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Les Mystères Bacon

Emilienne Naert, à propos du traité de Hobbes "De la Nature humaine" (1640), tissu de spéculations archaïques, note :

"Il y a aussi un air de parenté entre l'athéisme et l'anti-christianisme de Hobbes et de d'Holbach."

De fait il est surprenant de constater à quel point Hobbes, qui fut pourtant son secrétaire, renverse complètement la théologie occitane de François Bacon pour fonder ou refonder le "judéo-christianisme" en plein XVIIe siècle. Hobbes n'a conservé de Bacon que l'argumentation contre l'exégèse romaine de R. Bellarmin (exégèse ô combien délicate du "Tu es Petrus...")

Ce que ne dit pas cette Emilienne, c'est que cette division en deux branches du "judéo-christianisme", l'une athée, l'autre pas, subsiste encore aujourd'hui. Michel Onfray d'une part, par exemple, et Rémi Brague de l'autre. Contemporain de d'Holbach, Diderot est aussi un bel exemple de janséniste athée, dont la particularité est de prendre toutes les théories libérales pour argent comptant, à l'instar d'un Tocqueville un peu plus tard.

Commentaires

  • Votre billet ouvre des pistes, mais laisse le lecteur sur sa faim.
    Vous serait-il possible de développer?

    Théologie occitane de François Bacon?
    Robert Bellarmin n'est connu de moi que pour l'instruction du procès de Galilée: et encore il est décédé avant l'issue.
    Diderot exemple de janséniste athée ?

  • Disons brièvement pour l'instant que la théologie de Bacon (stigmatisé par le pape actuel avec une mauvaise foi exemplaire - il est impossible de faire de Bacon le père de la technoscience balistique militaire nazie, soviétique ou yankie) possède plusieurs points communs avec une théologie que je qualifie d'"occitane" par commodité, mais qui n'est pas le seul fait de la réforme chrétienne combattue par Innocent III dans le Sud-Ouest de la France.

    - caractéristique l'anticléricalisme ou l'antimonachisme, très différent de l'anticléricalisme athée actuel, même si celui-ci lui emprunte certains arguments ; mais la raison de la faillite intellectuelle du clergé n'est pas selon Bacon l'excès de foi des savants, puisque Bacon est très loin de tenir la foi chrétienne pour un obstacle à la science ;

    - caractéristique l'anti-augustinisme (de là provient sans doute en réalité l'attaque inique de Benoît XVI), et derrière l'anti-augustinisme l'anti-platonisme. Cet aspect est décisif dans la science de Bacon : il tient Platon pour le symbole de la décadence grecque. En ça il diffère complètement, non seulement de la plupart des théologiens scolastiques qui le précèdent, mais des savants des siècles ultérieurs (le cas d'Aristote est plus compliqué à traiter en quelques lignes, mais on ne peut certainement pas faire de Bacon, sur la foi de quelques lignes "antipéripatéticiennes", un artisan de la rupture avec la physique d'Aristote, dont il est beaucoup plus proche que n'importe lequel de ses prétendus héritiers, Locke, Hume, etc.) (Comment prendre au sérieux un savant laïc qui comme Claude Allègre ose intituler un bouquin "La Défaite de Platon", alors que la science laïque n'a fait depuis le XIXe siècle qu'évoluer vers un épicurisme plus radical encore que celui de Platon ? Aucun des philosophes boches à la mode aujourd'hui qui plus est, de Sartre à Kant en passant par Heidegger, n'est sans lourde dette vis-à-vis de Platon).
    Moi-même, étant "baconien" et anti-augustinien, je tiens la théologie de saint Augustin pour très dommageable.

    - un autre point de convergence important mais plus difficile à comprendre entre Bacon et la théologie occitane, c'est son intérêt marqué pour l'évangile de Jean en général, et l'Apocalypse en particulier, probablement un des morceaux du NT dont il est le plus difficile de donner une interprétation "animiste" (Apocalypse que l'Eglise tente d'ailleurs actuellement plus ou moins de décrédibiliser complètement sur des bases scientifiques plus que fragiles ; le pape a d'ailleurs aussi exprimé sa foi et son désir de purgatoire, et le purgatoire est typiquement dans la conception matérialiste opposée un concept théologique anthropomorphique, typique du moyen âge et de ses efforts et difficultés pour résoudre la question de la division de l'âme et du corps. Bacon interprète le mythe d'Orphée comme un mythe renseignant sur la philosophie ; c'est bien ce que Benoît XVI est, un "pape philosophe" qui croit que seul le Styx sépare le chrétien du lieu de séjour des âmes séparées du corps.

    - Bellarmin est aussi la "tête de Turc" ou de "Romain" de Hobbes.

    - Diderot gobe spontanément presque tous les raisonnements puritains, contrairement à Voltaire ou d'autres représentants des "Lumières". Le lien démontré par Marx entre l'idéologie judéo-chrétienne puritaine et le capitalisme ou le libéralisme est indiscutable. Le "hasard" joue d'ailleurs presque exactement le même rôle (de "Deus ex machina") dans la religion laïque capitaliste que la "grâce" chez les jansénistes ou les démocrates-chrétiens. Qu'est-ce qui sauvera l'économie capitaliste en crise ? Le hasard. Qu'est-ce qui accorde des déterminismes opposés dans le transformisme néo-darwinien ? Le hasard. La "main invisible" de Smith est elle-même très hasardeuse. Le paradoxe de la théorie du hasard est qu'elle engendre aussi bien l'équilibre (offre-demande) que le chaos (théorie du "big-bang"). Mais la théorie de la grâce janséniste contient le même paradoxe.
    Goût de Diderot pour la géométrie algébrique également dont il a parfaitement perçu l'usage rhétorique qu'on peut en faire (en ça Diderot est moins con que Pascal qui prêche contre sa paroisse) pour démontrer l'inexistence de Dieu.

    Du reste ça n'est guère étonnant de la part de Diderot qui a reçu une éducation religieuse provinciale qui l'a sans doute profondément marqué.

  • Merci. Mais je ne suis pas en capacité de débattre.

    Juste une remarque à propos de
    "Goût de Diderot pour la géométrie algébrique également dont il a parfaitement perçu l'usage rhétorique qu'on peut en faire pour démontrer l'inexistence de Dieu" :
    proposez à Diderot une rencontre avec K. Gödel (ils sont tous deux de l'autre coté) pour en débattre. Ce serait marrant.
    Quant à traiter de con mon Pascal, je ne puis vous pardonner.

    Salut.

  • De tous les représentants de la religion judéo-chrétienne, je peine à en trouver un qui m'inspire plus de dégoût que Blaise Pascal. L'hommage des banquiers français à Pascal est parfaitement justifié, bien plus que l'hommage à Delacroix qui a tout de même voué les agioteurs aux gémonies (comme quoi on ne peut lire Shakespeare sans en sortir meilleur).
    La pseudo-science de Blaise Pascal et son génie contiennent l'anarchie satanique. Pascal détestait du reste l'art et les artistes et il est logique que ceux-ci détestent en retour cette face de carême emblématique du christianisme libéral.

    (La science profonde de François Bacon offre d'ailleurs un contraste saisissant à l'ignorance farouche de Pascal.)

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