une sorte de protestantisme honnête parfaitement démodé aujourd'hui. Un truc bizarre cependant chez Céline : il semble détester les Juifs tout d'abord à cause de leur faiblesse, puis change d'avis après la victoire des anglo-saxons, et se met à mépriser surtout les chrétiens allemands et français. Céline a lui-même un côté juif et féminin, moins marqué que Nitche, mais n'empêche.

    *

    Incroyable la façon dont Céline, pourtant cent fois moins misogyne que moi, excite les femmes à s'embourgeoiser (c'est-à-dire à se prostituer encore plus), à se jeter dans le filet de la famille, des gosses, bref de la grande truanderie sociale, dans tout ce qu'il craint pour lui-même comme une lèpre. Ici Céline est plus près du tchador que de Voltaire.

    En fait Céline veut sauver les autres malgré eux, et ça n'est pas chrétien. Le Christ, lui, n'a jamais contraint personne à le suivre. Pas la moindre séduction dans le Christ. C'est la raison pour laquelle toute propagande signale le diable. Ce cornard de Pie XII qui a osé faire l'apologie de la télévision est parfaitement scandaleux ! La mare dans laquelle cette petite salope puritaine d'Ophélie va se jeter n'est autre que le néant ou l'enfer.



  • Marx ou Ariès ?

    Le philosophe Paul Ariès est un des rares intellectuels, à la faveur de la crise, à s'attaquer au mode économique capitaliste et à faire la promotion de l'oisiveté grecque.

    - Une parenthèse pour signaler que les médiats, indissociables du capitalisme qui ne peut se passer d'une propagande centralisée, "deviennent" vaguement marxistes en période de crise, ou ridiculisent au contraire le communisme en période de "boom" économique, sans qu'aucun journaliste ait une idée vraiment précise de la doctrine de Marx.

    Ravissante niaise, la journaliste d'"Arte" Isabelle Giordano peut ainsi déclarer que les Allemands "ont inventé la lutte des classes", sous prétexte que Marx était allemand, alors qu'il n'y a pas savant plus germanophobe, et accessoirement antisémite, dans tout le XIXe siècle ; le rejet de la culture allemande est plus radical encore de la part de Marx que de l'écrivain catholique Léon Bloy (dont l'antisémitisme n'est pas très différent de celui de Marx et Engels), ou Baudelaire.

    Le cas de Baudelaire est intéressant car il rejette violemment la philosophie de Hegel alors même que son propre idéal artistique est très proche de l'esthétique nazie développée par Hegel et plagiée ultérieurement par Malraux. Hegel n'a pas connu la technique cinématographique; aurait-il tenté de l'ériger en art moderne comme fait Malraux ? Ce qu'on peut dire c'est que l'argument spéculatif qui permet de consacrer le cinéma comme un art moderne est présent dans l'esthétique nazie de Hegel.

    *

    Refermons la parenthèse. La métaphore d'Ariès d'une bicyclette dont on est sans cesse obligé d'actionner le pédalier sous peine de tomber, correspond bien au schéma marxiste de l'économie capitaliste. Tout y est : le cycle, la chaîne, les déraillements réguliers... sans oublier le dopage requis par l'effort de production d'énergie surhumain à fournir. C'est la nécessité de dégager une plus-value qui selon Marx oriente le travail vers la production de plus en plus massive. On pédale et on ne pense plus à rien.

    (Sur le plan chrétien, c'est ce qui rend le capitalisme aussi diabolique, c'est que le fait de gagner sa vie n'est plus accessoire mais principal. Autrement dit : ne cherche pas seulement à satisfaire ses besoins essentiels le chrétien soumis à une économie capitaliste, mais est entraîné à vouloir d'abord gagner sa vie et à thésauriser... et donc à perdre sa vie.)

    Cet effet prospectif, de bascule perpétuelle en avant, Marx l'a donc nettement vu ; c'est certainement ce qui séduit les femmes dans le capitalisme, son aspect "programmatique" ; tandis qu'il brise ou révolte plus les hommes. Le capitalisme est une physiocratie et la femme est -non pas exactement "naturelle" comme croit Baudelaire- mais physiocratique, plus "sexuelle" que l'homme contrairement à certains racontars dérivés de la psychanalyse.

    *

    On ne doit pas être étonné que, parlant d'économie et de communisme, on en vienne à parler d'art. Toutes les grandes doctrines matérialistes depuis Aristote jusqu'à Marx en passant par François Bacon ont en commun d'être des doctrines artistiques. Nonobstant douze cent pages consacrées à l'esthétique, Hegel, LA tête pensante du nazisme, est incapable de penser l'art autrement qu'en termes d'outil politique. Le seul intérêt de l'approche nazie, même si ce n'est pas franchement un "scoop", c'est de souligner le caractère "phallique" de l'architecture et de la poésie, et par conséquent de la politique.

    S'il fallait choisir, c'est la femme et non l'homme qui est "sexuelle et politique". D'ailleurs on voit bien que dans les conversations entre hommes il s'agit plus de "refaire le monde" que de politique réellement ; les aspects sexuels, domestiques et familiaux préoccupent plus les femmes : et c'est là le vrai terreau de la politique. Ce qui n'empêche pas Simone Weil d'être dix fois plus virile que le pédérastique Charles Maurras ("Politique d'abord !") ou que son propre frangin entiché de jongleries mathématiques puériles.

    Comme on confond souvent le marxisme avec l'anarchie, on peut souligner aussi que l'idéologie anarchiste est aussi féminine et sexuelle que l'idéologie maurrassienne ou capitaliste, bien que Marx ait éprouvé de la sympathie pour les anarchistes en raison de leur sincérité.

