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De l'art d'éditer des conneries

J'ai décidé de m'embusquer au rayon "Philo" de la Fnac. La philo ne m'intéresse pas, je n'y consacrerais même pas six heures et un quart, mais je suis curieux de voir quelle tête ont les amateurs de philo, et les amatrices, comparées aux gonzesses du rayon "Littérature étrangère" ou "Développement personnel" ?

La première ne me déçoit pas en réclamant un titre d'"Emmanuel Lavinasse". Le vendeur ne peut réprimer un sarcasme, avant d'essayer de se rattraper vu que la cliente est plutôt bien roulée et que c'est une cliente. La vanne du vendeur glisse sans faire un pli sur le visage lisse de la jeune fille.
Bon, mais celle-ci n'est pas typique, juste une lycéenne en train de faire ses courses avec sa liste. La suivante est blonde et élégante et doit faire pas loin d'un mètre quatre-vingt. Elle farfouille un peu, puis va réclamer à son tour une biographie de Karl Marx par Jacques Attali… Heureusement pour elle, ils ne l'ont pas.
Pour se foutre de la gueule des clients ignares, ils sont forts à la Fnac, mais à part ça ils n'ont jamais rien dans leurs rayons, ou quinze jours après tout le monde. La Fnac combine les inconvénients du dirigisme soviétique et ceux du capitalisme américain.

Je suis intrigué au bout d'un moment par ce petit bouquin qui me tourne le dos et devant lequel deux ou trois bobos ont marqué un temps d'arrêt. C'est De l'art de raconter des conneries, d'un certain Harry Frankfurt, professeur à Princeton. Ça, en revanche c'est très typique, typique du genre de merde que les éditeurs français essaient de fourguer pour se remplir les poches. En gros c'est une dissertation d'étudiant appliqué d'une soixantaine de pages. 10/18 a imprimé ça en corps quatorze pour gonfler la disserte jusqu'à en faire un volume de poche, et ajouté une couverture toilée épaisse pour faire monter le prix au-dessus de huit euros. Avec un tel titre, ça va sûrement cartonner, ils ont dû se dire, ces enculés !
Petite préface oiseuse du traducteur d'abord pour expliquer qu'il a eu beaucoup de mal à traduire bullshit dans la langue de Molière. Foutaises ! Il a bon dos Molière ! Ensuite, développements vains et maladroits du professeur de Princeton sur les tenants et les aboutissants de la logorrhée. Faut dire qu'il est mal placé. La philosophie, ç'a toujours été un peu l'art de raconter n'importe quoi sur n'importe quel sujet, mais depuis quelque temps, c'est VRAIMENT n'importe quoi !!

Bien sûr, la littérature française se dégrade surtout à cause des goûts déplorables des femmes pour les niaiseries politiquement correctes, mais aussi parce que les éditeurs ne pensent plus qu'à ça, au pognon.

Commentaires

  • Emmanuel Lavinasse, c'est pas mal. La prochaine fois, elle va demander L'apologie de Sacrote.

  • Mon vieux Lapinos, dans le pidgin informatique Eve c'est l'espionne éternelle ...

  • Pour ceux qui ne le savent pas encore : Eve est l'abréviation d' "eavesdropping" qui signifie indiscrétion en anglais

  • Lévinas, Marx, Attali, Frankfurt : ces philosophes ont un point commun, devinez lequel.

  • Lapinos, vous êtes aussi dur avec la philo qu'avec Finkielkraut... Ceci dit, votre Lavinasse vaut son pesant de millésimé... Et en plus c'est un copain à Fink, lequel a aussi un point commun avec les quatre de Sébastien... Mais cela a-t-il vraiment de l'importance...?

  • Au fait, "quatorze siècles", ça serait pas plutôt vingt-quatre? Mais vous êtes un artiste, après tout, vous êtes pas à mille ans près, on va pas chipoter.

  • Attali et Frankfurt sont des philosophes ?

  • Desavy m'a ôté les mots de la bouche. Ce qui compte, c'est la différence. Des cinq cités, Marx seul me paraît avoir un peu d'intérêt. Finkielkraut aussi, parfois, je veux dire avant qu'il ne devienne mystique et qu'il ne se fasse idéologue, il faisait des remarques intéressantes, comme lorsqu'il relevait que les États-Unis sont un empire fragile, rien à voir avec Rome. Mettre Marx et J. Attali sur le même plan, vous n'êtes pas sérieux Sébastien.

    (Merci de me corriger M. Billé. Avant d'être un artiste j'essaie d'être un artisan, pour être précis.)

  • Ce n\'est pas Finkielkraut (un essayiste, mais pas vraiment un philosophe) qui parlait des Etats-Unis comme d\'un empire fragile mais Emmanuel Todd (un sociologue démographe). A défaut de lire ce que vous critiquez, penchez-vous au moins un peu sur les quatrièmes de couverture. On y trouve généralement tout ce qu\'il y a en dire dans les dîners mondains pour faire son malin.

  • "Attali et Frankfurt sont des philosophes ?"

    Attali, je ne crois pas, c'est plus un essayiste. Mais Harry Frankfurt est professeur de philosophie à Princeton. Ça n'empêche pas de s'intéresser à la connerie.

  • Vous voulez-dire, Slothorp, que la seule idée originale que je prêtais à Finkielkraut n'est même pas de lui mais d'Emmanuel Todd ? Comment se fait-il que j'ai pu les confondre ? Cette fois je suis obligé de vous remercier vous aussi, pour une fois que vous dites quelque chose de positif.

