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  • Marx et Satan

    Je me suis procuré sur un site de vente de bouquins d’occase en ligne un titre amusant : Karl Marx et Satan. L’opuscule date des années soixante-dix et il est rédigé par un pasteur yanki, Richard Wurmbrand, qui entend prouver que Marx n’est autre qu’un suppôt de Satan.

    J’y apprends que le premier ouvrage pondu par le jeune Marx s’intitule : Union du fidèle au Christ.

    La démonstration du pasteur est assez simple : étant donné que le communisme n’est pas le christianisme, et vu qu’on ne peut servir deux maîtres, Marx ne peut être inspiré que par Lucifer himself. Cqfd. Après tout pourquoi pas ? Moi-même je ne suis pas loin de penser que les démocrates-chrétiens, serviteurs de deux religions, la démocratie et le christianisme, adorateurs d’une part de l’Etat laïc, et d’autre part de Dieu, sont perfides si ce n’est bifides. L’épanouissement de nombreuses sectes satanistes aux Etats-Unis, modèle de théocratie laïque, la part de satanisme dans le folklore de ce pays, viennent compléter ma thèse.

    *

    La collection de preuves de l’éducation chrétienne de Marx et de son ami Engels ne trouble pas mon pasteur, au contraire, il en rajouterait même plutôt : un suppôt de Satan qui ne croit pas en Dieu, ça ne se fait pas. On n’est pas très loin ici des accusations de satanisme lancées parfois par les démocrates-chrétiens à l’encontre de Baudelaire.

    Je ne peux que tenir pour nulles et non avenues les preuves manifestement inspirées par le puritanisme de l’auteur : Marx avait les cheveux excessivement longs et il buvait beaucoup de vin.

    Je ne résiste pas au plaisir de citer ici un extrait d’un poème pie de Frédéric Engels :
    « Jésus-Christ, Seigneur, Fils Unique de Dieu,
    Daigne descendre de Ton trône des cieux
    Pour venir sauver mon âme.
    Descends avec toutes tes bénédictions,
    Toi, Lumière de la Sainteté du Père !
    Permets que je Te choisisse.
    Oh ! qu’elle est aimable, belle sans ombre de tristesse,
    La joie avec laquelle, ô Sauveur,
    Nous faisons monter vers toi notre louange. »


    Même Mauriac n’aurait jamais osé écrire un truc pareil ! Il avait trop de respect humain. Pas plus qu’on n’imagine Mauriac distribuer son pognon avec largesse à ses amis, comme Engels fit.

    Et pas mal de perles encore dans cette brochure où Darwin, Mai 68 et même Giscard-d’Estaing sont évoqués.
    Mais la meilleure, à mon sens, c’est le patronyme de l’auteur lui-même : Wurmbrand. Lorsqu’on porte un telle blaze, qui peut se traduire par “La marque du serpent”, on prend un pseudo pour écrire sur le satanisme de Marx.

  • Et soudain le bonheur

    Ingriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiid !

    Et soudain le bonheur, quand on ne l’attendait plus, après l’élimination douloureuse de l’équipe de France de football.

    Difficile quand on a un peu de cœur de rester insensible à cette explosion de ferveur médiatique ! Les Anglais ont brûlé Jeanne, mais les Colombiens n’ont pas eu la vierge de Bogota. Quelle belle victoire de la démocratie sur le communisme, contre le combat d’arrière-arrière-arrière garde des FARC, comme dit Jean-Pierre Elkabbach qui a le sens de la modernité.

    Les Parisiens, qui ont pourtant la réputation d’être des gens froids, seront nombreux sur le parvis de l’Hôtel de Ville à onze heure à se rassembler pour entonner des hymnes de joie.

    Je coupe la radio. Dans la rue, le train-train quotidien ne semble pas trop changé par cette bonne nouvelle. L’effet de surprise, sans doute.

  • Marx, le retour ?

    Il paraît que les Français, sur le plan économique, sont en train de devenir marxistes. Ils redoutent une crise boursière ou un krach pétrolier majeur et ça freine leur élan. Diantre !

    Pour parer à cette mauvaise humeur, l’expert-comptable Elie Cohen est dépêché dans les médias pour prêcher la bonne nouvelle libérale. Certes, dit-il, l’économie connaît de nombreux krachs, cinq en cinq ans, mais au bout du compte l’économie ne s’en porte que mieux, le volume des transactions ne cesse de croître tout compte fait.

    Je ne peux m’empêcher d’observer que le libéralisme, comme le jansénisme, a un caractère miraculeux. L’expression de “manne pétrolière” est significative. Dieu veille sur le monde capitaliste comme il a veillé sur le peuple juif au cours de sa traversée du désert.

