Peut-on être journaliste et chrétien en même temps ? En dehors de la conjoncture même, de la mainmise de l'industrie sur les médias qui l'interdit pratiquement aujourd'hui, force est de constater que c'est un métier incompatible avec le combat aux côtés du Saint-Esprit, combat qui est l'essence du catholicisme, essence bien comprise par Simone Weil qui, Dieu merci, est vierge ou presque de tout "journalisme".
Cette "somme de journalisme" qu'est Jacques Julliard, observateur obstrué, peut bien essayer de démontrer le contraire, il n'y a qu'un imbécile pour ne pas voir que Simone Weil n'aurait pas "tenu" trois jours dans une "rédaction" au milieu des scribes, qu'elle aurait été virée sur le champ pour excès de pertinence. La vie de Simone Weil elle-même constitue une purge de l'esprit journalistique qui plane sur nos têtes, tel un gaz asphyxiant : gaz hilarant lorsque Obama est élu, gaz irritant lorsque un type inconnu, Williamson dit... dit quoi, au fait ?
L'actualité est au coeur du métier de journaliste, et l'actualité est synonyme de ce que Shakespeare appelle "temps", ou que d'autres théologiens appellent "le monde". Autrement dit le territoire de Satan, où la Bête de la terre a toute-puissance. (Parlez du diable à un journaliste démocrate-chrétien, il vous regardera avec des yeux de merlan frit ; parlez-en avec un enfant, il pigera tout de suite où vous voulez en venir, ce d'autant plus que les symboles sataniques ont envahi les jeux et les distractions des enfants, passés de la culture populaire yankie à la culture populaire française au cours des dernières décades, avec la complicité du clergé*.)
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Il y a une tentative importante et célèbre de "journalisme chrétien", c'est l'"Univers" de Louis Veuillot (1813-1883), polémiste catholique souvent imité depuis, rarement égalé, et dont l'organe eût une puissance équivalente à celle d'une chaîne de télévision aujourd'hui.
Quoi que l'attitude bienveillante du pape Pie X à l'égard de Louis Veuillot puisse laisser conclure, l'entreprise de Louis Veuillot s'est globalement soldée par un échec. L'Histoire donne raison à Léon Bloy, plus que dubitatif sur les velléités de Veuillot de propager la Charité par le moyen de la presse. Bloy permet d'ailleurs de poser le problème comme il faut. Le rapprochement entre l'"actualité" et le "temps", pour éviter précisément d'être emporté par "l'air du temps", ce qu'un journaliste laïc lui-même refuse, oblige en principe un journaliste chrétien à parler de l'actualité dans une perspective eschatologique. Hors de ce cadre, défini par Léon Bloy, le journalisme au sens chrétien est nul et non avenu. Bloy ne se contente pas là de définir un simple "cadre", il fixe un sommet élevé, car il y a bien sûr, de l'eschatologie à la critique des films qui passent à la télé comme un GOUFFRE, que même un abonné à "Famille chrétienne", "Télé-Poche" ou "La Vie" est capable de voir -ou bien c'est que "La Petite Maison dans la Prairie" fait des ravages dans les jeunes cervelles encore plus grands que ce que je crois.
Et l'échec de Veuillot tient à cela, à ce qu'il n'a pas été à la hauteur de l'eschatologie nécessaire. Ses origines très modestes, sa formation "sur le tas", le climat insurrectionnel dans lequel Veuillot a mûri, toutes ces raisons peuvent expliquer la faiblesse de la critique de Veuillot, historique notamment. Mais ce n'est pas le problème, il ne s'agit pas de condamner les "intentions" de Veuillot mais de juger du résultat, car contrairement à ce que prétend de façon hypocrite saint Augustin, les intentions seules ne comptent pas ; le résultat a, on est bien placé pour s'en rendre compte, une importance très grande. La Bible elle-même prône contrairement à Augustin l'action et son résultat sur les bonnes intentions dont le parvis de l'Eglise est pavé.
Une précision s'impose à propos de Veuillot et de "L'Univers" : aussi peu avisé fut celui qu'il est convenu de tenir aujourd'hui dans l'Education Nationale totalitaire pour "un méchant réactionnaire", "l'ennemi de Victor Hugo", aussi peu avisé fut-il des mobiles réels du régime de Napoléon III, Veuillot ne fit JAMAIS preuve de l'aveuglement VOLONTAIRE des démocrates-chrétiens actuels, journalistes aux "Figaro", par exemple, quant aux mobiles réels de Sarkozy et de Fillon, dont ils ne se dissimulent d'ailleurs quasiment pas.