    Ah, au fait, j'ai relevé ceci dans le navet de Frankfurt, cette anecdote sur Wittgenstein qui m'a fait penser à vous :
    « Je m'étais fait opérer des amygdales et passais mon temps à m'apitoyer sur mon sort à la clinique Evelyn. Wittgenstein vint me rendre visite. Je ronchonnai : "Je me sens comme un chien qui vient de se faire écraser." Alors il me répondit avec dégoût : "Vous ignorez ce que ressent un chien qui vient de se faire écraser !"

    (Si vous entrez dans le jeu de Slothorp, Sébastien, de savoir si Untel est un essayiste ou un philosophe, je vous préviens que ça risque de vous entraîner très loin ; je pourrais même être obligé de censurer ce débat passionnant. Comprenez-moi, mon blogue n'est pas infini.)

  • J'avoue lapin que pour une fois je me range de ton côté. Ceci dit, je parle en néophyte, quelle importance de savoir si un tel est philosophe ou essayiste? En dehors du chef de rayon de la FNAC qui ne sait pas où ranger les pavés, ou du dragueur-sociologue de supermarché, je vois pas. Un philosophe peut être tout aussi insipide et inutile qu'un essayiste il me semble, ou tout aussi bon.
    Autre chose, pourquoi un essayiste ou un philosophe, peu importe, ne serait pas idéologue? S'il ne présente pas ces idées et n'essaye pas de mettre en avant son point de vue, quel intérêt là encore? Les journalistes nous filent suffisamment de constats mous du genou, conformes et prémachés comme ça non?

  • De rien pour l\'info.
    C\'est vrai que Wittgenstein est un sot qui s\'est posé beaucoup trop de questions. Tout comme Bertrand Russel et tous ces foutus logiciens auxquels on n\'entrave rien et qui n\'ont pas été foutu d\'inventer ne serait-ce que le micro-onde. D\'ailleurs on ne devrait jamais se poser de questions : ca ne sert pas à séduire et ça bloque la digestion.
    Et ce qui est infini, c\'est la bêtise (\"Même les Dieux combattent en vain la bêtise\" disait Schiller).

  • J'ai bien compris, Pim, que t'aimerais bien pouvoir être tantôt du côté de Slothorp, tantôt du mien, que cette polygamie t'arrangerait bien. Tu veux te placer au-dessus des parties ? Tu n'as pas compris que c'est la guerre, innocente !?

  • Le problème n\'est pas de dire qu\'un philosophe c\'est mieux ou moins bien qu\'un essayiste (on va pas comparer des bananes avec des balles de tennis, ça n\'a pas la même vocation tout simplement) mais juste de rappeler que si l\'on veut jeter la philosophie dans son ensemble, alors mieux vaut ne pas commencer par Finkielkraut (enfin Todd, quand on ne s\'embarasse pas de lire) ou Attali qui ne font pas de philosophie.
    Si je commence à démonter l\'astrophysique, je ne vais pas attaquer par une critique de la génétique, c\'est tout.

  • Oui, c'est ça, la comparaison avec l'inventeur du micro-onde n'est pas mal, tous ces mécaniciens de la pensée sont doués pour faire briller les pièces, les assembler, mais il faut surtout éviter de leur confier le volant de la voiture.

  • Pour un anti-matérialiste, vous êtes un sacré hétérodoxe. C\'est bien d\'aller au fond de votre impensé. Encore un effort !

  • Ah non mais on s'en fout aussi de savoir si la philo est mieux que l'essai, pas là la question. Quelle est la différence entre un philosophe et un essayiste? Si tu me demandes la différence entre un astrophysicien et un généticien pas de soucis Slothorp, sauf que toi là tu parles de la différence entre un biologiste et un généticien. Un généticien est biologiste, comme les philosophes écrivent des essais, il me semble. On pinaille, on pinaille, en attendant ce qui m'intéresse le plus c'est de savoir pourquoi diantre un essayiste ou un philosophe devrait s'abstenir de prosélytisme. Même si en vérité je connais plus ou moins la réponse: oui, il peut faire du prosélytisme, tout comme n'importe quel type qui écrit, même un historien pourquoi pas, si ses idées vont dans le sens qui plaît au lapin. Sinon ce sont des sales types malhonnêtes.

  • "Tu n'as pas compris que c'est la guerre, innocente !?"

    C'est la guerre des parties.

  • (Et je ne défend pas Finkielkraut, là n'est pas la question non plus.)

  • Ah puis aussi, Sébastien fais bien de me le rappeler, je ne suis pas au-dessus des parties, ni des bas ni des beaux morceaux, je suis un partie à moi toute seule mon lapinou. Je ne guerroie ou me rallie que pour mon propre compte.

  • Et je fais des fotes si je veux.

  • Hein ? Là j'ai du mal à vous suivre… "Antimatérialiste", je ne sais pas si vous avez bien compris en quoi. Les marxistes et les libéraux ont eu tort d'analyser la religion comme un simple paramètre social, c'est ça que je constate (comme beaucoup d'autres). Et ça ne me semble pas être une coïncidence si un peintre comme Delacroix ou un poète comme Baudelaire ont pressenti mieux que d'autres les dangers du libéralisme bourgeois (Ne demandez pas à Kant ni à Finkielkraut, par exemple, de pressentir quoi que ce soit.)