    *

    Ici s'arrête l'emprunt de Paul Ariès à Marx. Pour le reste, la proposition d'Ariès de révolutionner ou réformer le raisonnement anthropologique dominant, Marx l'aurait trouvée d'une grande naïveté, puisque le capitalisme comme l'existentialisme, le cinéma, le débordement de la politique et de la morale, tous ces phénomènes traduisent un même symptôme : la sidération anthropologique. On peut reprendre la comparaison de la bicyclette qui convient non seulement pour décrire le mode économique capitaliste mais aussi le mode de raisonnement anthropologique spéculatif (il est typiquement romain, allemand ou oriental d'accorder au psychisme un rôle primordial).

    Historiquement on peut presque dire que l'anthropologie nazie ou existentialiste est "innée" puisqu'elle n'est que le surgeon d'une anthropologie chrétienne -elle-même déjà en état de décomposition avancée au XVIIe siècle.

    A la fois on est reconnaissant à Paul Ariès de rompre publiquement avec le discours de la prostitution capitaliste comme destin commun et inéluctable de l'homme, et en revanche il est stupéfiant qu'il n'aille pas au bout de la dialectique marxiste qui lui permet de décrire le délitement intellectuel causé par le narcissisme cartésien ou anthropologique, l'aspect mécanique du projet capitaliste.

    Le philosophe retombe en effet pour conclure dans les préjugés bourgeois et une connerie proche de la psychanalyse, jansénisme du parvenu boche ou yanki -c'est-à-dire un intellectualisme que Marx a toujours vivement rejeté.

    (Je dois dire que j'ai été encore plus stupéfait d'entendre Alain Badiou il y a quelques jours vanter les mérites de la copulation bourgeoise, sentimentalement travestie par les régimes capitalistes en "amour", parée de canoniques puis civils attributs, jusqu'à ce que le mariage devienne en définitive une "icône gay". Difficile d'extraire pourtant le "conjugo" du principe consumériste capitaliste dont la morale de la famille restreinte -le couple avec un ou deux enfants- traduit même la tension capitaliste entre l'épargne et la consommation, l'anorexie et la boulimie, le puritanisme et l'orgie coexistant.

    En outre pas plus que les théologiens chrétiens sérieux Marx n'accorde au conjugo une valeur autre que temporelle et "tribale", par conséquent archaïque.)

     

     

     

     

  • Saint Marx

    C'est précisément parce qu'il est "sans foi ni loi" que Karl Marx est le plus grand théologien chrétien depuis Shakespeare. La question de la loi est une question juive et la question de la foi se pose quand la loi est appliquée hypocritement. Même pour Léon Bloy ou Claudel, qui louchent pourtant un peu vers le moyen âge (obsession matrimoniale de Claudel), la question de la foi n'est pas moderne.

    En quelque sorte il n'y a pas de pensée historique sérieuse qui se préoccupe des questions de foi. La question de la foi est une question d'autruche.

  • Rabelais avait raison

    Mes études "dissidentes", "hors l'Université", après quelques années m'amènent à la conclusion que François Rabelais a raison. Sa diatribe contre la scolastique et l'Université, qui rejoint la critique aiguë de François Bacon des mêmes institutions, n'est pas de l'ordre de la caricature ou du pamphlet. L'Université s'est bel et bien avérée depuis le temps où Rabelais parle, être un moteur puissant de propagation de la superstition.

    Dès l'enfance d'ailleurs, après avoir lu la thèse révisionniste de Faurisson, publiée par une maison d'édition anarchiste et qui circulait "sous le manteau" dans mon lycée de province, j'ai eu l'intuition que le XXIe siècle serait révisionniste ou ne serait pas. Le contraire de Malraux, par conséquent, si tant est que sa conception de la religion soit plus cohérente que ses idées artistiques.

    Il n'est même pas utile d'affronter la censure à propos de Faurisson, de prendre position pour ou contre. Au regard des études historiques, la thèse de Faurisson est un détail et le révisionnisme historique de Marx beaucoup plus large et fécond. Je cite Marx en tant qu'exemple de science qui s'est construite en grande partie contre l'Université prêchant la science "ex cathedra". La découverte par Simone Weil de l'ineptie des travaux de Max Planck ne doit rien elle non plus à l'Université.

    Faurisson est d'ailleurs, bien qu'anarchiste, essentiellement un universitaire maniaque.

    Non qu'il ne soit absolument rien sorti de bon de l'Université, j'ai pu moi-même au plan du détail en retirer de bonnes choses, en particuliers d'ouvrages parus dans les années vingt ou trente en France ; la mythologie de Jean-Pierre Vernant, plus récemment, est loin d'être dépourvue d'intérêt ; les études mathématiques du Hongrois A. Szabo passionnantes aussi. Mais lorsqu'on compare ce reliquat aux hérésies scientifiques produites par l'Université, le bilan est terrible !

    Quelques exemples de sciences littéralement vandalisées : Aristote par Heidegger et H. Arendt ; Léon Bloy par G. Steiner et P. Glaudes (Bloy est très important pour un catholique dans la mesure où il est un des derniers exemples de théologien assez vigoureusement anticlérical) ; Shakespeare par Girard ou Bonnefoy ; François Bacon par ses commentateurs qui en ont fait "le père de l'empirisme", alors même qu'il n'en possède AUCUNE caractéristique, Karl Marx par Derrida ou Balibar, etc.