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prière

  • Pas de prières pour la paix !

    Je réagis aux exhortations que j'ai pu lire ici ou là, venant de prêtres chrétiens, exhortations à prier pour la paix au Proche-Orient. Non ! Ce qu'il faut, c'est agir pour la paix et non prier.

    Quand Jésus-Christ prie-t-il ? Il a prié lorsque, ne pouvant empêcher les pharisiens de le poursuivre pour l'assassiner, il a demandé à son Père d'éloigner, si possible, la coupe du sacrifice (Mt, 26).

    Jésus prie pour rendre grâce à Dieu, mais c'est un homme d'action. Le Messie ne cesse d'agir pour la paix. Il ne s'en est remis à la volonté de son Père que pour son propre sort.

    Il ne faut sans doute pas chercher plus loin la cause de l'acédie des religieux cloîtrés, tournés exclusivement vers la prière.

    Si les églises se sont vidées en Europe au cours des deux derniers siècles, c'est très largement parce que les chrétiens ont renoncé à l'action au cours de cette période, pour se cantonner à la dévotion. Des religions séculières, répondant au besoin d'action des hommes, ont remplacé le christianisme.

    "Aide-toi et le Ciel t'aidera." Cette exhortation vaut mieux que le confinement dans la prière. Aussi pure soit-elle, la Foi ne sauve personne, sinon elle serait un billet de loterie gagnant.

    La Foi délimite le cadre de l'action. Mais comme l'action de l'homme s'inscrit dans le temps, l'homme trébuche et déborde sans cesse ce cadre, comme quelqu'un qui ne sait pas lire une carte topographique.

    Comment agir pour la paix ? Le plus grand pasteur des temps modernes, Shakespeare, montre que la guerre est le produit du chaos. Il n'y a rien de plus humain que de s'en remettre au chaos ou au hasard : ainsi la barbarie est-elle liée à une sorte de fatalisme, de mécanique.

    Ne pas contribuer au chaos est par conséquent un moyen d'agir pour la paix. Shakespeare a montré, en outre, illustrant les paroles de Jésus-Christ, que le verbe, le langage humain, est la principale contribution de l'homme au chaos - c'est pourquoi il est prudent de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler.

    On constate à quel point la logorrhée des politiciens de tous bords, au cours du XXe siècle, a joué le rôle de mèche enflammant les masses populaires, pour les conduire à la guerre. Pour les moins abrutis par la culture de masse ambiante, le langage politique est même devenu symbole de duplicité. Et, de fait, quel historien honnête, à la suite de George Orwell, ne reconnaîtra pas que le discours politique, au XXe siècle dans lequel nous sommes encore englués, est entièrement conçu pour tromper, méduser, violer les consciences ?

    Si, au lieu de prier en signe d'impuissance, certains chrétiens s'abstenaient de grossir la clientèle des démagogues, ils seraient de meilleurs artisans de paix.

    Combattre le mensonge est encore un moyen efficace de contribuer à la paix. Si Shakespeare est le plus grand pasteur, c'est sans doute parce qu'il a le mieux décrit l'erreur chrétienne qui consiste à croire que l'on peut repousser Satan en dehors de sa maison en l'aspergeant d'eau bénite ou en sculptant des gargouilles aux quatre coins cardinaux. De cette façon, le moine finit par invoquer le diable sans même s'en rendre compte. Pour ma part, la première fois que j'ai croisé Satan, c'était dans un lieu de culte chrétien, au milieu d'une foule qui se croyait à l'abri.

    C'est encore Shakespeare qui explique que Satan, le Dieu du mensonge, se dissimule aux yeux des chrétiens sous les traits d'une idole nommée Providence.

  • De la prière

    Je suis entré récemment dans un temple dont les murs étaient presque entièrement recouverts d'"ex-voto", ces petites plaques gravées que l'on offre à Dieu pour le remercier d'avoir exaucé tel ou tel voeu. J'en suis ressorti en ayant eu l'impression de visiter un temple dédié à Satan - dont on nierait à tort la grande générosité. C'est bien un effet de la puissance que de se montrer généreux.

    Je suggère plutôt l'aumône aux personnes démunies, car le Messie nous a assuré que ce que nous faisons au plus petit d'entre les siens, c'est à Lui que nous le faisons. Il y a donc dans l'aumône un moyen sûr d'entrer en relation avec Dieu. C'est sans doute une excellente prière que celle d'un homme laborieux qui, ajoutant un peu à son labeur, en offre le fruit à une personne démunie.

    J'avoue ici avoir toujours été gêné par la prière - disons à cause du flou artistique qui entoure cette pratique, commune à toutes les religions ; il y a même dans l'art, son exercice ou sa contemplation, une forme de prière qui supplée chez certaines personnes athées la prière adressée à un dieu ou à un démon.

    Jésus-Christ lui-même, en comparaison d'un moine bouddhiste, prie peu. Dans une prière fameuse au domaine de Gethsémani, peu de temps avant son assassinat, Jésus-Christ prie son Père d'éloigner de lui le calice des supplices qui l'attendent... prière qui ne sera pas exaucée.

    La fréquentation de la parole de Dieu, retranscrite par ses apôtres, est sans doute un moyen plus sûr d'entrer en relation avec dieu et de ne pas se laisser subjuguer par Satan. Je ne peux m'empêcher ici de penser que la prière a été pendant longtemps un pis-aller, une méthode proposée aux croyants dont l'accès à la parole divine était limité, du fait de l'illettrisme ou d'un labeur excessif. D'une certaine façon la faiblesse humaine semble justifier la prière.

    Simone Weil s'est efforcée de préciser la prière en la définissant à peu près comme l'effort pour être attentif et se concentrer ; la prière est liée chez Simone Weil à la condition de la solitude. On peut trouver cette définition de la prière assez sèche, mais elle a le mérite de distinguer la prière d'une forme de transe collective en usage dans certaines tribus païennes ou sectes démoniaques. On parle ici d'une disposition de l'esprit implicite quand on fréquente la parole de dieu ; mais les artistes recherchent aussi la solitude et le silence afin de pouvoir s'adonner à leur art.

    La prière correspond donc à un besoin humain ; on voit Jésus-Christ s'irriter violemment contre les offrandes faites à son père qui n'en réclame pas. Quelle sorte d'homme voudrait, par la prière, s'attirer la colère de dieu ?

    Comme je considère le manque d'esprit comme ma principale faiblesse, je ne manque pas de prier régulièrement l'Esprit de dieu de m'en accorder un peu plus ; il me répond que les évangiles contiennent assez d'esprit pour satisfaire l'appétit le plus grand en cette matière.