  • Alors OK pour ce terme d\'essayiste qui manque de précision. Disons que la différence entre Finkielkraut et Vincent Descombes, c\'est que le premier commente l\'actualité en s\'appuyant sur quelques références littéraires et philosophiques pendant que l\'autre crée et ordonne des concepts à même d\'analyser le réel et comment nous y sommes. Forcément, dit comme cela, ça fait fumeux. Le problème de la philosophie, c\'est qu\'elle reste à l\'intérieur du langage, un bien que nous partageons tous. Dès lors, n\'importe qui se croit autoriser à la commenter sans rien y connaître, chose qui ne viendrait pas à l\'idée pour la physique puisque peu de gens \"parlent\" les mathématiques. Du coup on se retrouve avec un mélange dans les rayons fnac de pense-bête, de feuillets pamphlétaires, de reprises d\'idées à la mode et d\'ouvrages techniques imbitables pour la plupart des gens. Carnap cotoie Glucksman, et c\'est bien le premier qui y perd. Car la plupart des consommateurs culturels comme Lapinos croient que tout cela, c\'est la même chose. Ou que Kant doit être comparé à Baudelaire, le philosophe au poète, le sage au prophète... Bref, la grande mixture culturelle à la con qu\'on nous fait gober de force depuis que le mot d\'\"élite\" est devenue sale et immoral.
    Lapinos, je sais ce que veut dire anti-matérialiste. Quelqu\'un qui exige qu\'un penseur serve à créer des micro-ondes me paraît plutôt Leniniste, du genre à préférer sa paire de bottes à Shakespeare.

  • Hem, cette idée qu'il y a de bons philosophes et de mauvais philosophes n'est pas très originale, Slothorp, la présenter de façon confuse en la sertissant d'assertions gratuites sur la philosophie et le langage ne l'améliore pas franchement.

    Cela dit vous m'avez entraîné assez loin dans votre discussion oiseuse et antihistorique comme ça. Brisons-là.

    Ce qu'il est plus intéressant de faire remarquer à Pim, c'est la raison pour laquelle les philosophes sont autant à la mode aujourd'hui, chez les catholiques comme chez les juifs et les athées.
    Bien sûr, l'idéologie démocratique n'est pas étrangère à ça. L'idéologie entraîne l'idéologie. Mais aussi dans un régime où la censure est de plus en plus absolue, le débat philosophique a l'avantage de ne pas porter à conséquence.

    Ça ne mange pas de pain. Ainsi on débattra à n'en plus finir de savoir si les nègres ont une grosse bite ou pas, si les homosexuels peuvent se marier, si l'on est une personne humaine à -15, 0 ou 5 semaines, s'il faut interdire la négation des génocides, alors même que personne ne les a niés, et que nier la réalité ne la fait pas disparaître, etc., etc.
    Tant qu'on reste en dehors de la réalité, Pim, on ne dérange pas le pouvoir en place, il garde les coudées franches. Les historiens, on ne les invite pas sur les plateaux de télévision, ils pourraient parler et dire des choses.

    J'espère que tu comprends mieux maintenant pourquoi je déteste autant Slothorp, Pim. Je le considère - de son plein gré ou non -, comme un abstentionniste.

    Pénétrer la subtilité des systèmes philosophiques n'a pas beaucoup d'intérêt. Une fois que les constructions de Kant ont été réfutées, elles ont perdu tout leur intérêt, exactement comme un vieux four micro-onde lorsqu'il ne marche plus. C'est mort. Ou comme ces constructions neuves en béton qu'il vaut mieux carrément raser si elles en viennent à cause d'un petit changement climatique ou d'un petit glissement de terrain à se lézarder.
    Chez Marx au contraire, je crois que s'il y a quelques pierres intactes à récupérer, c'est justement parce qu'il s'attache à la réalité de l'histoire et de son évolution, il n'est pas entièrement retourné sur cette abstraction : l'homme.
    On peut le dire de manière moins "philosophique" : le citoyen idéal, en démocratie, c'est le branleur.

  • Je n\'ai jamais parlé de bons et de mauvais philosophes mais de philosophes (bons ou mauvais) et de fourres-tout à idées. C\'est comme si vous compariez un horticulteur et un pilote de course automobile en disant que l\'un est bon jardinier et l\'autre non. Votre remarque est comme souvent inepte, et évacue le fond du problème qui, en passant, n\'a strictement rien à voir avec le fait d\'être abstentionniste. Ce que je ne suis d\'ailleurs pas pour la simple et bonne raison que je ne suis pas même inscrit sur les listes éléctorales. Que voulez-vous, je n\'aime tout simplement pas la démocratie moderne et me tient donc en dehors (ce dehors que vous semblez bien incapable de penser). Enfin, je ne vous deteste pas, car je ne vous connais pas. Les haines abstraites sont les plus maladives et criminelles.

  • Pardonnez-moi mais vous confondez détester et haïr, Slothorp. Détester signifie "prendre les dieux à témoins".

    Non, tout ce que je vous souhaite c'est de rencontrer quelqu'un de plus ratiocineur que vous, qui au lieu de couper les cheveux en quatre les coupe en huit, qui au lieu de faire référence à deux tâcherons de la pensée analytique fasse référence à quatre, ainsi de suite. Ça vous renverrait alors une image de vous qui vous foutrait peut-être la trouille, non ? Et ça serait comme une sorte de, comment dites-vous… de catharsis, c'est ça ? Ou alors vous pourriez peut-être relire le Journal de Raphaël Juldé depuis le début…

  • Trente minutes de recherche google pour se dépatouiller avec votre délicat aveu de detestation, pas mal. Allez encore chercher sur google le mot \"reflechir\" (ne vous trompez pas de sens) et peut-être commencerez-vous à ratiociner. Ce sera toujours mieux qu\'invectiver tout et n\'importe qui en jugeant les philosophes et les historiens au regard de ce qu\'ils apportent contre les méchants journalistes. A ce compte-là, vous pouvez effectivement tirer la chasse sur 2500 ans d\'écriture. Au passage, ne manquez pas de vous jeter vous même à l\'égoût car vos vitupérations assurées du chef mais branlantes des chevilles, hautaines mais sans la queue d\'une argumentation, ne servent à rien. Le système s\'en fout, vous ne faites que ronger les os qu\'il daigne vous jeter en suivant le train train de son actualité et des personnalités du moment qu\'il présente à la foule. Au fond, vous vous fâchez contre vous-même, donc pas la peine de vous énervez contre moi.

