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Conte de Noël

Noël est un peu la vitrine de la société occidentale. C'est la fête du calendrier catholique romain dont le mobile païen réel est le moins bien caché, depuis que la fête des rogations ou les diverses cérémonies pour faire tomber la pluie sur les plantations sont tombées en désuétude.

Tel qui connaît mal l'histoire de l'Occident et le christianisme, mettons un brahmane hindou pour prendre le culte satanique opposé, ne doit pas s'attendre à trouver le christianisme et les chrétiens en Occident autrement que sous la forme discrète. Le dieu des chrétiens est un dieu "caché", disent certains, pour traduire qu'il est étranger à l'ordre naturel et aux lois qui en découlent. A ce dieu caché correspond un culte discret, mais néanmoins tenace, résistant au temps et au tourbillon d'opinions qui forme la science moderne.

Le christianisme véritable perce de temps en temps le verglas de la culture occidentale officielle, sous la plume d'un poète, dont la peinture de l'Occident comme une bête monstrueuse et sinistre choquera ses contemporains, en même temps que cette peinture paraîtra, avec le temps, d'un réalisme extra-lucide. On pourrait citer quelques-uns de ces poètes par siècle. Ou bien ce sera un saint, qui ne pratiquera pas la charité pour le besoin de la paix sociale, mais au contraire comme un défi à la nature et le meilleur moyen d'échapper au destin. Comme la charité échappe aux outils d'analyse modernes, là encore ses contemporains seront étonnés par cette disposition du chrétien à n'exister que dans le vide juridique, là où il ne devrait y avoir en principe personne.

Je me souviens que lorsque j'étais lycéen, on parlait pas mal d'une secte chrétienne, d'origine américaine, qui prétendait revenir aux origines du christianisme, celui des catacombes, ce qui est aussi une façon de mettre toute la culture occidentale entre parenthèses. Cette secte ou cette petite Eglise a depuis été rattrapée par des histoires de moeurs et elle a échoué dans sa volonté de revenir aux sources, parfaitement théorique. Je n'en ai jamais fait partie, car les bonnes femmes y étaient trop nombreuses, et que la première préoccupation d'une bonne femme est de s'adapter à son époque, et de gober tous ses préjugés comme des vérités éternelles. On le voit bien dans les évangiles, et donc le christianisme originel : les bonnes femmes sont beaucoup trop concentrées sur les questions sociales pour comprendre le Messie qui dénonce la vanité des affaires et des doctrines sociales.

Le christianisme "primitif" est donc marqué par la dissidence et le caractère antisocial des évangiles et des apôtres, d'une part. D'autre part, ce christianisme dit "primitif" n'a jamais cessé d'être, à côté d'apparences et d'illusions trompeuses. En effet l'Eglise chrétienne, contrairement aux institutions humaines, n'est pas régie par le temps ou la mort. Aucun comportement social particulier ne permet de distinguer le chrétien, et ce n'est pas en revenant aux moeurs supposés plus purs des proches du Messie que l'on rejoint cette Eglise, sans lien avec la terre que la parole divine.

Ce qu'il est difficile pour un brahmane hindou de comprendre, c'est la fonction de cette culture occidentale officielle, dite judéo-chrétienne, qui insulte la culture de vie païenne et diffuse sa nécrophilie dangereuse à travers toute la terre : à quoi sert ce masque, en quoi consiste la culture occidentale au sens large, qu'elle soit confessionnelle ou non, dont la signification est historique, et que les évangiles désignent comme l'antéchrist ?

Pourquoi l'Occident, qui ne témoigne d'aucun respect pour Satan, l'ignore et le maltraite contrairement aux brahmanes, a-t-il néanmoins hérité des attributs de sa puissance sidérante, qui n'aurait pas dû échoir à des peuplades hyperboréennes lunatiques et impies ? Cela le brahmane ne peut pas le comprendre, car l'histoire est comme une blessure profonde et énigmatique dans le système solaire, invisible au brahmane.


