Les jeunes révolutionnaires trotskistes ou anars qui manifestent pour réclamer la démission de Sarkozy sont présentés par les médias comme étant “dangereux” ; certains osent même remarquer que l’extrême-droite n’est pas aussi dangereuse… Faut pas déconner, dans quelle pays de vieilles rombières est-on ? Que ceux qui n’ont jamais voulu faire la révolution, que ceux qui n’ont jamais castagné un peu les CRS, que ceux qui n’ont jamais été tentés de foutre le feu à un cabriolet, de confectionner un cocktail Molotov, que ceux-là leurs jettent la première pierre…
Il m’est arrivé de me retrouver face-à-face avec ces anarchistes, notamment dans des manifs contre la loi libérale sur l’avortement de S. Veil. Ils sont parfois armés de barres de fer et de billes de plomb, ces anars, et les jurons volent toujours bas, mais j’aime mieux cette franchise, je préfère ça à tous ces démocrates-chrétiens ou ces sociaux-démocrates qui s’en lavent les mains devant leur poste de télé.
A-t-elle l’air d’une militante anarchiste ou même féministe, Madame Veil, cette conscience nationale embaumée de son vivant, lorsqu’on la voit dans sa salle-à-manger, avec son service en porcelaine de Gien ou de Nevers, ses belles nappes brodées, son domestique nègre et les journalistes qui viennent poliment la confesser ? Pas le moins du monde, elle ressemble à une vieille grand-mère bourgeoise à qui on donnerait le bon Dieu sans confession. Ne pas se fier aux apparences.
Le vrai danger, plutôt que cette poignée de jeunes puceaux surexcités en manque d’idéal et qui rêvent d’en découdre avec la police de Sarkozy, ça serait pas plutôt cette France féminisée, vieillie, qui sursaute au moindre coup de poing ? Qui écoute ENCORE Johnny Halliday, qui n’a plus pour seul idéal que son taux de croissance et la survie des pandas de Birmanie…
Là encore on se dit que deux ou trois degrés celsius de réchauffement climatique ne suffiront pas à opérer la sélection naturelle qui s’impose.
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Menus plaisirs
La soirée électorale d’hier offrit de menus plaisirs mesquins, comme celui de voir Laurent Fabius contraint par Renaud Donnedieu de Vabres de reconnaître Johnny Halliday comme un grand artiste. Le pire, c’est que c’est sans doute, en effet, le nom de Johnny Halliday qui restera dans les manuels d’Histoire pour représenter notre “ère”.
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Si comme le disent les journalistes empressés à rallier le camp du vainqueur, pour ceux qui avaient fait le mauvais calcul, la victoire du clan Sarkozy évoque celle, “historique”, du clan Mitterrand en 1981, alors les futurs cocus étaient nombreux à se trémousser hier dans la rue au son du bal musette électrique.
Cette méprise des journalistes tient au fait que 1981 représente bien une victoire pour les médias et toute leur corporation ; mais, a posteriori, ce sont les seuls ou presque qui peuvent s’en réjouir. Pour les autres, l’échec du mitterrandisme est patent. La méprise des journalistes est plus exactement du mépris. Lorsque le chanteur Rachid Taha ose dénoncer le grand bluff politico-publicitaire que fut la création de SOS-Racisme par la gauche caviar sous Mitterrand, le sarkozyste Marc-Olivier Fogiel lui intime l’ordre de se taire. Rien de plus logique.
Faut pas oublier de féliciter Roger Hanin non plus, car s'il y a un type qui s'y connaît en politique, c'est bien lui ! -
Casino royal
Comme on dit : « Rien ne va plus, faites vos jeux ! »
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Un peu de fraîcheur
Cette Allemande, Ludwika Forssbohm, c’est marqué sur son bonnet de bain, elle aura du mal à trouver un partenaire sexuel. La garce, elle me met quinze mètres dans la vue sur cinquante ! C’est souvent comme ça avec les Allemandes, elles sont surentraînées, surpuissantes. S’accoupler avec une gonzesse plus musclée, je crois qu’il n’y a pas beaucoup de mecs qui souhaitent ça, c’est pas très naturel. Et vice-versa, le nageur rapide et taillé en V attire plus les regards des femelles qui font semblant de nager. Pourtant elle n’est pas laide, Ludwika ; il lui reste la solution pour se reproduire de dénicher un champion de triathlon ou de violer un mec pas assez costaud pour lui résister dans les vestiaires.
Depuis le temps que j’écume les piscines municipales en quête de sensations, je crois que je peux établir une typologie…
Le petit peuple des piscines - les bourgeois fréquentent plutôt les clubs privés hyper-hygiéniques -, est primitif et assez varié. Je crois que le point commun, c’est qu’on n’a pas peur de se foutre à poil. Si on faisait un sondage : « Croyez-vous à la résurrection des corps ? », je crois qu’il y aurait plus de réponses positives dans cette population particulière.
