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Preuve de dieu (3)

"Le suicide prouve dieu" : cet élément de preuve avancé par Jacques Léopardi a le mérite, contrairement au pari et aux pensées confuses de Pascal, de mettre à jour le véritable sens antisocial du message évangélique.

L'idée que le suicide prouve dieu est propre à choquer un païen, n'importe quel tenant d'une quelconque "culture de vie" ; elle a de quoi scandaliser la plupart des Italiens, qui de par leurs mères ont une bite à la place du cerveau. L'honnêteté particulière de Mussolini fut de ramener l'élan commun italien sous les emblèmes de la Rome antique démoniaque. Son imbécillité particulière fut de n'avoir aucun sens de l'histoire, et d'ignorer que le paganisme est condamné dans les temps modernes à revêtir l'apparence chrétienne. Il est condamné à une telle apparence par Satan lui-même. Ceux qui ont quelques notions de la stratégie militaire comprendront comment Satan agit, et qu'il n'est pas utile que ses militants aient une conscience claire du plan d'ensemble. Satan s'oppose à la pleine conscience par l'homme de ses actes par le biais de la science morale (retenez cette phrase, et méditez-la, car elle permet de reconnaître la milice de Satan, y compris la plus dangereuse qui porte un masque chrétien). Les païens qui ne comprennent pas pourquoi Satan les a abandonnés, et la culture de vie n'est plus ce qu'elle était, du temps du culte de Déméter, et pourquoi la puissance de feu est entre les mains d'Occidentaux veules et efféminés, ces païens doivent comprendre que la tactique de Satan est celle de la terre brûlée, et qu'ils font tout simplement les frais de cette tactique.

Pour actualiser le propos de Léopardi, et mieux le comprendre, on pourrait dire que "La théorie du genre prouve dieu". En effet il ne s'agit pas pour Léopardi de recommander le suicide comme la voie du salut, mais d'indiquer que la vie, dont la volonté humaine découle, étant dépourvue de logique, n'a pas une origine divine mais porte bien la marque du péché originel. L'homme est doué de la capacité de s'opposer au droit naturel, autant qu'il est capable de s'y plier, et cela suffit à justifier les métaphysiciens de dénier à la science physique la capacité de rendre compte à elle seule de l'univers, puisque la biologie n'est même pas capable d'expliquer la raison humaine ou sa détermination propre. Il n'est pas plus fou de se suicider que de vivre pour mourir et s'exposer ainsi en vain à la souffrance. L'homme est moins doué pour le bonheur que le cochon, en dépit des efforts de la bourgeoisie pour l'imiter - mais malgré cette infériorité sociale, l'homme n'en conduit pas moins les porcs à l'abattoir, et non l'inverse. Si l'homme est un loup pour l'homme, pourquoi Darwin expédie-t-il les lettres les plus niaises et sentimentales à sa régulière ? Pour prouver qu'il a le tempérament d'un petit veau, qui aime comme on tète ? Pour prouver que la faiblesse est le propre de l'homme ?

Bien sûr Léopardi parle ici du suicide comme une solution contre la souffrance et la condition humaine, et non comme un dernier recours ou une impasse. Contrairement à Pascal qui oppose un dieu abstrait aux dieux païens physiques, Léopardi a conscience que le christianisme ne se nourrit pas de preuves ou de paris, puisque le christianisme est une religion révélée.

Contrairement à Léopardi, Bacon, voire Aristote ou Homère, la théologie de Pascal, qui en réalité n'est qu'une propagande, s'expose à la preuve contraire que le dieu dont le christ Jésus révèle la présence n'est qu'une vue de l'esprit humain, selon la formule mathématique ou juridique. Si d'ailleurs l'antichrist Nitche apprécie Pascal, c'est parce que ce dernier conforte sa théorie selon laquelle il n'y a pas d'autre loi que la loi naturelle de l'éternel retour, et que l'art abstrait est pure négation de la réalité physique, qui ne crée rien d'autre qu'une bulle spéculative. Le dieu des chrétiens n'est rien d'autre pour Nitche qu'une perspective truquée, un millénarisme dangereux maquillé en promesse d'avenir radieux ou de progrès social - l'espoir des faibles, puisque les forts vivent au présent, qui est le temps de la jouissance et du meilleur rapport avec la nature vivante. Léopardi, lui, s'abstient d'une démonstration de dieu à l'aide du moyen rhétorique le plus humain ; il se contente de remarquer que la volonté contraire à la vie et à l'instinct prouve que la psyché humaine n'est pas seulement régie par des lois physiques, et le prouve d'autant plus chez un homme de bonne volonté.

La métaphysique et la mythologie antiques rendent d'ailleurs compte d'une conscience de la métaphysique des anciens bien plus proche de la pensée de Léopardi que de l'antiquité postfabriquée par Nitche. La théologie antique a d'ailleurs aussi récusé par avance le perspectivisme pascalien, qui part de l'homme et finit nécessairement par revenir à l'homme, de sorte que l'athéisme moderne a frappé la tête des élites occidentales comme un boomerang lancé par les médiocres théologiens du XVIIe siècle, inventeurs du providentialisme chrétien le plus insane, car un paganisme qui ne dit pas son nom.

 

 

 

 

Commentaires

  • Moi qui aime à penser que seuls les suicidés perdent leur temps, voilà une lecture qui met en relation quelques noms n'évoquant pas pour moi d'innombrables autres. Un peu d'air frais dans le jugement ordinaire. Point de vue fort intéressant. Ca me rappelle les bûchers de Faite, je n'y étais pas mais je jurerais qu'il ont certainement abordé le sujet avant de s'y mettre.

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