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Puisque ni Bloy ni Simone Weil ne furent "journalistes" au point d'embrasser cette profession et d'en épouser les usages, y eût-il dans l'Histoire des journalistes "catholiques", c'est-à-dire apocalyptiques ? En dehors de Balzac, de Marx et de Engels, traqués par toutes les polices d'Europe ou presque pour cette raison, je n'en vois pas. Alphonse Allais ? Il s'est contenté de souligner l'absurdité profonde des principes républicains, ce qui n'est déjà pas mal, mais si j'en fais un journaliste "apocalyptique", on va m'accuser de "charrier", alors que j'essaie d'être juste. Villiers de l'Isle-Adam, en revanche, entre dans le cadre, compte tenu de la forme très spéciale de journalisme qu'il pratique. Et j'ajoute Daumier, pour sa façon de peindre le clergé laïc, avocats, magistrats et députés, sous les traits de pharisiens déchaînés, vision assurément apocalyptique.
Balzac, Marx, Engels, Villiers, Daumier... disons une petite phalange ; maigre recensement.
*Sur la complicité du clergé dans le satanisme, accusation très grave, je reviendrai ultérieurement comme il se doit, à partir de l'exemple de Jean Guitton.
Commentaires
Dis donc Lapin, c'est quand qu'on pourra le lire, ton fameux bouquin sur Hegel et "l'esthétique" (enfin un truc du genre, je ne me souviens plus, tellement tu causes bien). Tu avais juré de l'offrir à qui trouverait le nom d'Engels - j'avais proposé Balzac. Pas de pot d'un rien, diras-tu justement. En tous cas, éditeur défroqué pour déraison commerciale, je me chargerais gratis de paginer les brouillons. Tu peux bloguer tranquille. L’antiFrance magnifique a besoin de toi. Et aussi l’antigaullisme reviviscent.
Car on s'impatiente, nous autres ouailles oiseuses, on s'émoustille à tous les méridiens : on se débat même dans le sang des Parques, bleu-bites tapinés/tapinant sur le trottoir désolé de cette époque pâle que tu balafres avec plaisir, de tes incisives inusables. Et on te comprend. Le temps mords et jouit sans entrave.
En tous cas, je reste persuadé que tu as l'étoffe d'un grand lyrique : si, si ! D'un Hugo échaudé. D'un Claudel refroidi. D’un magnifique Diogène endiablé par les puces de son chien. D'un bel orphelin catholique, empourpré d’aises justement prises avec les dictionnaires, au frais de nos vieux tonneaux pleins de relents spirituels. Faits divers et leitmotive, algèbres et aspirine : même combat de nègres contre les tunnels fous. Notre membre qui êtes aux cieux, parmi les avaleuses et autres cons sensuels, giclez pour nous.
Lapin, tu es la terreur des vieilles carottes et le radar prévenant des taupes envieuses. Le rouge et le noir à l'assaut du rose et du gris. Ni les galeries branchées de nos bonobos de bobos, ni les godemichés de nos cadres sup en slip ne passeront jamais par nous. En tous cas je l’espère, vieux frère lucide parmi les veaux biscornus de l’abomination polytechnique !
Ah, j'oubliais : Lapin, on te pose, et tu lèves un lièvre.
- Ce bouquin sur Hegel, je vous l'écris et le dédie "hic et ubique", puisque vous le désirez, et pour vous prouver que je ne suis pas lyrique (les romanciers sont des putains, parfois magnifiques, mais des putains) :
. il n'y a que deux penseurs eschatologiques (depuis 1572) : Hegel et Marx. L'un démoniaque, c'est G.W.F. Hegel ; l'autre charitable et inspiré par l'Esprit : Karl Marx. Tout l'effort des "philosophes marxistes", sortes de monstres engendrés par l'Université au cours du siècle écoulé, a consisté à réduire Marx à Hegel, à lui faire parcourir tout le chemin qu'il avait parcouru dans le sens inverse, comme Pénélope détricote son ouvrage pour gagner du temps.
. La "phénoménologie de l'esprit" : voilà Satan, qui ne peut s'incarner, photographié dans le langage ésotérique et orgueilleux de la science laïque, profondément ignorante d'où elle vient et où elle va.
Le "phénomène" est ce par quoi passe la Bête de la Mer pour sidérer ses victimes.
Neptune, les sirènes, Charybde et Scylla... sont autant de démons de la mer en travers du chemin du retour vers Ithaque. La théodicée de Hegel s'achève par la mort d'Ulysse.
