Pour ma part j’ai presque honte de me prévaloir d’appartenir au camp des vaincus. Ça n’a pas de sens, mais comme catholique, ayant moins subi les effets culturels de l’évolution sociale que la moyenne de mes compatriotes, l’esthétique et la morale démocratiques me sont forcément étrangères.
Il y a bien des démocrates-chrétiens qui se sentent proches de Sarkozy, mais c’est probablement pour des raisons fiscales, et parce qu’avec leur sens aigu de l’exégèse, les démocrates-chrétiens déduisent qu’il faut bien vivre avec son temps ; comme dit Maritain lui-même dans Le Paysan de la Garonne, ceux qui se réclament de la démocratie chrétienne nuisent souvent plus à l’Évangile qu’ils ne le portent…
Si le vocable n’était pas déjà pris par des philosophes verbeux, je dirais qu’en tant que chrétien, je ne peux qu’être “altermondialiste”.
À propos d’altermondialisme et de vote chrétien, je suis tombé dans l’hebdomadaire Famille chrétienne sur cette interviou du “jeune” cardinal de Lyon, Mgr Barbarin : celui-ci tient des propos assez incongrus. De la part d’un ecclésiastique, se démarquer des idéaux matérialistes que l’oligarchie au pouvoir met en avant, avec une citation de Jaurès autour du paquet, ça paraît le minimum, mais si je ne savais pas déjà qu’on enseigne Kant et Heidegger dans les séminaires français (?!), j’aurais sans doute pensé que Mgr Barbarin avait “fumé sa barette” avant !
Premier point, je cite : « Si, par exemple, je cautionne un système économique qui fait qu’il y a des milliers de gens dont la vie est menacée, je porterai devant Dieu la responsabilité de leur mort. Cela touche l’industrie de l’armement (…) » On croit rêver ! Barbarin en est resté aux vieux mythes hypocrites soixante-huitards, “Faites l’amour, pas la guerre” ; d’ailleurs beaucoup des idéalistes “baba cool” de Mai 68 travaillent aujourd’hui dans les médias, indirectement pour le compte de l’industrie de l’armement.
C’est toujours la même rengaine, l’Église de France est toujours prête à brandir de jolis slogans humanistes, mais lorsqu’il s’agit d’agir dans des domaines où son action politique pourrait être efficace, c’est la débandade, il n’y a plus personne. Dans le cas de l’avortement, Mme Veil en a témoigné elle-même dans un bouquin, à sa grande surprise a-t-elle écrit noir sur blanc, les autorités de l’Église catholique sont restées sans réaction devant sa loi libérale. Cette réaction nette de la part de l’Église, on l’attend toujours. Laissez à la sacristie vos slogans hippies ringards, Mgr Barbarin !
Secundo, à juste titre Benoît XVI a fait remarquer récemment que l’objection de conscience, dans un monde capitaliste occidental marqué par le matérialisme et justifié par un évolutionnisme absurde, l’objection de conscience risque de s’imposer dans des situations toujours plus nombreuses comme la seule attitude catholique au plan individuel : « Non possum ! »
Et qu’est-ce que Mgr Barbarin prend comme exemple d’objection de conscience catholique ? Le vote blanc… Comme si voter c’était agir. Quoi qu’on en pense, le refus de se soumettre à la conscription exigea à une certaine époque du courage, de même le fait, aujourd’hui, pour une élève-infirmière catholique ou musulmane de refuser son affectation pour un stage dans un avortoir public. Voter ou ne pas voter, c’est un acte nul, un geste spéculatif qui n’engage pas la responsabilité, ni en bien ni en mal. Il faut être bien idéologue pour ne pas voir la vanité de ce système électoral, et qu’il recouvre des mécanismes politiques et économiques beaucoup plus complexes.
La preuve de la supercherie, c’est que Mgr Barbarin glose pour tenter de définir la ligne de conduite qu’un chrétien doit avoir face au vote, sans recommander de voter pour tel ou tel candidat. Si un cardinal français n’est pas capable lui-même de donner une consigne de vote aux élections en indiquant ses raisons chrétiennes, c’est bien qu’on est dans la plus pure subjectivité et que son système philosophique est inopérant. Mgr Barbarin ne se moquerait-il pas un peu du peuple avec ses sermons ?