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Table rase du cinéma

Pourquoi le cinéma yanki est-il plus intéressant que le cinéma français ? Cette question ! Et pourquoi les souchis sont-ils meilleurs au Japon, le cidre en Normandie ou la bande-dessinée en Wallonie ?
Les Yankis maîtrisent, voilà tout. Ils maîtrisent une industrie qui a perdu depuis longtemps la légèreté du début.
Les Yankis ne confondent pas le cinéma avec autre chose, le théâtre ou la poésie, par exemple.
Un peintre qui confond la peinture avec la sculpture s’expose à des déboires. La petite peinture bourgeoise ratée de Cézanne s’explique ainsi, par un aveuglement, un manque d’objectivité. Un artiste moyen qui respecte le cahier des charges produira une œuvre plus solide qu’un artiste largement doté qui emprunte une voie de garage. Cependant Cézanne se prête bien au format carte-postale.
On range bêtement Picasso dans la catégorie des peintres abstraits, alors que sa fortune critique (démesurée) tient au contraire à son classicisme, que son éclectisme trahit, de sa rupture d’avec la doctrine cubiste ; chez Picasso c’est l’artisan qui domine et lui évite de tomber complètement dans le panneau tendu par la philosophie, à l’instar de Braque, Franz Marc, ou dans une moindre mesure Kandinsky. C’est l’objectivité de Picasso qu’il faut remarquer, confronter à l’extrême stupidité doctrinale de Klee. Le plus concret, le plus madré, l'a emporté.

Si les Yankis n’éprouvent pas de complexe à s’adonner au divertissement pur, contrairement aux Occidentaux en qui l’amour de l’art, le désir de s’élever par l’art - “La beauté sauvera le monde” - subsiste à l’état de nostalgie, c’est parce que l’horizon yanki ne va guère au-delà du divertissement. Même leurs musées sont conçus comme des parcs d’attraction.
Cette bestialité “évolutionniste” est liée à l’absence de conscience politique des Américains. Déjà Hegel disait que l’Allemagne n’était pas un Etat. Par un autre chemin que Hegel, j’en arrive au même constat à propos des Etats-Unis. Les Etats-Unis ne sont ni un Etat, ni même DES Etats. Ils sont une sorte de parenthèse dans l’histoire.

Les Occidentaux, eux, éprouvent toujours le besoin de recouvrir leur cinoche d’une esthétique imbitable qui n’abuse que les bobos. La mesquinerie des bobos est telle qu’ils doivent s’appliquer à faire passer Karl Lagerfeld, Paul Bocuse ou Zinédine Zidane pour des “artistes”.
S’habiller, manger, se divertir, voilà pour le cahier des charges du bobo.

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Gros carton des séries télé yankies en ce moment, notamment auprès des femmes. On leur prête plus d’épaisseur psychologique. “Epaisseur”, c’est un peu exagéré, disons que la clientèle des psychanalystes, des curés démocrates-chrétiens et autres charlatans est plutôt féminine.
Non seulement le public des séries, mais le format aussi est différent. Ce n’est pas la même pornographie, axée plutôt dans les formats courts sur l'exploitation du sexe, de la violence et du bovarysme. Déjà l’allongement moyen de la durée des films s’expliquait par la volonté de jouer sur un ressort plus psychologique, afin de séduire une clientèle féminisée.
La victoire des séries sur le cinéma est non seulement une victoire féministe mais encore une victoire commerciale, car vendue sous forme de dévédés, cette sous-littérature cinématographique s’avère très lucrative. D’une façon générale, les conquêtes féministes sont indissociables des "progrès" du capitalisme. L’idéalisme de Simone de Beauvoir s’est mué logiquement en cette sorte d’impavide cynisme dont font preuve aujourd’hui des féministes comme Caroline Fourest et Christine Ockrent en tête.

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Sartre a démystifié dans Les Mots le cinéma de son enfance - “Inaccessible au sacré, j’adorais la magie” - distraction de petit bourgeois puritain escorté par sa “Môman”. "Le tout transformé en rien”, car en effet du point de vue de l’artiste le cinéma ne crée rien, ne peut rien créer d’autre, dans le meilleur des cas, qu’une sorte de magie. La caméra n'est pas un outil, c'est tout un procès. La production n'est pas un idéal, ni même un plan, c'est une stratégie commerciale.
A l’inséparable et odieux couple formé par le féminisme et le capitalisme, il faut ajouter l’inséparable et odieux couple formé par le puritanisme et la pornographie.
Voyez le bourgeois s’extraire à demi abruti de la salle obscure où il est demeuré aligné en rang d’oignons pour subir patiemment un spectacle conçu pour des masses de voyeurs… Cette fête triste n’inspire-t-elle pas la pitié ? Plus encore que la famine de l'Africain. A ceux qui n'ont pas faim donnez-leur du pain et non du cinéma !
Vivement qu’un art communiste et orthodoxe, à la fois populaire et sacré, vienne refermer la parenthèse. C’est du moins là l’espérance des derniers catholiques, qui s’oppose radicalement aux spéculations et aux martingales des bâtards démocrates-crétins.

Commentaires

  • "à demi abruti"
    Pas de trait d'union ! (à demi = adverbe)

  • Affirmations péremptoires, mais le tir est parfaitement ajusté. Bravo.

  • Une "affirmation péremptoire" ; bel exemple de locution démocrate-chrétienne !
    Méfiez-vous, l'attachement excessif aux conventions, l'orthographe en est une, est une caractéristique du bourgeois (qui prend aussi la géométrie et l'algèbre pour des sciences). Respecter l'orthographe n'empêche pas Finkielkraut, par exemple, d'être un abruti, au cas où vous n'auriez pas remarqué.

