La culture de masse - en l'occurrence la coupe du monde de football - et le totalitarisme sont indissociables. Autrement dit, je suis conscient de vivre dans une époque totalitaire, du fait de l'omniprésence de la culture de masse. Je suis également conscient qu'entre un régime tyrannique "oedipien" classique ou pyramidal et ce qu'il convient de qualifier de "totalitarisme", s'insère l'événement essentiel de la révélation par le Christ Jésus.
C'est cet événement qui détermine le changement de nature de la tyrannie, qui ne peut plus procéder depuis la résurrection du Messie des chrétiens du droit ou d'une philosophie naturelle classique, mais qui est contrainte de s'y adapter. Pour prendre une métaphore parlante, un transatlantique ne navigue pas de la même manière avec une voie d'eau sous la ligne de flottaison.
Quand la métaphysique rend mieux compte de l'histoire et de la science que la géométrie, il faut être un forcené et non un homme rationnel pour persister dans des explications qui, au demeurant, relèvent plus aujourd'hui de la pataphysique (voyage dans le temps, Boson de Higgs, mondes multiples, matière noire théorique) que de la science physique véritable.
La littérature de Shakespeare-Bacon est la révélation de cette révélation. Shakespeare a mis le pied dans la porte étroite qui mène au salut, en vérité, afin qu'elle ne puisse être refermée par les actionnaires du monde.
Un phénomène observable à propos de la culture de masse, c'est qu'elle n'est justifiée par personne, nul ne la revendique, en même temps qu'elle joue un rôle de sidération massif à l'échelle mondiale. Par "personne", je veux dire personne, hormis les tocards en état d'ébriété sous son charme, et une poignée d'intellectuels-journalistes incapables d'émettre autre chose que des truismes, dans le genre de Stendhal. Stendhal fait en effet l'éloge de l'opéra, qui contient la recette de la culture de masse telle qu'on la connaît aujourd'hui. Pour une raison aristocratique et artistique, Nitche a quant à lui fait machine arrière et modéré son enthousiasme primitif à propos de Wagner et de son art d'adjudant boche. On retrouve plusieurs caractéristiques de la culture de masse dans l'opéra, dont l'emprunt à la culture populaire de thèmes, vidés de leur sens la plupart du temps, et réduits au stimulus. Vue sous un autre angle, la culture de masse est la transmission du goût bourgeois au peuple, faute morale majeure que l'aristocrate s'interdit (Nitche), voyant bien la conséquence d'empoisonnement qui en résulte.
Mais, à l'exception de Stendhal et de quelques cas isolés, la critique est la réaction la plus courante, que le point de vue soit moral, politique, philosophique ou artistique. Cependant la culture de masse continue d'opérer, et les critiques demeurent, elles, inefficaces à endiguer la culture de masse, sur le plan moral ou politique ; y compris la critique radicale de Nitche, relativement cohérente, qui consiste à prôner l'éradication pure et simple du judaïsme et du christianisme afin de restaurer la civilisation et l'ordre naturel dont celle-ci découle. "Relativement cohérent", car aucune ligne du nouveau testament, ni aucune ligne de Shakespeare, d'ailleurs, ne permet de fonder une "culture chrétienne". Par conséquent Nitche, tel Don Quichotte, affronte un phénomène qui n'est qu'un leurre, dont il situe l'origine dans le témoignage des apôtres, alors que ce n'est pas son origine. Erreur volontaire de la part de Nitche ? C'est probable, en raison de contradictions majeures dans son étude du christianisme.
Une critique plus récente et plus cynique (j'y reviendrai), typique de l'intellectuel "post-moderne", consiste à assimiler la culture de masse à la culture populaire, c'est-à-dire à faire croire que la culture de masse répond à un besoin ou à une volonté populaire. On se situe là au stade ultime de la chiennerie libérale. La culture de masse n'est pas moins fastueuse et somptuaire que les jardins suspendus de Babylone ou le château de Versailles, ce qui est parfaitement dissuasif d'attribuer l'organisation de la culture de masse aux classes laborieuses.