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louis veuillot

  • Pourquoi Shakespeare ?

    Léon Bloy (1846-1917) est l'auteur de pamphlets virulents contre la bourgeoisie en général et la bourgeoisie catholique en particulier, dont les mondanités le révulsent ; ces mondanités chrétiennes attestent du règne de Satan sur les esprits et les coeurs.

    La presse catholique ("L'Univers" et son directeur Louis Veuillot) est la cible de Bloy, qui lui reproche d'entretenir cet esprit mondain, contraire à la Foi et la Charité. Lui-même journaliste, Bloy rêve d'une presse catholique plus combative, mais son style pugnace heurtait la susceptibilité de ses confrères et du milieu littéraire.

    Le rôle du journaliste chrétien selon Bloy est de confronter l'actualité, du fait divers jusqu'aux événements politiques majeurs, à la révélation chrétienne, autrement dit l'apocalypse, récit prophétique du recul du monde et ses actionnaires face au progrès de la Vérité divine.

    Cette définition du journalisme correspond assez à "l'entreprise Shakespeare" ; Shakespeare a l'audace de raconter le choc d'une violence inouïe entre la volonté humaine et la Vérité divine, et les répercussions tragiques de ce choc, les convulsions qu'il entraîne, aussi bien dans les pièces dites "historiques" et celles qui ont le caractère de fables ou de mythes.

    Quelques critiques littéraires ont reproché à Shakespeare d'introduire la comédie dans la tragédie et l'altérer ainsi. Cela revient à introduire l'homme du peuple dans un cercle aristocratique, mais aussi à résumer "l'homme moderne" à un personnage de comédie, jouant dans une pièce écrite à l'avance.

  • Journaliste et chrétien ?

    Peut-on être journaliste et chrétien en même temps ? En dehors de la conjoncture même, de la mainmise de l'industrie sur les médias qui l'interdit pratiquement aujourd'hui, force est de constater que c'est un métier incompatible avec le combat aux côtés du Saint-Esprit, combat qui est l'essence du catholicisme, essence bien comprise par Simone Weil qui, Dieu merci, est vierge ou presque de tout "journalisme".

    Cette "somme de journalisme" qu'est Jacques Julliard, observateur obstrué, peut bien essayer de démontrer le contraire, il n'y a qu'un imbécile pour ne pas voir que Simone Weil n'aurait pas "tenu" trois jours dans une "rédaction" au milieu des scribes, qu'elle aurait été virée sur le champ pour excès de pertinence. La vie de Simone Weil elle-même constitue une purge de l'esprit journalistique qui plane sur nos têtes, tel un gaz asphyxiant : gaz hilarant lorsque Obama est élu, gaz irritant lorsque un type inconnu, Williamson dit... dit quoi, au fait ?

    L'actualité est au coeur du métier de journaliste, et l'actualité est synonyme de ce que Shakespeare appelle "temps", ou que d'autres théologiens appellent "le monde". Autrement dit le territoire de Satan, où la Bête de la terre a toute-puissance. (Parlez du diable à un journaliste démocrate-chrétien, il vous regardera avec des yeux de merlan frit ; parlez-en avec un enfant, il pigera tout de suite où vous voulez en venir, ce d'autant plus que les symboles sataniques ont envahi les jeux et les distractions des enfants, passés de la culture populaire yankie à la culture populaire française au cours des dernières décades, avec la complicité du clergé*.)

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    Il y a une tentative importante et célèbre de "journalisme chrétien", c'est l'"Univers" de Louis Veuillot (1813-1883), polémiste catholique souvent imité depuis, rarement égalé, et dont l'organe eût une puissance équivalente à celle d'une chaîne de télévision aujourd'hui.

    Quoi que l'attitude bienveillante du pape Pie X à l'égard de Louis Veuillot puisse laisser conclure, l'entreprise de Louis Veuillot s'est globalement soldée par un échec. L'Histoire donne raison à Léon Bloy, plus que dubitatif sur les velléités de Veuillot de propager la Charité par le moyen de la presse. Bloy permet d'ailleurs de poser le problème comme il faut. Le rapprochement entre l'"actualité" et le "temps", pour éviter précisément d'être emporté par "l'air du temps", ce qu'un journaliste laïc lui-même refuse, oblige en principe un journaliste chrétien à parler de l'actualité dans une perspective eschatologique. Hors de ce cadre, défini par Léon Bloy, le journalisme au sens chrétien est nul et non avenu. Bloy ne se contente pas là de définir un simple "cadre", il fixe un sommet élevé, car il y a bien sûr, de l'eschatologie à la critique des films qui passent à la télé comme un GOUFFRE, que même un abonné à "Famille chrétienne", "Télé-Poche" ou "La Vie" est capable de voir -ou bien c'est que "La Petite Maison dans la Prairie" fait des ravages dans les jeunes cervelles encore plus grands que ce que je crois.

    Et l'échec de Veuillot tient à cela, à ce qu'il n'a pas été à la hauteur de l'eschatologie nécessaire. Ses origines très modestes, sa formation "sur le tas", le climat insurrectionnel dans lequel Veuillot a mûri, toutes ces raisons peuvent expliquer la faiblesse de la critique de Veuillot, historique notamment. Mais ce n'est pas le problème, il ne s'agit pas de condamner les "intentions" de Veuillot mais de juger du résultat, car contrairement à ce que prétend de façon hypocrite saint Augustin, les intentions seules ne comptent pas ; le résultat a, on est bien placé pour s'en rendre compte, une importance très grande. La Bible elle-même prône contrairement à Augustin l'action et son résultat sur les bonnes intentions dont le parvis de l'Eglise est pavé.

    Une précision s'impose à propos de Veuillot et de "L'Univers" : aussi peu avisé fut celui qu'il est convenu de tenir aujourd'hui dans l'Education Nationale totalitaire pour "un méchant réactionnaire", "l'ennemi de Victor Hugo", aussi peu avisé fut-il des mobiles réels du régime de Napoléon III, Veuillot ne fit JAMAIS preuve de l'aveuglement VOLONTAIRE des démocrates-chrétiens actuels, journalistes aux "Figaro", par exemple, quant aux mobiles réels de Sarkozy et de Fillon, dont ils ne se dissimulent d'ailleurs quasiment pas.

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    Puisque ni Bloy ni Simone Weil ne furent "journalistes" au point d'embrasser cette profession et d'en épouser les usages,  y eût-il dans l'Histoire des journalistes "catholiques", c'est-à-dire apocalyptiques ? En dehors de Balzac, de Marx et de Engels, traqués par toutes les polices d'Europe ou presque pour cette raison, je n'en vois pas. Alphonse Allais ? Il s'est contenté de souligner l'absurdité profonde des principes républicains, ce qui n'est déjà pas mal, mais si j'en fais un journaliste "apocalyptique", on va m'accuser de "charrier", alors que j'essaie d'être juste. Villiers de l'Isle-Adam, en revanche, entre dans le cadre, compte tenu de la forme très spéciale de journalisme qu'il pratique. Et j'ajoute Daumier, pour sa façon de peindre le clergé laïc, avocats, magistrats et députés, sous les traits de pharisiens déchaînés, vision assurément apocalyptique.

    Balzac, Marx, Engels, Villiers, Daumier... disons une petite phalange ; maigre recensement.

    *Sur la complicité du clergé dans le satanisme, accusation très grave, je reviendrai ultérieurement comme il se doit, à partir de l'exemple de Jean Guitton.