  • Je défends la plupart des conventions orthographiques, parce qu'elles témoignent d'un effort pluriséculaire vers la logique.
    "Les Etats-Unis ne sont ni un Etat, ni même DES Etats. Ils sont une sorte de parenthèse dans l’histoire" : ce passage est un régal. Je le trouve éminemment gaullien.
    Quant à Finkielkraut, chacune de ses interventions le prouve, c'est un homme courageux.
    Ces réserves ne m'empêchent pas d'apprécier votre style et de juger importantes une bonne partie de vos analyses !

  • (Sans réfléchir, j'ai mis "réserves" au pluriel : c'est parce que je sais que, non content d'abhorrer Alain Finkielkraut, vous êtes fort peu gaulliste !)

  • "Quant à Finkielkraut, chacune de ses interventions le prouve, c'est un homme courageux"

    "Finky" est un insatiable chalut, toujours paré à sonder l'air du temps et faire passer un anchois pour un silure.
    Il faut chercher loin pour trouver tel alliage de sophisme et de mystification. Mais il a le génie ou la chance de trouver adversaires haineux et sentencieux. "Finky", c'est Giordano Bruno à La Nouvelle Star. Rien ne rend un escroc plus sympathique qu'une police corrompue.

  • Quitte à éprouver de la sympathie pour une caricature libérale, j'aime autant choisir Sarkozy lui-même, qui les résume tous en un peu moins lâche, je présume.

    C'est la même bonhommie de Ricci qui le fait juger Finkielkraut courageux et De Gaulle anti-américain.
    Un caniche français serait anti-américain si on lui servait de la pâtée pour chien yankie. J'ajoute que la plupart des Yankis eux-mêmes, dès lors qu'ils ont voyagé un tant soit peu hors des Etats-Unis par l'avion ou l'art, sont instinctivement anti-américains.
    Je ne nie pas que cet instinct-là, De Gaulle l'ait eu, mais au plan politique je ne vois pas ce qu'il a fait d'autre que se laisser balloter au gré de l'histoire. Par ailleurs le système électoral gaulliste quasi-mafieux, l'UDR puis le RPR, est un cousin germain, si on peut dire, du système mafieux yanki.
    Un de mes aïeuls a été gaulliste quinze jours sous l'Occupation en zone occupée : il a vite compris de quel métal les gaullistes étaient faits, mi-jeunes crétins, mi-truands pressés de régler des comptes.

    De ce point de vue-là on ne peut pas dire que Sarkozy trahit le gaullisme. Vu que je n'ai pas l'âge de Bernanos, permettez-moi de préférer Lénine, ou même Napoléon et Hitler, au grand con monumental de Colombey. En dernier lieu j'ajoute que lorsqu'on est aussi laid, on évite de représenter la France au premier chef.

  • Ah, et puis l'orthographe n'est pas "logique", pas plus que la géométrie ou l'algèbre, ou alors c'est une logique kantienne (absurde) qui revient à accorder plus d'importance à la méthode qu'au but, à l'outil qu'à la réalisation.
    Ecoutez bien Finkielkraut : ce n'est pas parce qu'il parle beaucoup qu'il dit quelque chose.

  • "... de quel métal les gaullistes étaient faits, mi-jeunes crétins, mi-truands pressés de régler des comptes"
    > C'est le portrait des résistants communistes que vous faites là ! Les résistants du type colonel Fabien.
    Ils ne représentent pourtant qu'une partie du mouvement gaulliste...

  • Tous les historiens sérieux le disent, d'autant plus depuis que l'accès aux archives est autorisé, toutes tendances confondues (sachant que les communistes étaient ultra-majoritaires) : la résistance fut le fait de gosses incompétents dont la Gestapo n'ignorait nul geste ou déplacement.

    L'armée américaine est complètement débordée par la résistance irakienne, tandis que l'armée française était pervenue à maîtriser non sans difficultés la résistance algérienne, et la résistance française n'a pas posé beaucoup de problèmes à la Gestapo.
    La Résistance a donc joué un rôle de mythe justifiant le coup d'Etat opportuniste de De Gaulle. Aujourd'hui on nage en pleine propagande, mais si vous regardez ne serait-ce que "Le Chagrin et la Pitié" d'Ophüls qui date d'avant le matraquage télévisé, malgré l'orientation politique d'Ophüls, le mythe transpire.

    Il y a plus grave de mon point de vue de la part de De Gaulle qu'un coup d'Etat, c'est l'exacerbation de la haine anti-allemande déjà vivace en France, alors que l'alliance avec l'Allemagne est la seule façon de résister à la colonisation yankie. De Gaulle et les gaullistes ont déshonoré l'antigermanisme. Il y a une part de la pensée allemande qui tend vers le byzantinisme, le romantisme imbécile de Nitche est un bon exemple, ou le libéralisme de Kant, et ce penchant est incompatible avec l'esprit de progrès, l'esprit humaniste de la Renaissance, mais l'antigermanisme gaulliste est "primaire".

    Je ne crois pas qu'on puisse bâtir sur des mensonges historiques. C'est ce que veut dire Hegel lorsqu'il dit que l'Allemagne n'est pas un Etat. C'est une fiction juridique. La constitution de la Ve République est aussi une fiction juridique, une hypocrisie constitutionnelle. Plus le décalage avec la réalité est grand, plus le retour à la réalité est brutal.
    La bombe A, le pétrole, une gigantesque escroquerie comptable, voilà les réalités qui supportent la grande fiction yankie. Si ces piliers venaient à céder, l'Eldorado se changera vite en enfer.
    Les Russes, qui n'ont subi que des revers conjoncturels sont tout à fait conscients de la faiblesse structurelle de leur ennemi.

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