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De Goebbels à Sarkozy

Comparer Sarkozy aux nazis, à Hitler, peut paraître exagéré. Le fait est que les circonstances historiques sont très différentes. Hitler se situe plus près de l’apogée du capitalisme, Sarkozy, lui, est plus près de sa décomposition.
Reste que ma comparaison n’est pas plus absurde que celle que les médias ont osée entre Sarkozy et Napoléon. Entre l’empereur et le führer, les points communs sont d’ailleurs nombreux. La principale différence, c’est que Napoléon est censé incarner la France, ce qui conduit l’Education nationale où règne le chauvinisme, le nationalisme le plus étriqué, à opposer deux figures historiques pourtant proches, qui ont modifié nettement leurs nations avant de les conduire à la catastrophe en passant par des victoires éclatantes.

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Le goût prononcé des Français pour les gendarmes, pour l’uniforme, “Le prêtre, le poète ET le soldat” dit encore Baudelaire au XIXe, ce goût les Allemands en ont sans doute hérité de Napoléon et des Français. Indiscutablement, au XVIIIe, et jusqu’au début du XIXe siècle, la France a exercé une forte influence sur l’Allemagne, la Prusse notamment. Aujourd’hui encore, l’ouvrage de Mme de Staël, De l’Allemagne, est célèbre dans les milieux intellectuels allemands malgré la faiblesse de son argument.
Ce qui a probablement séduit une partie des artistes et des intellectuels français les plus brillants dans l’Allemagne hitlérienne, de Céline à Brasillach en passant par Drieu La Rochelle, c’est l’effet de miroir. Ça n’a pas duré, car comme le reconnaît vite Drieu avec dépit, Hitler n’est qu’un bourgeois comme les autres. Le seul point commun idéologique entre Drieu, qui a touché un peu à tout, et les nazis, c’est le paganisme bouddhiste - Nitche, pour simplifier. Mais quel bourgeois ne s’entiche pas, à un moment ou à un autre, de Nitche ? Drieu est d’ailleurs assez lucide pour reconnaître que ce qui lui plaît le plus dans le bouddhisme, c’est sa nouveauté (cinquante ans plus tard Houellebecq fait figure d’attardé sur ce plan comme sur beaucoup d’autres).

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Une observation parallèle : de Barbey à Drieu la Rochelle et Céline, en passant par Baudelaire, Bloy, Marx, ce qui fait leur force c’est que ce sont, à des degrés divers, des marginaux. Voltaire et Diderot n’en étaient pas. Et Rousseau l’était moins, guère indépendant. Qu’est-ce que ça change ? C’est ce qui leur donne un point de vue plus élevé, ils ne défendent pas instinctivement les intérêts de leur classe sociale ni même d’une quelconque catégorie. Les insultes lancées par Céline à toutes les institutions et à tous les lobbys influents de son époque ont cette signification. L’accusation d’antisémitisme dirigée contre Céline est le fait d’un bourgeois, d’un social-traître comme Sartre, ou d’un imbécile comme Siné, anar pour rire.
Mais ces écrivains ne sont pas pour autant “antisociaux” ; de leur point de vue, c’est la bourgeoisie et ses institutions nouvelles qui sont antisociales.

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Au plan idéologique on peut isoler un tronc de dogmes, de valeurs, de références communs aux libéraux de gauche, de droite, aux démocrates, aux nazis, même aux démocrates-chrétiens. Entre ces “partis”, il n’y a pas de frontières étanches. On a affaire en réalité à un vaste grenier (beaucoup de ces idées prétendument modernes remontent en réalité à plusieurs siècles av. J.-C.) où moisit tout un attirail idéologique dans lequel le régime capitaliste dit “démocratique” puise des slogans.
Dans ce tronc on retrouve notamment l’évolutionnisme, une certaine forme d’anthropologie abstraite, le credo capitaliste selon lequel le capitalisme serait le meilleur des systèmes possibles (credo qui évoque fortement Pangloss), un certain positivisme scientifique, c’est-à-dire l’assimilation du progrès à la science et de la science à la technologie, l’égalitarisme et sa branche féministe, en pleine efflorescence, et l’athéisme, ou, pour être plus précis, une certaine forme de paganisme. Voilà pour les valeurs communes de la bourgoisie au pouvoir en Occident, transmises à 99 % des Occidentaux, étant donné la force des moyens de propagande dont la bourgeoisie au pouvoir dispose. On peut citer comme “docteurs” de cette Église : Nitche, Sartre, Heidegger, Darwin, Tocqueville, Malthus, Kant, Freud… à verser au contraire aux fossés de l’histoire pour un catholique marxiste.