    Bien sûr les chiffres et les courbes d’Elie Cohen ne prouvent rien sur le plan économique. Le volume des transactions boursières n’est pas un indicateur fiable de “santé” économique. Ce n’est pas parce qu’on vit au-dessus de ses moyens qu’on est riche. Les véritables bilans économiques sont historiques et non pas comptables, a posteriori et non a priori.
    Plus généralement les soi-disant économistes libéraux réfutent Marx sur la plus-value ou l’argent en arguant que l’équation de Marx comporte des failles, qu’il n’a pas pris en compte certaines inconnues. Alors que l’effort de Marx est précisément de démontrer que l’argent, le travail et la plus-value ne peuvent pas se mettre en équations mathématiques, que la loi de l’offre et de la demande n’est pas une loi mais une vue de l’esprit réductrice.
    Théoricien du “marketing” et prophète de son développement outrancier, Marx est le premier à indiquer que la valeur d’un bien est soumise à des variations qu’il est impossible de mesurer précisément.

    *

    Le raisonnement totalitaire kantien est conçu de telle façon qu’il évacue la réalité.
    L’exemple de fiasco algébrique le plus célèbre, ce sont les extrapolations de Malthus. Sur lesquelles Darwin repose. Il ne serait pas difficile de démontrer que le racisme national-socialiste, comme la morale laïque antiraciste actuelle, sont fondées sur des calculs mathématiques qui n’ont rien de scientifiques.
    Malgré leur nullité, Malthus, Darwin et Kant continuent de régner dans l’université et les médias laïcs et capitalistes.
    (Là encore on retrouve Pascal et ses probabilités insanes.)

    *

    L’apôtre Guy Sorman procède d’une façon encore plus primaire pour démontrer la supériorité économique du capitalisme. Il évacue systématiquement de son raisonnement les guerres qui ont ensanglanté l’histoire de la société industrielle depuis le XIXe siècle. Les historiens ont pourtant bien montré que la concurrence industrielle a joué un rôle majeur dans le déclenchement des conflits naguère, comme elle en joue un dans ceux qui se préparent.
    La prolifération nucléaire fait avant tout peser une menace sur l’économie yankie. Les Etats-Unis ont-ils vraiment le choix de faire la guerre ou pas à l’Iran ? S’ils ne la font pas, ils perdront leur monopole nucléaire ; s’ils la font, ils risquent de prouver une nouvelle fois leur impuissance militaire. La solution intermédiaire qui consisterait à faire bombarder l’Iran par Israël comporte elle aussi un danger énorme.
    Hitler voyait bien les conséquences que la rupture du pacte germano-soviétique pourraient avoir, il était au fait des déboires de Napoléon ; mais l’annexion des champs de pétrole russes était une nécessité pour l’industrie allemande, gourmande en matières premières comme en main-d’œuvre.

    La diabolisation de Hitler et de Staline, la glorification simultanée des gentils capitalistes yankis ou gaullistes, toutes ces histoires qu’on enseigne aux enfants dès le plus jeune âge au lieu de l’histoire réelle n’ont pas pour but la pacification des esprits mais la justification des entreprises destructrices capitalistes. Sans les industriels et les banquiers allemands, pas de Hitler ; sans la guerre de 14-18 pas de Lénine. Les soviétiques n’ont pas inventé le lavage de cerveau.

  • Relecture

    D’une poubelle du métro, je sors La Voix, l’organe de liaison des communautés catholiques de Neuilly ; un vieux numéro remontant à la semaine sainte. “Il est plus difficile à un habitant de Neuilly d’entrer au Royaume des Cieux qu’à un chameau de passer par le chas d’une aiguille…”
    Je plaisante… En couverture, le programme : “De racines communes, deux branches sont nées.” et en-dessous, pour illustrer ce propos novateur, un arbre (un figuier ?) cerné par les deux lettres “C” pour christianisme et “J” pour judaïsme. Voilà une lecture des Évangiles propre à rassurer le bourgeois ! Déjà Flaubert s’inquiétait du caractère révolutionnaire de Jésus.

    J’imagine la tête des vieux clercs jansénistes que Simone Weil consultait lorsqu’elle leur suggérait qu’il fallait purger le christianisme de ses racines juives ! Y aura-t-il un jour de nouveau des gonzesses comme Simone Weil ? Je l’espère. Ça nous changerait de toutes ces grenouilles de bénitier laïques ou démocrates-chrétiennes.

    Force est de constater, primo, que l’amalgame entre le christianisme et le judaïsme passe par le luthéranisme ou le jansénisme, “l’augustinisme” en général. Le verbiage anthropologique et pseudo-scientifique de Freud ne vient-il pas en grande partie de saint Augustin ? Sainte Monique n’est-elle pas la parfaite “mère juive”, toujours soucieuse des intérêts de son fils, et rien que de son fils ?

    Deuxio, force est de constater que cet amalgame n’a pas débouché sur une meilleure entente entre juifs allemands et luthériens allemands, mais au contraire sur la concurrence la plus barbare entre eux.
    Simone Weil, plus voltairienne, plus française que Sartre, ne pouvait que conclure radicalement à l’opposé.

    Plutôt que d’écrire sur Bernanos, Bloy ou Claudel, on aimerait que les métèques à la solde du Figaro se mêlent de ce qui les regarde : informer des cours de la Bourse, du dernier navet cinématographique à regarder en couple ou en famille, ou de préparer la guerre contre l’Iran.