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Dialogue avec l'Antéchrist

La fortune critique de Nitche est étonnante. Le "pape François" le cite curieusement dans sa récente encyclique ("Lumen fidei").

L'incohérence de la pensée de Nitche sur de nombreux points, en particulier sur le point de son incapacité à démêler clairement ce qui relève de l'évangile et ce qui relève de la tradition chrétienne, cette incohérence s'explique du fait que cette pensée est un volontarisme, et que comme toute volonté ou vitalité, elle a des hauts et des bas. En quelque sorte, Nitche n'écrit que pour lui-même. Et on peut le dire de tout artiste moderne "nitchéen".

Il ne fait aucun doute que la principale cause de la fortune critique de Nietzsche, en quoi son satanisme antimoderne est adoubé par les parangons de la moraline post-moderne de gauche ou de droite, est la mise en valeur par Nietzsche de l'instinct bestial. Voilà qui est propre à satisfaire le goût de la chair humaine, aussi bien du Shylock démocrate-chrétien que de l'athée rationaliste blasé, revenu de tout sauf des rentes de son capital.

Le problème qui nous occupe est celui de la récupération de Nitche par des chiens démocrates-chrétiens. Les francs suppôts de Satan ne me tiendront pas rancune de dire de Nitche qu'il est satanique, ainsi qu'il l'écrit noir sur blanc. Il est un passage où Nitche écrit que les chrétiens, du fait de leur dieu, n'aiment pas la science ; j'aimerais leur prouver le contraire, en mettant Nitche et Hitler dans le même panier, celui des suppôts de Satan de 2nde classe. 

"(...) cela impliquerait, en effet, un jugement net sur Jésus lui-même ; or, à cet égard, les jugements de Nietzsche demeurant ambigus malgré une sympathie évidente (entretenue, de plus, par une identification inconsciente qui éclatera à l'occasion de la crise de folie, où Nietzsche signera ses billets du nom, très révélateur, du "crucifié").

Jean Granier, Nietzsche, PUF.

Donc dans les presses universitaires de France, on peut écrire que l'antéchrist a de la sympathie pour Jésus-Christ. Et c'est de la science.

"Ce saint anarchiste, qui appelait le bas peuple, les réprouvés et les "pécheurs", bref les tchandala à l'intérieur du judaïsme, à se soulever contre l'ordre établi - et ce, s'il faut en croire l'Evangile, dans un langage qui, aujourd'hui encore, vous conduirait tout droit en Sibérie - c'était un criminel politique -, dans la mesure où le crime politique était possible dans une société apolitique jusqu'à l'absurde.

C'est cela qui le mena à la Croix : à preuve, l'inscription sur la Croix. Il est mort pour sa propre faute. Aussi souvent que l'on ait pu affirmer le contraire, rien n'indique qu'il soit mort pour les fautes des autres." (F. Nietzsche ; in : L'Antéchrist)

Donc, en substance, Jésus de Nazareth était un agitateur politique qui, à ce titre, méritait la mort. Ce faux-cul de Claudel a tenté la théorie non moins probable de la sympathie de Ponce-Pilate pour Jésus-Christ. Le motif du diplomate Claudel (la bassesse humaine est résumée dans le terme de "diplomatie") est clair : il s'agit d'atténuer le machiavélisme du procurateur romain. Nietzsche exprime qu'il n'aurait pas éprouvé le besoin de "s'en laver les mains", mais qu'il se les serait salies volontiers. Pour ce qui est de la sympathie, ledit Granier met sans doute sous ce terme ce qu'il entend lui-même par là.

Nietzsche reprend à son compte le soupçon que font peser les juifs sur le Christ. Les évangiles ne sont pas anarchistes au sens de Ravachol, Lénine ou Ben Laden. Ni les apôtres, ni Paul ne font d'effort pour instaurer un régime communiste ou une démocratie pour ceux que Nitche qualifie avec mépris de "ratés de la vie". Le nihilisme ou la culture de mort démocratique n'ont rien de chrétien.

Le délire de persécution signalé n'a rien à voir avec la crucifixion ; pas même dans les termes où Nietzsche la conçoit. Plus probablement Nietzsche souffrait comme les misanthropes du manque de reconnaissance sociale. Et la nature ou la vie, qui est la cause la plus évidente de persécution, n'est pas forcément tendre, y compris avec ceux qui chantent ses louanges. 

 

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