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feuerbach

  • Queue de l'Athéisme

    Depuis une cinquantaine d'années, voire un peu plus, l'athéisme est entré dans une phase religieuse extrêmement inquiétante, qui d'après moi correspond à l'avènement du cinéma et de la culture de masse, c'est-à-dire d'un moyen de sidération massif au service de la bourgeoisie libérale.

    La culture de masse est une raison d'estimer la démocratie libérale ou chrétienne comme un régime plus totalitaire encore que le nazisme ou le communisme soviétique, à l'inverse de ce que certains universitaires spécialisés dans le blanchiment prétendent. La gabegie économique des élites libérales n'est rien à côté de leur gabegie morale. Bien entendu le dérèglement économique n'est que la conséquence de cette dernière. "Marx s'est trompé, le capitalisme lui survit", entend-on répéter des spécialistes autoproclamés de l'économie, c'est-à-dire du néant. Cela revient à déclarer vivace un vieillard en proie à la maladie d'Alzheimer. Tous ces économistes chargés de "missions de réforme" sont aussi ridicules que les médecins de Molière. On a atteint le point, en politique comme en art, où l'aliénation préside à la vocation politique. Cela a toujours été le cas, diront certains, attentifs à la philosophie et sa remarque ancienne selon laquelle les hommes politiques agissent toujours avec une certaine dose d'inconscience. Cela a toujours été le cas, mais autrefois les politiciens ne prêtaient guère l'oreille aux discours confus de leurs médecins.

    Par "phase religieuse" athée, je veux parler d'un athéisme culturel entièrement dépourvu de la dimension critique qui détermina la pensée athée au cours des siècles précédents. La plupart des athées aujourd'hui, à l'inverse de Diderot, d'Holbach, ou encore Feuerbach et Nietzsche plus récemment, s'opposent à un christianisme dont ils ignorent à peu près tout. La volonté de purification de la foi que Simone Weil discerne chez certains athées, c'est-à-dire un mouvement athée plus spirituel que le mouvement religieux, a pratiquement disparu aujourd'hui.

    Ce état actuel de l'athéisme est inquiétant à double titre. Des pans entiers de la culture occidentale sont occultés, c'est-à-dire aperçus presque exclusivement sous l'angle esthétique. L'université moderne mérite les mêmes sarcasmes que ceux adressés par les humanistes de la Renaissance à la culture médiévale. Exprimant des convictions, voire une intuition athée, le citoyen laïc moderne ne s'aperçoit pas que, loin d'hériter de l'esprit critique de l'humanisme ou des Lumières, il prolonge l'ancienne bigoterie dont il se croit émancipé. Il se rend au bureau de vote pour voter, sans se poser plus de question qu'un dévot sur le rituel auquel il assiste.

    Le danger de cet athéisme, nettement dominant dans la société civile, et d'ailleurs complémentaire de la démocratie-chrétienne (de nombreux laïcs français présentent la théocratie américaine comme un modèle du genre "avenir", et sociologiquement ce sont à peu près les mêmes qui vantaient naguère l'URSS officiellement athée) est comparable au danger de la technique confondue avec la science. Le confort de l'esprit est synonyme de fanatisme, et il s'appuie dans cette mouture athée ultime sur la position dominante scolastique et la négation de l'esprit critique. De façon frappante, cette arrogance athée, équivalente de l'arrogance cléricale du XVIIe siècle, est le fait principalement des élites intellectuelles. Elle est d'ailleurs dirigée, non pas tant contre le christianisme que contre tout ce qui n'est pas moderne, en termes de culture. Dans le reste de la population, l'ignorance est à peu près la même, entretenue par l'institution scolaire et sa manie du calcul mental, mais l'arrogance est bien moindre, le dialogue possible.

    Un dernier chapitre sur Michel Onfray, qui s'adresse à des milieux populaires et à qui sa contestation de certaines doctrines officielles a valu les foudres du haut clergé. Malgré un effort critique, Michel Onfray reste assez confus (Diderot l'était aussi), passant de l'apologie de Nitche à celle de Proudhon, presque à l'opposé. Il a fallu également beaucoup de temps à cet érudit populiste pour comprendre que le psychanalyste joue aujourd'hui le même rôle social que le curé jouait autrefois, et que d'une certaine façon les dernier prêtres catholiques romains sont bien plus liés à la psychanalyse qu'à la lettre et à l'esprit de l'évangile. Proposer comme il le fait de substituer une psychologie nitchéenne à la psychologie freudienne revient pratiquement à faire l'éloge du catholicisme romain contre le protestantisme, ou du moins d'une religion plus concrète que la pure rhétorique chère aux Allemands. On pourrait aussi imaginer des thérapeutes nitchéens pour les hommes, et des thérapeutes freudiens pour les femmes ; quoi qu'il en soit, c'est une critique d'une portée très limitée, un amendement venu du bas-clergé à la ligne culturelle définie par les quelques évêques qui disent aux Français ce qu'ils doivent croire.

