Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Pourquoi Shakespeare ?

Léon Bloy (1846-1917) est l'auteur de pamphlets virulents contre la bourgeoisie en général et la bourgeoisie catholique en particulier, dont les mondanités le révulsent ; ces mondanités chrétiennes attestent du règne de Satan sur les esprits et les coeurs.

La presse catholique ("L'Univers" et son directeur Louis Veuillot) est la cible de Bloy, qui lui reproche d'entretenir cet esprit mondain, contraire à la Foi et la Charité. Lui-même journaliste, Bloy rêve d'une presse catholique plus combative, mais son style pugnace heurtait la susceptibilité de ses confrères et du milieu littéraire.

Le rôle du journaliste chrétien selon Bloy est de confronter l'actualité, du fait divers jusqu'aux événements politiques majeurs, à la révélation chrétienne, autrement dit l'apocalypse, récit prophétique du recul du monde et ses actionnaires face au progrès de la Vérité divine.

Cette définition du journalisme correspond assez à "l'entreprise Shakespeare" ; Shakespeare a l'audace de raconter le choc d'une violence inouïe entre la volonté humaine et la Vérité divine, et les répercussions tragiques de ce choc, les convulsions qu'il entraîne, aussi bien dans les pièces dites "historiques" et celles qui ont le caractère de fables ou de mythes.

Quelques critiques littéraires ont reproché à Shakespeare d'introduire la comédie dans la tragédie et l'altérer ainsi. Cela revient à introduire l'homme du peuple dans un cercle aristocratique, mais aussi à résumer "l'homme moderne" à un personnage de comédie, jouant dans une pièce écrite à l'avance.

Commentaires

  • Dites Lapinos j'ai une simple question ce coup-ci : est ce que vous connaissez Julius Evola et son livre Révolte contre le Monde Moderne ? Je suis en train de le lire et il m'a l'air assez consistant.

  • J. Evola est un sous-Nietzsche ; sur le rêve de restauration d'un ordre politique aristocratique ancien, je vous conseille plutôt la lecture de "Timon d'Athènes".

  • Bullshit à l'emporte pièce. J.Evola est un anti-nietzschéen, puisqu'il ne parle que de métaphysique, quand Nietzsche conchie toute idée d'arrière monde, et la métaphysique platonicienne en particulier, avant même de s'attaquer aux "fables monothéistes". A ce titre, Evola n'a pas de rêve de restauration, comme en atteste la thèse de "Chevaucher le tigre", qui invite au contraire à pousser la modernité dans ses derniers retranchements sans chercher à ralentir l'inéluctabilité de son développement, et invite tout au plus à se maintenir individuellement (pour la poignée d'êtres qui s'en sentent l'étoffe ou le devoir) dans un aristocratisme d'inspiration traditionnelle. Rien de politique ici, et encore moins de nostalgique. Ceci est d'autant plus évident que la pensée d'Evola est lié à une idée de cycles descendants, et qu'il est aussi bien placé qu'un marxiste pour savoir que l'histoire ne repasse pas les plats, et qu'une restauration n'a dès lors aucun sens, eschatologiquement parlant, faute d'assez d'hommes qualifiés notamment.

  • Je place Nietzsche au-dessus d'Evola en raison de la franchise de son antichristianisme et de son hostilité à la métaphysique et à la science.
    La métaphysique d'Evola me paraît aussi subjective que celle de Platon. Mais j'avoue que je connais mieux Platon et sa métaphysique d'origine égyptienne.
    Nietzsche et Evola ont tout de même en commun l'hostilité à la science darwiniste, que l'on retrouve à l'arrière-plan de toutes les doctrines modernes totalitaires.

  • J'ai quelque peu sauté des chapitres pour voir ce qu'il dit sur le christianisme et il est vrai qu'il utilise des termes peu flatteurs (par exemple que le christianisme est un dionysisme désespéré) donc, que son idéal est clairement plus nietzschéen que chrétien.

    A mon avis, si on veut un témoignage chrétien de valeur, il faut plutôt aller du côté de Tolstoï (notamment Ma religion et Le salut est en vous dispo ici : https://fr.wikisource.org/wiki/Ma_religion_(Tolsto%C3%AF,_trad._Ourousov) & https://fr.wikisource.org/wiki/Le_salut_est_en_vous ) même s'il est un peu vieillot. Il y a aussi du Lapinos dedans je trouve !

  • L'antichristianisme de Nietzsche est clair et net. Cet antichristianisme n'est pas celui contre lequel les chrétiens ont été prévenus par le Messie et les apôtres, qui se développe à l'intérieur des Eglises et des communautés chrétiennes. et qui culmine dans la "grande apostasie", précédant la fin du monde.
    Evola, Maurras (plus connu en France) sont selon moi des "sous-fifres".

    - La civilisation pour un chrétien n'est rien ; le monde n'est pas éternel car les martyrs réclament justice.
    La putréfaction du monde, voilà ce que fait voir Shakespeare, un monde pourri comme la belle pomme que la sorcière offre à Blanche-Neige, et plus il s'efforce de paraître chrétien, plus le monde est pourri.

