Si le constat de la subversion du christianisme effectué par Jacques Ellul ne peut qu'être confirmé, à savoir l'athéisme doctrinal latent des institutions dites chrétiennes, en revanche le féminisme de ce théologien ne peut pas être justifié à l'aide des saintes écritures.
Le féminisme d'Ellul est incohérent avec la mise en cause des institutions et de l'éthique chrétienne.
Pour confirmer la subversion du christianisme, on peut dire de façon frappante que l'athéisme moderne continue de creuser le même sillon que la morale chrétienne. Bien que rare, cette reconnaissance des philosophes athées existe : pleine et entière chez L. Feuerbach ; plus discrète de la part de M. Onfray, qui adoube à juste titre Montaigne ; sans oublier l'impression de Blaise Pascal par les banquiers sur leur papier-monnaie. Il faut dire aussi que cette subversion n'a jamais cessé d'être combattue au cours des deux mille ans écoulés ; à côté du mensonge institutionnel, la vérité a toujours continué d'être soutenue. C'est un aspect indiscutable du théâtre de Molière, par exemple. On trouve aussi dans les contes populaires une résistance semblable : dans "Blanche-Neige", la mauvaise reine est la fausse Eglise, tandis que Blanche-Neige représente la vraie. Pour ainsi dire, on ne peut pas écrire l'histoire de l'art occidental sans tenir compte de cet affrontement.
Volontairement, je prends l'exemple de "Blanche-Neige", puisqu'il met en scène une femme pure et exemplaire, et une autre qui est corrompue, de même que l'apocalypse présente l'Eglise sous la forme pure et virginale, d'une part, et la "Prostituée" ou l'Eglise institutionnelle d'autre part. Disons immédiatement ce qui rend la première figure pure et virginale : elle exprime l'amour, purifié ou vierge de l'éthique, contrairement à la prostituée, dont le calice est plein d'immondes blasphèmes, c'est-à-dire de discours et de rituels destinés à promouvoir l'éthique contre la parole de dieu.
Donc la misogynie chrétienne est bel et bien ; elle n'est pas, bien sûr, l'exclusion des femmes du salut en général, ni bien sûr un motif de relégation "sociale" des femmes, puisque c'est un crime contre l'Esprit d'ourdir une quelconque doctrine sociale. La misogynie chrétienne est, pour la raison que l'éthique est un piège féminin ; physiquement ou génétiquement, la femme est plus marquée par l'éthique et le péché originel. Il ne faut pas oublier que l'esprit chrétien est scientifique : contrairement à l'éthique, il n'abolit pas la différence physique, de façon mathématique ou virtuelle (au cours des dernières années, à 99% suivant un mobile commercial).
J. Ellul a raison de dire que les théologiens (protestants) qui tentent de faire de l'apôtre Paul un "socialiste" utilisent des arguments grossiers. Si tel était le cas, Paul serait le continuateur du pharisaïsme. Jésus au long de sa vie publique n'a pas cessé de souligner l'hypocrisie de l'éthique, se moquant de son raisonnement cauteleux, et le déjouant. Le figuier qu'il faut couper sur le champ figure la religion prêchée à l'intérieur de la Synagogue de Satan.
- Disons quelques mots de la figure virginale et pure de l'apocalypse, à présent, sur laquelle Ellul veut fonder le "féminisme chrétien". Un des éléments essentiels de la subversion du christianisme par les clercs chrétiens (comprenez ici pourquoi Shakespeare vise particulièrement les moines), est la mise à sac du trésor du symbolisme chrétien, dans lequel Jésus puise pour éclairer le monde avec ses paraboles. Jésus ne donne pas un sens différent aux symboles païens : il part toujours du symbole païen le plus éloigné pour illustrer l'esprit chrétien, en le renversant. Le pain et le vin sont ainsi les matières triviales les plus sacrées dans les religions païennes, que la parole ou l'esprit de dieu remplace et abolit. Les poissons sont les animaux les plus déterminés et voués au sacrifice dans la chaîne alimentaire : les apôtres seront des pêcheurs d'hommes.
L'Eglise des bienheureux, la Jérusalem nouvelle, représentée sous les traits d'une femme, n'a rien d'une femme au sens physique ou moral. C'est un symbole spirituel et eschatologique, qui renvoie à la Genèse. Jésus-Christ est le nouvel Adam, et l'histoire chrétienne s'achève sur le salut de la nouvelle Eve. Cette comparaison n'est pas le fruit du hasard, car, d'une certaine manière, quel homme n'est pas efféminé si on le compare avec Jésus, se persuadant religieusement sans cesse que son âme n'est pas simplement virtuelle ?
(Ill. de l'apocalypse représentant cette fois la Jérusalem des saints chrétiens, non plus sous l'apparence d'une vierge pure, mais d'une cité sainte aux antipodes des cités dans lesquelles les hommes médiocres placent leur espérance.)