     

  • L'Athée

    Où l'athée se montre très semblable au catholique romain, c'est par l'ignorance crasse du b.a.-ba de sa propre doctrine. Je pense en particulier à Michel Onfray, qui tient sur le matérialisme les propos les plus délirants. Matérialiste, Nitche ? Il n'y a pratiquement aucun Boche qui le soit. Bien sûr le fétichisme et la religion de l'art (la musique) sont fondamentalement animistes.

    Je n'en veux pas à cet énergumène pour son ignorance, mais il est typiquement, à l'inverse de L.-F. Céline, le type du républicain qui se fait un devoir de bourrer le mou au peuple.

    Si les valeurs républicaines sont aussi débiles, c'est historiquement parce qu'elles ne font que proroger les valeurs éthiques chrétiennes.

    Je conseille aux athées la lecture de L. Feuerbach (Nitche n'est pas athée, mais nostalgique du droit divin d'ancien régime) ; cet autre Allemand (c'est un fait historique que l'arriération philosophique allemande et l'athéisme sont liés) élucide beaucoup mieux la psychologie athée moderne, et comment pour que l'homme devienne son propre dieu (processus aussi incestueux qu'oedipien), l'étape préalable de l'invention d'une religion à sa mesure était indispensable, où le clergé latin a joué un rôle subversif décisif, nul n'étant mieux placé que lui pour ôter son caractère surnaturel au message évangélique. Il y a deux sortes de tocards ultimes en France aujourd'hui : les laïcs athées qui s'opposent à la théorie des "racines chrétiennes", alors même qu'ils en sont le prolongement ; et les démocrates-chrétiens insanes qui revendiquent ces "racines chrétiennes" impossibles selon les écritures saintes. Et cette chienlit-là est déversée sur le peuple et les gosses par des fonctionnaires qui ne méritent pas un centime. 

  • Signes sataniques du temps

    D’une certaine façon, saint Augustin est la matrice de la science-fiction, divertissement satanique, et non seulement la matrice de l’’autofiction’, comme on a l’habitude de dire. Sa physique, sa théologie, Augustin les extrait de sa fiction intérieure. Tout ramène Augustin à Lui (ici brille déjà le miroir glacé de la plus grande fiction morale des Temps modernes : les "Droits de l’Homme", justice du Léviathan.)
    On ne peut même pas en dire autant de J.-J. Rousseau, plus altruiste, même s'il a chassé comme Augustin et Abraham sa progéniture !

    L’’homme intérieur’ de saint Paul, homme plein, devient par Augustin "résonnant et réfléchi", un gong, un homme creux. L’imbécile Nitche a cru aller vers Zarathoustra, alors qu’Augustin avait déjà fait tout le chemin.
    L’ultime science-fiction, la plus souterraine, consiste à faire de l’homme un Dieu ; la science-fiction de Darwin, celle de Galilée ou Kopernik, ne sont que dérivatifs, anamorphoses. La beauté du Diable est symétrique ; il n’empêche que ses gnomes sont difformes, au point d’apparaître même sous l'apparence du discours chrétien dans les Evangiles.

    L. Feuerbach pousse dans ‘L’Essence du christianisme’ la téléologie d’Augustin à son point de flexion maximum, jusqu’au mirage. Feuerbach possède d’ailleurs une séduction, un éclat, que la littérature de presbytère de Nitche n’a pas. Que sont les petits blasphèmes de Pascal, Nitche, Jean-Paul Sartre ou Jean Guitton à côté de la téléologie radicale de Feuerbach ? Des facéties mondaines. Qui peut prendre Guitton au sérieux en dehors d’un cardinal écarlate ?


    Le grand maître du bouddhisme chrétien, c’est bel et bien Feuerbach. L’athéisme vaut par la rigueur de son raisonnement : seuls Marx et Engels, au cœur de l’apocalypse, l’ont compris. Le moyen-âge et plus encore la Renaissance occitane, avant Marx et Engels, condamnent la fantaisie platonicienne et pythagoricienne d'Augustin.

     

  • Un peu de science pour tous

    En théologie comme en géométrie, le Néant se déduit de l'Infini et non l'inverse.

    En optique, ce sont les deux bouts de la lorgnette. Autant dire que depuis que Feuerbach est mort, l'Eglise laïque s'éclaire à l'électricité.

