Pourquoi est-il est nécessaire que je décrypte les dernières déclarations du pape ? Trois raisons.
La première, pour parler clair, c’est que les démocrates-chrétiens, ou les chrétiens-libéraux, sont des traîtres, des cathos-traîtres. Si Louis Veuillot a pu être abusé par la politique (concrète) de Napoléon III, Bernanos par les promesses de De Gaulle, aucun chrétien authentique ne peut être abusé par les propos de Nicolas Sarkozy, ses petites concessions au folklore chrétien, juif ou musulman, concessions insultantes. Si les musulmans sont plus “susceptibles”, c’est parce que leur foi est plus grande, de toute évidence (Ce qui explique l’indifférence, ou la conversion de certains démocrates-chrétiens à l’islam, ou même la jalousie à l’égard de la foi d’un musulman comme Tariq Ramadan, qui renvoie les démocrates-chrétiens à leurs lâchetés.)
Les enquêtes à la sortie des urnes ont montré le poids qu’ont pesé le troisième et le quatrième âges dans l’élection de Sarkozy. Et ces générations, surtout en Alsace-Lorraine, sont plus que d’autres attachées au folklore. François Mitterrand naguère avait, à la veille des élections, des propos flatteurs pour le noyau dur de son électorat, les profs, de la même façon. Ce qui n’a n’a pas empêché la déchéance du corps professoral.
Par conséquent, tout propos du pape qui ira à l’encontre des dogmes libéraux ou démocratiques sera immanquablement étouffé par les interprètes officiels du pape en France, dont la faiblesse à défendre la religion catholique est proportionnée à la force à soutenir les sacro-saintes “Valeurs actuelles”.
Si, comme je le soupçonne, c’est le tartuffe Darcos qui a soufflé cette idée de cadeau à Benoît XVI - une édition originale de Bernanos -, Benoît XVI aurait dû répliquer par un coup de crosse en travers de la gueule de ces insolents, car il n’y a pas d’autre façon de traiter un tartuffe de l’envergure de Darcos, plus retors que François Bayrou encore.
Mais le pape n’est pas libre. On entre désormais au Vatican comme dans une boutique de souvenir.
La censure exercée par les médias occidentaux est telle que le pape ne peut pas, sur la place Saint-Pierre, sortir un billet de cent dollars de sa poche et l’enflammer, comme Gainsbourg, pour signifier clairement ce que le “sécularisme” veut dire, à quoi il se résume. Le scandale de cette image serait trop grand. Les médias capitalistes attendent Benoît XVI au tournant, et il le sait.
Le pape est contraint de parler, non pas “en paraboles”, hélas, mais par euphémismes qu’il faut décoder.
Qu’est ce que le “sécularisme”, ce cryptogramme, au juste, signifie ? Lorsque le pape déclare que le “sécularisme” est pire que le communisme, que faut-il en déduire ? D’abord, dans le langage courant que Benoît XVI parle, il est convenu de considérer que le communisme n’est plus, qu’il a disparu avec le mur de Berlin, en 1989 ; seul demeure donc le “sécularisme”, que le pape condamne comme une idéologie, une philosophie dangereuse pour l’humanité.
Le sécularisme, c’est-à-dire les “Valeurs actuelles” de l’Occident, autrement appelées “libéralisme”, ou encore “capitalisme”, “démocratie” - pour ce qui est de faire valser les étiquettes on peut faire confiance aux VRP, aux chefs de rayon qui nous gouvernent à l’aide de médias réduits à des emballages publicitaires. Goebbels fait désormais figure de pionnier naïf de la propagande électorale. Pour faire ce genre de comparaison, Joseph Ratzinger, enfant du siècle, est on ne peut mieux placé.
Le pape, qui n’est pas marxiste, se contente d’y faire allusion, mais concrètement il faut insister pour dire que le sécularisme est une religion.
Le principe de cette religion est de nier qu’elle en est une et de s’affirmer “au contraire” comme une philosophie, d’adopter ce point de vue censé être supérieur. Quelle religion ne se pense pas supérieure aux autres ? Feuerbach, qui a le mérite contrairement à des imbéciles comme Nitche u Heidegger d’être cohérent et rationnel, trahit naïvement l’essence de la nouvelle religion. C’est précisément de cette négation que vient le fanatisme particulier des Occidentaux néocolonialistes. Un fanatisme qu’on distingue déjà chez Feuerbach et qui éclate au grand jour lorsque des Savonaroles du capitalisme et de la démocratie tels que Jacques Attali, Robert Redeker ou BHL prennent la parole pour prêcher leurs valeurs.
Un jésuite au Japon, que fait-il ? Il tente de convaincre ses hôtes de la supériorité de son point de vue. Tandis qu’il n’est pas question de discuter le bien-fondé des droits de l’homme, de la démocratie, de l’évolution, de l’athéisme ou du capitalisme, pas plus que la morale bourgeoise qui en découle.
Marx a été pourchassé dans toute l’Europe pour l’avoir osé, et Bloy traité comme un proscrit à une époque plus libre que la nôtre.
Malgré les millions de morts, de Verdun jusqu’au Rwanda, le sécularisme a raison, invinciblement raison.
En outre le pape a parlé de la nécessité pour l’Eglise de faire son autocritique. Est-ce à dire qu’on n’est pas assez loin dans la “repentance” dont Mgr Lustiger fit une véritable théologie ? Au contraire, le pape veut rompre avec l’hypocrisie qui consiste à charger des morts qui ne peuvent pas se défendre, privés d’avocats, à les charger de tous les péchés, pour faire le bilan vrai d’un siècle de démocratie-chrétienne, neutre, fière d’être neutre, concrêtement globalement inerte face aux crimes du siècle, ne leur opposant que de vagues discours ou de vagues théologies.
Les démocrates-chrétiens peuvent bien embrasser Péguy, Bernanos, ou même Bloy et Veuillot, ce n’est que pour mieux les solder. Il est significatif d’ailleurs que de Mauriac, qui correspond pour le coup à leurs aspirations profondes, ils ne retiennent que les écrits politiques globalement ineptes, en définitive, occultant ce qu’il y a de vrai et de puissamment évocateur chez cet artiste, à savoir son portrait effrayant de la grande bourgeoisie chrétienne bordelaise, autoportrait en noir.