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Génération et corruption

La sexualité reste enfermée dans les frontières de la politique et n'entre pas dans le domaine de l'art. C'est la méconnaissance de cette règle qui signale immédiatement que Freud :

1. N'a rien pigé à la mythologie grecque, qui soutient un art solide ;

2. Est un médecin de l'âme dont l'emphase a pour but de berner une clientèle qui a passé le baccalauréat.

Bien que je n'aime pas l'espèce des moralistes, qui passe son temps à se moquer de Dieu avec plus ou moins d'impertinence et sous des robes de couleurs variées, j'emprunte néanmoins à l'un d'eux cet aphorisme (Roger Judrin) :

"La pénétration des scrutateurs d'alcôves n'est guère plus aiguë que celle des femmes de chambre."

Scrutateur d'alcôve = curé ou psychanalyste. La diminution du crédit de l'un entraîne l'augmentation du crédit de l'autre, et vice-versa.

Commentaires

  • "La sexualité reste enfermée dans les frontières de la politique et n'entre pas dans le domaine de l'art." Merci de détailler. C'est le genre d'assertion tellement générales qu'elles ne veulent plus rien dire de spécifique, sauf pour celui qui les émet.

  • C'est assez facile à comprendre : Aristote n'est pas le seul artiste à faire le lien entre la génération et la corruption.
    La métempsycose dans une secte religieuse primitive telle que celle de Pythagore, ou des doctrines politiques plus sophistiquées telle "Le Roi est mort, vive le Roi" se sont efforcées de faire du temps une "valeur refuge", d'occulter derrière le brouillard juridique ou philosophique la corruption, quand la mort n'est pas carrément parée d'atours séduisants (au christianisme libéral correspond une théologie de la "bonne mort"), mais l'artiste (honnête), lui, naturellement, sera porté à s'engager comme Shakespeare dans un combat dialectique et apocalyptique contre le temps - et, partant, contre toutes les doctrines "séculières", à comprendre que l'éternité est à ce prix.

    En outre Shakespeare étant chrétien, il interprète comme il faut l'avertissement solennel du Sauveur à ses apôtres de n'édifier à aucun prix de Royaume divin sur la terre, tentation qui est celle de Judas le zélote patriote, ainsi que de Pierre qui se voit déjà en lieutenant du Sauveur. Hamlet est bien un combattant de la même espèce que Karl Marx ; il ne combat pas Claudius en "opposant politique" mais en artiste.
    Pour revenir au propos qui a provoqué votre question : c'est parce que l'artiste s'intéresse à la nature dans ce qu'elle a d'incorruptible qu'il se désintéresse du sexe, qu'on ne peut distinguer de la génération que par un artifice moral.
    Enfin, gare à ne pas confondre l'artiste avec le poète ou le musicien, le moraliste, qui ne sont en quelque sorte que des artistes sous les fourches caudines de la politique ; Shakespeare a compris la naïveté de la part de Virgile à ne pas voir que la politique et l'art sont forcément portés à s'affronter (raison pour laquelle il est difficile de ne pas lier Shakespeare à Bacon), l'art et la politique étant portés par deux aspirations différentes, la vérité et la liberté dans le premier cas, la durée dans le deuxième.
    Si on étudie Aristote et Bacon un peu en détail, on se rend compte que cette opposition de la politique à l'art recoupe chez eux l'opposition du genre féminin et du genre masculin, tout en étant à l'opposé du déterminisme sexuel inné inventé ou réinventé par le XIXe siècle. Pour faire passer la pilule de ma misogynie baconienne, je dirais qu'un homme politique est forcément une femelle, et qu'une femme artiste est forcément virile, n'ayant guère d'autre exemple récent à fournir que celui de Simone Weil.
    Zeus dévore sa femme Métis (déesse de la prudence et de la raison) pour donner naissance lui-même à Athéna, sa fille préférée : fable que Bacon est à même d'interpréter avec perspicacité.

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