  • Merde, si vous êtes aussi bouché que Pim, je ne peux rien pour vous.

  • Vous voulez dire que vous n\'êtes pas le Messie? Ah mince...

  • Bon franchement votre guéguerre est rigolote mais objectivement tout le monde s'en fout. Je dis votre, mais je pense plutôt TA guéguerre Lapinos, parce que je sais bien que tu ne demandais pas d'arbitrage danc ette partie, et encore moins de ma part, mais "détester" ça ne s'écrit pas à la sauvette. Quelle qu'en soit la définition. Alors en effet, faudrait voir à arrêter de penser que tu connais tes lecteurs et que tu es en droit de te prononcer sur leurs moeurs, et de les attaquer ad hominem sans argumenter sur leurs propos, comme tu le fais avec Slothorp, moi et d'autres. Nous ne te montrons que ce que nous voulons et tu fais de même. Du coup si tes escarmouches sont distrayantes et qu'il est distrayant d'y répondre, tu imagines bien qu'elles tombent dans le vide, jouer au pourfendeur de pseudonyme équivaut à peu de choses près à ce que tu penses de la philosophie: pet de lapin.

    Ensuite une remarque sur tes propos : "Bien sûr, l'idéologie démocratique n'est pas étrangère à ça. L'idéologie entraîne l'idéologie. Mais aussi dans un régime où la censure est de plus en plus absolue, le débat philosophique a l'avantage de ne pas porter à conséquence."
    Un peu de logique, là où il y a censure absolue il n'y a pas débat. Que tu le veuille ou non ton temps de parole participe d'un débat et t'es offert par la démocratie occidentale. Et si certains propos tombent sous le coup de la loi (et là tu sais que je pense comme toi, que les délits d'opinion ne devraient être éradiqués puisque l'on prétend défendre la liberté d'expression), tu peux critiquer ce que bon te semble comme bon te semble. Que beaucoup d'écrivains français contemporains, philosophes et autres soient clientélistes, c'est indéniable, mais pas la peine de jeter le bébé avec l'eau du bain, tout en buvant la soupe dans laquelle tu craches. Là c'est comme si tu disais que les idéaux et les valeurs devraient se passer du verbe, pas très catholique je trouve comme façon de voir les choses.

  • Lapinos c'est GI Joe ! (en fin l'équivalent).
    Lapin, il me semble que vous tombez quelquefois dans un anti-intellectualisme de pacotille.
    Vous devriez relire les pères de l'Eglise...

  • Il me semble que l'adjectif "messianique" s'applique moins bien à d'autres qu'à moi, Slothorp, en effet. Ne serait-ce que parce que je ne cache pas la vérité.

    Quant à votre acolyte Tlön, prosélyte de l'intellectualisme disert, apôtre du serpent qui se mord la queue, au moins pourrait-il se mouiller un peu en me disant quel père de l'Église il me conseille, hein ?

    Et pour compléter la trilogie : tu n'y es pas, Pim, si je peux parler c'est parce que personne ne m'entend. Redescends sur terre ! Personne ne lit mon blogue. Le jour où il y aura un risque que quelqu'un lise un blogue qui dit quelque chose, ce blogue sera fermé. La censure n'a que faire de ceux qui prêchent dans le désert et que personne n'écoute. Sois honnête intellectuellement deux minutes. Reconnais que le scandale de Le Pen ou de Houellebecq, c'est parce qu'on ne parvenait pas à les faire taire, justement.

  • On commencera par St Augustin.
    http://membres.lycos.fr/abbayestbenoit/augustin/

  • Bof, justement, ces deux exemples là te donnent tort. Si t'appelle être censuré le sort qui leur est réservé à ces deux... On peut pas dire qu'ils n'aient pas d'adeptes en plus, le scandale seul ne l'explique pas ça.

    Ce que je reconnais c'est l'endoctrinement qui fait que nos contemporains ont du mal à s'extirper d'un système de pensée, qui est plus vicieux que celui de nos aïeuls, parce qu'il se prévaut du contraire. Les mecs qui lisent Libé se sentent certainement libres. La presse française participe de cet endoctrinement parce qu'elle est clientéliste, pieds et poings liée aux politiques, rien de plus.

  • Mais oui, il se prend vraiment pour le Messie. C\'est confondant... Allez, zou, à confesse, parce que là ça va loin quand même !

  • Je vais laisser tomber Le Pen ce coup-ci car je vois bien que la pilule est un peu grosse à avaler pour toi, Pim. Je vais me contenter de Houellebecq, qui plaît plus aux citoyennes.

    À force de piétiner des tabous, Houellebecq s'est retrouvé devant les tribunaux, toute la grosse presse, les chaînes de télévision se sont déchaînées contre lui pour tenter de l'éliminer : fachiste, lepéniste, raciste, pédophile, misogyne, tout y est passé. Sans succès. Ça n'a fait qu'attirer l'attention des gens qui se sont précipités sur les nouveaux bouquins de Houellebecq, excité sans doute à l'idée de se mettre enfin quelque chose d'un peu pimenté dans la bouche.

    Et puis aujourd'hui ses critiques de la civilisation arabe arrangent une partie de l'intelligentsia, certains ont pensé qu'il était plus habile d'essayer d'amadouer Houellebecq.

    Et puis finalement Houellebecq n'est qu'un écrivain assez isolé. Mais les médias lui feront payer un jour son insolence, ils n'ont pas digéré d'avoir été ridiculisés. Au premier faux pas, il lui tomberont dessus par derrière.