  • Marx, Antigone et les crétins

    Le mérite revient à Marx d'avoir démontré de façon drastique comment, en fait, la laïcité est la religion de l'Etat totalitaire (In : Critique de l'Etat hégélien). Il fait voir en quoi la mystique de Hegel est une illusion (elle-même issue des ratiocinages gnostiques de Kant). Evidemment on aurait tort de croire que Marx s'attaque au penchant naturel de l'homme à s'organiser, à concevoir des critères et une hiérarchie. Tout au contraire, la religion laïque est pour Marx facteur d'abrutissement, un opium plus fort que n'importe quel autre, destructeur au bout du compte de tout art, de toute science et de toute politique - en un mot de toute spiritualité.

    Ce qui confirme la démonstration de Marx que la religion laïque mène au totalitarisme, c'est que bien peu d'adeptes de la laïcité aujourd'hui ont une notion à peu près claire des principes de Hegel, pourtant le plus solide théoricien de l'Etat divin. Ni même une notion claire de Feuerbach, le plus solide théoricien de la morale démocrate-chrétienne. Il est vrai qu'en France on a tendance à tout ramener aux Lumières, à Voltaire et à Rousseau, bien que le premier ait plutôt été inspiré par le régime de la monarchie constitutionnelle anglaise, qui n'est pas une théocratie laïque, et que le second ne soit en aucun cas un athéologien comme Feuerbach ou un admirateur de l'Etat-Dieu dirigé par un homme providentiel comme Hegel (On imagine mal Rousseau admirateur de Bismarck, Napoléon ou Hitler).

    Balzac de son côté a bien compris que le XIXe siècle et la société civile bourgeoise naissante qu'il a si bien peinte en humaniste, est non seulement marquée par la haine de Dieu mais également par la haine du siècle de Louis XV et de ses Lumières. Rousseau et Voltaire n'ont pas été enterrés, bien sûr, mais ils survivent à l'état de fétiches, comme Baudelaire et Balzac dans le petit musée de Proust. Au mieux on peut dire que Proust est un fétichiste qui a le bon goût de ses fétiches, comme l'égocentrique Sollers aujourd'hui. Mais ce fétichisme n'a pas grand-chose à voir avec le contenu de Voltaire, Rousseau, Balzac ou Baudelaire.

     

  • Rapport de forces

    J'ai rapproché le jansénisme de Benoît XVI de celui de Jean-Paul Sartre. On peut aussi rapprocher Benoît XVI de Feuerbach. Leurs raisonnements sont homologiques. Ou, dans un langage plus marxiste, ils se tirent une balle dans le pied. Feuerbach en déterminant son athéologie (positive) à partir de la théologie protestante marquée par l'augustinisme ; Benoît XVI en appuyant son moralisme chrétien sur le moralisme athée, refait le chemin en sens inverse. Une homothétie de centre D, comme Dieu. Or le catholicisme n'est pas homologique mais analogique. Il ne se satisfait pas de la contradiction, il exige la synthèse.

    "A la fin de chaque vérité il faut ajouter qu'on se souvient de la vérité opposée." dit Pascal. Voilà la contradiction. Elle renferme non seulement Pascal, mais aussi Nitche, Heidegger, Sartre, Gombrowicz, tous les "existentialistes", et même Voltaire. La contradiction de Hegel "progrès-fin de l'histoire", ce noeud a été tranché par Marx.

    Il semble que de l'âge grec archaïque à l'âge grec classique il y a une révolution, comme du judaïsme au christianisme. De l'âge des extrapolations mathématiques et des projections géométriques, les Grecs sont passés à l'âge du théâtre et de l'art grecs.

    J'en profite pour dissiper une erreur enseignée comme une vérité par beaucoup de pseudo-théoriciens de l'art. Les peintres avant-gardistes de la Renaissance ne procèdent pas par homologie mais par analogie. Autrement dit, la perspective est une analogie et pas une homologie. Il faut un crétin de l'épaisseur de Jean Nouvel pour faire de l'architecture géométrique. Les pyramides ne résistent que dans la mesure où elles ne sont pas géométriques. 

     

  • Crever la bulle

    Je feuillette un petit ouvrage théorique sur le jansénisme. Contresens complet de l’auteur qui prétend que le jansénisme s’éteint au XIXe siècle alors qu’il triomphe pour la première fois sur le parti adverse. La France cesse d’être catholique peu à peu dès lors, jusqu’à en arriver à ce pays de démocrates-crétins sarkozystes aujourd’hui, qui lisent Proust, Heidegger ou Nitche et osent par-dessus le marché se dire “Français”, ces foutus bâtards apatrides ! Tariq Ramadan est plus Français qu’eux qui préfère Voltaire. Et Nabe-Zanini est un des derniers Français, alors qu’il est Italien !

