L'argent est la seule valeur commune aux différents partis de France, sur laquelle on pourrait accorder laïcs, démocrates-chrétiens, syndicalistes, entrepreneurs, etc. Tous autant qu'ils sont.
Pourquoi chercher plus loin ? L'argent seul est assez liquide, à la limite gazeux comme on a pu constater récemment, pour nimber d'un même voile les valeurs féministes ou républicaines de Michel Onfray et celles, plus industrielles ou budgétaires de François Fillon. On ne trouvera pas de peau plus souple à tendre sur la grosse caisse de résonnance de l'âme française.
Il y a quelques années, d'ailleurs, lorsqu'il a été question d'abandonner le franc pour l'euro, les clercs les plus zélés de cette religion de petits propriétaires se sont émus vivement de l'abandon des anciennes valeurs de la "souveraineté nationale" ; "France, fille aînée de l'Eglise" : le maquignon d'ancien régime fiscal Philippe de Villiers est monté au créneau, dans le plus pur style troubadour, etc. Et les cours de la Bourse ont donné raison à ces alarmistes.
Nation à l'identité forte, on verrait sans doute les Etats-Unis se désagréger en cas de crise économique durable et de baisse du dollar absolue et non plus tactique.
Je milite surtout pour qu'on n'impose pas plus aux gosses dans les programmes scolaire de ce civisme oiseux à base d'identité nationale, qui est le contraire de l'histoire. Il ne faut pas croire qu'en 2010 les gosses sont assez cons pour ignorer les valeurs profondes de leurs propres parents.
Commentaires
Depuis l'Euro nous savons maintenant tous que le pouvoir de battre monnaie n'est plus un attribut de la souveraineté, comme autrefois, mais que c'est devenu l'inverse exactement.
Faire la monnaie avant l'Etat pouvait sembler un contresens historique, car jusque là c'était les Etats qui faisaient la monnaie. En vérité, ce renversement est très révélateur en effet : il y a une monnaie, mais il n'y a pas vraiment d'Etat européen souverain... De ce fait, il n'y a plus d'histoire des Etats, mais une histoire de l'argent. Pour comprendre cette nouvelle histoire, il faut donc se demander qui contrôle les banques centrales.
Vous avez l'air de croire, Porteur, que la souveraineté n'est pas seulement une façon satanique de diviniser le pouvoir ?
L'histoire des Etats est inséparable de celle des banques, à tel point que leurs mouvements de centralisation, qui a connu au XVIIe siècle une accélération, ces mouvements sont accordés.
Depuis l'Antiquité, le pouvoir, la religion et l'argent sont associés, notamment dans le culte du veau d'or.
Si l'Europe n'avait plus de souveraineté/pouvoir comme vous suggérez, elle n'expédierait pas des contingents de soldats dans le monde entier pour veiller à ses intérêts économiques, permettre le bon trafic des navires transporteurs de pétrole, etc.
En dehors de dénoncer le fatras d'hypocrisie et de mensonges, en grande partie d'origine chrétienne, qui habille la bestiole politique cornue, l'intérêt de la critique marxiste est de souligner que le paradoxe contenu dans l'argent est celui de l'homme même ; l'argent est aussi liquide que l'âme. Je serais étonné que Marx n'ait pas vu que Judas Iscariote a vendu son âme au Sanhédrin à cause d'une déception sentimentale/politique contre une somme d'argent.
De fait le suicide ou la mort sont inscrits dans la fonction politique, et le nazisme n'est jamais qu'une passion franche dans la politique, un libéralisme clair et net.
Oui Lapinos. Mais il n'y a pas de souveraineté européenne, non plus que de politique européenne (on peut éventuellement parler d'une politique atlantiste). Il n'y a qu'une monnaie européenne. J'ai même vu Dante sur des pièces de monnaie. Et aussi l'Enlèvement d'Europe et même le pape !
Marx préconisait une banque d'Etat, nous avons au contraire un Etat de banques.
Dante qui a dénoncé la simonie de plusieurs papes ne méritait pas contrairement à ce chien satanique de Blaise Pascal de figurer sur des pièces de monnaie !
A part ça je ne pige pas ce que vous appelez "souveraineté" ?
Au siècle de Dante, celui-ci reproche déjà au clergé de s'acoquiner avec les banquiers, qui détiennent le pouvoir. Les rapports entre les représentants du pouvoir et les banquiers ont toujours été conflictuels au cours des siècles, sur le modèle de la privatisation/nationalisation, mais sans cette alliance de l'Etat et de la banque, pas de capitalisme sous aucune forme (du fait que Dante soit un des premiers anticapitalistes vient certainement sa 'punition' par le clergé romain et l'occultation du fait qu'il est un théologien plus moderne que Thomas d'Aquin, ainsi que très en avance sur Luther, qui lorsqu'il voue les marchands allemands aux gémonies, ne fait que répéter Dante).
Vous savez parfaitement que la souveraineté est en politique ce que l'esprit d'entreprise est au cadre dynamique débile frais émoulu d'HEC ou Sciences-Po.
Il y a bien sûr une politique européenne, encadrée par la concurrence de la SARL Chine ou de la SARL Etats-Unis, politique qui a consisté notamment de la part des cadres sup. de la politique européenne à éviter de construire un Etat européen aussi bien contrôlé et régulé que les Etats-Unis.
Opposer la banque d'Etat à l'état de banque revient à opposer les Etats-Unis à l'Europe, qui ne sont pas radicalement différents.