    Tolstoï était marié, et il faut se méfier des hommes mariés car cela indique leur faiblesse.

  • Ma foi, je crois bien avoir touché juste avec Tolstoï si c'est tout ce que vous avez à critiquer chez lui. Et il est vrai aussi qu'il a un côté nettement moins christique et plutôt opportuniste, libidineux, etc. Si vous voulez en savoir plus, (et avec tout le respect que je vous doit) je vous recommanderais la série de treize épisode que Henri Guillemin à fait.

  • La faiblesse d'un homme n'est pas peu de chose car les hommes faibles écrivent pour se justifier avant toute chose.
    Il faut se méfier des auteurs chrétiens qui veulent améliorer le monde (Tolstoï en faisait partie), car rien ne prouve scientifiquement que le monde soit améliorable, et surtout parce que le monde est synonyme de Satan pour un chrétien (qui a lu les évangiles).
    Si vous cherchez Shakespeare dans son oeuvre, vous aurez du mal à le trouver car son point de vue est extérieur au monde.

  • Bacon(/Shakespeare ?), Marx, Shakespeare(/Bacon ?), Molière même, étaient tous mariés. Méfiance donc...

    Si vous cherchez Shakespeare dans son oeuvre, vous le trouverez dans son mariage ?...

    Psst... Il ne suffit pas d'être antichrétien pour être nietzschéen.

    "Le monde est synonyme de Satan pour un chrétien", pour l'hindouisme, la vie terrestre et le monde sont la "Maya", l'art ou l'illusion cosmique, qui voile l'Absolu et enchaîne l'homme au Monde (de la multiplicité). En islam "La vie d'ici-bas est la prison du croyant et le paradis du mécréant", ("Cette vie d’ici-bas n’est qu’amusement et jeu. La Demeure de l’au-delà est assurément la vraie vie"). Toutes choses contraire à l'idée nietzschéenne selon laquelle " l’apparence [...] est la véritable et l’unique réalité des choses", et « L’art vaut plus que la vérité". Evola est un traditionaliste, assez anti-chrétien, et anti-judaïque , mais certainement pas par nietzschéisme : c'est de manquer de profondeur métaphysique qu'il accuse ces deux "sagesses" , et pas de manquer de "volonté de puissance", de "vitalité", ou "d'art".

  • - Le mariage tardif de Bacon est un mariage de convention. Ceux qui cherchent Shakespeare dans son oeuvre, comme le détective S. Freud, le reconnaissent généralement en Hamlet, ce qui n'est pas tout à fait vrai car Hamlet est un personnage allégorique (quelqu'un qui va au-devant de la Vérité dans un monde qui s'érige contre elle).

    - La "vie terrestre" et "le monde" sont deux choses différentes même si elles sont reliées. Et il n'y a pas "d'au-delà" dans la religion juive, ni dans le nouveau Testament. La déception de l'au-delà, qu'éprouve Achille, laisse penser que Homère est influencé par la spiritualité juive. Homère dément d'ailleurs toutes les théories de Nietzsche sur l'Antiquité, pure du "judéo-christianisme".

    - Je comprends votre explication d'Evola ; cela dit je maintiens que du point de vue chrétien Nitche est plus intéressant, en raison de son satanisme net et assez précis, qui en font une sorte de Judas Iscariote des temps modernes.

  • Il y a bien pourtant un au delà de la vie terrestre dans le nouveau Testament, et c'est le royaume de Dieu, qui n'est pas de ce monde. Quant à l'ancien : "Quand ma peau sera détruite, il se lèvera ; quand je n'aurai plus de chair, je verrai Dieu", mais encore l’Ecclésiaste "Alors la poussière retournera à la terre dont elle vient, et l'âme reviendra à Dieu qui l'a donnée", ou enfin Daniel "Plusieurs de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, et les autres pour l'opprobre, pour la honte éternelle".

    Quant à l'influence juive sur Homère, j'ignore cette piste, mais je crois surtout que ce sont plusieurs influences "traditionnelles" (au sens guénonien) qu'on peut lire chez Homère, bien avant que d'être spécifiquement "juive". A ce sujet (trouvé sur wikipédia) :

    "Georges Dumézil et Mircea Eliade ont relevé des analogies entre le Mahabharata et l,Iliade, entre le Ramayana et l'Odyssée, entre le couple Rāma-Sītā et le couple Zeus-Héra, entre Shiva et Poséidon tous deux porteurs du trident, et même entre les figures du Mahabharata et les dieux du panthéon nordique (dont la mythologie s'articule autour d'une autre eschatologie : le Ragnarök).