C'est un autre critère, puisqu'il ne faut jamais perdre de vue les crabes et les scorpions : Marx et Engels sont du côté des Grecs ; les suppôts de Satan comme la femelle Nitche, forcément du côté d'Illion, la grande Cité, à qui ils remettent leurs esprits.
Il n'y a que deux camps, il n'y en a pas trois. Et les tergiversations de Benoît XVI le rendent extrêmement suspect à mes yeux grands ouverts. Ou c'est un béotien, ce qui revient exactement au même. "La laïcité est une bonne chose, je crois", dit le dernier pape ; il ne croit pas, il doute. Son doute est sa foi. Sortilège !
. Question d'art, le progrès selon Hegel se fait vers la musique. Pour un marxiste, la musique, c'est la guerre. Au contraire ce qu'il y a de plus tribal. Les sorciers laïcs croient deviner de la musique partout, jusque entre les hautes sphères, qu'ils s'imaginent sifflantes, comme le python, par friction. La "phénoménologie" est aussi une "théorie de la musique".
. Pour ne pas que mon petit rouleau paraisse séduisant, je dois encore ajouter ceci : ce qui fait que Karl Marx ou Simone Weil ne s'opposent pas aussi radicalement qu'il faudrait à Hegel, c'est cette lacune : ils omettent de dire que la terre est immobile au centre du monde, omission qui n'est pas chez François Bacon alias Shakespeare, redoutable lancier de la phalange du Saint-Esprit.
. "Ecrire un bouquin ou ne pas en écrire ?", Guitz, pour parler comme le combattant grec d'Elseneur, cerné par les traîtres troyens : "Voilà la question". Seul le glaive compte.
Vous voyez que je ne suis pas le pédant laïc qui, parce qu'il n'a rien à dire, fait des bouquins de douze cent pages (Hegel).
"Heureux ceux qui lavent leurs robes, afin d'avoir droit à l'arbre de la vie, et afin d'entrer dans la ville par les portes ! Dehors les chiens, les magiciens, les impudiques, les meurtriers, les idolâtres et quiconque aime le mensonge et s'y adonne !" Ap. XXII, 14-16
J'observe que Jésus notre Maître fut trahi trois fois par Simon-Pierre à la veille de sa Passion. J'observe aussi que Satan se manifeste dans la Vie de Jésus de deux façons différentes, il paraît lui-même, avant d'influencer les Pharisiens et Pilate, les prêtres et le gouvernement, comme la Bête de la Mer paraît dans l'apocalypse avant la Bête de la Terre.
L'exégèse officielle actuelle de l'apocalypse que je conteste est marquée par l'augustinisme. Y compris un exégète moins "bénin", pour rester poli, et plus ancien comme Césaire d'Arles. J'y reviendrai, mais disons-le brièvement, la source de Hegel est dans Augustin, Bernard de Clairvaux, comme l'a mis en lumière le médiéviste Etienne Gilson. Karl Marx de son côté admet que le matérialisme anglais qui est le sien, même si c'est un peu flou dans sa tête, découle de la science scolastique de Duns Scot.
La difficulté de distinguer le diable du Paraclet comme le souligne le grand théologien "millénariste" Léon Bloy, méprisé des clercs, vient du tour de Satan qui consiste à porter le masque de "Lucifer".
Les signes sont nombreux qui laissent penser que l'Eglise est désormais aux mains de canoniques bâtards. Jusqu'à ces innocents qu'on a laissé massacrer "urbi et orbis" avec une lâcheté étrange.
Il ne paraît pas imprudent d'aiguiser son arme et de se garder des tentures, voiles d'hypocrisie derrière s'abritent les pharisiens.
ah! mais vous êtes d'un matérialisme indécrottable !
vous parlez de l'importance de "l'action" mais c'est de "l'acte" qu'il faut parler, de son symbolisme et de son sens. bien sûr, pour un chrétien la seule fin possible et acceptable est eschatologique, la praxis chrétienne se limitant à l'acte symbolique de la prière méditative , de l'espérance et de la charité.... juger le journalisme chrétien uniquement sur son "action" et ses "résultats" me semble être une entreprise orthodoxe un peu simpliste.
le défit d'un journalisme chrétien serait de concilier dans une approche "historique" des actes, "christianisme" et "marxisme", "symbolisme" et "matérialisme" en faisant naître "le sens" de la même lecture formelle des événements.
La premier périodique la presse française servit à la réclame de la politique étrangère du roi Louis XIV. Tout le journalisme moderne est déjà contenu dans ses origines historiques : la dissimulation, l'omission, la guerre à la Vérité etc.