Vous me faites penser à Drieu, si je puis me permettre (ce n'est pas du tout désobligeant) : "le ressort de notre monde se fausse, la science est devenue esclave d'une technique affolée ; la philosophie, la recherche de la sagesse, est remplacée par un intellectualisme dévorateur d'informations et de notions, sans but ni raison ; la vie morale, débridée, oscille entre un mysticisme satanique et un paganisme tourmenté de relents religieux."
Oui, bien sûr. Et puis quoi ?
Avant de devenir une "passion franche dans la politique", ainsi que vous le décrivez pertinemment, le nazisme a été financé par une politique d'une autre envergure.
- On peut regretter que Drieu n'ait pas craché dans la soupe bourgeoise plus tôt. Les nourritures terrestres bourgeoises sont de meilleure qualité que l'aliment spirituel du cochon démocrate-chrétien ou libéral, à base d'existentialisme nazi.
- Le tsunami pythagoricien vient de beaucoup plus loin que Drieu ne pense, et même sans doute Marx. Vous savez que le grand Charles (par la pensée, pas par la taille) voit en Voltaire le sommet de la pensée française, avant la pente. Eh bien plus je lis ou relis Voltaire, sûrement moins béat que Diderot, plus je me rends compte que la différence entre Pascal et Voltaire est ténue. Le reproche à Hitler d'avoir emprunté aux Juifs leur mystique du peuple élu, ce reproche s'il était justifié vaudrait pour Voltaire aussi, qui de ce point de vue n'a pas lu plus attentivement les Saintes Ecritures que les lévites juifs ou Pascal. Rabelais ou Molière sont donc à mon sens plus près du sommet de la pensée française que Voltaire. L'intelligence, il vaut mieux encore aller la chercher de l'autre côté de la fosse commune baroque.
- Dernier point pour signaler que la présentation du dialogue Voltaire-Pascal, dans l'édition Garnier-Flammarion, relève de la propagande universitaire habituelle, du grand n'importe quoi prétentieux, presque autant que les commentaires de Michelle le Doeuff & Cie sur Bacon.
"Après moi, le déluge." : votre morale n'est pas si loin de la conclusion du Candide-Voltaire après que son expérience de la vie l'a dégoûté du slogan ('capitaliste' ou 'quantique') de Pangloss-Leibnitz (notre Jacques Attali national, qui a le mérite de pousser la connerie mathématique jusqu'à l'absurdité extrême du gouvernement mondial et des petits hommes verts débarqués de Mars).
Opposer la culture aux syllogismes mathématiques des banquiers, c'est le socialisme même. Je ne suis pas sûr que Voltaire aurait été aussi hypocrite que Joseph Ratzinger pour demeurer socialiste en 2010, après deux siècles de catastrophe capitaliste maquillée en socialisme. "Cultiver son jardin" : c'est bon pour un Prussien électeur de Sarkozy.
Pardon Lapinos, je me suis très mal exprimé. La citation de Drieu (épinglée dans la biographie d'Andreu et Grover) me rappelait certaines de vos digressions. Drieu qui ignorait en 35 qu'Hitler n'était qu'une marionnette anglaise. Je voulais donc dire que Drieu, et vous, avez raison. Mais en matière de Déluge, précisément, le problème n'est pas là. Les analyses de Drieu, comme les vôtres, aussi fines, aussi intelligentes soient-elles, laisseront toujours Leviathan indifférent. Et pourtant, personne à ma connaissance n'est allé aussi loin que vous, avec autant de pénétration dans l'analyse, la filiation, et le procès du chaos. Ca, c'est sûr.
Je crois que c'est une question physique. Vous devez le sentir aussi. Je dois dire, je ne sais pas exactement pourquoi. J'eus pour la première fois cette impression en contemplant, encore enfant, la Victoire de Samothrace qui à l'époque toisait les touristes du haut des marches du Hall d'entrée du Louvre. Alors j'ai compris que j'allais en baver dans notre maudite époque démocratique de progrès et d'agiotage, d'aveuglement et de mort. Et de là, peu à peu, comment ne pas ressentir, dans notre fatal enlisement général, dans l'angoisse liquéfiante de l'indémerdable impasse humaine moderne, comment ne pas ressentir, comme seule issue expiatoire, libératrice, la tentation régénérante de l'apocalypse, la grande marée finale de la rédemption ? Comment ne pas souhaiter, de toutes nos fibres martyrisées, la chute de Rome, et l'éternel dimanche du septième sceau ?
"Après moi le déluge" ? Ben non, au contraire : avec moi !
Léviathan comme le "Titanic", son équipage et son orchestre, est indifférent contre tout ce qui ne se rapporte pas à lui. C'est précisément l'erreur de Drieu ou de Ratzinger d'être des socialistes mélancoliques quand Jésus ne l'est pas (Dans les saintes Ecritures, Eve et Judas Iscariote sont les représentants du socialisme ; quant à Pierre... possédé par Satan, traître, violent, ambitieux, sentimental : il a toutes les caractéristiques de l'homme d'Eglise ou de l'homme politique selon Shakespeare. Son rêve de gloire n'est pas très éloigné de celui de Judas. Ce sont un moindre narcissisme et une plus grande fidélité qui font la différence avec Judas.
C'est assez troublant que le pape Ratzinger s'en prenne à François Bacon qui a dénoncé comme Shakespeare ("Mesure pour Mesure") la loi morale naturelle comme le sophisme satanique derrière lequel tous les socialismes se cachent (du 'struggle for life' darwinien libéral-nazi à "l'esprit des lois" de Montesquieu -esprit persan-, jusqu'à la scolastique médiévale retorse).