J'ai fait un rêve la nuit dernière : l'intelligence artificielle avait remplacé la plupart des "experts" en tous genres, sans lesquels la télévision française ne serait pas aussi docte. Les experts stratégiques, bien sûr, mais aussi les experts constitutionnalistes, les experts économiques, les experts-psychiatres, les experts sanitaires, sans oublier les géopoliticiens.
L'IA ne serait pas plus maligne que les comités d'experts en chair et en os, elle ne prédirait pas avec plus de précision la faillite retentissante de "Lehman Brothers" ou celle de la "Silicon Valley Bank" quinze ans plus tard, mais elle serait beaucoup plus économique que ces experts-fonctionnaires ou assimilés.
Je crois que j'ai entendu pas moins de cinq profs de droit constitutionnel différents en 48 h commenter l'épisode de la démission du Premier ministre F. Bayrou, épisode qui n'a qu'un lointain rapport avec la constitution de la Ve République... mais il faut bien meubler les antennes. La France est un véritable lupanar d'experts !
L'annonce de la popularité de la "taxe Zucman" parmi les Français me pousse à rédiger cette notule. On ne sait pas si ce sont les mêmes Français qui sont largement favorables à la peine de mort pour les criminels récidivistes qui apprécieraient de voir la taxe Zucman appliquée. Les instituts de sondage ont l'art de tourner les questions pour que les réponses plaisent à leurs clients. Le statisticien est encore un expert, le genre à jongler avec les chiffres comme un magicien sort un lapin de son chapeau.
L'idée de prélever une taxe de 2% aux plus fortunés des Français, sous-imposés, paraît une bonne idée à 70 % des Français, y compris aux électeurs du parti Les Républicains, réputé pourtant pour tenir à l'argent autant que Shylock. Cette taxe permettrait de réunir 20 milliards, soit près de la moitié de la somme réclamée par les banques allemandes pour que la France continue à jouer la cigale qui ne produit pas grand-chose, mais réjouit le monde avec des spectacles de son et lumière.
Zucman plaide qu'il n'en veut pas du tout aux riches, contrairement aux populistes, mais que ce serait l'occasion de prouver que le ruissellement, dont tout le monde parle mais que personne ne voit, existe bien. La taxe Zucman est une sorte d'ordalie. En langage de non-expert, ça s'appelle "lâcher du lest". F. Bayrou a cru pouvoir prendre les Français par les sentiments, pourquoi ne pas essayer avec de la vaseline ?
Bien sûr la taxe Zucman n'est pas plus "marxiste" que François Hollande ou Jean-Luc Mélenchon. Le jour où on verra un marxiste à la télévision, ce sera pour annoncer la fin des programmes.
Le néolibéralisme est au libéralisme ce que la métastase est au cancer. Donald Trump croit avoir trouvé un remède pour la métastase. Il court le risque de tuer le malade avec son remède.
Quel rapport avec la taxe Zucman ? La taxe Zucman n'aurait, dans le meilleur des cas, qu'un effet antalgique : elle ne règle pas le problème de l'endettement, c'est-à-dire de la métastaste. Les banques allemandes exigent que le gouvernement français, après un quinquennat de folles dépenses, arrête les frais. Cette exigence se durcit d'autant plus que la fourmi allemande n'a plus les moyens de se payer une danseuse.
En somme Zucman a inventé le fil à couper la motte de beurre capitaliste en part plus égales. F. Hollande, qui a pour ennemi le monde de la finance, ne devrait pas manquer de mettre la taxe Zucman à l'honneur dans sa campagne électorale.
Derrière la martingale Zucman, on retrouve le préjugé social-démocrate selon lequel l'Etat serait un meilleur investisseur que les grandes banques d'investissement ou les fonds de pension, préjugé qui n'a rien de marxiste-léniniste. Donald Trump a récemment rappelé au businessman "libertarien" Elon Musk à quel point les investissements de Washington pèsent lourd dans l'activité du consortium d'Elon Musk. "L'Etat et le Capital sont solidaires." dit l'adage marxiste, à quoi on peut ajouter cette observation que l'investissement de prédilection de l'Etat est l'investissement dans la course aux armes lourdes.