Commentaires

  • Une figure très respectée des brahmanes est celle des sâdhu, qui eux se désolidarisent de la société en plusieurs points. On peut les distinguer des moines au sens où ils ne font pas parti d'une institution. Leur but ultime est de casser le cycle des réincarnation, ce qui tant à prouver qu'en dernière instance, leur spiritualité s'éloigne du paganisme, même si la culture indou en est remplie.

  • Je dirais plutôt que le paganisme, à l'inverse du christianisme, ne répond pas à une logique individuelle. Consciemment ou inconsciemment, par antichristianisme ou par bêtise, on dissout le christianisme dans la doctrine sociale, dans l'édification d'un ordre politique chrétien qui défie doublement la raison païenne et la logique chrétienne.

    Tandis que le paganisme, lui, ne comble pas pleinement une démarche individuelle authentique (je ne parle pas ici, bien sûr, du relativisme de l'homme occidental moderne, vecteur de criminalité extraordinaire) ; il n'est pas fait pour l'exception, mais pour la règle commune.
    Ainsi l'amour n'a pas de place dans le paganisme, ni sous la forme du sentimentalisme dévoyé, ni sous celle d'une force divine, extérieure à la nature vivante. Généralement la notion païenne la plus haute de l'amour est l'amitié, parce qu'elle exclut le sexe. Donc la démarche solitaire et individuelle entraîne sans doute vers les limites ou les confins de la foi et de la raison païennes, comme un chemin de montagne mène à un sommet très ambigu, qui représente à la fois un dépassement de soi et une impasse.
    - A ce point d'individualisme, on peut être tenté comme Nitche de fixer une limite à la science ou à la raison humaine, plus ou moins arbitraire, comme un tabou, ou bien au contraire vouloir la dépasser et ne pas se contenter de la musique de l'éternel retour.

  • Et l'idée de Bacon qui est que l'on triomphe de la nature qu'en s'y soumettant... l'est pas un peu païenne la dernière partie de la phrase ?
    Je crois que du moment où il tend à casser le cercle, l'indouisme comporte quelque-chose de véritablement "chrétien". Pourquoi est-ce que la force divine extérieur à la nature ne serait-elle pas de l'amour pour certains yogis ? L'état de transe qu'ils recherchent peut-être, ce qui tiendrait plus de la recherche de l'effet que celle de l'amour véritable.

  • La seconde partie "sent le paganisme" car Bacon s'oppose ici à une conception médiévale abstraite du combat chrétien - celle qui sert de socle à l'éthique judéo-chrétienne moderne, qui n'est pas chrétienne mais platonicienne.
    L'idéologie et l'art humain, le langage, sont des réalités anthropologiques ou culturelles, qui n'ont pas de consistance naturelle : il est naïf de croire que l'on peut triompher de la nature ainsi, dit Bacon, et il est mensonger de la part des philosophes chrétiens de faire croire que le christianisme propose de briser ainsi le cercle. Contre la culture médiévale, Bacon affirme d'une manière dont on a du mal à mesurer le danger aujourd'hui, que le christianisme n'est pas une religion philosophique, et que la conduite vertueuse entraîne seulement l'illusion de triompher de la nature.

    - Pour revenir à ta remarque sur l'hindouisme, un qui n'est ni brahmane, ni chrétien, mais s'efforce pourtant de "briser le cercle", c'est Aristote, qui défait la théorie de la relativité avant qu'elle n'ait été inventée, et conçoit qu'envisager la nature sous le seul angle du rapport que l'homme entretient avec elle ne fournit qu'une explication lacunaire. J'en reviens à ce que je disais auparavant : le paganisme n'a pas une vocation individuelle, cependant cette aspiration est dans l'homme, non pas seulement à vivre, mais à tenter de comprendre pourquoi. Nitche, par exemple, place l'art au-dessus de la science, ayant compris que la quête scientifique n'est d'aucun profit dans l'ordre humain. Il ne dit pas seulement : Jésus n'est pas ressuscité, mais aussi : la métaphysique, c'est de la foutaise.

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