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Goebbels pas mort

Il y a quelques années, l'écrivaine Amélie Nothomb osait comparer les "reality shows" télévisés aux camps de concentration, débordant ainsi largement le cadre de ce qu'il est convenu de dénoncer dans les médiats, avant de retomber au niveau de la métaphysique des Beatles, dont mes frangines se sont lassées vers l'âge de douze ans et demi.

Si la comparaison camps de concentration/téléréalité est pertinente, alors ça signifie que Benjamin Castaldi est une sorte de "gauleiter" grotesque ? Les flics sont toujours plus ou moins grotesque. La parade du 14-Juillet aux Champs-Elysées n'a-t-elle pas un côté clownesque (que les gosses apprécient à sa juste valeur) ?

Il me semble qu'il faut cependant nuancer la comparaison de Nothomb pour mieux en saisir le sérieux. D'abord il faut bien voir que la guerre économique diffère de la guerre conventionnelle sur quelques points ; de l'état de nécessité que la guerre conventionnelle renforce, tous les gouvernements -anglais, français, russe, allemand, etc.-, se sont servi pour justifier auprès de la majeure part de la population le rapt d'une minorité de civils et leur incarcération dans des camps. On constate qu'il est plus difficile en temps de guerre économique comme aujourd'hui pour le ministère de l'Intérieur de justifier l'incarcération d'immigrés clandestins auprès de l'opinion publique, qui surveille ce genre d'opérations avec plus d'acuité. J'ai reçu le témoignage direct de "Français de souche" (notion moins stupide que celle d'"identité française" ou d'orthographe) ayant caché des enfants juifs pendant l'Occupation :

1/ ils connaissaient personnellement les gosses concernés ;

2/ ils n'avaient pas pris la mesure exacte du danger qui les menaçait s'ils se faisaient pincer, danger probablement assez variable en fonction des divers commandants allemands.

Cela afin de souligner que les nouveaux moyens de télécommunication ont pour effet de nous isoler davantage les uns des autres que des Français de souche pouvaient l'être il y a soixante ans de gamins d'origine juive. La "télécommunication" renforce "l'attentat contre le réel", expression dont Marx se sert déjà pour caractériser la religion laïque et le capitalisme. Et les télécommunications séduisent avant tout les êtres "hypermoraux", ainsi que la musique (le refuge des faibles dans une société totalitaire est dans une "vie intérieure".)

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Pour éviter de charger Castaldi, dont on voit bien qu'il ne fait "que faire son métier" (Il n'y a pas de sottes gens, il n'y a que des sots métiers), disons plutôt qu'on constate de la part des sociétés de production qui livrent des gamins en pâture aux spots publicitaires le "modus operandi" habituel de la part d'une administration pénitentiaire. Systématiquement lorsque les "candidats" d'une telle émission s'organisent pour parer les effets pénibles de leur réclusion par une forme de solidarité, de "contrat social" improvisé, ceux qui tirent les ficelles se démènent pour réintroduire le vice et la trahison dans les petits groupes qu'elle manipule, et ce précisément afin de les mieux manipuler. Le système du "kapo" dans un camp de concentration vise "grosso modo" au même but : éviter une trop grande solidarité entre détenus pour ne pas perdre le contrôle de la situation.

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Je ne peux m'empêcher de remarquer que ce n'est pas là seulement le témoignage que les organisateurs de tels "divertissements" sournois sont moralement tarés (l'exploitation d'affaires pénales privées par les chaînes d'Etat relève du même genre immonde) ; ça prouve aussi leur manque d'imagination et leur bêtise. Baudelaire a raison de dire que le commerçant le plus avisé est, contrairement à une opinion répandue, le commerçant honnête et non l'escroc, qui finit toujours par se faire rattraper par sa bêtise comme on a pu voir avec Madoff ou Daniel Bouton. Autrement dit, miser sur le goût pour la perversité et le vice du public n'est pas un calcul intelligent à long terme (Le propos de Baudelaire sur l'ambiguïté de la vertu rappelle Sophocle ou Shakespeare et dépasse le niveau de raisonnement de la plupart des curés contemporains de tous bords. Il rejoint aussi Marx sur le point que le capitalisme, en tant que procès systématiquement frauduleux, visant un bénéfice illégal, est condamné par avance à la mort par entropie.)