Sinon c'est moi qui avais gagné le concours, je n'ai donc plus le droit à rien ???!
- Concernant le journalisme je prends Veuillot et "L'Univers" comme exemple et je dis que Veuillot s'est laissé abuser par le régime de Napoléon III, le mobile satanique derrière une bigoterie de façade.
Un journaliste chrétien un siècle après Veuillot qu'est-ce que c'est ? Un menteur qui sait qu'il ment, qui n'a pas les mêmes excuses que Veuillot après Verdun, Auschwitz et Hiroshima. Bien sûr le fait de travailler pour le compte d'une industrie esclavagiste est une circonstance aggravante.
- Bien sûr les millénaristes, ce n'est pas nouveau, sont accusés d'être "manichéens" ; mais derrière le jansénisme de l'Eglise officielle se cache une autre forme de manichéisme bien plus grave, un manichéisme qui se présente sous l'aspect d'un fatalisme. Craignez, Bébert, que le fatalisme ne soit fatal aux fatalistes.
Prenez ce résumé comme une étape, Saddam. Qui sait, si les cris des martyrs se font plus pressants, peut-être n'écrirai-je jamais plus d'une page de ce bouquin sur les fins dernières ? D'où mon empressement.
Dieu sait que le temps n'est pas l'allié des "millénaristes" (Marx, François Bacon alias Shakespeare, Duns Scot...) qui combattent au contraire le "siècle" (Hegel, Hobbes, Bernard de Clairvaux, Augustin...), mais si jamais je peux développer mes arguments scientifiques montrant que la phénoménologie satanique de Hegel dérive des spéculations d'Augustin, je penserai à vous, Saddam.
vous avez raison, un journalisme chrétien digne de ce nom ne peut exister que dans le dépassement de ce jansénisme oncogène de l'espoir organique et phagocyte glouton des doux élans vitaux... Bloy parle de "surmonter son désespoir" et Hello exhorte le chrétien à "s'étonner de tout":
"
Soyez étonnés, et gardez longtemps votre étonnement. Ne le perdez pas en avançant dans la vie. Qu’il soit votre compagnon de voyage. Car le jour où vous le perdriez, il tomberait de votre front une couronne très précieuse qui ne se relève jamais, quand elle est une fois tombée.
On a pris l’habitude de regarder comme une chose toute simple la place qu’occupe l’idolâtrie sur la terre. On apprend dans son enfance que les nations étaient idolâtres. On reçoit cette nouvelle à un âge où l’on n’est pas encore capable de ressentir l’étonnement qui lui serait dû ; et l’on se souvient de cette nouvelle à un âge où l’on n’est plus capable de ressentir la stupeur qu’elle mérite. Entre ces deux âges, pour beaucoup d’hommes, il n’y a pas d’âge intermédiaire..
"
oui le déterminisme et la prédestination alimentent l'inconscient "démocrate-chrétien" et participent au développement tumoral de l'infâme nihilisme ambiant.
la souffrance était un terreau plus propice à l'espoir, maintenant l'ennui est le ferment du renoncement.
"(...) le matérialisme est tout naturellement le fils de la Grande-Bretagne. Déjà Duns Scot, son scolastique, s'était demandé 'si la matière ne pouvait pas penser'."
Karl Marx (in : "La Sainte Famille", chap. VI)
- Au moment où il rédige "La Sainte Famille", Marx n'a pas encore pigé que le matérialisme n'est pas "le fils de la Grande-Bretagne" comme il dit, mais bien plutôt de la science astrologique ; c'est exactement la même erreur qui va le conduire à "surestimer" le XVIIIe siècle, qui, par rapport au XVIIe siècle "réagit" plutôt qu'il ne le "révolutionne". Ainsi Voltaire défend-il Newton contre Descartes, sans voir que Newton est tout aussi nul que Descartes, si ce n'est plus. Mme du Châtelet et Maupertuis, "informateurs" de Voltaire, ne sont pas plus au fait de cela.
Quoi qu'il en soit, un siècle plus tôt, le jeune Marx est plus avancé dans la connaissance du matérialisme et de ses prolégomènes que le vieux Joseph Ratzinger ne l'est aujourd'hui, ce qui en dit long sur la branlette auquelle on s'adonne dans les séminaires et pourquoi on continue de s'étriper encore aujourd'hui sur le conciliabule de Vatican II.
Qu'il y ait des abrutis (Hadjadj du "Figaro") qui érigent les téléfilms yankis au niveau de la théologie, je vois dans ce phénomène satanique une preuve de la très grande spiritualité qui règne aujourd'hui dans l'Eglise.