Je dis ça, mais c’est peut-être parce que je suis influencé par une nouvelle sous-espèce que je viens de découvrir : le couple de nageurs chrétiens - barboteurs, devrais-je dire. Lui, mal rasé et trapu, porte une large croix de bois autour du cou en toutes circonstances, y compris celle-ci. Au moins il est sûr de ne pas couler. Il pousse par les pieds sa dulcinée, d’une maigreur d’ascète, pour lui apprendre à faire la planche. Ils ont tout à fait l’air d’un couple qui applique la méthode Billings de régulation des naissances par examen des glaires vaginales.
Sinon il y a des codes vestimentaires assez réduits, forcément, mais quand même. Le bikini est réservé aux nunuches, et il y en a plus qu’on ne croit ! Lorsqu’il est rose avec des paillettes, ça mérite un clin d’œil. Il faut de très petits tétons pour pouvoir nager convenablement en bikini.
Dans le même genre ostentatoire, cependant beaucoup plus rare, il y a le maillot une pièce noir, façon “James Bond girl”, complètement ridicule mais qui en impose quand même par son audace et l’extravagance du décolleté géométrique ; à condition que la “James Bond girl” sache autre chose que la nage du petit chien.
Le genre “sportif” est le plus classique. Mais il y a des gonzesses un peu distraites qui sont visiblement là pour faire autre chose, de la chasse sous-marine ou du modern-jazz trempé.
Personnellement je n’aime pas trop celles qui nagent avec des palmes, c’est conçu pour se modeler des jambes impeccables, mais en attendant ça n’est pas très gracieux.
En ce qui concerne la mode homme, le bonnet en latex aux couleurs d’un club sportif est ce qui se fait de plus distingué, mais il faut pour le porter un crawl assorti, bien rythmé et sans trop d’éclaboussures, faute de quoi on passera pour un vulgaire frimeur.
En fait, le “moule-bite” est de rigueur. Les petits shorts serrés ridicules sont faits pour cacher qu’on n’a pas de couilles ou qu’on a un champignon dans l’entrecuisse ; bref, c’est réservé à “Paris-plage” ou aux clubs privés.
Comme tous les lieux publics, à commencer par les bibliothèques publiques, la piscine attire pas mal de cinglés. Un type bâti comme un gorille qui fait des pompes dans tous les coins, y compris entre mes guiboles, court dans la flotte au lieu de nager, dispose un petit assortiment de boissons énergétiques au bord du bassin, dont il avale une lampée tous les cinquante mètres en se signant, avant d’aller prendre une brève douche froide et de revenir. Celui-là faudrait pas trop le pousser pour qu’il se mette sur une bouée, au milieu, et fasse la circulation avec un sifflet. Ou encore ce fier descendant d’Apache ou de Cheyenne, qui nage exclusivement sur le dos, entre deux eaux, avec des gants palmés, et qui invective quiconque ose l’effleurer, et en revanche se confond en excuses lorsqu’il chatouille quelqu’un…
Évidemment les nageurs éprouvent un mélange de pitié et de condescendance pour les pauvres filles plus ou moins ratatinées qui font de l’“aquagym” et qui empiètent sur leur espace vital. Brasser de l’eau ne vaut guère mieux que brasser de l’air. Aucun mâle ne s’intéresse à elles, excepté un moniteur qui est payé pour ça.
J’ajoute que le nageur n’a pas beaucoup de prédateurs en dehors du technicien de surface qui se goure dans le dosage du chlore et intoxique les individus les plus malchanceux.
Sur le sujet de la piscine je suis intarissable ; les terriens ne peuvent pas comprendre. -
Troisième mi-temps
Le “réalisateur” du débat présidentiel souligne a posteriori une différence essentielle. Sur le plateau, Ségolène et Arlette Chabot trouvaient qu’il faisait trop froid, tandis que Sarko et PPDA, au contraire, trouvaient qu’il faisait trop chaud. Ce qui tend à confirmer certaines de mes hypothèses sexistes.
Une autre leçon à tirer, c’est que ce réalisateur soi-disant professionnel s’exprime dans un français assez approximatif, qu’il avoue n’avoir à peu près rien entendu au débat, tant il était concentré sur les images ; il fait ce parallèle inévitable avec le football et se dit de la même manière incapable de dire quel a été le score d’un match qu’il a “réalisé”.
