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L'imposture laïque

J'entends un laïc athée se plaindre que les religions, musulmane, chrétienne, juive, etc. le dérangent parce qu'elles sont une insulte à la raison.

D'une certaine manière c'est une bonne chose dans ces temps de spéculation intensive, de politiques hasardeuses et de nombres irrationnels, que cette défense typiquement française de la raison. Bon, le type ne dit pas si sa raison est celle du plus fort, la raison d'Etat, ou bien encore une autre ? Personnellement je préfère le terme de bon sens à celui de raison ; le bon sens qui permet aux Français de se méfier unanimement de leurs hommes et de leurs femmes politiques, pas franchement des exemples d'athéisme puisqu'ils se disent tous de bonne foi.

Et ne parlons pas de R. Descartes, père fondateur allemand de la raison raisonnante française, qui a largement ouvert la porte à l'hypothèse scientifique, au lieu de la certitude expérimentale, et qui était persuadé que l'âme est une glande cervicale. D'ailleurs Descartes n'a pas voulu exclure la religion, mais seulement que les questions de science et les questions de religion soient traitées séparément, tout en sachant qu'elles peuvent difficilement l'être (tout ça est un peu confus, mais je rappelle que Descartes n'était pas français).

Mais surtout mon plaignant, pour qui la religion insulte la raison, affirme tout haut ce que les tenants de la laïcité dissimulent habituellement, à savoir qu'elle n'est pas un principe de neutralité. On peut blasphémer contre la raison, et donc contre la laïcité. La laïcité situe la raison au-dessus de la religion. La raison vise à réduire la superstition, à moins qu'on ne veuille garder sa raison pour soi, et dans ce cas le principe de laïcité est parfaitement inutile ; pourquoi ne pas laisser plutôt cours à la libre-pensée ? D'ailleurs c'est bien mal connaître les doctrines athées les plus avancées que de croire qu'elles sont neutres et peuvent elles-mêmes se plier au principe de laïcité. La laïcité n'est donc pas un principe raisonnable, c'est un principe ubuesque, dépourvu de fondement juridique, scientifique ou religieux, qui débouche directement sur le principe totalitaire de la garantie des libertés publiques par l'Etat.

La réalité du principe de laïcité, c'est que c'est un décret d'inviolabilité de la morale publique édictée par les élites françaises. La chasse aux sectes ? Elle n'empêche pas les jeunes Français de s'enrôler dans l'armée française, où sont appliquées des méthodes d'embrigadement typiquement sectaires. On ne peut pas accorder foi aux philosophes démocrates-chrétiens qui fournissent leur caution au principe de laïcité : pour un strapontin dans la République, un fauteuil à l'Académie, une chaire à la Sorbonne ou le commandement d'une place-forte militaire, ils seraient prêts à tous les parjures, même les plus astucieux. Ces démocrates-chrétiens font une concurrence déloyale à tout le monde - aux serviteurs de la raison d'Etat républicaine, en même temps qu'aux véritables chrétiens qui expriment la moins intime des convictions possibles qu'on ne peut servir deux maîtres à la fois.

Avocats de la laïcité, soyez sérieux deux minutes. Le devoir religieux actuel n'est plus tant d'aller à la messe que de se rendre à la boulangerie acheter des oeufs de Pâques, ou d'être vêtu de façon sexy, c'est-à-dire de consommer ou d'être consommé (si vous êtes en bas de l'échelle). C'est à peine s'il reste assez de prêtres pour assurer la mission touristique de mise en valeur du patrimoine ! Les Français regardent la télé, ils vont au cinéma, ils sont largement affranchis des vieilles litanies et des vieux dogmes. A la limite, s'il n'y avait plus un seul chrétien, plus un seul musulman, plus un seul juif pour incarner la superstition, vous ne seriez plus aussi rassurés sur le fait que vous êtes dotés de la raison et des Lumières.

Donc c'est faire bonne mesure de prévention contre la superstition en prohibant la publicité commerciale dans l'enceinte des écoles et des lieux publics. Cela indique que la raison se situe au-dessus de la superstition. Mais peu de religions s'opposent à une telle sobriété. Et puis cette précaution est aussitôt défaite par la presse, la télévision, qui n'hésitent pas à s'affirmer aussi laïques que l'institution scolaire.

Enfin pour se placer du côté de la raison, c'est-à-dire plus ou moins de la science, même si le terme reste assez vague et semble parfois dangereusement recouper l'éthique, contre la religion, il faut avoir lu les textes saints de telle ou telle religion ; or beaucoup de tenants de la laïcité ne l'ont pas fait, ou bien s'en remettent à d'autres pour le faire, voire pensent que le christianisme a un quelconque rapport avec cet autre article de foi qu'est la démocratie, dont tout le monde parle, mais que personne n'a jamais vu.

 

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