    Après il y a ceux qui n'arrivent carrément pas à franchir la censure, on en a déjà causé en privé. Je crois que cette catégorie-là, elle n'existait même pas du temps de Louis XV. Je ne suis pas contre la censure, je suis contre le politiquement correct, qui est une forme de censure particulièrement pernicieuse, qui porte atteinte directement à l'intelligence.

  • Houellebecq s est retrouvé devant les tribunaux parce qu il a critique l islam et pour nulle autre raison. Alors il faudrait savoir si ces critiques arrangent ou non l intelligentsia comme vous le dites. Les faits que vous citez sont une fois de plus inexacts, aussi vos déductions sont fausses et contradictoires. Peut encore mieux faire.
    (votre blog ne prend plus mes apostrophes, dites-donc, c est de la censure!)

  • Un vrai plaisir de voir Lapinos se prendre les pieds dans son argumentaire, et démontrer consciencieusement la thèse de ses contradicteurs.

    Y a des jours comme ça.

    "Le jour où il y aura un risque que quelqu'un lise un blogue qui dit quelque chose, ce blogue sera fermé."

    Vous me faites penser à un personnage de Dostoievski, Stépane Trophimovitch. Vous n'avez qu'à lire les premières pages des "Démons", vous vous y retrouverez.

    Et par ailleurs vous ne le regretterez pas.

  • Je pense que Pim a compris, mais je réexplique parce que je suis bien brave. La trêve relative dont bénéficie Houellebecq est due à deux choses, pour simplifier. D'abord, les médias hostiles ont fini par se rendre compte que leur tentative d'éliminer Houellebecq en le traitant de lepéniste et de pédophile avait échoué. Alors ils tentent de le "banaliser", Laure Adler et Josyane Savigneau croisent et recroisent les jambes sous son nez en espérant l'hypnotiser, mais elles sont plus de toute première fraîcheur, les garces.

    Ensuite islam était synonyme de "maghrébin" ou de "beur" dans l'idéologie médiatique AVANT l'attentat à Wall Street. À l'époque les gens devaient bien comprendre que la démocratie était là pour protéger les "beurs" du fachisme qui les menaçait. La gauche a compris avant la droite que le citoyen dans un régime démagogique carbure aux bons sentiments qui ne mangent pas de pain. La méchanceté des nazis, la méchanceté de Le Pen, la méchanceté de Ben Laden, etc., toute cette méchanceté est flatteuse pour lui, dans le fond, lui il n'a jamais rien fait que frauder un peu le fisc ou se bourrer la gueule en boîte de nuit.
    DEPUIS l'attentat de Wall Street, la propagande d'État s'est un peu adaptée sous l'influence du "Monde" (pour simplifier encore une fois). Le terme de "beur" est resté positif, le fachisme est toujours là, mais l'"islam" est devenu synonyme de "religion antidémocratique". Au "Monde" on a fini par se dire que Sarkozy ferait peut-être un bon candidat. Tiens, un autre exemple, l'expression de "racisme antifrançais", qui était l'apanage des journalistes de "Minute", du jour au lendemain on l'a retrouvée sous la plume d'un journaliste du "Monde". La propagande s'est adaptée, le discours de Houellebecq est devenu plus politiquement correct. Il n'y a qu'à voir la nichée de petits écrivains serviles comme Zeller ou Yann Moix qui ont suivi et qui ont pu vilipender l'islam sans être le moins du monde inquiétés.

    Je sais ce que tu vas me dire, Pim, tu vas encore tenter de faire un raisonnement logique, tu vas me dire que la preuve que la censure n'est pas très efficace c'est que Le Pen et Houellebecq peuvent "cartonner" dans ce pays. C'est oublier deux choses importantes. Le Pen et Houellebecq n'ont fait qu'effleurer les tabous, ils ne s'en sont pas pris directement aux dogmes. Deuxio Houellebecq et Le Pen ont des talents d'acteur exceptionnels. Chacun dans leur genre ce sont des bêtes de scène, ils sont très doués pour échapper aux pièges des journalistes, si ce n'est pour piéger les journalistes.
    Houellebecq et Le Pen ne sont que la petite partie émergeant de l'iceberg qui menace le Titanic.

  • Les idées antisystème, dans ce pays, sont effectivement persécutées, mais à peu près de la même manière que celles des Lumières sous Louis XV. On fait des procès à ceux qui les expriment, on leur donne des amendes, on commence à les mettre un peu en prison. Tous les systèmes se défendent, et les systèmes affaiblis se défendent comme ça. Il n'y a pas de sociétés sans censure. En pratique, on ne peut pas tellement avoir beaucoup plus de liberté d'expression qu'en Occident.

    Dans un pays qui réprime véritablement la liberté d'expression, vous seriez en taule (ou geôlier) ou mort (ou boureau). Mais évidemment vu du quartier latin, la taule et la mort ce sont de jolies abstractions romantiques. Evidemment, quand on est "anti-matérialiste" (et aisé), on se laisse facilement aller à se rêver "prisonnier" du monde anti-spirituel des bobos, ou encore "mort" socialement, et à soupirer - avec réserve et retenue - à la greluche qu'on est en train de draguer que c'est bien entendu pire que d'être vraiment mort ou prisonnier.

    Je n'aime pas plus ce système et ses contradictions que vous, Lapinos. Seulement il faut bien lui reconnaître une chose: s'il ne se fait pas ostensiblement la publicité de ses critiques, comme tous les systèmes, il les laisse largement vivre et s'exprimer. Et je vous souhaite de pouvoir vous payer longtemps le luxe de croire que ce n'est qu'une nuance.