    *

    C’est un tel triomphe des idées jansénistes au XIXe siècle qu’il n’est plus besoin de parti janséniste pour les défendre. Lorsqu’on étudie l’essence du jansénisme, ou l’essence du christianisme, ou l’essence de la religion laïque, on n’a qu’une vue partielle de ces phénomènes religieux.
    Qui oserait prétendre qu’en se rangeant du côté d’Horkheimer, d’Adorno, de l’idéalisme allemand, et même de saint Augustin, Benoît XVI va à contrecourant des idées mondaines ? Les derniers séminaristes en France étudient Kant et Heidegger, Pascal, non pas Joseph de Maistre ou Francis Bacon, Claudel.

    Lucien Jerphagnon raconte qu’en inaugurant son cours sur saint Augustin dans les années soixante, dans une faculté fréquentée par de nombreux “marxistes”, il s’attendait à des réactions hostiles. Jerphagnon a raison, un marxiste a en théorie autant de raisons de s’opposer à saint Augustin qu’un catholique orthodoxe au jansénisme ou au calvinisme (Tandis que Marx, en revanche, n’hésite pas à rendre un hommage discret à un théologien comme Duns Scot - attaqué par Benoît XVI au contraire -, ou à inviter Lamennais, traducteur de L’Imitation de Jésus-Christ, à collaborer aux Annales franco-allemandes.)
    Il n’y eût pas de réaction marxiste au cours de Jerphagnon. Y a-t-il eu jamais réellement des communistes en France ? Très peu, des communistes “instinctifs” comme Picasso ; ou des communistes “pascaliens” comme Mitterrand ou Drieu La Rochelle, c’est-à-dire des mutants.
    La totale indécision de la France en 1940, signalée par Drieu, s’explique en partie de cette façon. Un côté penche pour les Russes, l’autre pour l’Allemagne.
    On en est resté là d’une certaine façon. La faille entre les deux plaques tectoniques idéologiques traverse la France, ce qui explique son “immobilisme” ou sa “résistance”, suivant le côté où on se place. La faille traverse parfois le Français lui-même. Cette faille on la retrouve chez Drieu et Mitterrand, Français “exemplaires”.
    Aujourd’hui il y a Nabe, d’une part (plus anti-américain que les communistes ou que Le Pen), et BHL à l’opposé (dont la furia pro-américaine ne va pas, hélas, jusqu’à le pousser à émigrer à New York), mais la grande majorité des Français est partagée.

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    L’hérésie du parti communiste français, c’est d’avoir rapproché Marx de l’athéologie de Feuerbach. Contre la vérité, cette vérité que dès les premières lignes des thèses sur Feuerbach (Ad Feuerbach), Marx et Engels caractérisent l’hérésie de ce théologien allemand nénamoins CRUCIAL, et condamnent son matérialisme.
    Feuerbach est d’ailleurs “Ionien”, il le dit lui-même ; ce qui le rapproche de saint Augustin. Tandis que je mets quiconque au défi de démontrer que Marx et Engels sont des penseurs “néo-païens”.

    Le parti communiste français, en réalité, n’a fait que répéter cette erreur de l’Eglise catholique qui consiste à s’approprier Dieu, la Vérité, alors que pour Marx la Vérité est transcendante, objective, comme Dieu l’est pour un catholique, et non pas immanente. Pour un démocrate-chrétien comme pour un laïc athée, Dieu et la vérité sont “intérieurs”. Aussi sont-ils comme des bouddhas, remplis de certitudes indigestes.
    La vérité, le démocrate-chrétien s’asseoit dessus.

  • Croisade moderne

    Le comble de la bêtise haineuse dirigée contre les musulmans a été atteint par Robert Redeker à la Une du Figaro. Rien d’étonnant lorsqu’on sait que cette pelure est actionnée en sous-main par un marchand d’armes pro-américain qui, en tant que marchand d’armes, est tout sauf intéressé à la paix.
    Il paraît que les avions Dassault sont même si mal fichus qu’il faudrait au moins un guerre nucléaire mondiale pour décider la clientèle potentielle à en acheter.

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    Mais Redeker n’est qu’un pion, un petit hussard laïc sans raisonnement. Plus sophistiqués sont les arguments du professeur Alain Besançon pour tenter de diminuer l’islam aux yeux du public chrétien de France ; ces arguments ont été publiés récemment dans la revue démocrate-chrétienne libérale Commentaire (Les rares démocrates-chrétiens dotés d’une cervelle lisent cette revue, tandis que les autres se contentent du Figaro ou du Monde comme pain quotidien.)

