“L’essence de la démocratie”, “L’essence de la pensée démocrate-chrétienne”, c'est une allusion à Feuerbach, quand même moins nul que Kant ou Nitche.
Il faut signaler la médiocrité des exégètes marxistes français ici. On ne peut pas affirmer que Marx emprunte à l’athéisme de Feuerbach sans remarquer également l’opposition presque radicale de leurs modes de raisonnement. Marx est un antiphilosophe qui rejette le raisonnement dit “ontologique” de Feuerbach, c’est-à-dire un raisonnement spéculatif et antihistorique, antipolitique. Nul n’incarne mieux que Marx le retour à la raison grecque, à ses principes écartés par la bourgeoisie et par les barbares yankis.
Feuerbach, n'est qu'un philosophe aimant les sophismes.
On a tort de croire que Marx a exercé une influence sur la société française, à l'exception de quelques historiens subtils. Les élites en France sont républicaines ou démocrates-chrétiennes, tournées vers le passé, attachées à de vieilles lunes, et par conséquent imperméables à la modernité de Marx. On confond Marx avec Trotski, alors que celui-ci n'est qu'un opportuniste, comme ses disciples français, Lionel Jospin en tête. Quel rapport entre le jargon idéologique de Lionel Jospin et Marx ? Encore faut-il reconnaître à Trotski et à Lénine le mérite d'avoir importé en Russie la pensée occidentale de Marx.
Le marxisme chez nous a largement été étouffé par les palinodies de Sartre, prophète de l’égotisme bourgeois, les mièvreries de Debord ou de Baudrillard, qui plaisent tant aux bobos. Sous prétexte d’actualiser Marx, on n'a fait que le désamorcer.
En revanche, oui, les sophismes de Feuerbach imprègnent largement les dogmes démocratiques en vigueur. On peut d’ailleurs dire de Feuerbach qu’il est le trait d’union entre la pensée démocrate-chrétienne et le paganisme. Un démocrate-chrétien qui lirait L’essence du christianisme plutôt que Harry Potter ou Johnatan Littell, il se verrait dedans comme dans un miroir.
Quelle est la théorie de Feuerbach ? De façon systématique (et assez fastidieuse), Feuerbach s’applique à “retourner la chaussette” ; ce n’est pas Dieu qui a créé l’homme à son image, mais l’homme qui a créé Dieu à son image.
L’erreur de Feuerbach est assez criante et elle a certainement frappé Marx et Engels, dont l’enthousiasme pour Feuerbach fut passager. C’est typiquement une erreur de puritain et d’iconoclaste protestant. D’ailleurs l’idéologie, en général, n’est-elle pas une forme de puritanisme, un dégoût des choses matérielles et de la peinture dont la société de consommation et le cinéma sont l’aboutissement logique ? Il n’y a pas de paradoxe dans cette société yankie puritaine dont l’économie repose de plus en plus sur l’escroquerie, l’abus de confiance et la prostitution.
Feuerbach, qui prend pour référence non pas la religion catholique mais le protestantisme, plus authentique selon lui (plus pur, croit-il), et une partie de la théologie chrétienne, confond religion et théologie. Pourquoi ? Parce que c’est lui-même un théologien, un athéologien si on veut. La théologie est l’opium des intellectuels, voilà en réalité la démonstration involontaire de Feuerbach.
Il croit démontrer que l’homme a inventé Dieu à son image alors qu’il prouve, ce n’est pas faux et c’est ce que Marx a retenu, que la théologie n’est qu’anthropologie. On n’est pas loin de ma démonstration que la pensée démocrate-chrétienne tend à n’être qu’un paganisme ordinaire.
Ce que Marx a emprunté à Feuerbach, c’est seulement la volonté de gratter les sépulcres blanchis de la bourgeoisie, de s’intéresser aux mobiles. La condamnation du régime birman pour mieux "dealer" avec la Chine : immondes capitalistes !
Mais Marx creuse beaucoup plus profond. Alors que les interprètes français de Marx, dans leur grande majorité, Althusser, Balibar, etc., ont fait de Marx un philosophe ordinaire, comme Feuerbach.