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mythe

  • L'Homme moderne

    La coutume veut chez les imbéciles depuis Adam d'obtempérer quand une femme exprime tel ou tel désir, que cette femme soit sa mère ou bien sa compagne.

    Si j'ose résumer ce désir féminin d'après mon expérience, je dirais qu'il se porte vers un objet rassurant. C'est sans doute pourquoi il y a peu de femmes dans le sillage de notre Sauveur Jésus-Christ, tandis que les femmes se pressent afin d'écouter les sermons de prêcheurs catholiques les plus insignifiants possible - la signification représente une menace pour l'âme, et le mensonge généralisé que les médias modernes se font un devoir de garantir, a un office consolant.

    La méfiance juive du piège tendu par les femmes est peu répandue de nos jours. Les mahométans qui proposent d'appliquer cette méfiance au plan social font fausse route, pour la simple et bonne raison que l'accomplissement d'un plan social correspond à l'expression du désir féminin, gouverné par la recherche du moindre risque. Derrière l'idéal social, quel qu'il soit, on retrouve un idéal sécuritaire, et derrière l'homme moderne socialiste, Hitler par exemple, Dino Buzzati fait bien de nous montrer malicieusement l'influence maternelle dans un petit conte.

    Sans l'angoisse commune qui les soude, les sociétés totalitaires modernes se décomposeraient et, si le terrorisme ou la menace extérieure n'existait pas, il faudrait l'inventer. A vrai dire, la culture totalitaire engendrant la lâcheté afin de répondre à un besoin politique, les sociétés totalitaires sont menacées d'implosion.

    F. Bacon fait le rapprochement entre le mythe d'Adam et le mythe grec qui décompose Adam en deux figures, Epiméthée et Prométhée. Le premier, Epiméthée, est la version d'Adam imbécile, se précipitant dans le piège tendu par la femme à pieds joints. Et Bacon de souligner que cette imbécillité est le gage d'un plus grand bonheur pour les individus épiméthéens. Prométhée, lui, ne tombe pas dans le panneau, figurant un type d'homme supérieur plus agité, affairé à trouver des réponses aux questions que la condition humaine pose, et s'exposant ainsi à jouir moins.

    "L'homme moderne" peut se définir comme le compagnon idéal de la femme, une sorte d'Epiméthée, que la propension à trouver dans les réponses toutes faites fournies par la religion du moment rend plus soumis, et par conséquent l'homme idéal dans le cadre d'un régime oppressif (Bien sûr l'abolition de la différence sexuelle dans la culture occidentale fait que l'inversion peut se produire, et des hommes incarner le conformisme socialiste aussi bien que des femmes.)

    La boucle est donc bouclée. L'homme épiméthéen par sa tiédeur et son mobile anthropologique représente la contradiction radicale du chrétien ; tandis que la femme-appât publicitaire représente la contradiction radicale de l'épouse du Christ, emblème d'un amour humain purifié de la déviation des sens et de la chair, c'est-à-dire l'incarnation de la vengeance de l'homme contre son démiurge.

     

  • Dans la Matrice

    Le psychanalyste Carl Jung souligne à juste titre que le rejet de la mythologie par le monde moderne est une cause de trouble mental. De fait l'art moderne le plus débile se distingue par l'ignorance de la mythologie, vis-à-vis de laquelle il se croit émancipé. L'opinion particulière acquiert ainsi une valeur supérieure au raisonnement plus général, et l'individualisme est de cette façon réduit au narcissisme, à savoir son contraire, sous prétexte de "libération" de l'individu.

    Ce que Carl Jung ne dit pas, ou pas assez, c'est l'extraordinaire moyen de domination que la culture de masse ou l'art moderne, vecteurs de folie, constituent pour les élites capitalistes occidentales. A travers l'art et les prétendus artistes modernes, qui ne sont en réalité que des kapos pour la plupart, en charge d'une mystification culturelle dont le message essentiel est l'éloge sournois de la faiblesse.

    Ce que Carl Jung occulte en outre, et que le point de vue chrétien extérieur à la culture ou à l'anthropologie permet de voir, c'est qu'il n'y a pas une seule mythologie, mais deux.

    C. Jung est conforme au plan universitaire typique du XIXe siècle pour réduire l'art et la mythologie à leur vocation anthropologique, et tenter ainsi d'étouffer la mythologie juive ou chrétienne, qui porte en elle la condamnation à mort de l'art et de l'anthropologie.

    Ne cessons pas de le répéter jusqu'à la fin du monde : Shakespeare représente un désaveu radical et définitif pour les élites occidentales, apparemment chrétiennes, mais en réalité fondée sur une rhétorique anthropologique impossible, que le nouveau testament qualifie de fornication, c'est-à-dire le pire crime contre l'esprit, et le seul déclencheur de la colère du Christ.