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On objectera l’antiracisme de Sarkozy, opposé au racisme d’Hitler. Il n’est pourtant pas difficile de voir qu’on a affaire là à deux conceptions assez idiotes et restrictives, toutes deux “antisociales”. La base de l’antiracisme, c’est le racisme. Il ne suffit pas de renverser une idée idiote pour faire une idée féconde. D’ailleurs, que reste-t-il de ces “philosophies”, au sens contemporain du terme, lorsqu’on les confronte à la réalité ? Hitler n’a pas hésité à mettre au service de sa politique des races non-aryennes. Quant à l’antiracisme, il n’empêche pas les bobos qui y adhèrent de vivre à l’écart des noirs.
Les Etats-Unis, la plus grande nation antiraciste, est d’ailleurs fondée sur l’esclavage. L’esclavage des nègres dans les champs de coton, relayé par l’esclavage des immigrants dans l’industrie. Qu’est-ce que signifie une "économie tournée à 75 % vers les services" si ce n’est que 75 % de la production est assurée par des esclaves en Asie ? Toute la politique de “quotas de races” menée aux Etats-Unis n’a qu’un but, dissimuler l’écart criant entre les discours démocratiques et la réalité capitaliste. En Afrique du Sud ils ont élu Nelson Mandela, c’est le même genre de stratégie de communication.

(Il me reste à démontrer que l’idéal démocrate-chrétien n’est pas très différent du paganisme pour compléter mon raisonnement. Mais ceci est une autre histoire.)

Commentaires

  • Ah, et puis c'est original, en plus, de comparer Sarkozy à Hitler.

  • Pas tellement. Mgr Von Galen de Munster, un des rares opposants vigoureux à Hitler, en voyant les ravages des bombardements yankis de populations civiles à la fin de la guerre constatait déjà que les nazis et les yankis (que Sarkozy nous propose comme modèles), c'était la même engeance. Je ne fais que préciser la même engeance LIBÉRALE.

  • C'était ironique, Lapinos. Toute la gauche bien-pensante compare Sarkozy à Hitler.

    Prendre l'indignation de Von Galen devant la barbarie des bombardements pour une analyse sous-tendant votre thèse abstraite de bobo parisien (notez que je ne dis même plus "de droite"), je trouve ça particulièrement malhonnête.

    Maintenant je vois bien ce que vous voulez dire, par votre comparaison. Le nazisme comme le "libéralisme" contemporains ont en commun l'athéisme et la négation de toute spiritualité. Mais c'est un trait général à l'époque. Vous commettez d'une certaine manière la même erreur que les athées qui attribuent toutes les horreurs commises par des chrétiens au christianisme en lui-même.

  • Cela ne fera qu'une erreur de plus au tableau du cher Lapinos... Il y en a tant que c'est sans doute parce que les - rares, mais existants - éclairs de lucidité qui y surnagent en sont d'autant mieux mis en valeur.

    Un exemple, présenter Heidegger comme rendant équivalents progrès et technologie, et comme prônant le capitalisme, alors qu'il n'a fait qu'en dénoncer les méfaits, c'est absolument grotesque. Qu'il fut païen à sa manière, certes. Son anthropologie n'est du reste pas si abstraite que cela puisqu'il intègre, d'une façon qui entretient la polémique d'aujourd'hui (qui comme toute polémique sert à se soustraire à l'impératif de se confronter à sa pensée), les notions de terre et de peuple dans cette anthropologie, par ailleurs surtout basée sur la résolution anticipatrice face à la mort, outre la distinction entre ontologique et ontique (Dasein authentique ou non). Heidegger, outre qu'il ne fut pas précisément un chantre de l'égalitarisme (Nietzsche non plus, d'ailleurs, pas plus qu'il ne fut féministe ou positiviste...) fut également un adversaire résolu du positivisme scientifique... donc la catégorisation de notre cher blogueur tombe totalement à plat.