    Besançon part d’une typologie élaborée par le concile de Vatican II dans le cadre de sa doctrine œcuménique.
    De manière spécieuse, cette typologie fait de la religion juive la religion la plus proche du catholicisme. Ça n’a pas beaucoup de sens. Il suffit de lire les Actes des apôtres pour se rendre compte de la très vive opposition d’une partie des Juifs au christianisme, allant jusqu’à la lapidation de saint Paul (s’adressant aux Juifs : « Prenez donc garde qu’il ne vous arrive ce qui est dit dans les Prophètes : Voyez, contempteurs, soyez étonné et disparaissez, parce que je vais faire en vos jours une œuvre, une œuvre que vous ne croirez pas si on vous la raconte. » Actes XIII, 41.)
    Le Concile de Vatican II a pris la responsabilité d’occulter cette opposition entre Juifs et chrétiens et la mise en garde de Paul (soulignée contre vents et torrents de boue par L. Bloy), mais la gnose du concile est rien moins que discutable.
    L’Ancien Testament est bien sûr la matrice du christianisme, mais pour que le judaïsme et le christianisme soient des religions “sœurs”, il faudrait que les Israélites eux-mêmes reconnaissent l’Ancien Testament comme la matrice du Nouveau, et cela ne se peut sans que les Juifs deviennent chrétiens.

    Rien d’étonnant à ce que Besançon confirme Vatican II sur ce point. En revanche, il infirme le rapprochement opéré par Vatican II entre le catholicisme et l’islam, musulmans et catholiques ayant au moins Abraham, Jésus et Marie en partage.
    Pour Besançon l’opposition est plus radicale entre l’islam et le catholicisme où “les attitudes physiques de l’adoration” ont presque disparu.
    Une remarque significative des idées d’Alain Besançon : « Pour l’islam (…) Dieu est évident. Son existence se constate dans l’ordre du monde sans qu’il soit besoin d’un raisonnement supplémentaire. Il est aussi évident que le soleil dans le ciel bleu. »
    Drôle de prise de position ! Besançon n’a pas l’air de savoir que pour saint Augustin comme pour Duns Scot, Roger Bacon, Francis Bacon, Léonard, Newton, Baudelaire, Bloy, Claudel, pour citer quelques catholiques éminents, Dieu est aussi évident que le soleil dans le ciel bleu ; ainsi que pour beaucoup d’autres encore moins éminents.
    On comprend mieux l’idéologie de Besançon avec cette autre définition. « Dans l’esprit du christianisme, on ne connaît le vrai Dieu que si l’on entre dans les voies par lesquelles il s’est fait connaître. » En effet, si cette phrase ne veut rien dire de très précis, on y reconnaît la mentalité protestante ou démocrate-chrétienne pour qui Dieu est une sorte de quête spirituelle, une sorte d’approfondissement de la foi en Dieu (qui n’est pas évidente au départ).

    Par conséquent on voit que si le parti de Besançon est moins brutal, celui-ci passe par les mêmes raccourcis peu orthodoxes que son corréligionnaire Redeker.

    *

    Mais le plus intéressant est ailleurs. La seule remarque vraiment réaliste de Besançon, c’est que l’indifférence en matière de religion est aujourd’hui en Europe un fait majeur, que les musulmans, les juifs et les chrétiens pratiquants ne représentent qu’un très faible pourcentage de la population. Pour une fois Besançon est à peu près objectif.
    Mais une autre évidence corrélative que Besançon se garde de relever, c’est que la prétendue “indifférence religieuse” n’en est pas une. Il n’est que de voir le fanatisme des autorités laïques à combattre toutes les religions qui ne relèvent pas des autorités laïques, pour comprendre cette ferveur laïque. On pourrait citer cinquante grands-prêtres de cette religion, occupant de hautes responsabilités, et leurs dogmes laïcs, sans peine.
    Et c’est ça qui est intéressant. Pourquoi les démocrates-chrétiens comme Besançon, qui prétendent à un peu de subtilité, refusent-ils de reconnaître le caractère religieux manifeste du régime laïc ? Si réel que certains athéologiens comme Feuerbach le démontrent positivement, et que d’autres comme Diderot ou Nitche, l’incarnent ? (Feuerbach est le Thomas d’Aquin de la religion laïque, et Nitche son Augustin.)
    La réponse est simple. Tous les savants sophismes de Besançon ne servent qu’à masquer cette réalité religieuse laïque, car il n’est pas bien difficile ensuite de comprendre que si le républicanisme est une religion, la démocratie-chrétienne n’est qu’une secte à l’intérieur de cette religion.
    Un exemple frappant d’adaptation de la morale démocrate-chrétienne à la morale laïque, c’est le consensus quasi-général des évêques de France sur l’avortement. Ou encore cette injonction du cardinal Barbarin (le bien nommé), faisant du fait de voter un devoir chrétien, et par conséquent du fait de ne pas voter un péché.

    Aux démocrates-chrétiens laïcards comme Redeker ou Besançon, à Mgr Barbarin, musulmans comme chrétiens orthodoxes peuvent opposer le passage des Psaumes juifs où il est dit que “les dieux des nations sont des démons” puisque ceux-ci sont férus d’Ancien Testament.