    Bien que l'Odyssée ait été rédigée avant le Mahâbhârata rien ne peut indiquer si une œuvre fut postérieure à l'autre puisque chacune remonte à des sources orales plus anciennes. Les nombreuses similitudes soulignées par plusieurs auteurs comme Georges Dumézil ou même N. J. Allen semblent démontrer une source commune.
    « Je suggère que les ressemblances entre elles [les épopées de l'Odyssée et du Mahâbhârata] sont si nombreuses et si précises que, en dépit des différences, les deux peuvent être considérés comme racontant la même histoire. »"

    Votre grille me semble trop centrée sur "l'exceptionnalisme" judéo-chrétien, et à force de vouloir voir l'exception, vous me semblez parfois perdre en route l'essentiel, c'est à dire le contenu métaphysique assez uniforme in fine, et qui, en dehors de querelles terminologique, inclue bien l'idée d'un "au delà" métaphysique du monde, fut-ce vu de perspectives différentes, mais aussi des idées de "salut" assez semblables, une supériorité accordée à la Vérité, un sens périphérique et ambiguë d'éducateur concédé à la morale, etc, toutes choses que l'on retrouve, dans des "visions" plus ou moins dissemblable selon les points de vue traditionnels (Frithjof Schuon dirait : selon l'approche de la "marge humaine" qu'à chaque tradition propre), et dans toutes les spiritualités justifiées. Mais peut être m'éclairerez-vous à ce sujet.

  • - "L'au-delà" définit une métaphysique humaine, semblable aux rêves, qui pour les chrétiens n'est pas divine mais illusoire.

    - Nietzsche a compris ce que Guénon, Dumézil, Jung, Eliade..., n'entendent pas ou font semblant de ne pas entendre. Le judaïsme rompt avec la "tradition", et le christianisme plus nettement encore.
    Et pourquoi Nietzsche l'a-t-il compris ? Parce qu'il a lu les Evangiles, ce dont Guénon semble s'être abstenu.

    - Plutôt que d'exception je parle de "rupture" car c'est ainsi qu'elle est exprimée par le Messie et les prophètes qui l'ont précédé. La fuite hors d'Egypte est l'image juive la plus célèbre illustrant cette rupture avec la religion égyptienne de l'au-delà (célèbre pour son culte des morts).

    - Si j'insiste c'est parce que je traite du satanisme, du combat contre la foi chrétienne, et que le syncrétisme est une de ses modalités les plus anciennes.
    Il s'agit d'une attaque relativement inoffensive tant qu'elle vient d'érudits comme Guénon ou Jung, Pic de la Mirandole, etc. "extérieurs" à la communauté des chrétiens, et qui font penser aux alchimistes persuadés d'avoir trouvé la recette pour faire de l'or. Mais c'est un discours que l'on entend aussi à l'intérieur des Eglises chrétiennes, parfois sous couvert d'oecuménisme, et il est dans ce cas particulièrement pernicieux et les chrétiens le combattent.
    Shakespeare le combat par exemple dans "Roméo & Juliette", jeunes tourtereaux qui se précipitent au devant de la mort en la prenant pour l'Eternité, et qui sont tous les deux animés par une sorte de syncrétisme satanique proche de celui du poète Dante Alighieri.

  • J'entends tout cela, mais je n'en retiens, comme souvent quand je vous lis, qu'une appréciation fort subjective, apologétique pour ainsi dire, et bien moins convaincante à mes oreilles que les études traditionnelles, qui tracent d'amples continuités entre le symbolisme chrétien et le cadre traditionnel lui même, et pour cela s'en réfère à une lecture ésotérique du christianisme.

    "Métaphysique humaine", les mentions que je fais de l'ancien testament ? Si c'est le mot "au-delà" qui vous dérange, prière d'entendre l'esprit plutôt que de se fixer sur la lettre. Une dimension transcendante, est-ce plus clair ? Mais quel est votre instrument pour trier ici le bon grain de l'ivraie, entre une "métaphysique divine", et une "métaphysique humaine" ? Votre expérience de foi ? Qu'est-ce qui prouve que vos conclusions ne sont pas le fruit de quelque atavisme, bien humain ?

    Votre petit ouvrage rose bonbon est-il toujours en vente ? Depuis le temps que je vous exhortais à la synthèse, il faudrait peut être que je songe à vous en acheter un exemplaire.

  • Débat stérile entre nous. L’accusation de subjectivité est celle lancée à l’apôtre Paul par ses ennemis, qui insinuent que Paul « invente un christianisme qui n’est pas celui du Messie. »
    Plus c’est gros, plus ça passe, car de tous les exégètes Paul est certainement le plus solidement ancré, non pas dans la tradition humaine mais dans la Parole divine, dont il ne s’éloigne jamais sans préciser (sur des sujets terre-à-terre comme la famille ou la politique) qu’il émet un simple avis personnel.
    Le seul mot de « tradition » évoque le paganisme pour un chrétien, c’est-à-dire l’Egypte, Pythagore, Rome, Platon, tous les poètes-prêtres du Grand Pan. Il y a bien un plan métaphysique dans ces religions-là, mais il est clairement « temporel » et animiste (si vous cherchez une ligne de rupture nette, l'animisme en est une).

    Ainsi que Shakespeare le montre dans plusieurs pièces, l’impulsion de la fausse métaphysique (Dante Alighieri) est presque toujours sexuelle.

Les commentaires sont fermés.