Le volontariat des postulants à ce type d'émission n'est bien sûr pas une preuve de liberté. Jusqu'à un certain point, les esclaves chinois au service des cartels industriels chinois sont "volontaires" pour travailler. Le principe du totalitarisme implique même ce sentiment d'être libre de dire et de faire ce qu'on veut qui règne en France aujourd'hui, bien que l'opinion publique aujourd'hui se caractérise par son uniformité si on la compare ne serait-ce qu'à la diversité du XIXe siècle. On peut même dire que les moyens de l'oppression physique sont plus limités que ceux de l'oppression rationnelle.

Il est tout aussi naïf de croire que, sous prétexte qu'on rémunère ses victimes, on n'est pas un esclavagiste. Le maquereau lui-même ne manque pas de payer ses victimes, et parfois grassement s'agissant de putes de luxe. Ce type de justification par la rémunération a en outre l'inconvénient de conférer de la noblesse au slogan païen ou puritain "Arbeit macht frei", et de le faire paraître moins cynique. C'est la peur qui excite d'ailleurs le désir d'argent comme le désir sexuel et non pas du tout le goût de la liberté. Les Yankis dont le niveau de vie excède d'un tiers celui des Français ont-ils l'air d'être affranchis ? Non, ils ont des airs de porcs qu'on mène à l'abattoir.

Evidemment si on tient les camps de concentration pour une folie, un mouvement irrationnel, on trouvera la comparaison injuste avec la téléréalité qui a un mobile lucratif déclaré. Il faut pour établir un parallèle entre la téléréalité et son mobile industriel et les camps de concentration penser le totalitarisme dans la formule parfaite énoncée par Hegel au XIXe siècle, c'est-à-dire comme un système reposant sur la foi et sur la raison.

Commentaires

  • Admirable analyse, une fois de plus, mon Lapin. T'as quand même l'air particulièrement en forme. Tu sais, la section misogyne commence à me lasser, trop facile, j'aurais cependant une traductrice potentielle en russe, tant qu'à faire...que veux-tu, t'es le seul que je peux lire encore, tu justifies à toi seul cette ignoble invention internètique hélas, car je te lirais aussi bien dans un journal s'il paraissait ici.

  • C'est ce que je me disais il y a quelques mois, d'autant que c'est assez pénible d'être confondu avec le genre de misogyne comme Nitche, toujours à la remorque des gonzesses en réalité, et complètement inverti.
    - La pédérastie repose largement sur le tabou de l'inceste, dont nul n'a mieux conscience qu'un homosexuel qu'elle est au coeur de la sexualité, et que la politique s'accommode donc de l'inceste et l'organise sur le plan patrimonial : c'est le sens de la fable grecque, dont Marx et Shakespeare sont très proches, mais que Lévi-Strauss, clergyman laïc, trahit complètement - Freud partiellement.
    Le tabou de l'inceste est le fait de la religion laïque dans laquelle nous sommes, pas de la société grecque, ni juive (la descendance d'Adam et Eve est une descendance incestueuse), ni même chrétienne (capable de transgresser l'interdit de l'inceste en cas de force politique majeure) ; parce que la religion laïque/capitaliste, profondément puritaine, refuse de reconnaître son fondement incestueux.

    Mais il paraît quand même important de comprendre l'essence sexuelle profonde du capitalisme et que l'aspiration sexuelle, l'érotomanie, fait partie du tempérament féminin et non masculin. Autrement dit la "religion du sexe" est une religion féministe ; la tendance à sacraliser le sexe n'est pas masculine, au contraire, malgré l'appétit sexuel des hommes. Il y a plusieurs siècles que le prêtre catholique, conçu au départ comme un homme fort à l'imitation du Sauveur, s'est mué en femelle complaisante qui se projette dans l'avenir.
    Un exemple : mon paternel me dit que le R.P. Bruckberger osa écrire naguère dans "Le Figaro" : "Le capitalisme, c'est la vie", incapable de comprendre que cette vie-là ne va pas sans la mort et qu'elle n'est par conséquent pas chrétienne. C'est le rôle du prêtre de Bel que ce Bruckberger joue là.

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