  • Le Jansénisme pour les Nuls

    A propos du style de saint Augustin : il est certain qu’on n’entendrait plus parler de la théologie de saint Augustin aujourd’hui sans le style si personnel, si vivant, des Confessions, qui fait appel aux sens du lecteur.

    Les admirateurs de saint Augustin : Calvin, Luther, Jansénius, Feuerbach, Lucien Jerphagnon, Joseph Ratzinger, n’auraient-ils pas mieux fait d’écrire à leur tour leurs confessions, comme Rousseau ?

    L’originalité de Rousseau, c’est que de sa position de puritain genevois, sa biblique frayeur des sodomites, des prêtres catholiques, "a fortiori" des prêtres catholiques sodomites (!), il évolue vers une doctrine quasiment “pélagienne” plus conforme au Nouveau testament, dans laquelle le péché n’est plus l’axe primordial. Il fait le chemin de la morale à la politique.
    Au contraire de son ami Denis Diderot, sympathique catholique langrois aimant la bonne chère et boire dans la compagnie de ses amis,
    qui en théorie est un moraliste acharné, allant jusqu’à théoriser un théâtre moral et une peinture morale.
    L’héritier de Pascal au XVIIIe siècle et des jansénistes, c’est Diderot, non pas Rousseau bizarrement.
    Diderot et Pascal ont en outre ceci en commun d’être de piètres scientifiques. Diderot en est resté à la science de Lucrèce, d’où il tire son athéisme. Quant à Pascal, il est en retard sur les découvertes astronomiques. Tous les deux sont fascinés par la géométrie qu’ils assimilent à l’espace. Diderot est considéré généralement comme un “matérialiste”, mais il n’est pas difficile de voir que son matérialisme est en fait un idéalisme. Diderot a le bon goût, de mon point de vue, de proférer ses blasphèmes à l’extérieur de l’Eglise et non à l’intérieur comme Pascal fait.

    Ce sont les communistes français qui ont forgé le mythe de l’emprunt du matérialisme de Marx à Diderot. Alors que le matérialisme de Marx vient de Locke, de Shakespeare, de Balzac.
    Benoît XVI perpétue ce mythe dans son encyclique, alors qu’il n’est pas difficile de comprendre que l’idéalisme cauteleux des penseurs libéraux ne fait que servir de prétexte à la gabegie des bâtards capitalistes qui ne jurent que par le gadget : gadget scientifique, gadget littéraire, gadget moral, gadget politique - c’est là que se situe concrètement le matérialisme, chez ces gens qui n’ouvrent leur gueule que pour parler d’éthique.

  • L'Essence de la démocratie-chrétienne (II)

    “L’essence de la démocratie”, “L’essence de la pensée démocrate-chrétienne”, c'est une allusion à Feuerbach, quand même moins nul que Kant ou Nitche.

    Il faut signaler la médiocrité des exégètes marxistes français ici. On ne peut pas affirmer que Marx emprunte à l’athéisme de Feuerbach sans remarquer également l’opposition presque radicale de leurs modes de raisonnement. Marx est un antiphilosophe qui rejette le raisonnement dit “ontologique” de Feuerbach, c’est-à-dire un raisonnement spéculatif et antihistorique, antipolitique. Nul n’incarne mieux que Marx le retour à la raison grecque, à ses principes écartés par la bourgeoisie et par les barbares yankis.
    Feuerbach, n'est qu'un philosophe aimant les sophismes.
    On a tort de croire que Marx a exercé une influence sur la société française, à l'exception de quelques historiens subtils. Les élites en France sont républicaines ou démocrates-chrétiennes, tournées vers le passé, attachées à de vieilles lunes, et par conséquent imperméables à la modernité de Marx. On confond Marx avec Trotski, alors que celui-ci n'est qu'un opportuniste, comme ses disciples français, Lionel Jospin en tête. Quel rapport entre le jargon idéologique de Lionel Jospin et Marx ? Encore faut-il reconnaître à Trotski et à Lénine le mérite d'avoir importé en Russie la pensée occidentale de Marx.
    Le marxisme chez nous a largement été étouffé par les palinodies de Sartre, prophète de l’égotisme bourgeois, les mièvreries de Debord ou de Baudrillard, qui plaisent tant aux bobos. Sous prétexte d’actualiser Marx, on n'a fait que le désamorcer.
    En revanche, oui, les sophismes de Feuerbach imprègnent largement les dogmes démocratiques en vigueur. On peut d’ailleurs dire de Feuerbach qu’il est le trait d’union entre la pensée démocrate-chrétienne et le paganisme. Un démocrate-chrétien qui lirait L’essence du christianisme plutôt que Harry Potter ou Johnatan Littell, il se verrait dedans comme dans un miroir.