  • Toute la gauche bien-pensante ? Vous parlez de Kouchner, ou de BHL, ou de Finkielkraut, ou... de quelle gauche bien-pensante vous voulez parler ? De Besancenot ?

    J'ai admis qu'il s'agissait de juger l'idéologie sakozyste et non les faits historiques. Sur le plan historique, Hitler a réalisé pendant quelques années le socialisme, tandis que Sarkozy s'est contenté de promettre qu'il le réaliserait.

    Ce que je veux dire, c'est que sur le plan idéologique, il n'y a pas de rupture entre Goebbels et un libéral de droite ou de gauche contemporain. La rupture elle est entre les libéraux au pouvoir et les marxistes, les catholiques, les musulmans, ultraminoritaires.

  • Trois auteurs qui font l'objet d'un consensus des nazis à la gauche libérale en passant par les démocrates-chrétiens : Nitche, Heidegger et Feuerbach.
    (Je n'ai pas dit que Heidegger était favorable au capitalisme, j'ai dit que c'était un idéologue décadent, tout ce que Péguy, Bloy, Claudel, Marx, détestent.)

    Nitche n'a pas grand intérêt du fait qu'il est nettement inférieur et tardif par rapport à La Rochefoucauld ; Heidegger est nullissime, d'où l'engouement actuel pour ses niaiseries ; Feuerbach est le plus intéressant, j'en reparlerai bientôt.

  • Ca y est, j'ai trouvé la vértable identité de Lapinos. C'est Vincent Delerm. Cette manie du name-dropping vous a trahi, Vincent!

    Nietzsche a tout dit et son contraire, évidemment que tout le monde y trouve son bonheur. Mais ce n'est qu'un littérateur de lui-même, rien de plus.

    Pas lu les deux autres.

    Sinon, "pas de rupture", ça ne veut à peu près rien dire. Vous ne prenez pas grand risque.

    "il n'y a pas de rupture entre Goebbels et un libéral de droite ou de gauche contemporain. La rupture elle est entre les libéraux au pouvoir et les marxistes, les catholiques, les musulmans, ultraminoritaires."

    On peut toujours rassembler n'importe quels éléments entre eux en privilégiant une variable. Vous ne précisez pas la variable. Alors on ne comprend pas bien ce que vous voulez dire.

    Par exemple, si je choisis le rapport à la violence physique dans la vie quotidienne de la société, je vais retrouver Goebbels, les marxistes et les musulmans plutôt dans le même camp, dans la mesure où ils estiment qu'à certaines conditions elle est justifiée. Les libéraux et les catholiques d'aujourd'hui, en revanche, ont tendance à estimer le contraire (hors situation de guerre).

    Si on considère la prétention à l'universalisme, on va retrouver Goebbels d'un côté, et les marxistes, les musulmans, les catholiques et les libéraux de l'autre.

    Etc.

  • C'est très simple, Gloups, mais il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. La rupture idéologique, affirmée et répétée en boucle sur les ondes de radio et de télé, entre le nazisme et le libéralisme, n'existe pas. Nazis et libéraux ont beaucoup de principes en commun. Lorsque Samuel Huntington déclare à juste titre que le spectre politique aux Etats-Unis exclut le marxisme et le conservatisme aristocratique, on peut ajouter : exactement comme dans l'Allemagne de Bismarck, rouges et cléricaux minoritaires furent bannis de la vie politique.
    (Un bannissement similaire a lieu au cours du règne de Napoléon III qui bascule dans l'anticléricalisme.)

    Je vous accorde qu'il est insuffisant de juger un régime sur ses principes ou sur sa propagande. Ainsi lorque les Etats-Unis se présentent comme une nation pacifique, il faut être jobard pour prendre ça au pied de la lettre. Ce ne sont pas les démocrates bon teint qui ont manqué, y compris en France, pour justifier le bombardement des populations civiles irakiennes, le procès truqué de Saddam Hussein et sa pendaison, etc.

    L'antiracisme, le pacifisme démocratique sont de nature démagogique comme le racisme et les airs martiaux du nazisme.
    Cet antiracisme fait une belle jambe à l'Afrique, ainsi qu'aux travailleurs immigrés qui ramassent les poubelles dans les beaux quartiers peuplés de bobos antiracistes.

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