Je suis entré récemment dans un temple dont les murs étaient presque entièrement recouverts d'"ex-voto", ces petites plaques gravées que l'on offre à Dieu pour le remercier d'avoir exaucé tel ou tel voeu. J'en suis ressorti en ayant eu l'impression de visiter un temple dédié à Satan - dont on nierait à tort la grande générosité. C'est bien un effet de la puissance que de se montrer généreux.
Je suggère plutôt l'aumône aux personnes démunies, car le Messie nous a assuré que ce que nous faisons au plus petit d'entre les siens, c'est à Lui que nous le faisons. Il y a donc dans l'aumône un moyen sûr d'entrer en relation avec Dieu. C'est sans doute une excellente prière que celle d'un homme laborieux qui, ajoutant un peu à son labeur, en offre le fruit à une personne démunie.
J'avoue ici avoir toujours été gêné par la prière - disons à cause du flou artistique qui entoure cette pratique, commune à toutes les religions ; il y a même dans l'art, son exercice ou sa contemplation, une forme de prière qui supplée chez certaines personnes athées la prière adressée à un dieu ou à un démon.
Jésus-Christ lui-même, en comparaison d'un moine bouddhiste, prie peu. Dans une prière fameuse au domaine de Gethsémani, peu de temps avant son assassinat, Jésus-Christ prie son Père d'éloigner de lui le calice des supplices qui l'attendent... prière qui ne sera pas exaucée.
La fréquentation de la parole de Dieu, retranscrite par ses apôtres, est sans doute un moyen plus sûr d'entrer en relation avec dieu et de ne pas se laisser subjuguer par Satan. Je ne peux m'empêcher ici de penser que la prière a été pendant longtemps un pis-aller, une méthode proposée aux croyants dont l'accès à la parole divine était limité, du fait de l'illettrisme ou d'un labeur excessif. D'une certaine façon la faiblesse humaine semble justifier la prière.
Simone Weil s'est efforcée de préciser la prière en la définissant à peu près comme l'effort pour être attentif et se concentrer ; la prière est liée chez Simone Weil à la condition de la solitude. On peut trouver cette définition de la prière assez sèche, mais elle a le mérite de distinguer la prière d'une forme de transe collective en usage dans certaines tribus païennes ou sectes démoniaques. On parle ici d'une disposition de l'esprit implicite quand on fréquente la parole de dieu ; mais les artistes recherchent aussi la solitude et le silence afin de pouvoir s'adonner à leur art.
La prière correspond donc à un besoin humain ; on voit Jésus-Christ s'irriter violemment contre les offrandes faites à son père qui n'en réclame pas. Quelle sorte d'homme voudrait, par la prière, s'attirer la colère de dieu ?
Comme je considère le manque d'esprit comme ma principale faiblesse, je ne manque pas de prier régulièrement l'Esprit de dieu de m'en accorder un peu plus ; il me répond que les évangiles contiennent assez d'esprit pour satisfaire l'appétit le plus grand en cette matière.