    *

    Quelle est la théorie de Feuerbach ? De façon systématique (et assez fastidieuse), Feuerbach s’applique à “retourner la chaussette” ; ce n’est pas Dieu qui a créé l’homme à son image, mais l’homme qui a créé Dieu à son image.
    L’erreur de Feuerbach est assez criante et elle a certainement frappé Marx et Engels, dont l’enthousiasme pour Feuerbach fut passager. C’est typiquement une erreur de puritain et d’iconoclaste protestant. D’ailleurs l’idéologie, en général, n’est-elle pas une forme de puritanisme, un dégoût des choses matérielles et de la peinture dont la société de consommation et le cinéma sont l’aboutissement logique ? Il n’y a pas de paradoxe dans cette société yankie puritaine dont l’économie repose de plus en plus sur l’escroquerie, l’abus de confiance et la prostitution.

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    Feuerbach, qui prend pour référence non pas la religion catholique mais le protestantisme, plus authentique selon lui (plus pur, croit-il), et une partie de la théologie chrétienne, confond religion et théologie. Pourquoi ? Parce que c’est lui-même un théologien, un athéologien si on veut. La théologie est l’opium des intellectuels, voilà en réalité la démonstration involontaire de Feuerbach.
    Il croit démontrer que l’homme a inventé Dieu à son image alors qu’il prouve, ce n’est pas faux et c’est ce que Marx a retenu, que la théologie n’est qu’anthropologie. On n’est pas loin de ma démonstration que la pensée démocrate-chrétienne tend à n’être qu’un paganisme ordinaire.

    Ce que Marx a emprunté à Feuerbach, c’est seulement la volonté de gratter les sépulcres blanchis de la bourgeoisie, de s’intéresser aux mobiles. La condamnation du régime birman pour mieux "dealer" avec la Chine : immondes capitalistes !

    Mais Marx creuse beaucoup plus profond. Alors que les interprètes français de Marx, dans leur grande majorité, Althusser, Balibar, etc., ont fait de Marx un philosophe ordinaire, comme Feuerbach.

  • L'essence de la démocratie-chrétienne (I)

    La pensée démocrate-chrétienne participe du paganisme actuel. Pas besoin d’être grand clerc pour voir que tout l’effort de la démocratie-chrétienne a consisté à élaguer le catholicisme pour le faire entrer dans le moule du libéralisme.

    Comparons la France aux Etats-Unis : dix pour cent de croyants d’un côté, quatre-vingt dix-neuf de l’autre. Mais opposer radicalement ces deux nations n’aurait pas de sens. Français et Yankis, majoritairement, ont désormais des croyances, des principes communs.
    Le niveau de la pratique religieuse aux Etats-Unis dissimule un relativisme au moins aussi fort qu’en Europe, une absence d'esprit scientifique de plus en plus flagrante.
    François Mitterrand a pu dire en privé : “L’Amérique, voilà l’ennemi !”, mais Mitterrand était un Français de souche, élevé dans le catholicisme, puis proche des idées de Maurras, gagné enfin par des idées socialo-marxistes, son cas reste exceptionnel (un "itinéraire" proche de celui de Drieu La Rochelle).

    *

    La pensée démocrate-chrétienne a emprunté la voie du relativisme pour trahir le catholicisme. C’est très net dans le cas de politiciens comme François Bayrou, Jean-Pierre Raffarin, Xavier Darcos, Pierre Méhaignerie, Pascal Clément, etc. : au catholicisme, méthode concrète, a été substitué un double langage sur le modèle du byzantinisme kantien.
    Tel le fameux épisode de l’Evangile où les Pharisiens tendent un piège à Jésus, lui demandant s’il faut ou non payer l’impôt à César ? « Rendez à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César ».
    Les démocrates-chrétiens se sont appliqués dans leur catéchèse à trahir le sens de l’Evangile. Ils lui ont fait dire l’inverse. En deux temps ; d’abord en bâtissant une idéologie peu catholique (et peu marxiste) selon laquelle il serait possible de scinder le plan politique et le plan religieux.
    Ensuite ils ont prétendu que Jésus, par ces mots, ordonne de payer l'impôt et d’obéir à César. En définitive, la doctrine des démocrates-chrétiens, c’est que César prime sur Dieu, le pharisaïsme sur l’Evangile. Et ils se conforment à cette doctrine.
    Alors que Jésus indique au contraire dans ses paroles la supériorité du royaume de son Père.
    Si Benoît XVI entend sincèrement restaurer la raison et l’esprit scientifique, il doit avant tout s’attaquer au double langage démocratique.
    Invoquer les racines gréco-romaines de l’Occident est largement insuffisant. C’est une abstraction de plus. Même les penseurs décadents Nitche ou Heidegger se réclament des Grecs et des Romains !
    Benoît XVI ne doit pas craindre de trancher, de séparer le bon grain de l’ivraie, la pensée profondément occidentale et moderne de Hegel, Baudelaire, Marx, Péguy, Bloy, Claudel, d’un côté, et la pensée barbare de Kant, Nitche, Heidegger, Freud, de l’autre. Sinon autant pisser dans un violon.