    Sur l'Islam, vous êtes à côté. Le "politiquement correct" est largement divisé sur son compte. C'est même un des faits majeurs de l'évolution du monde médiatique ces dernières années.

  • Vous avez raison de vous projeter au siècle de Louis XV, Gloups. D’abord parce que c’est à cette époque qu'est née l'idéologie moderne, sur la base de l'idée d'émancipation de l'individu, ensuite parce que le siècle de Louis XV précède de peu la crise de régime, crise de régime qui nous menace aussi - malgré tous les efforts de la propagande actuelle pour la masquer.

    Mais je crois qu'il faut aussitôt après ne pas avoir peur de se pencher sur les différences. Je dis “ne pas avoir peur”, car vous comprenez bien que en quoi c'est confortable à tous points de vue de penser que l'histoire se répète, qu'elle est cyclique, parabolique ou ce genre de chose. Or, la différence est de taille à mon avis. Louis XV manie le bâton et la carotte. Il lit les philosophes, au moins certains, mieux que cela, il fait accéder certains à des positions officielles, je veux parler de Voltaire, notamment. L'emprisonnement de Diderot fut assez bref et si peu rigoureux qu'il put franchir le mur d'enceinte du parc de Vincennes où il passait ses après-midi à écrire pour aller surveiller sa dulcinée, et rentrer ensuite. Du reste, ce qui prouve que la censure de Louis XV est assez modérée, c'est que ni Voltaire, ni Diderot, ni personne n'en tenait beaucoup compte. Sans vouloir diminuer leur courage, ils faisaient imprimer leurs ouvrages en Hollande et ceux-ci passaient facilement les frontières et étaient lus par toute la cour à Versailles. C'est plus une censure de principe. On ne peut pas tout dire ce que le roi ne veut entendre. Au lieu de cette liberté d'expression de principe actuelle qui n'empêche pas que des historiens, des écrivains, soient traduits en justice, molestés, emprisonnés. Par ailleurs la puissance de l'État et de sa police se sont considérablement accrues, les contre-pouvoirs sont beaucoup moins nombreux aujourd'hui. Voyez l’exemple des écoutes téléphoniques et de Jean-Edern Hallier, une telle pression est impossible sous Louis XV, époque où d'ailleurs les pamphlets circulent librement.

    La politique de Louis XV vis-à-vis des opposants au régime est modérée (trop peut-être, c’est un autre débat) et réaliste. Il s’adapte à la réalité de cette brillante opposition intellectuelle, tantôt en faisant preuve de sévérité, tantôt en se montrant magnanime. Chirac n’est pas du tout dans la même position. A-t-il vraiment eu le choix de ses idées publiques en tant que chef de parti ? Et en tant que chef de l’État ? Je ne crois pas. L'histoire de Chirac montre qu'il a été obligé de se délester d'une partie de ses "idées" en cours de route pour survivre médiatiquement.

    Enfin n’oubliez pas que Louis XV est l’héritier légitime d’un régime qui a tenu bon plusieurs siècles. Chirac, lui, n’est que l’héritier d’une république née d’un coup d’État et qui a succédé péniblement à quatre autres, le tout en à peine plus d’un siècle. La question de la légitimité ne peut pas être complètement évacuée. Il est probable qu’un régime dont la légitimité est fragile, superficielle, génère une propagande d’autant plus forte. La propagande de Louis XV est saine et artistique, si je puis dire. Il suffit alors que la France ait les meilleurs peintres, les meilleurs poètes, les meilleurs auteurs dramatiques.
    La France de Chirac a transformé même l’art en pure propagande, en propagande directe, décrétant l’art, l’entassant dans des musées tenus par des conservateurs payés par la République. C'est l'art des bons citoyens, si vous préférez, il n'intéresse ni l'élite cultivée, ce qu'il en reste, ni les classes sociales modestes, en revanche les bobos-citoyens se pressent au musée Pompidou comme des dévôts à la messe.

  • Lapin, vous êtes à votre meilleur lorsque vous parlez de Louis XV. A vrai dire, lorsque vous parlez de philosophie, vous ressemblez à un pilier de bar plus qu'à un libertin ou même à un bon chrétien.

    L'inanité de la philosophie est un topique du discours anti-intellectualiste. C'est à se demander pourquoi l'Eglise s'est donnée la peine de philosopher, notamment en commentant Aristote, pendant des siècles... et pourquoi on continue d'étudier la philosophie dans les séminaires. Je vous suggère d'adresser une protestation à Rome...

  • C'est pas trop dans mes habitudes de me laisser asticoter par un fan de l'école belge de peinture naïve tel que vous, Uhlan, ni de me faire traiter d'anti-intellectualiste par un bidasse allemand, mais bon, je préfère vous ménager car vous pouvez peut-être m'aider à faire le tri dans la philosophie de Marx entre le périmé et le comestible… C'est un tel bazar !

    (J'espère que vous ne vous complaisez pas dans les billevesées existentialistes et que vous pourrez m'aider à débroussailler un peu Marx).

    Ensuite rendez-moi justice que j'ai toujours dit que l'idéologie de l'Église et les aimables dissertations de théologie de Benoît XVI ne font qu'accélérer son déclin. Pour moi c'est le Professeur Nimbus, Benoît XVI, au moins Jean-Paul II faisait un peu de politique !

  • Oui, d'accord sur les différences. Mon analogie visait juste à qualifier grossièrement le degré de répression.

  • Benoît XVI en professeur Nimus, c'est amusant...

    S'agissant de Marx, vous ne m'imaginez quand même pas en marxiste, marxien ou même marxologue ?! Plus jeune, j'ai lu un peu Marx, mais tout de même !

    Sérieusement parlant, mieux que mes propres lumières, je ne saurais trop vous conseiller la lecture du Marxisme de Marx de Raymond Aron. Vous le trouverez aisément à la Fnac...