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Un problème très “contemporain”, en outre, et Sarkozy qui est un type plus futé que la moyenne en a tenu compte au cours de sa campagne à la télé, c’est l’excès d’esprit. Il n’est plus permis dans notre société d’être brillant, cela passe désormais pour de la goujaterie, voire de la méchanceté. Un candidat comme Le Pen peut atteindre suivant les circonstances dix, quinze, vingt, trente pour cent - qui sait ? -, séduire une frange de la population par des mots d’esprit cinglants, une rhétorique qui ridiculise le système oligarchique en place, mais la grande majorité est effrayée par ce style. D’où les simagrées, qui ne sont pas tellement dans sa nature, mais que Sarkozy est obligé de faire lorsqu’il s’adresse aux électeurs ou à Ségolène, pour ne pas paraître trop fachiste, ou trop viril… au risque de passer pour un "mou du gland" ou un velléitaire aux yeux de certains, ce qu'il est probablement moins que la moyenne.
Bien sûr, on en veut moins aux femmes aujourd’hui de faire preuve d’esprit, cette qualité virile dont elles ont été privées pendant des siècles, paraît-il (Dans le domaine des sciences sociales comme des sciences naturelles, méfions-nous des idées reçue ; j’ai dit que je préférais madame Royal et ses tailleurs, mais j’aime encore mieux la Sévigné et ses lettres.) -
Vieux débats
Il paraît que les vieux débats présidentiels entre Mitterrand et Giscard, Chirac et Mitterrand, sont parus en dévédés ; et même que certains de ces débats sont joués au théâtre ! Il y a des vicelards, quand même… Rien de plus conventionnel en effet qu’un débat entre deux finalistes à la présidentielle, sauf une finale de la coupe du monde de football, peut-être.
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Je suis frappé, ce soir, dans le métro, par le nombre croissant de citoyens qui voyagent avec un i-pod dans l’oreille ou un casque sur le crâne. C’est le peintre lyonnais Chenavard qui voit dans la suprématie simultanée de l’industrie et de la musique un signe de décadence. -
Vulgarités
Il y a dans mon quartier pas mal d’immigrés et de fonctionnaires. On est donc majoritairement favorable à Ségolène et on ne se prive pas de le clamer, à une semaine de la finale, sur des estrades improvisées, dans des haut-parleurs grésillants, en empruntant des mines et des poses de circonstance au cinéma d’art et d’essai.
De fait, il y a tellement peu d’enjeu dans ces manifs qu’on dirait les figurants d’un film de Godard ou de Lellouch ; d’ailleurs il y a un type qui a la tête de bourgeois abruti de Michel Piccoli ; une autre avec la trogne de bourgeoise mal baisée de Catherine Breillat me regarde d’un œil vachard.
Tout ça est d’une vulgarité extrême, mais il faut bien que je passe par là pour faire mes courses.
Il y a bien aussi quelques sarkozystes qui tentent timidement d’écouler leurs publicités sur le marché ; on les laisse libre de le faire. Mais par ce temps chaud et sec, les grands-mères qui votent massivement pour Sarko ont préféré rester au frais plutôt que de descendre dans la rue pour soutenir leur chouchou.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que les supporteurs de gauche n’aiment pas perdre… Ils battront le rappel jusqu’au dernier moment. Et si c’est Sarkozy qui l’emporte, requinqués par des congés payés plus ou moins bien mérités, mauvais joueurs comme ils sont, ils l’attendront au tournant, à la rentrée, en septembre, pour lui dicter leur politique dans la rue sur des banderoles et des pin’s. Ils ont fait plier Juppé en quelques semaines, Villepin en quelques jours, pourquoi pas balayer Sarko ou Fillon ? C’est une conception un peu trotskiste-léniniste, “tempérée”, de la démocratie, qu’ils ont, mais c’est quand même moins bête que d’avoir foi dans le système.
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Ma mère me demande conseil au téléphone. Elle paraît un peu étonnée qu’après lui avoir conseillé de voter Le Pen, je lui conseille de voter pour Ségolène, ce coup-ci. Je sens même un peu d’irritation dans sa voix, elle ne trouve pas ça très logique :
« - Mais s’il y a une logique dans ces élections, elle n’est pas individuelle ! Voter pour Le Pen au premier tour, c’était voter pour le style, le subjonctif imparfait, les citations en vieux françois ; voter pour Ségolène, c’est encore voter pour le style, relativement à Sarkozy, je plaide. Surtout ne te fie pas aux idées, les idées c’est fait pour les imbéciles !
- Mais, je croyais que tu étais misogyne ? Une femme président, ça ne te gêne pas ?
- Mais Ségolène n’est pas une femme, maman, Ségolène c’est quelqu’un d’exceptionnel ! »
Je suis un peu vexé, sans doute, que ma propre mère prenne ces choses-là au sérieux.