  • L'Essence de la Démocratie

    Pour un catholique marxiste, il n’y a pas véritablement d’athées, il est plus conforme à la réalité de parler de “paganisme”.
    La démocratie a toutes les caractéristiques d’une religion d’Etat, ce qui explique d’ailleurs le zèle des démocrates à condamner le catholicisme, l’islam, la scientologie, voire le communisme, bref tout ce qui paraît représenter une menace ou une concurrence pour les dogmes démocratiques et libéraux.

    Au plan juridique, les démocraties sont des théocraties, au même titre que les Etats musulmans ou que le Royaume-Uni, si ce n’est plus. Evidemment pour un marxiste l’idée abstraite de “théocratie” n’a pas beaucoup de sens. C’est un gadget des libéraux pour donner un air supérieur, émancipé, au régime bourgeois. Franchement est-ce que Robert Redeker, BHL, Finkielkraut, Michel Onfray, Luc Ferry, ont des gueules d’émancipés ? Ils ont plutôt l’air constipés et foireux. Les petits systèmes de pensée de ces Spinoza de poche ne passeront pas le quart de siècle. Ils le sentent et c’est ça qui les rend bilieux.

    Disons que l’athéisme en tant que tel fut seulement il y a quelques lustres le fait d’une toute petite minorité de philosophes indépendants comme Feuerbach, Nitche, Maurras, Sartre… Leurs théories leur servaient de chapelles personnelles. Ils sont en quelque sorte au paganisme contemporain ce que les chanoines sont au catholicisme.

  • Triptyque politique (I)

    « En Amérique, nous n’avons pas de tradition conservatrice aristocratique, ni de tradition marxiste ou socialiste. Nous sommes un pays fondamentalement libéral. Le spectre politique est plus limité qu’en Europe. »
    Samuel Huntington (“Manière de voir”, oct.-nov. 2007)

    En d’autres termes, l’élite nord-américaine n’a pas une conscience politique très développée, voire pas de conscience politique du tout, tout juste a-t-elle conscience, comme Huntington, de sa médiocrité.
    En effet, il se trouve que le marxisme d’une part, et le "conservatisme aristocratique" d’autre part, promu par des écrivains tels que Waugh, Barbey d’Aurevilly, Baudelaire, principalement, sont les deux pointes de la pensée occidentale. C’est parce qu’ils sont privés du marxisme et de la pensée réactionnaire aristocratique que les Yankis confondent l’invention du Viagra, de l’internet ou de l’I-pod, avec le progrès, la modernité.

    Un des points communs entre le marxisme et le “conservatisme aristocratique”, pour reprendre le terme d’Huntington, c’est la méthode historico-critique. Cette méthode a été abandonnée peu à peu en France depuis la révolution de 1789 sous les régimes bourgeois libéraux qui se sont succédés après que les fanatiques révolutionnaires ont perdu le pouvoir.
    Aujourd’hui la conscience politique, en France, malgré le recul historique dont nous bénéficions, est faible, étranglée par les démocrates-chrétiens, les socialistes, les libéraux de gauche et de droite, tous bâtards de la même idéologie funeste.

    Difficile de trouver en France de véritables réactionnaires, ou même des marxistes cohérents. Les penseurs marxistes français, Althusser, Balibar, etc., mélangent l’ordre des priorités chez Marx ; ainsi l’athéisme de Feuerbach n’est qu’un point de départ pour Marx et pas un point d’arrivée ! Eteindre le mysticisme, hégélien, de la pensée marxiste, est un contresens : ça revient à transformer le marxisme en système, en philosophie. Sans compter les sociologues ineptes comme Baudrillard ou Debord, qui ont pompé sur Marx quelques idées originales mais les ont maquillées avec des gadgets sociologiques roccoco.

    On a presque en France des penseurs marxistes “kantiens” ou "freudiens" : un comble ! La seule qui grimpe sur les épaules de Marx pour voir encore plus loin, c’est Simone Weil, et elle est presque entièrement marginalisée, diffamée dans “Les Temps modernes” de Lanzman par un yanki obtus.
    De Michel Onfray en passant par Luc Ferry jusqu’à Alain de Benoist, les idéologies les plus ringardes prolifèrent en France, qui fut naguère le pays des Lumières.

    Dans le domaine artistique, le terme de scandale n’est pas exagéré. La France qui, jusqu’au XIXe siècle, emportée par son élan, offrait un cadre politique à la production artistique la plus élevée, elle ne songe plus aujourd’hui qu’à singer le mercantilisme yanki. Quand j’entends parler d’art contemporain, je sors ma cravache.