  • Nonon Lapin, je ne vais pas te présenter l'argument qu'ils ont cartonné, pas besoin d'aller jusque là, j'ai jeté un petit coup d'oeil, depuis le début Houellebeck est édité chez Flammarion, J'ai Lu, Librio, sans réserve. T'appelles ça de la censure Lapinou? Surtout qu'il me semble que tu connais un peu le milieu de l'édition, pas très compliqué, les journalistes sont leurs cousins germains.

    En regardant d'ailleurs, j'ai vu que les Inrocks -dont je découvre la maison d'édition- l'ont publié en 2005. Voilà comment ils lui ont pas pardonné tiens, même les pires du politiquement correct s'y mettent, les Inrocks, ces faux rebelles.

    Gloups, ça n'est vraiment pas gentil de comparer Lapinos à Stépane Trophimovitch, et je ne le vois pas sous cet angle d'ailleurs. Ceci dit rien ne t'empêche Lapin de te pencher sur "les démons", c'est mon préféré.

  • C'est très simple, Houellebecq a systématiquement - pour chaque sortie de ses romans - fait la couverture des Inrocks. Voilà le seul genre de rebelle que le lapin est capable d'assimiler : celui officialisé par cette presse qu'il voudrait detester, encensé par les chaînes de télévision qu'il honnit, ces "putains de la république" dit-il, et dont il va pourtant réguliérement visiter les bordels, parce qu'incapable d'aller se nourrir ailleurs. Lapinos, ou le résistant de pacotille. Vos leçons de lapin nain (je m'adresse à vous, c'est une marque de politesse) ne valent donc pas tripette. Feriez mieux d'éteindre votre télé et de vous mettre à la lecture.
    Vous verrez que Dostoievski, qui fut bien autre chose que cette sorte de lettré précieux dont nous nous gargarisons en France, avait tout vu de notre époque. Pim, qui semble moins faire étalage d'esprit que vous, est bien plus intelligente. Vous devriez l'écouter, ca vous éviterait de ressembler à ce bouffon de Sollers. D'ailleurs, vous devriez écouter les autres en général.

  • Moi j'aime bien Stépane Trophimovitch, c'est un personnage très sympathique. Je trouve au contraire que je suis très gentil avec Lapinos. Je pense qu'en vieillissant il pourrait peut-être espérer lui ressembler.

  • Merci du compliment Slothorp, mais si tu te mets toi aussi à m'utiliser pour votre guéguerre, je crois qu'on va pas s'entendre longtemps.

    Gloups, Stépane m'est sympathique moi aussi, mais quel triste sire. Dosto le rend sympathique par condescendance je trouve.

  • Quelle "guéguerre"? J'avais du temps, je suis venu le perdre ici, hypnotisé par les fanaux du crétinisme. Ce compliment, qui n'était qu'un constat, s'adressait au lapin, dont je ne doute pas qu'au fond de lui, tout au fond, git encore une ouverture à l'autre et un peu de doute sur lui-même. Même que je l'aime bien ce personnage de Lapinos.
    Et si je veux m'entendre avec quelqu'un, je sors dehors et je lui parle. Le reste, c'est du carnaval.

  • Oui je le sais que la guéguerre des pseudos est un carnaval, Lapin le sait aussi même s'il fait mine de l'ignorer quand ça l'arrange. Alors voilà, il se trouve que pimpeleu est un personnage bavard et susceptible qui n'aime pas servir de témoin, de potiche ou de second couteau et n'hésite pas à le clamer sur un air d'opérette.

  • Uhlan, je ne vous demandais pas de me renvoyer à ce raseur d'Aron mais de me dire quels chapitres de Marx ont été démentis par les faits - je me suis égaré dans la "Question juive", que l'histoire a rendu obsolète, et je cherche une porte de sortie car je me les pèle très vite dans les ouvrages philosophiques.

    Pim, les ouvrages de Houellebecq ont été publiés en poche a posteriori, comme c'est toujours le cas d'ailleurs, après le carton de "Plateforme" (2001). Son bouquin "Extension" (1994) et même "Les Particules" (1998) ne doivent leur succès qu'au bouche à oreille. Dans le régime démocratique dans lequel nous vivons, où le politiquement correct, les médias audiovisuels fabriquent les dogmes d'une nouvelle religion d'État, ceux qui osent (pas forcément parce qu'ils sont courageux, il y a pas mal de naïveté chez Houellebecq au départ, je pense), ceux qui osent s'en prendre aux dogmes, ne serait-ce qu'indirectement comme Houellebecq et Le Pen, créent le scandale, et s'ils ont la force et le talent de maintenir le couvercle soulevé, ils cartonnent. On peut dire effectivement que le dissident Houellebecq a un "permis de s'exprimer" aujourd'hui, depuis son dernier bouquin, mais même dans les régimes communistes les dissidents célèbres deviennent intouchables : du fait de leur célébrité les éliminer s'avère contre-productif.
    Avant d'empêcher ou de permettre à Le Pen d'obtenir les signatures qui lui manquent, par exemple, le "système" s'interroge d'abord sur le point de savoir si ce sera productif ou contre-productif de lui permettre de les obtenir - ou pas. (Cette question devient d'ailleurs de plus en plus compliquée, ah, ah, d'où les migraines de Sarko.)