    Le rhéteur démocrate-chrétien n'a d'ailleurs aujourd'hui l'argument anthropologique ronflant à la bouche qu'en raison de l'incapacité de l'Occident à produire autre chose que l'art le plus débile. Ainsi le commentaire philosophique est complémentaire de la culture de masse totalitaire, de même qu'une gnose scientifique se développe autour des systèmes d'exploitation technique afin de dissimuler leur nullité en termes scientifiques.

    La conjonction de l'art le plus abstrait (la musique) et de la plus grande superstition est un trait de caractère de la démocratie ou du totalitarisme, en même temps que le discours démocrate-chrétien est le moins critique à l'égard de la condition humaine moderne. Un esprit païen comme Jung, entraîné à l'être par son éducation catholique romaine, peut comprendre que Satan préside à l'art, c'est-à-dire que toute forme d'art n'est que le produit dérivé du nombre 666, qui définit la seule anthropologie en principe efficiente.

    Carl Jung pose convenablement le diagnostic de folie collective ; il perçoit à quel point la culture moderne libère dangereusement l'instinct, c'est-à-dire en dehors d'une perspective véritablement rationnelle. Mais il pose ce diagnostic en médecin, attaché à une culture de vie païenne, malgré ou à cause de son éducation catholique romaine, faisant complètement fi de l'histoire, et interprétant celle-ci comme un mouvement erratique, selon le pli du raisonnement de l'homme d'élite, qui traduit automatiquement l'histoire comme la condamnation de sa caste et de son rang. Par conséquent, s'il a bien une idée ou un aperçu du mal qui ronge l'homme moderne, Jung s'avère incapable de remédier à la déraison collective - d'assigner un objectif à l'art qui ne soit, comme l'objectif moderne, une sorte d'euthanasie inconsciente de l'art. Tout simplement la mort de l'art est pour Jung, comme pour Nitche, impensable.

    Contrairement au dire de Nitche, la colère de Hamlet ou Shakespeare contre la culture occidentale chrétienne ne s'appuie pas sur la mythologie païenne ou athée. Cette dernière est la plus totalement dépourvue de sens historique (hormis la mythologie de Homère). Shakespeare repose sur la proscription évangélique absolue du mobile anthropologique ou, pour parler le langage moderne, de "l'oedipisme chrétien". Le personnage d'Ophélie traduit le mieux ce type de conscience, et Shakespeare montre sa proximité avec la démence, avec une acuité qui peut paraître d'une cruauté extraordinaire, mais qui l'est surtout pour ceux qui ont condamné Ophélie à cette démence masochiste si particulière à l'Occident moderne.

    Qui voudrait l'aliénation de ses propres enfants ? Shakespeare répond : voyez les élites occidentales modernes s'organiser sur cette base suicidaire, les pères donner leurs enfants en pâture à l'avenir afin de gagner du temps. Shakespeare ne s'étonne ni ne s'indigne, contrairement à Nitche ou Jung, à tous les esprits réactionnaires, de la décadence du monde occidental, c'est-à-dire du triomphe de la ruse et de la folie modernes sur la sagesse antique démoniaque. Exit MacBeth ; exit la vieille mythologie démoniaque et la musique des sphères ; si Hitler avait lu et compris Shakespeare, il aurait pu y lire des présages d'écrasement rapide par les puissances de l'axe moderne "judéo-chrétien".

    L'enlisement du monde dans l'erreur n'est que l'expression du jugement dernier, inéluctable. La réponse de Shakespeare à l'aliénation du monde moderne n'est pas une réponse morale comme Nitche ou Jung, l'art ou la psychanalyse, miroirs anciens que Shakespeare sait condamnés à voler en éclats sous la pression moderne ; c'est une réponse métaphysique. Pour Shakespeare, l'amour et la vérité ne sont pas des idées étrangères au monde et à la nature, comme les idéaux modernes peuvent l'être, absolument hypothétiques et religieux par conséquent, mais l'amour et la vérité précèdent tout ce qui naît et meurt, comme une force étrangère ou un corps étranger au monde et à la nature. L'amour et la vérité sont choses aussi incompréhensibles à l'homme que dieu peut l'être, et susceptibles d'autant de formules idolâtres que celui-ci.

    Si l'homme était capable d'amour ou de science, autrement que par intermittence, dans ce cas il ne mourrait pas selon Shakespeare. Ainsi l'humanité est définitivement divisée selon Shakespeare, entre ceux qui, cherchant le bonheur font le malheur d'autrui, suivant la loi naturelle impitoyable, et démontrent ainsi que l'amour n'est qu'un vain mot ; et ceux qui, cherchant l'amour, sont dissuadés de le trouver dans l'homme ou dans le monde ici-bas, dont l'existence même est menacée par la vérité.

    Comment l'élitisme, qui fut le meilleur moyen de la vertu dans les temps antiques, incarne désormais l'irresponsabilité et la bêtise, le sacrifice du bien public au profit de chimères catastrophiques, cela qui parle au nom de l'antéchrist l'ignore, tandis que Shakespeare le sait.