    Slothorp fait sans doute partie d'un microcosme pour croire que "Les Inrockuptibles" ont une quelconque influence dans ce pays. Je n'est même jamais tenu ce canard en main de ma vie. Pourquoi pas "Les Cahiers du Cinéma" tant qu'on y est…
    Sur Dostoïevski je t'ai déjà répondu, Pim, que je ne suis pas très "slavophile", d'où mon dégoût pour des philosophes polonais comme Nietzsche, Kant, Schopenhauer ou Jean-Paul II. Je pense que tu peux comprendre, Pim, en quoi les préjugés sont génétiques également, et pourquoi je suis naturellement beaucoup plus enclin à faire mon miel dans La Bruyère, Descartes, La Rochefoucauld, Voltaire, Diderot, Rousseau… D'ailleurs ça tombe bien car Nietzsche et Schopenhauer n'en sont que des imitateurs. Ma cervelle n'est pas tout à fait faite pour ça, autrement dit. Tant qu'à voyager, j'irais plutôt en Angleterre, tu vois, chez ces philosophes qui au contraire ont inspiré Voltaire ou Diderot, ou les ont contredits. Je n'ai pas le goût de la contorsion comme ce cher Uhlan ou ce pauvre Slothorp. Du travesti, oui, mais pas de la contorsion.

  • Nonon Lapin, j'ai passé en revue TOUT les bouquins de Houellebeck depuis le début, ils ont été publié par des éditeurs très bien distribués depuis le début. Le gros succès s'est fait par bouche à oreille parce qu'il a été lu. Dans un pays de censure les gros éditeurs ne prendraient pas le risque d'éditer un auteur sulfureux. A moins que Slothorp dise vrai et qu'il ne le soit pas du tout, sulfureux. J'avoue que je ne l'ai pas lu et n'en ai pas l'intention, et ça n'est pas même une question de préjugés, c'est juste que j'ai d'autres priorités sur ce plan comme je te l'ai déjà dit.

    Sur Dosto tu as bien tort, outre les aspects historiques, si tu savais toute l'eau à ton moulin que sa lecture pourrait te fournir, en particulier dans ton combat contre les athées militants, tu changerais peut-être d'avis, mais peu importe.

  • Le succès de H. a commencé par un bouquin publié aux éditions Maurice Nadeau, Pim, rien à voir avec les usines Gallimard qui publient Johnatan Littell pour les bobos. Par l'odeur de l'oseille alléchés, d'autres éditeurs ont pris le relais de Nadeau.
    Mais H. est bien né hors du système. Ensuite je me contredirais si je te disais que H. piétine les tabous, comme Diderot par exemple. Dans la société démocratique qui étête tout ce qui dépasse, la contestation frontale est plus difficile qu'à l'époque de Louis XV. H. se contente de faire semblant, mais ça suffit à déchaîner l'ire des médias. Je pourrais te faire une liste d'auteurs complètement interdits, censurés ou contraints à l'autocensure, étouffés. Mais ça ne serait pas très malin de ma part de publier une liste de dissidents, n'est-ce pas ? Et puis ces noms ne te diraient pas grand-chose, forcément.

    On pourrait aussi s'intéresser à la manière dont les auteurs décédés sont censurés, Pim, à la manière dont Céline est bouté hors des programmes scolaires.

    De ce constat, Gloups qui veut bien de la thèse et de l'antithèse mais hésite pour de mauvaises raisons devant la synthèse, Gloups va déduire que cela ne fait que démontrer que le régime actuel est plus fort que le régime de Louis XV. Ce serait une dialectique un peu simpliste. Si la police de la pensée veille aussi jalousement sur les dogmes démocratiques, c'est qu'elle a conscience de leur grande fragilité. Un écrivain de la trempe de La Bruyère ou de Voltaire, ça serait comme un éléphant dans un magasin de porcelaines, c'est pour ça qu'il y a des flics partout. Tandis que la négation athée, Pim, elle n'effraie pas Louis XV de la même manière. Il a bien conscience de ce que nier Dieu ne suffit pas à le tuer. Du moins il faudra en passer par la "fiction" de Kant et de ses héritiers pour ça.

    Louis XV est un censeur moins sévère non pas parce que son régime est moins fort mais parce qu'il est moins menacé idéologiquement.

    Maintenant arrête de faire le butor et écoute-moi bien, Pim. Je ne veux pas retourner au siècle de Louis XV. Ne serait-ce qu'envisager ce retour, comme TU le fais, serait d'une naïveté quasi hégélienne. Le retour comme le progrès, il te faut dépasser ces vues de l'esprit semblables. Ca ne m'empêche pas de comparer l'extraordinaire floraison artistique qui a lieu sous Mme de Pompadour à la terrible disette que nous connaissons aujourd'hui. Pas besoin d'être Schopenhauer pour comprendre que les artisans ne se
    nourrissent pas de concepts et d'idéologie, de géométrie, mais que la vie dans toute sa complexité est la seule vraie source d'inspiration.

    (Je n'ai pas besoin de lectures pour combattre les athées militants, Pim, j'ai besoin d'armes, merci quand même pour ton aide.)

  • "Louis XV est un censeur moins sévère non pas parce que son régime est moins fort mais parce qu'il est moins menacé idéologiquement."

    Ca me paraît juste, oui. En tout cas il se sentait moins menacé, c'est très clair. Et pourtant, son monde a été renversé quelques décennies plus tard, par la première révolution totalitaire du monde moderne. (Son monde idéologique, pas son monde politique).

    Je recommande de jeter un oeil sur "l'histoire parlementaire de la Révolution Française", dont les 40 volumes sont en ligne sur Gallica. La prose de ces gens-là... C'est tout bonnement terrifiant... Quand je pense qu'il y a eu des historiens assez patients - ou assez stupides - pour se pencher sérieusement sur ce fatras d'incohérences, et pour essayer de trouver un sens à ces fragments de raisonnements baignant dans une bouillie d'émotions factices... ouvrez Libé, au hasard, ils sont toujours là, avec la même haine et la même froideur...

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